Quand des sociologues taxent l’école de racisme

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Un an exactement après l’attentat perpétré contre « Charlie Hebdo », un opuscule accuse l’École d'islamophobie.

Les auteurs de cet essai1 sont une sociologue et un maître de conférences en sciences de l’éducation : Béatrice Mabilon-Bonfils et François Durpaire. Dans une tribune parue le même jour, cette dernière pose cette question iconoclaste : « L’école de la République est-elle islamophobe ? »2

Elle l’est, affirme plus catégoriquement l’ouvrage : l’islamophobie est d'ailleurs assimilée à la xénophobie3. Le choix du 7 janvier établit un lien entre école islamophobe et terrorisme, comme le confirme le dernier chapitre du livre :

« L’analyse des rapports de l’islam et de l’école présente un intérêt scientifique : il y a bien une islamophobie dans l’école qui est aussi une islamophobie de et par l’école […] Les attentats de janvier 2015, puis du 13 novembre 2015, ont été une remise en cause pour l’école de la République. Les terroristes, pour ceux qui étaient français (tous l’étaient lors de la première vague d’attentats), ont eu à fréquenter entre 40 et 50 professeurs au cours de leur scolarité avant de projeter la destruction des valeurs de leur propre pays.  »

Et sur le site de l'éditeur :

Les attaques du 13 novembre 2015 interrogent sur le ressentiment de jeunes radicalisés qui ont fait leur scolarité au sein du système éducatif français.

On ne peut malheureusement pas exclure des comportements islamophobes, xénophobes ou racistes dans l’Éducation nationale, une population cependant « traditionnellement rétive » au vote FN, même avec la poussée récente de celui-ci4. Mais, pour les auteurs, ce « racisme sans raciste » s’incarnerait néanmoins dans la pratique quotidienne de centaines de milliers d’enseignants : Béatrice Mabilon-Bonfils et François Durpaire s'appuient notamment sur une petite enquête prétendant montrer chez les professeurs des représentations moins positives (devenant une « peur ») envers l'islam qu'envers les autres religions.5

L'accusation de « racisme institutionnel » ne peut pourtant qu’indigner ceux qui ont précisément à cœur de ne pas reproduire dans leurs classes les inégalités de notre société.

La gravité de ces accusations proches de la diffamation collective et portées contre une institution - qui n’avait, à vrai dire, guère besoin de cela - mérite donc qu’on étudie de plus près les sources sur lesquelles elles s’appuient. Cet ouvrage se propose en effet de faire « un état des lieux qui s’impose – parce qu’il n’a jamais été mené – du rapport de l’école de la République à l’islam ». Selon l’éditeur, « il ne s’agit pas là d’impressions jetées en pâture au débat polémique, mais du résultat d’années d’enquêtes et de recherches scientifiques. »

Des sources… de perplexité

Dans d’autres chapitres, les auteurs accusent la laïcité (chap. 1) ou les programmes d’histoire (chap. 3) d’islamophobie. Nous restreindrons pour notre part notre analyse au chapitre 2, qui a donné son titre à l’ouvrage. Dans ce chapitre, les enquêtes et recherches ne sont pas celles des auteurs.

  • La ségrégation externe des établissements scolaires
« L’école ne se contente pas de subir la ségrégation urbaine et son évolution. Elle fabrique elle-même de la ségrégation, voire en génère : car interagissent ainsi les stratégies résidentielles et scolaires des familles, le découpage mais aussi l’assouplissement de la carte scolaire, la gestion des dérogations, les politiques des établissements (offre d’options spécifiques, par exemple) et la constitution des classes. »

Les accusations selon lesquelles la carte scolaire, les dérogations ou la politique d’options seraient motivées par l’islamophobie ou le « racisme institutionnel » ne sont ici pas étayées.

De fait, si les stratégies d’évitement familiales s’élaborent en fonction de la carte scolaire, comme le reconnaissent Béatrice Mabilon-Bonfils et François Durpaire6, ce n’est pas la preuve que l’école « génère de la ségrégation » mais qu’elle est impuissante à la résorber. Les dérogations sont rares et notamment accordées aux boursiers sociaux, à rebours de toute ségrégation. Et les options, qui ne concernent pas le primaire, sont au contraire conçues par les chefs d’établissement comme une des dernières possibilités de maintenir une certaine mixité sociale en maintenant l’attractivité de leur établissement7.

Bref, si l’école subit de plein fouet la ségrégation urbaine, rien n’indique qu’elle y participe activement.

Il est, en revanche, une ségrégation institutionnelle que cet ouvrage ne mentionne nulle part (c’est, semble-t-il, l’habitude d’une certaine sociologie moderne8) : celle de l’enseignement privé, ségrégation qui peut (dans certains cas) s’opérer sur des critères ethniques9.

  • La ségrégation interne des établissements scolaires

Dans les établissements, Béatrice Mabilon-Bonfils et François Durpaire accusent d’hypothétiques «  classes de niveau ». Pourtant une étude (très récente) du CNESCO10 a démontré que la ségrégation scolaire (fondée sur le niveau scolaire) est « relativement limitée au collège, où elle varie de 7 à 9% », ce que savent tous les professeurs du collège.

S’appuyant sur les « prénoms musulmans »11 dans deux écoles maternelles du Vaucluse, Béatrice Mabilon-Bonfils et François Durpaire découvrent également ce que n’importe quel enseignant sait depuis longtemps : il existe des différences frappantes selon les écoles12.

« Le pourcentage de prénoms musulmans est de 89 % dans la première école et de 14 % dans la seconde école. […] La même observation peut se faire au lycée, dans les séries – technologiques ou générales – du baccalauréat. »

Ce sont - précisément - des observations très différentes. La première ne montre précisément aucune « ségrégation interne » et reflète la ségrégation résidentielle : l’homogénéité des prénoms s’observe en effet à l’identique dans chaque classe d’une même école.

Au lycée, les auteurs affirment que « les établissements peuvent organiser une ségrégation interne, prenant en compte à la fois le sexe, l’origine ethnique et le niveau scolaire ». Les séries au lycée seraient donc utilisées pour séparer les élèves selon l’origine ethnique ou la confession religieuse. Problèmes : à l’appui de leurs affirmations, Béatrice Mabilon-Bonfils et François Durpaire citent non seulement des travaux qui ont entre vingt et vingt-cinq ans13 (l’un s’appuyant même sur des travaux portant sur la période… 1960-199014) mais surtout des travaux portant exclusivement sur le collège. En toute rigueur, les deux auteurs, sans citer aucune autre source scientifique, en tirent des conclusions sur les filières actuelles du lycée :

« La surreprésentation des élèves musulmans dans les filières scolaires à faible rentabilité sociale, telles STMG ou ST2S, montre que la question ethnique n’est pas seulement surdéterminée par la question sociale. À performance égale, ces élèves ont plus de risque d’être orientés vers des filières dévalorisées. »

Les mentions au bac montrent les mêmes inégalités15 : pourtant les conditions de passage sont pour la plus grande partie anonymes.

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  • La ségrégation disciplinaire

Aucune étude n’est mentionnée à propos d’une éventuelle ségrégation par la discipline en classe.

Les auteurs s’appuient ici sur une et une seule étude, fondée elle-même sur l’analyse de trois conseils de discipline, en tout et pour tout. Cette étude se veut d’ailleurs prudente : « L’analyse qui suit ne prétend pas apporter un éclairage d’ensemble sur le traitement des problèmes disciplinaires dans un collège à recrutement populaire »16. Peu importe si les prénoms correspondent ici à trois cas particuliers : ils deviennent chez Béatrice Mabilon-Bonfils et François Durpaire – en toute rigueur scientifique - des prénoms génériques et une vérité générale dans le titre de leur sous-partie « Issam et Kader plus punis que Mathieu ».

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La corrélation effectuée par une autre étude menée il y a une vingtaine d'années (« les élèves les plus punis appartenant aux classes défavorisées dans lesquelles se trouvent de nombreux garçons d’origine maghrébine »17) devient tout simplement causalité chez Béatrice Mabilon-Bonfils et François Durpaire, en lien encore une fois avec la religion.

  • Dans la classe : la ségrégation « affective »

De la même façon, pour dénoncer l’absence de « connivence affective » des enseignants envers certains enfants, les auteurs s’appuient sur une étude de 1991 et une autre étude portant sur l’école primaire et datant… de 197818 : c’est d’une école bien lointaine que parlent Béatrice Mabilon-Bonfils et François Durpaire, preuve s’il en est d’une certaine déconnexion de l’école d’aujourd’hui. Pour mesurer l’écart, on pouvait, à l’époque et dans le cadre de recherches sociologiques, demander très sérieusement à des instituteurs ou institutrices s’ils trouvaient un enfant « répugnant ou repoussant » ou au contraire « attirant, plaisant ».

Mais il faut surtout ajouter que, si ces études s’intéressent l’une aux « origines asiatique, maghrébine et tsigane », l’autre aux « parents immigrés » en général (sans considération ethnique particulière), le terme « musulman » n’y apparaît nulle part. Difficile d’en conclure quoi que ce soit sur l’islamophobie ou les résultats scolaires.

  • Dans la classe : la ségrégation par l’évaluation et par l’orientation

Béatrice Mabilon-Bonfils et François Durpaire reconnaissent benoîtement que « s’agissant des effets des stéréotypes ethniques sur la notation, les travaux sont quasi inexistants en France. »

Pour asseoir leur thèse d’une notation à la tête de l’élève « musulman » ou non, Béatrice Mabilon-Bonfils et François Durpaire copient-collent le résumé d’une première étude, datant de 1998 et qui s’intéresse aux préjugés de diagnostic que peuvent faire des professeurs à partir de quatre cas virtuels d’échec scolaire qui leur sont soumis, avec des prénoms (Marion/Naïma) et des catégories socio-professionnelles (parent transporteur/médecin) différents19. D’éventuels préjugés, qui sont loin d’être irrationnels20, et qui n’ont donc de rapport démontré ni avec la confession religieuse ni surtout avec l’évaluation des élèves. Mais Béatrice Mabilon-Bonfils et François Durpaire citent cette première étude pour conclure - très scientifiquement - à « l’évaluation négative des jeunes musulmans » (sic).

Pour le reste, leur accusation s’appuie essentiellement sur une thèse21, très récemment soutenue devant Béatrice Mabilon-Bonfils. Cette thèse de sciences de l’éducation est fondée sur une expérimentation en primaire de « l’effet paravent des TICE » : elle consiste à comparer, à la suite de leurs échanges anonymes, les évaluations par leur professeur des mêmes élèves d'une classe, en étudiant les évolutions selon « l’origine supposée » des élèves à partir des « noms à consonance française » et ceux « à consonance étrangère » (p. 159).

Au-delà de certaines naïvetés numéristes d’une thèse pensant pouvoir révolutionner l’éducation avec les nouvelles technologies22, c’est son protocole et ses conclusions qui méritent d’être examinés. En effet, si l’auteur affirme avoir décelé chez les professeurs les « indices » d’un biais d’évaluation selon « l’origine ethnique » (sans autre précision) de leurs élèves (à partir de leur prénom), l’auteur a la prudence d’appeler à « relativiser » ses propres résultats23 en raison d’effectifs trop peu importants et d’absence de groupes de contrôle.

Béatrice Mabilon-Bonfils et François Durpaire, eux, ne s’embarrassent pas de précautions scientifiques pour transformer cette « corrélation » en causalité :

« L’usage d’une plate-forme numérique sur laquelle se déroule l’enseignement permet d’établir le constat de la réalité des stéréotypes des enseignants en fonction des origines de leurs élèves. »

Et d'appliquer ce « constat » déjà fragile aux seuls élèves musulmans ! Il devient tout simplement, chez nos deux auteurs, le titre d’une sous-partie (« Mouloud moins bien noté que Christophe ») et même le titre provocateur (et insultant pour tous les enseignants) de leur livre : Fatima moins bien notée que Marianne ! Or, au-delà des problèmes que posent quelques dizaines de noms pour déterminer la seule « origine ethnique » des élèves, le biais d’évaluation a en effet été relevé à partir de deux évaluations, d’un échantillon de 61 élèves24 mais surtout d’un échantillon de six professeurs seulement (dont le profil sociologique ou ethnique n’est pas renseigné).

Mais allons plus loin.

S’agissant du sentiment d’injustice que devraient ressentir les élèves ainsi ségrégués par l’évaluation, il est difficile d’en trouver la trace dans l’école. Au contraire, d’après le Ministère, 86% des collégiens et lycéens estiment que la notation est très juste ou plutôt juste25.

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Par ailleurs, l’ouvrage de Béatrice Mabilon-Bonfils et François Durpaire, s’il se réfère plusieurs fois aux travaux de George Felouzis en 2003, oublie de citer ici une de ses observations les plus intéressantes à propos de la notation (et de l’orientation)26. Ce sociologue, en comparant les résultats au contrôle continu et à l’examen du brevet des collégiens de l’académie de Bordeaux, a pu déterminer un biais d’évaluation exactement inverse pour les établissements où les « élèves allochtones » sont plus nombreux : les élèves y sont mieux notés pendant l’année mais moins bien notés à l’examen, dans les conditions de l’anonymat.

Il semblerait que « l’effet paravent » joue, malheureusement pour ces élèves, dans le sens inverse.

Quand les mots n’ont plus de sens

On peut évidemment contester le lien établi entre le nom ou le prénom avec une origine (devenant une appartenance) ethnique et une confession religieuse. Par exemple Fatima, musulmane... ou catholique ?

On le voit, déterminer l’origine ethnique d’un élève à partir de son nom ou de son prénom est déjà un postulat fragile27 : mais déterminer jusqu'à sa confession religieuse relève du même préjugé essentialiste qu’a récemment affiché un maire d’extrême-droite dans sa municipalité28.

Les raccourcis, dans l’ouvrage de Béatrice Mabilon-Bonfils et François Durpaire, deviennent parfois très problématiques : on glisse subrepticement d’élèves « issus de familles musulmanes » (en citant Georges Felouzis) à « élèves musulmans » ou « jeunes musulmans ». Voire absurdes lorsque les auteurs évoquent « les élèves du Maghreb, d’Afrique noire et de Turquie » quand ces élèves sont nés en France et français. Béatrice Mabilon-Bonfils et François Durpaire semblent victimes d’une pratique qu’ils reprochent à certains enseignants trop bienveillants : figer « une catégorie d’élèves dans une altérité supposée »29.

Bien sûr, pour les deux auteurs, la démonstration réside moins dans la pertinence de ce postulat que dans la réalité des préjugés à son sujet. Mais les deux auteurs n’ont – semble-t-il – pas songé qu’il pouvait y avoir de nombreux enseignants portant un nom ou un « prénom musulman », l’école demeurant encore aujourd’hui pour les catégories socio-professionnelles les moins favorisées une forme d’ascension sociale. À titre d’exemple, si l’on applique la même méthodologie des noms ou prénoms, près d’un reçu sur dix au Capes de mathématiques en 2014 porte un nom et/ou prénom à consonance seulement maghrébine : dès lors faut-il considérer ces professeurs de la République comme des musulmans ou comme des islamophobes  ?

À propos de la ségrégation étudiée dans l’ouvrage, même si Béatrice Mabilon-Bonfils et François Durpaire évoquent le « fonctionnement « aveugle » des institutions », une petite analyse lexicale s’impose.

En effet, les auteurs usent et abusent d’une part du terme « ségrégation » sans rappeler son sens sociologique précis30, d’autre part du terme « discrimination » (une cinquantaine de fois dans l'ouvrage), lequel implique un traitement inégalitaire des élèves : dans leur esprit il ne s’agit pas de constater des inégalités, mais de laisser croire qu’elles sont voulues. C’est ainsi que les auteurs n’évoquent pas une homogénéité mais « une véritable homogénéisation ethnico-scolaire » : « les établissements peuvent organiser une ségrégation interne ». Ou encore, dans le cursus scolaire, une « éducation séparée » avec une « mise à l’écart » en fonction de la confession religieuse des élèves : certains « sont cantonnés » (= maintenus enfermés) « dans des proportions considérables dans les établissements les plus défavorisés. »

Il ne manque plus que le terme « apartheid », renvoyant à une ségrégation étatique et employé déjà par d'autres sociologues de l'école31.

Quand la ségrégation et ceux qui en font l’objet deviennent ainsi brouillés, comment est-il possible de penser ? Entre ces implicites lexicaux et l’utilisation abusive des études auxquelles se réfèrent Béatrice Mabilon-Bonfils et François Durpaire, il s’agit moins de réfléchir que d’asséner une thèse : l’école est islamo-xénophobe.

La faute de l’école ?

Cette thèse qui accuse les « discours autoproclamés républicains » et fustige une école qui serait par essence reproductrice des inégalités est partagée par de nombreux progressistes-réformistes dans les milieux scolaires, comme nous l’avons déjà montré32. Avec l’accusation d’islamo-xénophobie, elle va encore plus loin : l’idéal universel de la République n’est-il pas, après tout, une universalité « conçue par et pour des hommes blancs » ?

Pourtant Béatrice Mabilon-Bonfils et François Durpaire connaissent bien mal l’école : ils dénoncent par exemple ses «  échecs massifs » quand, au contraire, sa réussite (apparente) n’a jamais été aussi éclatante : redoublements en voie de disparition, décrochage à son étiage le plus faible, prolongement inédit de l’espérance scolaire, réussite record aux examens etc.

Quand des socio-astrologues apposent un diagnostic aussi simpliste, idéologique et erroné des inégalités criantes dans notre école, il n’y a guère d’espoir de pouvoir les résoudre. On peut même s’interroger sur les graves conséquences que peuvent avoir de tels discours sur la confiance des parents et des élèves dans l’école républicaine. Les sociologues de l’éducation ne dénoncent-ils pas les prophéties auto réalisatrices de l’échec scolaire ?

Les inégalités scolaires ne trouvent pas leur source dans une politique ségrégative, mais dans une école qui, parce qu’elle faillit à sa mission, est de moins en moins capable de lutter contre la reproduction sociale.

La plus importante des ségrégations est celle qui enferme notamment, par des moyens trop timides, par des pédagogies erratiques et par une illusion de réussite, les élèves de l’éducation prioritaire dans un destin scolaire.

@loysbonod


Notes

[1] Béatrice Mabilon-Bonfils et François Durpaire, Fatima moins bien notée que Marianne (2016). Résumé sur le site de l’éditeur :

« Fatima moins bien notée que Marianne pour un devoir équivalent, Issam et Kader plus punis que Mathieu pour un même comportement, des écoles publiques qui concentrent 90 ?% d’enfants musulmans quand d’autres n’en comptent aucun, des manuels scolaires qui réduisent l’islam à l’islamisme… Il ne s’agit pas là d’impressions jetées en pâture au débat polémique, mais du résultat d’années d’enquêtes et de recherches scientifiques. Cette réalité a des conséquences. En janvier 2015, les réactions de certains élèves lors de la minute de silence en hommage aux victimes des attentats contre Charlie Hebdo questionnent sur le degré d’adhésion à notre République. Les attaques du 13 novembre 2015 interrogent sur le ressentiment de jeunes radicalisés qui ont fait leur scolarité au sein du système éducatif français. François Durpaire et Béatrice ­Mabilon-Bonfils n’en sont pas restés au simple constat. Ils proposent une « laïcité d’inclusion » en mesure de faire de l’école une arme puissante d’intégration, meilleur rempart contre les haines. »

[2] Béatrice Mabilon-Bonfils dans « The Conversation » du 7 janvier 2016 : « L’école de la République est-elle islamophobe ? »

[3] Avant-propos :

« Derrière le rejet et la peur de l’islam se cache la peur de l’autre, de l’autre qui nous ressemble, de l’autre proche mais pensé comme différent. »
« L’islamophobie est alors un phénomène social qui a peu à voir avec la critique légitime des religions et qui n’est pas réductible à un acte de rejet, quel qu’en soit le registre. Il est l’une des conséquences de la construction d’un « problème musulman » dont l’enjeu fondamental est la légitimité présentielle des musulmans, notamment ceux issus de l’immigration postcoloniale, sur le territoire national. »

[4] Dans « Les Echos » du 8 janvier 2016 : « Le vote FN explose chez les policiers et les militaires »

La moyenne nationale était de 27,3% aux dernières élections régionales :

« Population traditionnellement rétive, les professeurs des écoles (9,8%) et les enseignants du second degré (9,2%) résistent encore à la poussée du FN mais ce dernier augmente sensiblement et flirte désormais avec la barre des 10%. Ils avaient respectivement voté à 6 et 5% en 2012. »

[5] Chap. 4 : « Et les profs ont-ils peur de l'Islam  ? »

Diffusée en ligne par des listes de diffusion de professeurs, par Les Cahiers pédagogiques, par le Café pédagogique, par la Maif, l’enquête a recueilli 255 réponses. Des professeurs de toutes disciplines ont répondu, avec une surreprésentation de professeurs de sciences économiques et sociales probablement liée à la discipline initiale de l’un des auteurs de l’ouvrage. Il est fort probable que cette surreprésentation minore encore les résultats obtenus en matière de position atypique de l’islam par rapport aux autres religions.

Exemples de questions posées pour évaluer « l'islamophobie » des enseignants :

- Quel est pour vous le degré de compatibilité (de l'athéisme ou de l'agnosticisme/de l’islam/du christianisme/du judaïsme) avec la République ? Faible ou très faible : 5%/36%/17%/20%)

- Pour vous, (l’islam/le christianisme/le judaïsme) est-il favorable à l’intégration à la société française ? Non ou pas du tout : 38%/16%/23%

- (L’islam/le christianisme/le judaïsme) est-il favorable, défavo­rable, indifférent à certains apprentissages scolaires (SVT, philosophie, EPS, etc.) ? 51%/32%/30%

- Est-ce que certaines religions posent problème au quotidien des établissements scolaires ? Réponse : l'islam à 76%

Il est intéressant de remarquer le glissement de ces questions à la conclusion des deux auteurs : la « peur de l'islam ». A noter également que, dans le « Café pédagogique » du 11 janvier 2016, cette petite enquête (à laquelle le site a collaboré) est présentée comme un « sondage ».

Sur ce « racisme institutionnel », voir chap. 2 : « Les musulmans à part : de l'école de la République à l'éducation séparée »

« Le « racisme institutionnel » : un racisme sans raciste... Certains mécanismes institutionnels créent à l’école des inégalités ethniques et le fonctionnement « aveugle » des institutions produit et reproduit silencieusement des discriminations, et notamment des discriminations ethniques. […] « La discrimination systémique est à relier à celle du racisme institutionnel, qui n’est pas à repérer dans l’attitude de quelques individus mais dans la logique d’un système qui conduit à désavantager systématiquement certaines catégories socioculturelles. Il se définit comme l’échec collectif d’une organisation à fournir un service approprié et professionnel à des personnes à cause de leur couleur, culture ou origine ethnique. Il peut être constaté ou détecté dans des processus, attitudes et comportements qui aboutissent à la discrimination à travers « des préjugés non intentionnels (unwitting prejudice), l’ignorance, le manque de réflexion et la stéréotypification raciste qui désavantagent les personnes d’appartenance ethnique minoritaire. »

[6] Chap. 6 :

« Poser la question sous l’angle de la carte scolaire ne nous paraît pas en mesure de faire émerger des solutions. Assouplir la carte scolaire, la supprimer, ou à l’inverse la rigidifier, sont des alternatives pouvant aboutir à la même situation : un renforcement de la ségrégation scolaire, fondé sur les ségrégations territoriales, sociales et ethniques et accentué par les stratégies familiales de contournement (lettres de dérogation à la carte scolaire). »

[7] Voir notre analyse sur « Avenir latin grec » du 28 octobre 2015 : « Latin : une belle reconnaissance de DEPP ». Selon la DEPP, « Les enfants issus de milieu favorisé font plus souvent le choix du latin lorsqu’ils sont scolarisés dans les réseaux d’éducation prioritaire ».

[8] Voir notre article « Mixité impossible » du 2 juillet 2015.

[9] « Nouvel Obs » du 10 janvier 2014 : « Parents maghrébins et français pas égaux dans l'inscription de leurs enfants à l'école privée »

« La fédération « Travail, Emploi et Politiques publiques » du CNRS a testé 4.269 établissements scolaires (3.023 écoles élémentaires et 1.246 collèges) privés entre mars et juin 2011. Les résultats, diffusés vendredi, mettent en évidence une discrimination liée à l'origine supposée des parents. Les chercheurs ont créé le profil de deux pères fictifs, l'un dont le prénom et le nom indiquent une origine française, l'autre une origine étrangère. Chaque père envoie un message à l'établissement pour inscrire son enfant.« Dans 18 % des cas, les établissements privés discriminent le père issu de l'immigration, en donnant à sa demande d'informations une suite moins favorable qu'à celle de l'autre père fictif », révèle l'étude menée par Loïc du Parquet, Thomas Brodaty et Pascale Petit. »

[10] « Mixité sociale et scolaire, ségrégation inter et intra établissement dans les collèges et lycées français » de Son Thierry Ly et Arnaud Riegert, datée de juin 2015, publiée le 28 mai 2015. L’étude est résumée sur le site du Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO).

[11] Georges Felouzis, « La ségrégation ethnique au collège et ses conséquences », Revue française de sociologie, 2003/3 (vol. 44), p. 413-447.

[12] Chap. 2 : « Les musulmans à part : de l'école de la République à l'éducation séparée »

« Le pourcentage de prénoms musulmans est de 89 % dans la première école et de 14 % dans la seconde école. La même observation peut se faire au lycée, dans les séries – technologiques ou générales – du baccalauréat »

[13] Jean-Paul Payet, « Civilités et ethnicité dans les collèges de banlieue : enjeux, résistances et dérives d’une action scolaire territorialisée » , Revue française de pédagogie, n° 101, 1992, p. 59-69.

Jean-Paul Payet, « La catégorie ethnique dans l’espace relationnel des collèges de banlieue : entre censure et soulignement », in Aubert F., Tripier M., Vourc’h F. (dir.), Jeunes issus de l’immigration. De l’école à l’emploi, Paris, Ciemi/L’Harmattan, 1997, p. 207-218. Cet ouvrage rassemble les actes d’un colloque de 1996.

Éric Debarbieux & Laurence Tichit, « Ethnicité, punitions et effet classe : une étude de cas », Migrants formation, n° 109, 1997, p. 138-154. L’étude porte sur un collège, « socialement hétérogène ».

Abdeljalil Akkari, « Les jeunes d’origine maghrébine en France : Les limites de l’intégration par l’école » , Revue électronique de sociologie Esprit critique, vol. 03, n° 08, août 2001.

[14] Agnès Henriot-van-Zanten, « La sociologie de l’éducation en milieu urbain : discours politique, pratiques de terrain et production scientifique, 1960-1990 » , Revue française de pédagogie, n°95, 1991.

Jean-Paul Payet renvoie également à sa propre thèse de doctorat « L’espace scolaire et la construction des civilités », Université Lumière Lyon-II (1992) : « une recherche de type ethnographique menée pendant deux ans dans plusieurs collèges de banlieue » (deux en réalité).

[15] Jean-Baptiste Coulmont, « Prénoms et mentions au bac, édition 2014 » (5 juillet 2014)

[16] Stéphane Zéphir, « Catégorisation ethnoraciale en milieu scolaire. Une analyse contrastive de conseils de discipline » (2013), Revue française de pédagogie n°184.

«  L’analyse qui suit ne prétend pas apporter un éclairage d’ensemble sur le traitement des problèmes disciplinaires dans un collège à recrutement populaire . On se focalisera sur le déroulement de trois conseils de discipline. Dans ce cadre-là, nous n’examinerons pas les processus délibératifs, ni les décisions qui les ponctuent. Ils demeurent autant de « boîtes noires » que nous n’avons pas la prétention ici d’éclairer. En revanche, nous nous intéresserons à diverses séquences d’interactions de ces conseils, à travers lesquelles nous observerons la manière dont peuvent s’activer des phénomènes particuliers liés à la catégorisation ethnoraciale. Nous n’aborderons pas non plus l’éventuelle dimension intentionnelle de ces phénomènes, question qui ne nous paraît pas socio­logiquement pertinente. »

L’étude n’est pas accessible librement. On notera cependant les contradictions dans la présentation de cette étude par Béatrice Mabilon-Bonfils et François Durpaire. Nous soulignons en gras :

« Stéphane Zéphir analyse les interactions entre l’origine et le déroulement des conseils de discipline, notamment les séquences discursives de trois conseils réunis pour trois garçons : Issam, Kader et Mathieu. Les faits d’indiscipline reprochés aux trois élèves sont exactement de même nature. Son article analyse la production de formes particulières d’hostilité lors de comparution de collégiens en conseil de discipline. Il montre, grâce à une microdescription de certaines situations éducatives, que dans le cas de Mathieu, les paroles de la mère et même celles du fils ne sont pas mises en doute alors que, dans le cas d’Issam, la structure familiale est mise en cause, atteinte dans sa supposée inaptitude à communiquer, caractéristique d’anormalité de ces « gens-là ». Une rhétorique stigmatisante se traduit alors par une projection auto-réalisatrice : l’élève veut sortir de la pièce et une altercation s’ensuit avec sa mère. Ce fait engendre le constat d’une altérité ethnoraciale rétive à l’ordre scolaire et Issam est exclu définitivement. Dans le deuxième conseil, avec Kader, des séquences réparatrices pondèrent la conflictualité d’ensemble mais on assiste à un traitement de l’altérité qui pré-qualifie la situation, notamment une suspicion a priori sur le défaut d’intervention éducative du père qui « pervertit l’émancipation critique et l’accession à l’égalité de traitement censées définir l’école républicaine33 ». Avec Mathieu, il y a des différences notables : d’abord, contrairement aux cas d’Issam et de Kader, le comportement désobligeant récurrent de Mathieu à l’égard des enseignants n’a pas fait l’objet de rapports écrits. Dès lors, cela permet à sa mère de prendre en charge la défense de son fils avec efficacité en absence de preuves écrites. Dans ce conseil, aux antipodes des précédents, « les paroles de la mère et celles du fils ne sont pas mises en doute » et la prise de parole argumentée de la mère est efficace car entendue. »
Dans cette interview sur "Oumma.fr" du 20 janvier 2016, François Durpaire continue de généraliser abusivement à partir de trois cas (discutables) :
Lorsqu'on étudie les conseils de discipline, on constate un traitement différencié selon le type de famille.

[17] Éric Debarbieux & Laurence Tichit, opus cité.

[18] Jean-Claude Durand, « Les élèves d’origine asiatique, maghrébine et tsigane vus par le maître », Intercultures, n°14, juillet 1991, p. 37-47.

Daniel Zimmerman, « Un langage non verbal en classe : les processus d’attraction-répulsion des enseignants à l’égard des élèves en fonction de l’origine familiale  » (1978), Revue française de pédagogie n°44.

[19] Chryssochoou X., Picard M., et Pronine M., « Explications de l’échec scolaire ; les théories implicites des enseignants selon l’origine sociale et culturelle de l’élève », Psychologie et éducation, n°32, 1998.

L’étude est ainsi présentée dans leur livre par Béatrice Mabilon-Bonfils et François Durpaire, qui se sont contentés de copier-coller - sans la citer - la présentation de l’étude par la revue « Sciences humaines » du 15 juin 2011 : « Les profs ne voient pas Naïma et Marion du même œil » . On constate que même le titre de cette présentation est plagié pour le titre de l’ouvrage de Béatrice Mabilon-Bonfils et François Durpaire !

« L’évaluation négative des jeunes musulmans par l’institution scolaire tient aussi aux attentes et aux projections des enseignants. Dans une étude sur les théories implicites des enseignants sur l’échec scolaire, Chryssochoo, Picard et Pronine définissent quatre types d’élèves, selon le diagnostic et l’interprétation professorale. Les trois psychologues présentent à 65 enseignants de collège l’histoire – fictive – d’une élève de 13 ans, fréquentant une classe de 5e et en échec scolaire évident : 4/20 de moyenne en mathématiques et 6/20 en français, avec d’énormes lacunes en orthographe. Il était également mentionné que ses parents vivaient ensemble, que sa mère n’avait pas d’activité professionnelle et que cette élève avait un petit frère âgé de 8 ans. Ils ont demandé aux enseignants quelle était, d’après eux, l’origine de ses difficultés. Deux éléments complémentaires sont fournis. Les psychologues ont dit à certains enseignants que l’élève s’appelait Marion, à d’autres qu’elle s’appelait Naïma. De plus, certains sont informés que c’est la fille d’un médecin, d’autres que c’est la fille d’un transporteur. Ce qui donne quatre situations différentes et conduit à quatre interprétations différentes. L’échec de Naïma fille de transporteur est expliqué par son origine maghrébine, le manque d’intérêt de sa famille pour sa scolarité, le système scolaire non adapté à ses besoins, et par un manque de travail de sa part. À l’autre extrême, se situe Marion fille de médecin. Son échec scolaire est dû à des problèmes de puberté, aux absences parentales (son père est trop occupé professionnellement), à l’absence de soutien pour faire ses devoirs. Elle passe un moment difficile, mais normal, celui de l’adolescence, ou bien elle ne bénéficie pas de l’aide de ses parents, trop pris par leur travail ou trop laxistes. Dans ce cas d’élève d’origine française et de milieu social favorisé, les enseignants prévoient généralement plus de chances de réussite que pour les autres, et s’il y a échec, les enseignants l’interprètent comme un moment difficile lié à l’adolescence ou à une aide non suffisante de parents trop occupés, échec qui finira par se résoudre. Quant à Marion fille de transporteur, les enseignants localisent au contraire son problème à l’époque du primaire et avancent des troubles psychologiques comme facteur explicatif. Elle manque également de soutien scolaire. Enfin, Naïma fille de médecin constitue un cas atypique qui contredit les stéréotypes. Les enseignants ont donc plus de mal à expliquer clairement son cas mais évoquent tout de même, comme pour Marion fille de médecin, l’absence des parents ou un problème de puberté. Les théories implicites des enseignants français semblent véhiculer un double handicap social et culturel au détriment des enfants appartenant à des catégories sociales défavorisées et à ceux d’origine maghrébine. »

[20] Le caractère théorique (des cas virtuels) de cette étude mérite d’être relativisé puisque, dans la réalité de la pratique de la classe, les professeurs rencontrent les parents précisément pour identifier les difficultés des élèves au-delà de leurs éventuels préjugés. Par ailleurs ces diagnostics peuvent évidemment trouver des explications rationnelles : les « énormes lacunes en orthographe » s’expliquent plus facilement « par [une] origine maghrébine » puisque la non-maîtrise de la langue écrite voire orale constitue un évident handicap scolaire : serait-ce du racisme que d’envisager un tel diagnostic ? Enfin et surtout, ces préjugés ne présument en rien de l’évaluation objective du travail de ces élèves avec un prénom tel que « Naïma ».

[21] Iulianna Rossi, L'Effet paravent des TICE (septembre 2014), thèse de doctorat en sciences de l'éducation, Cergy.

« Comme nous l’avons déjà détaillé dans le premier chapitre de cette thèse, le regard de l’enseignant peut avoir, à travers son comportement, des effets bénéfiques ou, au contraire, catastrophiques sur l’image de soi de l’élève, avec des retombées sur ses résultats scolaires. […] La première question qui apparait à la suite de réflexions menées dans les pages de notre problématique de recherche est de savoir qu’est-ce que les technologies de l’information et de la communication en éducation pourraient être susceptibles d’apporter au niveau d’un potentiel changement du regard que l’enseignant porte sur les compétences cognitives des élèves. » (p. 125)

[22] Bien qu’ayant éprouvé les limites de l’anonymat (au point de renoncer à mener l’expérience au collège p. 143), Iulianna Rossi voit en effet dans son dispositif expérimental d’enseignement à distance une possibilité nouvelle d’enseignement :

« Dans cette perspective, des technologies permettant l'assurance de l'anonymat apparaissent comme un élément susceptible de briser la relation classique maître-élève. » (résumé)
« L’essor des technologies, ces dernières années, leur utilisation massive et à grande échelle au niveau de la société, ainsi que leur introduction dans les écoles semblent offrir de nouvelles perspectives, y compris celle de l’amélioration des résultats des élèves, dus aux représentations erronées des enseignants à l’égard de potentiel cognitif de leurs élèves. En effet, avec les technologies de l’information et de la communication en éducation, l’école trouve de nouvelles ressources pour accomplir sa mission. » (p. 124)

On lit pourtant ailleurs dans la thèse :

« on ne peut pas garantir que l’enseignant et l’élève ne cherchent pas à percer l’anonymat » (p. 131)
« Cependant, un potentiel problème est représenté par l’assurance de l’anonymat (L’objectif de l’anonymat des élèves ne peut pas être atteint que si chacun d’eux ne se trahit pas). » (p. 145)
« ils ont essayé avant tout de savoir qui se cache derrière chaque pseudonyme » (p. 145)
« nous nous sommes assurés que l’anonymat est gardé en suivant les discutions sur les « chats » p. 167

Pour n’importe quel enseignant dans sa classe, il semble par ailleurs naïf de penser que l’anonymat dans des échanges collaboratifs puisse être garanti seulement par la disparition du nom…

[23] Conclusion de la thèse :

« Tous ces résultats sont à relativiser, compte tenu de l’effet « école », l’effet « classe » et parfois de l’effet « origine à partir de la consonance du nom » sur le nombre d’échanges de différents types, des effets qui renvoient à de problèmes d’échantillonnage. En effet, nous avons soumis aux analyses statistiques que des résultats fournis par des élèves provenant de seulement six écoles de banlieue de Paris, voir neuf classes d’élèves, ce qui constitue une limite de notre recherche. Cependant, les résultats donnent des pistes pour de futures expérimentations avec des effectifs plus importants et pour de nouvelles interrogations. » (pp. 384-385)
« L’autre limite concerne les conditions expérimentales. Il ne nous a pas été possible malgré nos tentatives de constituer des groupes de contrôle. C'est-à-dire, des groupes qui travaillent en collaboration sans les technologies sur les mêmes sujets. C’est à dire, des groupes qui travaillent dans les mêmes conditions sans anonymat. Autrement dit, il n’est pas impossible que l’effet paravent soit potentiellement également un effet travail collaboratif ou effet technologies.  » (p. 385)

[24] À l’origine « l’échantillon final compte neuf enseignants et 126 élèves du primaire. La répartition par classe corresponde à une classe de CM1, une classe de CM1-CM2 et sept classes de CM2. » (p. 146). La sociologie des six écoles n’est pas précisée. Dans la pratique, l’échantillon total s’est réduit à six enseignants et à 84 élèves. Le biais a été démontré à partir de 61 élèves (p. 195).

[26] Georges Felouzis, « La ségrégation ethnique au collège et ses conséquences », Revue française de sociologie, 2003/3 (vol. 44), p.413-447.

[27] Voir Georges Felouzis, opus cité.

« Certains prénoms sont plus « fiables » que d’autres car exclusivement employés par des familles d’origine étrangère. C’est le cas des prénoms musulmans qui ne sont que très marginalement utilisés par les classes moyennes autochtones. Les populations de religion musulmane d’origine du Maghreb et d’Afrique Noire, qui forment un contingent important parmi les familles immigrées en France, donnent à leurs enfants des prénoms musulmans. On peut ainsi être certain que les élèves dont le prénom est « Mohamed », « Malika » ou « Youssef » sont issus de l’immigration. Probablement du Maghreb, peut-être aussi d’Afrique Noire. Les prénoms turcs, eux aussi, sont très spécifiques et très peu employés par les classes moyennes autochtones : « Abidine », « Atila », « Digdem » ou encore « Geyhum » prénomment des enfants issus de l’immigration turque avec une marge d’erreur très faible. Dernier exemple, les prénoms africains. Eux aussi constituent des indicateurs très fiables car très spécifiques aux familles immigrées d’Afrique Noire. On peut citer « Akoua », « Ataouia », « Daouda », « Nafissatou », etc. Dans d’autres cas, la fiabilité est plus difficile à établir. Le prénom, on l’a dit, est fortement lié à la religion. Notre objectif est de mesurer les facteurs susceptibles de générer de la ségrégation et de la discrimination, plus liée à l’appartenance ethnique que proprement religieuse, car la discrimination est le plus souvent liée à l’apparence physique des individus et notamment leur couleur de peau. Or, un certain nombre de familles d’Afrique Noire sont chrétiennes, et prénomment leurs enfants avec des prénoms chrétiens, identiques à ceux qu’utilisent les familles autochtones. C’est là une première limite de notre indicateur. De même, certaines pratiques en vogue dans les classes moyennes autochtones consistent à choisir le prénom le plus rare et le plus « exotique » possible. Cela n’est pas sans poser quelques problèmes, même si la tendance est récente et concerne donc moins les élèves de notre enquête, pour la plupart nés entre 1985 et 1990. On voit que l’origine culturelle des prénoms n’exprime pas toujours celle de son porteur, et qu’il existe une marge d’incertitude quant à son utilisation comme mesure de l’origine migratoire des individus. Toutefois, les choix opérés ont toujours été faits de manière à sous-estimer le nombre d’élèves d’origine étrangère. »

[28] « Libération » du 5 mai 2015 ; « Fichage des enfants « musulmans » : perquisitions à la mairie de Béziers »

« La ministre de l’Éducation Najat Valaud-Belkacem a elle aussi rappelé que le fichage des élèves « musulmans » sur la base de leur nom est « illégal » et « profondément anti-républicain ». »

[29] Chap. 1 :

« Mais la bienveillance différenciée des enseignants peut également participer de la diffusion scolaire des préjugés. Les choix pédagogiques supposés inclusifs objectivent une différence partiellement fantasmée et réifiée, alors même que ses identités sont mouvantes et labiles. Cette « découverte de l’autre » passe par la sollicitation des élèves, notamment à l’école primaire, à propos des coutumes, des langues, de la valorisation des pratiques culinaires, des recherches sur les arts et traditions populaires des pays d’origine (les projets « couscous »). Cette différenciation folklorisante est très largement artificielle, et elle fige une catégorie d’élèves dans une altérité supposée. Les cultures d’origine des élèves sont pratiquement exclues de la pratique quotidienne de la classe « mais elles sont folkloriquement exhibées quelques heures par mois aux seuls élèves d’origine étrangère ».

[30] Le sens usuel de « ségrégation » renvoie en effet à une action de séparation, voire de discrimination, à partir d’un critère donné. Elle suppose donc une intention et un agent. La définition sociologique de la « ségrégation » est beaucoup plus neutre. Voici celle donnée par le CNESCO : « Le terme de ségrégation désigne toute situation dans laquelle des individus ayant des caractéristiques différentes fréquentent des environnements différents. » Pour Georges Felouzis, la ségrégation implique des conséquences négatives pour les populations qui en sont victimes.

[31] Nathalie Mons, sociologue, présidente du CNESCO, dans « Le Monde du 22 janvier 2015 » : « La France doit sortir de l'"apartheid scolaire" » :

Oui il existe en France des « black schools » qui scolarisent majoritairement des élèves issus de l’immigration. Notre système scolaire produit du séparatisme ethnique et social. Dans leur ouvrage sur L’Apartheid scolaire (Seuil, 2005), les sociologues Georges Felouzis, Françoise Liot et Joëlle Perroton ont levé ce tabou. Nous sommes en 2005, les statistiques ethniques n’ont pas droit de cité. La ségrégation ethnique n’est toujours pas mesurée de manière officielle.

[32] « Le retour de la lutte des classes – Le grand complot des enseignants républicains » (11 mai 2014)

À la fin de leur ouvrage, Béatrice Mabilon-Bonfils et François Durpaire remercient les « Cahiers pédagogiques » et le « Café pédagogique ». Ainsi François Jarraud le 31 janvier 2014 « JRE : Un ultime avertissement pour l'Ecole »

« Il y a un lien étroit entre ces discriminations, l'échec scolaire et le rejet par l'Ecole de la diversité culturelle. »
Dans l'article du « Café pédagogique » du 11 janvier 2015 qui rend compte de la parution de cet ouvrage, François Jarraud affirme  :
Si les professeurs ne sont pas racistes, l'institution scolaire fonctionne comme un machine à éliminer les musulmans.