L’orthographe à l'école

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22 Jui 2020 08:12 - 22 Jui 2020 09:13 #22897 par Loys
Sous la direction de Caroline Viriot-Goeldel et Catherine Brissaud : journals.openedition.org/reperes/2246

Attention : Spoiler !


Dans le "Café pédagogique" du 22/06/20 : www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/...284066745684222.aspx

Enseigner l’orthographe en 2020

« Repères », revue de recherches en didactique du français, consacre son nouveau numéro à l’enseignement de l’orthographe à l’école et au collège. Il s’agit notamment de percevoir combien se transforment actuellement les pratiques pédagogiques en la matière : un recours plus marqué à la collaboration entre élèves, le passage d’une tradition de mémorisation et d’application à une exigence de raisonnement et de compréhension du système linguistique, l’intégration progressive du numérique. « Ces évolutions, soulignent Caroline Viriot-Goeldel et Catherine Brissaud, nécessitent la maitrise de compétences de la part des enseignants que la formation devrait mieux prendre en charge, par exemple avoir des connaissances solides du fonctionnement du système d’écriture ou développer sa capacité à comprendre les raisonnements des élèves et à les faire évoluer. »

On se demande comment les élèves appliquaient sans comprendre l'orthographe grammaticale ou ce que comprendre veut dire s'agissant de l'orthographe lexicale...

Remise en cause de la dictée traditionnelle (inefficace et démotivante), promotion de "nouvelles dictées", ludification, numérisme (numérique "source de motivation"), "collaboration entre élèves"... Bref, le constructivisme ("l’enseignement de l’orthographe semble ainsi prendre une orientation d’inspiration socio-cognitiviste"), encore et toujours plus. A ce sujet, si l'article introductif mentionne que "plusieurs études ont révélé une baisse du niveau moyen des performances orthographiques des élèves en France" ( c'est peu de le dire... ), il ne cherche absolument pas à en analyser les causes, ce qui serait pourtant intéressant puisqu'on est passés dans les décennies correspondant à cette baisse d'un enseignement traditionnel à un enseignement de plus en plus constructiviste.

De la même façon, il évoque "les transformations actuelles [des pratiques de l'enseignement de l'orthographe] et ce qu’elles requièrent en termes de développement professionnel des enseignants", mais nulle part ou presque n'évalue leur efficacité. Il suffit qu'elles soient nouvelles. Il s'agit d'"avancer sur la route d’un renouvèlement des pratiques d’enseignement de l’orthographe : au vu de la baisse maintenant avérée du niveau orthographique des élèves du primaire et du secondaire, ce renouvèlement apparait comme nécessaire" et trois articles de ce dossier sur dix, en conséquences de ces pratiques, sont consacrés à la formation des enseignants.

Quand elle existe, la réflexion (pourtant fondamentale) sur l'efficacité de ces pratiques est très euphémistique : "Les preuves manquent encore de l’efficacité de certains dispositifs qui apparaissent comme très pertinents pour leurs concepteurs." ; à propos de la "twictée", "Les entretiens réalisés par Cadet, Crinon et Ferone mettent toutefois en évidence une dynamique qui touche plus les modes d’organisation pédagogique et l’intégration du numérique dans les pratiques d’enseignement que l’appropriation des savoirs de référence" ; "La question de leur efficacité pour les élèves repérés comme fragiles [...] doit continuer à faire l’objet de recherches." mais après leur promotion !
Dernière édition: 22 Jui 2020 09:13 par Loys.

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26 Aoû 2020 13:47 #22967 par Loys
A l'occasion de la pandémie, le collectif "Lettres vives" critique - à juste titre - les pratiques commerciales de l'institut Voltaire. Mais avec cet argument notamment, quelque peu atterrant :

Peut-on juste rappeler ce que vous faites : proposer de faire payer à des établissements d'enseignement pour qu'ils remplissent une partie de leur mission. Recruter des clients en proposant un test gratuit évidemment fabriqué pour multiplier les erreurs.Pour cela, passer par une conception rigide de l'orthographe afin de la rendre disponible à l'évaluation chiffrée et statistique.

:roll:

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24 Jan 2021 14:22 - 24 Jan 2021 16:51 #23149 par Loys
Après le déni pendant longtemps, des formes nouvelles de relativisme :

Béatrice Kammerer écrit: Petite confession personnelle car je vois régulièrement passer ce genre de cahiers, avec ce genre de remarques... Au hasard d'un grand ménage de printemps dans la cave de mes parents, j'ai pu récupérer mes cahiers d'école. Je ne peux pas dire qu'ils sont aussi "beaux" que celui mis en exemple, mais quand même. En CE2, il y a des pages et des pages d'écriture manuscrite, sans faute d'orthographe, sans rature (ou si peu), d'une écriture bien régulière. Aucun de mes enfants n'a un cahier qui ressemble à ça. Et pourtant, quand on y regarde de plus près, on observe ici et là, une petite tâche plus claire sur le cahier cette petite tâche c'est celle de la pointe de l'opinel de ma maîtresse, avec lequel elle grattait délicatement l'encre de nos cahiers quand, par malheur, nous avions fait une petite faute. Car quand c'était le cas, il fallait bien évidemment trouver le courage de lui dire avant qu'elle s'en aperçoive, de prendre le risque de ses remontrances, de ses moqueries proférées à voix haute sous les "oooouuuuuuhhh" de la classe (oui, c 'était autorisé). Et si on ne voit que de petites tâches ici et là, c'est simplement parce que si l'erreur commise concernait plus d'un mot ou deux, c'était la page entière qui partait à la poubelle. Alors pendant que d'aucuns pleurnichent sur les splendeurs d'antan, je dois vous rappeler combien de larmes, de peines, d'humiliation, elles ont pu coûter à leurs petits auteur-ice-s. Et je ne parle pas des fois où les réprimandes et pages arrachées étaient jugées d'insuffisantes punitions, et où il fallait en plus aller en tremblant frapper dans la classe de la directrice, pour qu'elle ajoute sa couche aux remontrances. Il n'y absolument rien de cette expérience que je regrette, absolument rien dont je pense qu'elle m'a permis de devenir une personne meilleure, et absolument rien que je souhaite aux jeunes générations de vivre.


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Autre remarque relativiste absurde :

Une de mes interviewées de la semaine dernière me disait: "C'est quand même dingue: quand on enfant, il est interdit de "mal" écrire, alors que quand on devient médecin, plus personne ne nous dit rien".

Dernière édition: 24 Jan 2021 16:51 par Loys.

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13 Avr 2021 20:21 #23322 par Loys
Dans "Le Figaro" du 13/04/21 : "Pénaliser les fautes à l’écrit: une pratique «élitiste» selon une université anglaise" .


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01 Juil 2021 13:23 #23444 par Loys
Brevet 2021 : 10 points sur 40 au plus pour la langue.

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25 Oct 2021 11:32 - 25 Oct 2021 22:26 #23636 par Loys
Réponse de Loys sur le sujet L'orthographe à l'école
Sur "France Inter" du 25/10/21 : "Trop de fautes d'orthographe au travail : la maîtrise du français devient un critère de recrutement" .

Attention : Spoiler !


Et dans "Le Monde" (abonnés) :


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Dernière édition: 25 Oct 2021 22:26 par Loys.

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26 Jan 2022 16:37 - 27 Jui 2022 10:05 #23775 par Loys
Dans "Libération" du 25/01/22, tribune du linguiste Christophe Benzitoun : "En 2022, démocratisons l’orthographe!"



Attention : Spoiler !


M. Benzitoun, qui montre ici sa profonde méconnaissance de l'histoire de l'école ainsi que de sa réalité actuelle, multiplie les sophismes dans cette tribune. Analysons-les un par un.

La faible maîtrise de l’orthographe est l’un des épouvantails des débats sur l’école.

Qui dit "épouvantail" dit absence de vérité. Nous verrons que cette absence de vérité se trouve par la suite quelque peu contredite dans la tribune de M. Benzitoun. :P

Et dans ce domaine comme dans d’autres, il se dit que c’était forcément mieux avant.

La "baisse des résultats" en orthographe en fin de primaire est documentée assez précisément par la DEPP entre 1987 et 2015 : elle est d'ailleurs impressionnante.

Or, aucune recherche n’a jamais démontré l’existence d’une époque où une majorité de Français en faisait un usage virtuose, ce qui n’est guère étonnant eu égard à son extrême difficulté.

Le sophisme est particulièrement grossier (l'"usage virtuose" est une variante de l'âge d'or scolaire) : pour faire oublier une baisse évidente, se référer à une chute imaginaire depuis une perfection dont personne n'a jamais prétendu qu'elle existait.

Mais comment y remédier ?
D’après une étude de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) datant de 1996, un quart des élèves faisait une ou zéro faute aux dictées du certificat d’études dans les années 20.

Plutôt que la période récente, M. Benzitoun préfère les références très anciennes : il y a une raison à cela.

Mais il faut savoir qu’à cette époque, seul un élève sur deux passait ce diplôme.

Nous y voilà : prouver que la comparaison n'a pas lieu d'être revient à dire qu'il n'y a - au fond - pas de dégradation des compétences orthographiques des élèves et que c'est un faux débat ("l'un des épouvantails des débats sur l'école").

Problème logique : si c'est un faux débat, un "épouvantail", et que le mal n'existe pas... pourquoi proposer un "remède" ? :scratch:

Nous avons vu que M. Benzitoun ne souhaite pas évoquer la baisse 1987-2015, parfaitement comparable puisqu'elle concerne les mêmes niveaux, en fin de primaire.

Mais même son objection sur le certificat d'étude n'est pas recevable, comme nous allons le voir.

On ne présentait que les meilleurs.

Certes, mais dans les années 30 la moitié des élèves l'obtenaient (et donc plus de la moitié le présentaient). Un nombre très important donc d'élèves de primaire ou de primaire supérieure avaient une très bonne maîtrise de l'orthographe, d'autant que les élèves des lycées, d'un niveau scolaire supérieur, n'avaient pas vocation à présenter le certificat d'études : celui-ci concernait donc les classes moyennes et les classes populaires, dont plus de la moitié donc obtenaient le certificat. Rien n'indique par ailleurs que les élèves qui n'étaient pas présentés avaient un très mauvais niveau...

De plus, le nombre de matières enseignées était plus limité et le nombre d’heures d’enseignement plus important (environ 1 300 heures par an à l’époque contre 860 heures aujourd’hui).

M. Benzitoun a raison sur le principe mais les chiffres sont erronés : plus de 2500h d'enseignement du français en primaire dans les années 20 et plus de 1600h aujourd'hui (après une baisse à 1300h en 2002). Il semble (les "matières enseignées") que M. Benzitoun donne ici les chiffres du collège (630h aujourd'hui), ce qui n'a guère de sens puisque le certificat d'études se passait à l'issue de l'école primaire...

En un siècle, une baisse avérée du niveau

Difficile de comprendre : ce serait un vrai sujet de débat, et non un "épouvantail" ?

Il faut également prendre en compte le fait que, depuis les années 20, le nombre d’élèves continuant des études après l’école primaire a très fortement progressé, jusqu’à atteindre un peu moins de 80% d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat.

Nouvelle objection absurde, comme nous l'avons vu : l'étude 1987-2015 de la DEPP concernait... le seul primaire. Le certificat d'étude s'obtenait également à l'issue du primaire.

En réalité, la démocratisation de l'enseignement secondaire allant de pair avec les difficultés orthographiques des élèves ne peut que consterner : beaucoup plus d'années à l'école, moins de compétences orthographiques...

Ainsi, même si l’on peut déplorer une baisse de niveau en orthographe avérée en un siècle à l’école, jamais autant de Français n’ont appris à lire et à écrire qu’à l’époque contemporaine.

La baisse est beaucoup plus récente, comme nous l'avons vu : elle est même postérieure à la mise en place du collège unique, dans une école donc démocratisée.

Pour le reste l'affirmation "jamais autant de Français n’ont appris à lire et à écrire qu’à l’époque contemporaine" est absurde puisque l'école primaire était déjà obligatoire à la fin du XIXe siècle, sauf à penser que le collège a vocation à apprendre à lire et à écrire !

Dit autrement, les meilleurs en orthographe étaient plus performants il y a un siècle, mais plus d’élèves savent aujourd’hui écrire.

Relativisme se voulant iconoclaste (déclinaison du "Niveau monte") mais dépourvu de sens, comme on l'a vu...

Cependant, un chiffre interpelle : les élèves de troisième de 2005 ont le même niveau en dictée que ceux de cinquième vingt ans plus tôt. Et les résultats observés en 2015 montrent que la baisse a continué.

M. Benzitoun se penche enfin sur la dégradation récente des compétences orthographiques, entre des cohortes parfaitement comparables.

Cela n’est guère une surprise. Dès 1965, la commission Beslais rendait un rapport sur l’intérêt de simplifier l’orthographe pour endiguer une dégradation rapide du niveau. Cette proposition s’est concrétisée vingt-cinq ans plus tard à travers les rectifications orthographiques mais celles-ci se sont peu diffusées.

Le raisonnement de M. Benzitoun laisse pantois : ce serait tout simplement la complexité de l'orthographe française (pourtant inchangée entre 2005 et 2015) qui expliquerait la baisse. A ce compte, la dégradation des compétences de calcul pourrait s'expliquer par la complexité du calcul !

Autre aberration de raisonnement de M. Benzitoun, décidément bien loin de la réalité des classes : les rectifications orthographiques, qui ne sont qu'à la marge, n'ont que peu de rapport avec les difficultés de plus en plus prononcées des élèves, difficultés concernant autant l'orthographe lexicale que syntaxique.

Aucune rectification ne propose de transformer l'imparfait ou l'infinitif en participe passé...

Or, quand on sait l’importance que revêt la maîtrise de l’orthographe pour l’insertion professionnelle, il y a urgence à faire de cette cause une priorité nationale.

Avec des propositions renonçant à un enseignement exigeant de l'orthographe, comme nous allons le voir.

Rapprocher l’écriture de la prononciation ?

L’orthographe française est une des plus difficiles au monde à cause, principalement, du nombre très important de lettres muettes. Un système d’écriture alphabétique a normalement pour objectif de représenter les phonèmes d’une langue. Pour le français, le principe phonographique n’est observé que très partiellement. A cela s’ajoute un manque de régularité des graphies. Tout ceci rend incontournable un long et fastidieux apprentissage, impossible à acquérir durant le seul temps scolaire, ce qui est source d’importantes inégalités.

"impossible à acquérir" durant le seul temps scolaire : il était pourtant relativement acquis pendant la seule école primaire... On se demanderait presque par quel miracle M. Benzitoun est parvenu à acquérir cette orthographe.

Comme nous l'avons vu, cette même orthographe posait beaucoup moins de difficultés en 1987 ou en 2005 qu'en 2015. C'est donc identifier une cause totalement artificielle aux difficultés des élèves.

D'autant qu'on ne parle pas ici des erreurs les plus répandues et les plus graves des élèves, celles concernant l'orthographe syntaxique.

Cela fait très longtemps que les spécialistes de la question sont conscients des défauts de notre orthographe, mais les tentatives de réformes pour rapprocher l’écriture de la prononciation ont toutes échoué. De toute façon, les modifications nécessaires pour limiter significativement les difficultés d’apprentissage de l’écrit sont telles qu’elles sont hors de portée à court terme. Et les expériences du passé montrent qu’elles auraient du mal à être acceptées aussi limitées soient-elles.

C'est de toute façon un faux problème (mais on voit bien que c'est ce point de la simplification de l'orthographe qui motive en réalité la tribune de M. Benzitoun.

On peut augmenter le nombre d’heures consacré à l’enseignement du français comme le propose Valérie Pécresse (deux heures de plus par semaine dans son programme). Mais cela ne peut se faire qu’au détriment d’autres matières, ce qui aurait pour effet pervers une baisse des connaissances globales.

En primaire le temps scolaire a été réduit en général, et sur ce temps scolaire on a ajouté des enseignements qui n'y ont pas leur place comme celui de l'anglais (une langue dont l'orthographe lexicale est, au demeurant, bien plus complexe que celle du français).

A moins d’accroître le temps scolaire, ce qui irait à l’inverse des politiques menées depuis plus d’un siècle. Et rien ne permet de dire que cela serait suffisant.

Il est vrai que les politiques de réduction du temps scolaire ont montré une grande efficacité : le progressisme moderne, dans sa vision simple et naïve du cours de l'histoire et de son progrès, ne peut pas considérer qu'une évolution négative est peut-être à reconsidérer.

Heureusement, M. Benzitoun a une solution révolutionnaire : puisqu'on constate des difficultés (accrues) en orthographe, pourquoi tout simplement ne plus les considérer comme des difficultés ?!

Tenir compte de la variation

Pourtant, une solution existe qui ne demande ni de gros investissements ni de grandes réformes pour des effets bénéfiques immédiats. Il s’agit simplement de traiter l’orthographe comme n’importe quelle autre dimension de la langue, à savoir tenir compte de la variation.

Le sens de cette comparaison ("comme n’importe quelle autre dimension de la langue") est assez nébuleux.

La variation est consubstantielle aux langues vivantes et elle représente le moteur principal de leur évolution.

Nouveau sophisme de M. Benzitoun, qui réduit encore une fois l'orthographe à l'orthographe lexicale.

Observons d'abord que la langue écrite a assez peu évolué depuis qu'elle a été fixée dans l'intérêt de tous : c'est pour cette raison que nous pouvons lire des auteurs anciens. Et, en l'occurrence, l'"évolution" ne vaut que quand elle est partagée par un grand nombre d'utilisateurs. Une "variante" individuelle ne constitue en rien une "évolution"...

Ainsi, il faudrait faire preuve de plus de tolérance et considérer les écarts non comme des fautes mais comme des variantes.

Toute orthographe deviendrait magiquement correcte !

"Le soir tomber, Papa et Maman, inquier, ce demandé pourquoi leur quatres garson n'été pas rentrez."

Il s’agit, en réalité, simplement d’appliquer les textes législatifs en vigueur depuis 1900 (arrêté du ministre de l’Instruction publique de l’époque Georges Leygues) actualisé en 1976 par René Haby, ministre de l’Education nationale. Et de renouer avec le français tel qu’il était conçu jusqu’au XVIIe siècle où l’orthographe était vivante et un sujet d’intenses discussions.

Des discussions qui se justifiaient... par la nécessité de fixer pour tous une norme simplifiant la langue écrite (et appelée à juste titre "orthographe"). Mais - paradoxe du progressisme ! - M. Benzitoun rêve, en linguiste audacieux, de revenir au temps archaïque où l'orthographe n'existait pas !

Définir un degré de tolérance

Dans cette perspective, il suffit de définir un degré de tolérance acceptable et un rapport moins fétichiste à l’orthographe.

Un degré seulement ? Avec des "variantes" acceptables et d'autres qui ne le seraient pas ? En vertu de quelles normes nouvelles ? Bref, une tolérance qui ajouterait de la complexité et de l'incertitude...

Au demeurant, M. Benzitoun ne mesure pas bien, du haut de sa chaire académique, quelle "tolérance" orthographique a déjà cours dans l'école à tous les niveaux de la scolarité. Cette même "tolérance" (une variante de la bienveillance scolaire) est sans doute même une raison plus sûre de la dégradation des compétences que la difficulté - rigoureusement inchangée - de notre langue.

Cela transformerait durablement notre représentation de la langue. L’orthographe occuperait une place moins centrale et aurait moins de poids sur les destinées des élèves.

En renonçant à un enseignement exigeant de la langue, c'est exactement l'inverse que l'on préparerait pour les élèves

On pourrait aussi observer quels sont les usages qui se manifestent et faire évoluer en conséquence les ouvrages de référence listant les différentes variantes.

C'est le principe des dictionnaires et des grammaires : suivre l'usage quand il s'impose dans la langue.

M. Benzitoun semble donc revenir à la raison : on voit ici que les "variantes" ne valent que si elles sont partagées.

Au demeurant, M. Benzitoun est resté jusqu'ici très général, sans prendre d'exemple concret des difficultés des élèves, mais en voici un enfin :

Par exemple s’apercevoir qu’il existe un accord de proximité bien vivant à côté de l’accord au masculin (ce que l’observation des textes démontre). Un vent de liberté soufflerait sur la langue française et une plus grande égalité se ferait jour parmi les élèves.

L'accord de proximité, par ailleurs accepté dans les grammaires, est parfaitement anecdotique dans les difficultés des élèves...

Au reste, s'agissant d'"une plus grande égalité", c'est plutôt vers un effacement du féminin que les usages des élèves "évoluent" : "ils" remplaçant "elles" à l'oral, les accords féminins étant négligés etc.

Cent quarante ans après la loi Jules Ferry rendant l’instruction obligatoire, l’heure est venue de démocratiser l’orthographe en conjuguant enfin le passé et le présent.

Dernier sophisme de M. Benzitoun avec ce curieux emploi du verbe "démocratiser" : il ne s'agit pas de faire en sorte que tous, par le patient travail de l'éducation, puissent accéder à l'orthographe mais que cet accès devienne dépourvu de sens. Au même compte, pour lutter contre la "fétichisme" du permis, on pourrait démocratiser l'apprentissage de la conduite en autorisant les variantes de circulation...

Avec cette énième tribune contre l'orthographe, au nom des plus belles intentions, un nouvel exemple de la trahison des clercs.

Avec cynisme, M. Benzitoun, auteur de Qui veut la peau du français ? déclare d'ailleurs : "Si la langue française risque de disparaître, ce n’est pas à cause de mauvais locuteurs, comme le pensent certains, mais des défenseurs trop pointilleux du bon usage".

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Dernière édition: 27 Jui 2022 10:05 par Loys.

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24 Mai 2022 19:04 #23907 par Loys
Dans "Le Figaro" (étudiant) du 24/05/22 : "Orthographe: une professeur d’université s’alarme du niveau des étudiants et dénonce l’usage abusif des photocopies à l’école"


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03 Jui 2022 15:47 - 03 Jui 2022 19:18 #23932 par Loys
Réponse de Loys sur le sujet Une action de déformation
On se demande souvent pourquoi l'Ecole faillit tant à enseigner l'orthographe aujourd'hui.

Un bon élément d'explication avec cette "action formation" : "enseigner la grammaire aux cycles 3 et 4" (de CM1 à la 3e) diffusée par EduScol :

Attention : Spoiler !

"rien ne va de soi dans l’enseignement de l’orthographe"
"L’orthographe = une codification, qui n’est pas nécessaire" ;
"Mettre les élèves en situation de construire une réflexion critique, et non d’appliquer une règle d’accord."
"faire percevoir la façon dont fonctionne ce système graphique, et non demander d’accepter des règles"
"Conclusion : l’essentiel pour faire progresser les élèves en orthographe n’est pas de faire fréquenter la règle aux élèves; il faut les faire entrer dans la compréhension du système graphique."


On le voit : vingt ans après, "l'observation réfléchie de la langue" (programmes de 2002), ou l'enfer constructiviste, continue, avec :
- ses recherches chronophages (la fameuse "mise en activité" avec un relevé interminable de 48 mots, puis un classement tout aussi interminable) pour transformer les élèves en grammairiens avertis,
- ses observations qui réinventent l'eau chaude (distinction orthographe lexicale et grammaticale : au collège encore ?)
- ou bien dépourvues de sens pour des élèves de cycle 3-4 (les principes phonologique, morphogrammatique, étymologique, différentiel ou traditionnel construisant la complexité d'un "plurisystème orthographique" : si ces termes doivent êtres réservés aux experts enseignants, quelle utilité dans une "action de formation" ?)
- voire dépourvues de sens pour toute personne normalement constituée (quel rapport entre ces principes et "l'archiphonème /E/" ? En quoi le s dans "c'est" a-t-il une "fonction grammaticale" ?).

Pour justifier un bel idéal pédagogique (comprendre intelligemment plutôt qu'apprendre bêtement), une perspective (pseudo-)savante, voire jargonnante (on ne parlera d'ailleurs pas d'orthographe mais de "système graphique"), un pseudo-progrès dans l'acquisition de la langue (une fois fait le constat basique opposant orthographe lexicale et grammaticale - pardon "fonction grammaticale", l'élève n'apprend pas grand chose d'autre), une absence de pédagogie (la nécessaire adaptation au niveau des élèves, des liens logiques qui doivent être... logiques), une déconnexion symptomatique de ce qu'est une classe (faire rechercher et classer 48 mots...).

Mais plus grave à nos yeux : le relativisme orthographique, puisque - c'est tout l'implicite de cette "action de formation" - les "règles" ne montrent (supposément) aucune intelligence. Et pourtant "appliquer une règle d’accord" relève bien d'une intelligence de la langue, moins noble sans doute qu'une prétention à "mettre les élèves en situation de construire une réflexion critique" mais qui dépasse de loin la pauvreté de la conclusion - malgré toute sa grandiloquence - de cette "réflexion critique" : les élèves ne sachant pas plus choisir la bonne orthographe, mais ayant la conscience éclairée que ce n'est après tout qu'une "codification non nécessaire". Et après tout ": je me comprends" (même si comprendre qu'être compris des autres est précisément un enjeu de la grammaire et de l'orthographe, mais pas de "réflexion critique" à ce sujet) !

Un résultat célèbre de ce genre de dé-formation, popularisé au moment de la réforme du collège et de ses formations : "la sensation du pluriel", à laquelle l'évaluation doit évidemment s'adapter :

"Il faut valoriser chez l'élève la sensation du pluriel, ne pas trop retirer de pts pour "Les rosent sont jaunes".


En effet plus "rien ne va de soi dans l'enseignement de l'orthographe" !
Dernière édition: 03 Jui 2022 19:18 par Loys.

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27 Jui 2022 09:36 - 27 Jui 2022 10:45 #23969 par Loys
Et, six mois après, une nouvelle tribune éclairée de Christophe Benzitoun dans "The Conversation" du 25/06/22 : "Orthographe : pourquoi le niveau baisse-t-il ?"


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Est-ce utile de commenter ce que nous avons déjà commenté plus haut ? Nous allons noter quelques petites évolutions amusantes.

Nous retrouvons les mêmes tortillements sur la baisse du niveau qui n'existe pas ("on entend parler du thème de la baisse alarmante du niveau en orthographe chez les étudiants et plus largement des difficultés que rencontrent les élèves en français") ou qu'il faut relativiser ("cela fait bien longtemps que l’on déplore en France l’absence de maitrise de l’orthographe").

Mais il y a un progrès de M. Benzitoun : il cite enfin l'étude de la DEPP sur la période 1987-2015 et il concède enfin que "le niveau a régulièrement baissé". Normal, donc, que l'on en "entende parler"... :rirej

La cause de cette situation est connue et dénoncée par des linguistes depuis plus d’un siècle : c’est l’orthographe elle-même.

M. Benzitoun explique tout ce qui la complexité - volontaire puisque "élaborée pour une élite" - de l'orthographe depuis la fondation de l'Académie française. L'orthographe n'était donc "pas adaptée à ce nouveau contexte" qu'est l'école de Jules Ferry obligatoire pour tous

Dès lors, aucune réforme significative n’a été appliquée et l’orthographe française nécessite un temps d’apprentissage considérable. Bon an mal an, une partie des élèves ont eu un niveau convenable durant quelques décennies, mais cela se faisait au prix d’un très grand nombre d’heures et au détriment d’autres compétences comme la rédaction.

Nouveau tortillement de M. Benzitoun, qui concède que les élèves ont pu atteindre "un niveau convenable" dans l'école en France mais pour aussitôt dénoncer les efforts nécessaires pour l'atteindre.

M. Benzitoun change donc de cheval argumentatif.

Ainsi, on faisait de quelques élèves des virtuoses de la dictée, sans pour autant leur apprendre à rédiger des textes personnels. Et seuls les meilleurs en dictée étaient présentés au certificat d’études vers l’âge de 12-13 ans avec, par voie de conséquences, des résultats appréciables. Les autres élèves (la majorité) arrêtaient leurs études à cet âge.

Curieux d'opposer la dictée et la rédaction, comme si la seconde pouvait ne pas être concernée par l'orthographe...

M. Benzitoun commet toujours la même erreur grossière : 55% des élèves d'une génération passaient le certificat d'études à la fin des années 30 (et 15% qui étudiaient en collège s'en dispensaient).

Cependant, avec la réduction du temps scolaire (de 1338 heures par an au début du XXe siècle à 864 heures aujourd’hui et la diversification des matières enseignées, le niveau a régulièrement baissé.

Au début de l'année 2022, M. Benzitoun était beaucoup plus railleur : "La faible maîtrise de l’orthographe est l’un des épouvantails des débats sur l’école. Et dans ce domaine comme dans d’autres, il se dit que c’était forcément mieux avant.

Reste un nouveau grand écart logique : poue expliquer cette baisse, M. Benzitoun incriminait plus haut... l'orthographe. Il est vrai que celle-ci est restée la même... :roll:

De fait, au lieu de s'attaquer aux causes ici citées (il écarte par ailleurs toute considération pédagogique puisqu'il postule, assez curieusement "l’amélioration des méthodes d’enseignement"), M. Benzitoun propose sa solution peu coûteuse : "intervenir sur l’orthographe elle-même".

Il faut choisir entre, d’un côté, une orthographe réservée à une élite de plus en plus réduite, une discipline de luxe, jouant le rôle sélectif autrefois dévolu au latin, ou une orthographe pour tous.

Ou bien une orthographe modernisée réservée au peuple, incapable - semble-t-il - de conjuguer un verbe à l'imparfait, ce temps si complexe.
Dernière édition: 27 Jui 2022 10:45 par Loys.

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