Enfants et écrans : les études sur les effets

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30 Oct 2019 10:34 - 30 Oct 2019 22:02 #22408 par Loys
Franck Ramus pose la question sur son blog du 29/10/19 : "Les écrans ont-ils un effet causal sur le développement cognitif des enfants?"


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Résumons les trois temps de l'article de Franck Ramus :
1) L'étude Walsh et alii (2018), comme "la majorité des études", montre une corrélation, mais pas une causalité entre temps passé devant des écrans et moins bonnes capacités cognitives : des facteurs externes peuvent l'expliquer ou bien la causalité peut-être renversée.
2) L'étude Madigan et alii (2019) confirme la corrélation. Mieux : la causalité capacités cognitives moindres vers temps passé sur les écrans est écartée, la causalité temps passé sur les écrans vers capacité cognitives moindres est démontrée. Mais, selon Franck Ramus, la baisse est beaucoup moins importante : "passer une heure de plus devant les écrans par jour en moyenne vers l’âge de deux ans provoque une baisse de 0,7 point de QI à 3 ans. De même, une heure de plus par jour à trois ans entraîne une baisse de 0,5 point de QI à 5 ans (soit un trentième de l’écart-type de la population). Ainsi, pour engendrer une perte de 4,25 points de QI (l’estimation de l’étude de Walsh et al. 2018), il faudrait augmenter l’exposition des enfants aux écrans de 6,1 heures par jour de deux à trois ans ou de 8,5 heures par jour de trois à cinq ans !"
3) Cette faible baisse relevée par Franck Ramus n'est pas occasionnée par les écrans en eux-mêmes mais par la privation des activités permettant le développement des capacités cognitives.

Le raisonnement de Franck Ramus mérite cependant quelques remarques :

Face à des données présentées comme discordantes, Franck Ramus postule d'abord que seuls les chiffres (moins inquiétants) de l'étude Madigan sont à prendre en compte, et sans tenir compte - qui plus est - de la réalité des usages, pourtant proche dans certains cas des expositions qu'il estime extraordinaires : selon l'étude Elfe de l'INSERM, en 2011, 8% des moins de 2 ans sont exposés plus de 5h par jour : et encore ces chiffres sont antérieurs à la généralisation dans les foyers des tablettes et smartphones !

Dès lors, la relativisation de Franck Ramus est problématique : "seules des expositions massives peuvent avoir un impact véritablement inquiétant" (ce que, par ailleurs, les défenseurs des écrans nient, comme par exemple Séverine Erhel ou Yann Leroux(*). Ces expositions massives (ou surexpositions) existent et nécessitent bien des recommandations alarmantes de santé publique, que pour sa part Franck Ramus n'estime pas nécessaires.

Autre curiosité : Franck Ramus réfute "un effet intrinsèquement délétère des écrans" or pour Franck Ramus l'effet est moins lié à l'exposition aux écrans qu'à la privation d'activités positives ("les interactions sociales et verbales sont bien évidemment cruciales pour le développement du langage et des autres compétences cognitives"). C'est pourtant une évidence... Il évoque un "manque à gagner" qui rappelle, avec quelque retard, le "temps volé" sur lequel Sabine Duflot du collectif CoSE alerte depuis cinq ans .

Mais nouvelle relativisation de Franck Ramus : une telle privation pourrait trouver son origine dans bien d'autres activités que les écrans ("de jouer avec un bout de ficelle, d’empiler des cubes, de faire des réussites, de regarder les trains passer, ou de faire du vélo") dont certaines ont bien des vertus par ailleurs (développement de la motricité fine, activité physique) et surtout sont rarement pratiquées à hauteur de plusieurs heures par jour et chaque jour. Combien d'enfants sont concernés par de telles activités et à une telle fréquence, en comparaison avec l'exposition aux écrans constatée aujourd'hui ?

Face à l'évidence, Franck Ramus le reconnaît d'ailleurs, de manière contradictoire :

Simplement, aujourd’hui les écrans sont partout (depuis les années 70 avec la télévision), ils sont attractifs pour les enfants, et sont devenus des baby-sitters idéaux pour les parents peu disponibles ou peu attentionnés.


Mais, de façon incompréhensible, Franck Ramus récuse "un effet maléfique des écrans" (sic) : sans employer de termes occasionnant un jugement moral et caricatural, il suffirait pourtant de considérer un simple effet négatif et "intrinsèquement délétère" dans le fait que les écrans sont "attractifs" (ou addictifs pour parler plus crûment). De fait, les écrans et leurs contenus sont conçus selon des technologies séductives destinées à capter l'attention .

Alors que des cas de surexposition graves sont déjà constatés en quantité massive, alors que l'exposition va toujours croissante et toujours plus précoce, cette volonté appuyée de jeter le doute sur les données (négatives mais pas tant que ça), sur leur interprétation (les écrans hors de cause) et sur les préconisations publiques laisse perplexe.

A se demander pourquoi Franck Ramus n'a pas intitulé son article "Les écrans n'ont pas d'effet causal sur le développement cognitif des enfants"... L'article se trouve d'ailleurs résumé ainsi :


Une seule question, évidente : pourquoi faire "attention" s'il n'y a "pas de causalité" ?

--
Notes
*Pour Séverine Erhel, "le problème, ce n’est pas les écrans, ni le temps écrans" (2019). Pour Yann Leroux, "le temps d’écran n’est pas la bonne clé éducative" (2017) ; "Combien de temps faut il laisser les enfants devant les écrans ? La réponse est simple : suffisamment." ; "la relation proportionnelle entre le développement des enfants et le temps d'écran n'existe que dans l'esprit de Michel Desmurget" (2019). AJoutons Stéphanie de Vanssay : "On nous dit que trop de temps d'écran est mauvais pour les enfants. Où sont les preuves ?" (2019) ; "les activités sont aujourd'hui simultanées et se nourrissent mutuellement : plus de "temps d'écran" n'implique pas forcément moins de relations humaines..." (2019) ;
Dernière édition: 30 Oct 2019 22:02 par Loys.

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14 Jan 2020 22:59 - 15 Jan 2020 08:44 #22628 par Loys
"Case control study found that primary languagedisorders were associated to screen exposure at 3.5-6.5years of ageM. Collet, M Gagnière, C. Rousseau, M Chapron, M Fiquet, M Certain"

Dans la presse :
www.bfmtv.com/sante/une-etude-fait-le-li...langage-1839757.html
www.la-croix.com/Famille/Enfants/ecrans-...020-01-14-1201071669
* * *

Contestation notamment de Séverine Erhel : www.huffingtonpost.fr/entry/pourquoi-cet...87f3c5b6640ec3da472a


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Attention : Spoiler !


Autre contestation attendue (voir plus haut dans ce fil) : Franck Ramus. Le 14/01/20 : "Ecrans et troubles du langage : Ce que ne montre pas l’étude d’Ille-et-Villaine"


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Dernière édition: 15 Jan 2020 08:44 par Loys.

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22 Fév 2021 18:37 - 22 Fév 2021 18:46 #23224 par Loys
Dans "Le Monde" ("Pixels", et non les pages médecine...) du 9 février 2021 : "La question du temps d’écran, c’est le degré zéro de l’analyse" par... Vanessa Lalo !


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...une table ronde sur le thème « Covid-19 et usages numériques » organisée par la plate-forme TikTok et l’association e-Enfance. Selon Vanessa Lalo, le problème ne vient pas du temps d’écran mais de la qualité de ce que l’on regarde.

:mrgreen:

Une personne peut tout à fait passer quatorze heures par jour à regarder des vidéos de pandas qui pètent, une autre passera quatorze heures à lire des pages Wikipédia ou à regarder des vidéos pédagogiques sur YouTube…

Le relativisme habituel, qui permet de ne pas aborder la réalité statistique des usages. Nul doute que le dernier exemple correspond à de nombreux enfants...

Et renversement casuistique :

Ce qui a été délétère [pendant le confinement], ce sont tous les enfants qui n’avaient pas accès aux écrans, ceux qui ne pouvaient pas faire l’école à la maison. Ce sont ceux qui ont passé le moins de temps devant les écrans qui ont le plus décroché de l’école.

Une deuxième raison vient aussi d’un certain nombre de chercheurs qui veulent absolument taper sur le numérique et nous prouver à quel point ça peut être mauvais pour notre cerveau.

Si des chercheurs observent des choses inquiétantes, c'est qu'ils veulent "taper sur le numérique"...

Je dis souvent que si on veut qu’un enfant lise Stendhal, il faut avoir Stendhal dans sa bibliothèque.

Et surtout qu'il ait pris l'habitude et le plaisir de lire plutôt que d'allumer un écran...

C’est assez amusant de regarder le rapport entre les adultes et les enfants autour de cette « consommation » des écrans. Les adultes vont consommer beaucoup plus de contenus numériques que les enfants. Mais ils vont quand même juger les pratiques numériques des plus jeunes, comme si c’était forcément excessif ou idiot.

Autre relativisme idiot : les adultes n'ont pas les mêmes pratiques numériques...

Ce qu’il faut absolument faire dans le numérique, qu’on parle des enfants, des seniors, des adultes, ou peu importe, c’est reprendre la maîtrise de nos outils. C’est pour ça que j’insiste sur le fait que le temps d’écran n’a pas de valeur. Ce n’est pas pour dire qu’on a le droit de passer vingt-quatre heures sur vingt-quatre devant des écrans et que ça n’aura pas d’impacts négatifs.

Voilà une confusion qui est donc bien confuse. Le temps d'écran n'a aucune importance mais quand même...
Dernière édition: 22 Fév 2021 18:46 par Loys.

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25 Fév 2021 12:20 - 25 Fév 2021 12:22 #23227 par Loys
Ne concerne pas les enfants spécifiquement, un étude évidemment de... Andrew K. Przybylski : "Video game play is positively correlated with well-being" (17/02/2021) par Niklas Johannes, Matti Vuorre and Andrew K. Przybylski.

Une étude menée en contexte pandémique, et en collaboration avec les groupes de jeu vidéo.

Abstract

People have never played more video games, and many stakeholders are worried that this activity might be bad for players. So far, research has not had adequate data to test whether these worries are justified and if policymakers should act to regulate video game play time. We attempt to provide much-needed evidence with adequate data. Whereas previous research had to rely on self-reported play behaviour, we collaborated with two games companies, Electronic Arts and Nintendo of America, to obtain players' actual play behaviour. We surveyed players of Plantsvs.Zombies: Battle for Neighborville and Animal Crossing: New Horizons for their well-being, motivations and need satisfaction during play, and merged their responses with telemetry data (i.e. logged game play). Contrary to many fears that excessive play time will lead to addiction and poor mental health, we found a small positive relation between game play and affective well-being. Need satisfaction and motivations during play did not interact with play time but were instead independently related to well-being. Our results advance the field in two important ways. First, we show that collaborations with industry partners can be done to high academic standards in an ethical and transparent fashion. Second, we deliver much-needed evidence to policymakers on the link between play and mental health.

Dernière édition: 25 Fév 2021 12:22 par Loys.

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29 Oct 2021 21:44 - 03 Nov 2022 21:48 #23641 par Loys
Curieux décryptage avec, à l'appui, les habituels relativistes des écrans :

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Dernière édition: 03 Nov 2022 21:48 par Loys.

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21 Jan 2022 15:10 #23764 par Loys
www.santepubliquefrance.fr/les-actualite...revention-sur-mesure

Face aux conséquences de l’épidémie de COVID-19 sur la santé mentale, et en particulier celle des enfants et des adolescents, Santé publique France a renforcé sa surveillance et lancé des études en population.
[...]
Une attention particulière a également été portée aux enfants et aux adolescents, avec l’étude Confeado dont l’objectif était de comprendre, dans le cadre de l’épidémie de COVID-19, la manière dont les enfants et les adolescents âgés de 9 à 16 ans ont vécu le premier confinement et comment celui-ci a pu avoir des conséquences sur leur bien-être.

Les premiers résultats mettaient en évidence des disparités en santé mentale, classiquement retrouvées selon l’âge et le sexe avec une santé mentale plus impactée chez les adolescents (13-18 ans) que chez les enfants (9-12 ans) et également plus impactée chez les filles que chez les garçons.

Les résultats faisaient également ressortir une nette fracture sociale. Les enfants et les adolescents issus de familles plus vulnérables, ayant des conditions de vie plus difficiles et en situation d’isolement social ont ressenti davantage de détresse psychologique. Un manque d’activités, une augmentation du temps passé sur les réseaux sociaux et les écrans, un sentiment d’être dépassé par rapport au travail scolaire, l’infection à la Covid-19 d’un proche et l’hospitalisation suite au Covid-19 étaient des facteurs également associés à la détresse.


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03 Nov 2022 21:52 - 03 Nov 2022 21:54 #24162 par Loys
16/03/2022 dans "Jama" : "Association of Screen Time With Internalizing and Externalizing Behavior Problems in Children 12 Years or Younger - A Systematic Review and Meta-analysis" Rachel Eirich, MSc1,2; Brae Anne McArthur, PhD1,2; Ciana Anhorn, BSc1; et al

Une méta-analyse de 1960 à 2021, ayant retenu 87 études :

Conclusions and Relevance This systematic review and meta-analysis found small but significant correlations between screen time and children’s behavior problems. Methodological differences across studies likely contributed to the mixed findings in the literature.


A partir de cette analyse : "Les enfants menacés par trop d’écrans ? La science n’est pas si catégorique" dans "20 minutes" du 20/03/22.
Dernière édition: 03 Nov 2022 21:54 par Loys.

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15 Déc 2022 17:15 #24220 par Loys
21/11/22 : "Age that kids acquire mobile phones not linked to well-being, says Stanford Medicine study"


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13 Nov 2023 20:43 - 13 Nov 2023 21:19 #24808 par Loys
Dans "Le Monde" (abonnés) du 13/11/23 : "Impact des écrans sur les enfants : une méta-analyse fait état d’effets d’intensité « faible à modérée »"

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On se doute bien que lire un livre numérique est plus profitable pour les apprentissages que jouer à des jeux vidéo, ou qu'interagir avec un enfant utilisant un écran est plus profitable que de le livrer seul aux écrans, mais, dans les faits, quelle proportion de l'un et quelle proportion de l'autre, d'autant que les objets nomades (tablette, smartphone) sont - par essence - conçus pour une utilisation individuelle, loin des adultes.

Ou, dit autrement : face à la réalité des usages, l'éternelle potentialité positive. Bref, du relativisme.
Dernière édition: 13 Nov 2023 21:19 par Loys.

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