"Le bac est-il donné à tout le monde ?" (Café Pédagogique)

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12 Jui 2013 18:14 #6332 par Loys
A lire dans le "Café Pédagogique" du 12/06/13 : "Le bac est-il donné à tout le monde ?"

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13 Jui 2013 07:36 #6350 par Euler

Ce qui défrise dans un fort taux de réussite au bac c'est quand même que certains qui n'y arrivaient pas y arrivent. Or on sait bien que statistiquement on a d'autant plus de chances de réussir le bac que l'on est issu d'un milieu favorisé. L'élévation du taux de réussite au bac renvoie à sa démocratisation. Ce n'est pas tolérable pour tout le monde...

C'est vraiment exaspérant ce procédé insultant qui consiste à disqualifier les gens qui ne sont pas d'accord en les accusant d'être élitistes, réactionnaires, anti-démocrates, voire racistes (avec le raccourci milieu défavorisé -> immigration). Une pirouette réthorique qui permet de renvoyer sans les examiner ni même les évoquer tous les arguments adverses d'un revers de main.
Le problème n'est évidemment pas qu'il y a trop de bacheliers ! Je serais ravi, nous serions tous ravis, et notre pays s'en porterait fort mieux, s'il y avait effectivement 66% d'une génération qui atteignait un niveau de connaissances permettant de suivre sereinement des études supérieures. Ce qui "défrise" (pour reprendre l'expression dédaigneuse de François Jarraud), c'est au contraire :
- que le pourcentage d'une génération réellement capable de suivre des études supérieures (niveau d'orthographe, capacité de raisonner et d'organiser sa pensée, culture générale, autonomie dans le travail, etc.) soit en chute libre,
- et que dans le même temps, le pourcentage de réussite au bac ait atteint des sommets, ce qui occulte le problème, empêche de faire le bon diagnostic et donc d'apporter le bon remède.
À vrai dire, l'erreur consistant à confondre l'élévation du niveau scolaire avec la baisse des exigences pour avoir le bac me semble si grossière que je ne peux pas m'empêcher de soupçonner ceux qui la font d'avoir des intentions peu avouables.

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13 Jui 2013 10:07 #6351 par Wikibuster

Euler écrit: À vrai dire, l'erreur consistant à confondre l'élévation du niveau scolaire avec la baisse des exigences pour avoir le bac me semble si grossière que je ne peux pas m'empêcher de soupçonner ceux qui la font d'avoir des intentions peu avouables.

Quelles intentions ?

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13 Jui 2013 11:34 - 13 Jui 2013 11:46 #6352 par Loys

Le bac est-il donné à tout le monde ?
"il faut supprimer le bac. Il ne sert à rien. D'ailleurs tout le monde l'a". Chaque année, cette idée revient dans les médias, minimisant l'intérêt de cet examen.

Il y a assez peu d'articles sur ce thème, en réalité. Plus sur le stress des candidats, les dernières révisions, le coût du Bac, la fraude etc.

Chaque année, certains médias glosent sur un taux de réussite qui dépasse 80%. Est-ce à dire que le diplôme est donné à tous ?
A vrai dire, le taux de succès au bac a toujours été élevé. Cela tient à deux raisons. La première c'est que cet examen sanctionne un niveau moyen de fin d'étude. Ce n'est pas un concours. On peut attendre du système éducatif qu'il assure 80% de réussite comme il assure 90% pour les compétences en maths ou français en fin de primaire ou de collège. Ce taux est d'autant plus facile à atteindre qu'en fait la sélection a lieu avant le bac. Ce taux de 80% cache le fait que seulement 66% d'une génération (à l'exception de 2012) obtient le bac.

2012 n'est pas une exception avec 77,5% d'une génération obtenant le Baccalauréat et 85% atteignant le niveau Terminale. En 2011 :ce taux était déjà de 71,6% obtenant le Baccalauréat. Mais ces chiffres en hausse constante conviennent moins à la démonstration de François Jarraud.

Un jeune sur trois quitte l'école sans le bac.

Non, 22,5%. Parmi ceux-là un certain nombre ont un CAP ou un BEP. En 2011 179.564 CAP et BEP ont été délivrés, dont 60% aux moins de 20 ans, soit plus de 100.000 élèves par an. Source : www.education.gouv.fr/cid57096/reperes-e...es-statistiques.html

Ce taux de réussite n'est pas seulement faible.

F. Jarraud confond ici délibérément le taux d'accès d'une génération au Bac (minoré à 66% au lieu de 77,5%) et le taux de réussite (84,5% en 2012).

Il est stable depuis 1995 où déjà on atteignait 63%. Cette réalité...

Bien réécrite...

...invite à redécouvrir les taux habituels du bac. Ainsi on dit que 83% des garçons sont reçus contre 87% des filles. Cela cache en fait un écart beaucoup fois plus grand : 70% des filles d'une génération seront bachelières contre 58% des garçons.

Il doit y avoir autre chose que des filles et des garçons, alors,, avec un taux total de 77,5% ! :transpi:
Encore une grave confusion (volontaire ?) de François Jarraud puisqu'il mélange les torchons et les serviettes : 83% et 87% concernent le nombre de reçus qui passent le Bac : autrement dit, 83% des garçons qui passent le Bac l'obtiennent, ce qui n'a rien à voir avec le nombre de garçons d'une génération passant le Bac. Je suis littéraire mais rigoureux. :doc:
Au fait, François Jarraud pourrait citer ses sources.

Trop de diplômés ? Dans l'intérêt général, si on veut avoir par exemple une économie plus compétitive, on devrait plutôt s'inquiéter de la faiblesse de ces taux.

Plus il y a de diplômes, plus une économie est compétitive ? La Chine doit avoir un taux de diplomation extraordinaire, alors. :doc:

Mais il y a une explication à cette attitude malthusienne. Ce qui défrise dans un fort taux de réussite au bac c'est quand même que certains qui n'y arrivaient pas y arrivent. Or on sait bien que statistiquement on a d'autant plus de chances de réussir le bac que l'on est issu d'un milieu favorisé.

Vu que tout le monde l'obtient, cette affirmation est assez amusante. Les inégalités sont ailleurs (voir l'article sur Ipesup par exemple).

L'élévation du taux de réussite au bac renvoie à sa démocratisation. Ce n'est pas tolérable pour tout le monde...

Eh oui critiquer un bac qui n'a de démocratique que l'apparence, c'est à l'évidence être anti-démocrate. :doc:

Ceux qui critiquent le bac rêvent d'un examen d'entrée en université qui garantirait à leurs enfants, seuls capables déjà de payer les frais d'examen, le monopole des études supérieures.

Au contraire, ceux-là se frottent les mains de cette illusion démocratique qui cachent de criantes inégalités.

La France a-t-elle davantage de bacheliers que ses voisins ? Dans tous les pays de l'Union européenne, un document certifie la fin de l'enseignement secondaire Selon les statistiques de l'Unesco, le taux brut de diplômés de fin du secondaire s'établit à 51% en France contre 92% en Finlande, 73% aux Etats-Unis, 74% en Italie.

Source ?
Dans un document de l'Unesco ( "RECUEIL DE DONNÉES MONDIALES SUR L’ÉDUCATION 2006" ), on trouve effectivement ce chiffre très ancien de 51% (taux brut de diplômés du 2e cycle du secondaire Cite 3A p. 116 du recueil) : dans le même rapport l'Allemagne a un taux de 34%... mais elle est beaucoup moins compétitive que la France ! :mrgreen:
De plus ce chiffre de 51% est caduc puisqu'en 2005 le taux d'accès d'une génération (62,5%) était de 15 points inférieur à celui d'aujourd'hui.

Le taux brut de diplômés du supérieur est à 38% en France contre 62% aux Etats-Unis, 74% en Finlande, 55% en Italie.

D'après un rapport plus récent de l'OCDE ("Regards sur l'éducation 2012"), le taux d’obtention d’un diplôme de fin d’études secondaires pour les moins de 25 ans en 2010 est de 51% dans la filière générale et de 58% dans une filière professionnelle ou préprofessionnelle, à comparer avec la Finlande, où ces taux sont respectivement de 45% et de 50% (p. 59)...

Faut-il réformer le bac ? Les mêmes critiques font campagne pour une réforme du bac. A vrai dire ils ont des arguments. Le bac est une machine colossale et couteuse. Or quelques épreuves seulement sont prédictives du résultat pour 90% des candidats. Le député UMP Apparu, dans son projet de réforme du lycée, avait demandé une simplification du bac. 4 disciplines seulement resteraient matière à contrôle final. Si elle apparaît logique, la réforme proposée semble surtout susceptible d'augmenter l'injustice. En effet on sait, depuis les travaux de D. Oget, que si le bac était passé au contrôle continu les résultats finaux seraient largement différents. Le fait qu'au bac on corrige une copie anonyme augmente les chances de certains candidats : les garçons, les jeunes des milieux populaires.

C'est surtout que le Bac n'aurait plus la même valeur selon l'établissement où il serait obtenu, à vrai dire. Pour l'anonymat, on ne peut que souhaiter sa pérennisation.

R Apparu ne demande d'ailleurs pas de contrôle continu mais un CCF où les élèves seraient notés par un professeur qui ne serait pas son professeur.

On fait exactement le contraire avec l'épreuve de compréhension orale en langues depuis cette année au Bac.

Mais pour bien estimer si le bac a de la valeur, voyons ce qu'il coûte à celui qui ne l'a pas. Si en France personne ne s'est attaché à ce calcul, le caractère pragmatique des Anglo-Saxons nous permet de trouver plusieurs études en ce sens. La plus récente provient de l'Alliance for Excellent Education (AEE) , une association charitable qui milite pour la scolarisation. Pour elle "tout le monde bénéficie des progrès de qualification". Elle a pu calculer la différence de salaire entre un bachelier et un non bachelier (26 923 $ contre 17 299) et partant de là estimer le manque à gagner collectif : si tous les jeunes Américains de 2008 avaient poursuivi leurs études jusqu'au bac, ils auraient apporté 319 milliards de dollars en plus à l'économie américaine durant leur vie.

Un tel calcul laisse perplexe : comment un salaire moyen peut-il se transformer en "manque à gagner collectif" ? :scratch:
Compte tenu du coût des études, les diplômés au chômage (9,4% jusqu'à 4 ans après la sortie d'études) coûtent plus cher que les non diplômés.... Source : www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&id=584

Mais puisque les diplômés vivent plus longtemps, deviennent des citoyens plus posés...

:shock:
Faisons tous des études et nous vivrons tous plus longtemps dans une société où les métiers à grande pénibilité auront tous disparus ! :cheers:

L'AEE estime également d'autres retombées : "les économies régionales et locales souffrent plus quand elles ont des populations moins éduquées car il leur est plus difficile d'attirer des investissements. En même temps elles dépensent davantage en dépenses sociales". L'AEE a pu calculer qu'en poussant tous les Américains jusqu'à la fin des études secondaires, l'Etat économiserait de 8 à 11 milliards chaque année en aide sociale, 17 milliards en aide médicale.

Le propos de François Jarraud a le mérite d'être clair : le diplôme doit avoir une vocation sociale. :santa:

Si le taux de sortie sans qualification des garçons baissait de seulement 5% cela représenterait 5 milliards de dépenses policières en moins.

Au doigt mouillé. En tout cas le raisonnement est admirable : scolarisons les élèves pour décharger la police. C'est d'ailleurs ce que nous avons fait avec certaines filières professionnelles mais non professionalisantes, comme "Secrétariat" ou "Comptabilité".

Alors comment augmenter la part des bacheliers ? Comment faire ? Ce n'est pas à Neuilly qu'on pourra l'augmenter significativement. Il faut évidemment aller chercher les nouveaux bacheliers là où ils sont : dans les ghettos défavorisés. Il faut que dès la maternelle, dès deux ans, il y ait un effort important de fait pour ces enfants.

Sur ce point, comment ne pas être d'accord ?

Or on sait que la scolarisation à deux ans régresse justement dans ces quartiers. Il faut, nous dit T Piketty, réduire le nombre d'élèves par classe significativement en ZEP.

Et stabiliser les équipes, rendre les conditions de travail favorables en rétablissant de l'autorité et réduisant la taille des établissements, avoir les mêmes exigences que partout ailleurs etc.

Or, là aussi, on sait que la réduction est marginale. Mieux que la prédiction du résultat à partir de certaines matières, on peut déjà prédire que le taux d'échec ne sera pas le même si l'on est fils de cadre ou d'ouvrier. C'est justement cela qu'il faudrait changer.

La démocratisation, ce n'est pas de donner un diplôme sans valeur à tout le monde. C'est de permettre à n'importe qui, quel que soit son milieu ou le lieu de sa naissance, d'obtenir dans de bonnes conditions un diplôme qui a une vraie valeur.
Dernière édition: 13 Jui 2013 11:46 par Loys.

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13 Jui 2013 13:55 - 13 Jui 2013 14:34 #6353 par Loys

Euler écrit: C'est vraiment exaspérant ce procédé insultant qui consiste à disqualifier les gens qui ne sont pas d'accord en les accusant d'être élitistes, réactionnaires, anti-démocrates, voire racistes (avec le raccourci milieu défavorisé -> immigration). Une pirouette réthorique qui permet de renvoyer sans les examiner ni même les évoquer tous les arguments adverses d'un revers de main.

Malheureusement François Jarraud est coutumier du fait. Il m'a fait exactement ce procès l'an passé : www.laviemoderne.net/veille/les-ticiens/...nternet-26-03-12#701

Le problème n'est évidemment pas qu'il y a trop de bacheliers ! Je serais ravi, nous serions tous ravis, et notre pays s'en porterait fort mieux, s'il y avait effectivement 66% d'une génération qui atteignait un niveau de connaissances permettant de suivre sereinement des études supérieures.

A ce sujet, je défendrais une position différente. Une société constituée uniquement de diplômés de l'enseignement supérieur serait bien étrange. Et revendiquer le diplôme pour tous, c'est (inconsciemment) une façon de dévaloriser les non diplômés.
Non, la vraie égalité des chances au début de la scolarité, c'est à mes yeux la possibilité d'obtenir un diplôme quelle que soit la situation sociale ou le milieu d'origine de chacun.
Dernière édition: 13 Jui 2013 14:34 par Loys.

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13 Jui 2013 17:16 - 11 Jui 2014 19:56 #6354 par Loys

Que veut dire 80% d'une classe d'âge au bac ? Claude Lelièvre revient sur les paroles de l'auteur de la formule, JP Chevènement. L'objectif fixé par l'ancien ministre est atteint. Mais les 80% de diplômés dans une génération n'ont été frôlés qu'une seule fois en 2012. En 2013, ce ne sera plus qu'un souvenir...

François Jarraud fait erreur : c'était "au niveau bac". Objectif largement atteint et dépassé avec 85% en 2012.
Source : www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/...067045740523039.aspx
Dernière édition: 11 Jui 2014 19:56 par Loys.

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