"Tricher à l'ère du numérique" (Le Café Pédagogique)

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15 Fév 2013 13:16 #3925 par Loys
A lire sur "Le Café Pédagogique" du 15/02/13 : "Tricher à l'ère du numérique" .


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15 Fév 2013 14:13 #3926 par Loys

Tricher à l'ère du numérique

C'est un sujet pour moi, ça ! :)

La triche est un comportement qui n'a pas attendu le numérique pour faire parler dans les salles des professeurs. Mais depuis que le numérique s'impose au quotidien elle est redevenue un objet de préoccupation. Parler de triche demande d'abord de préciser les contours de cette attitude qui recouvre des réalités bien différentes les unes des autres. La triche est avant tout un contournement des règles établies en vue d'obtenir un résultat équivalent, voire supérieur à celui que l'on obtiendrait en les respectant.

Bonne définition.

L'arrivée du numérique, a bien sûr, actualisé les procédés et élargi la palette des possibles.

Au delà de ce qu'imagine Bruno Devauchelle, comme on peut le voir par la suite.

Il faut dire que, pour les jeunes amateurs de technologies, ils ont en face d'eux des adultes qui ont bien du mal à entrer dans ce monde qui leur est bien plus familier.

C'est surtout qu'il est bien plus difficile d'empêcher la fraude, même en classe.

En classe, à la maison, sur le chemin de l'école, grâce à la bonne volonté de tous ceux qui mettent en ligne des contenus, il y a désormais matière à contourner des règles qui ont été édictées au temps où les "antisèches" étaient au fond de la trousse ou dans quelque bout de papier chiffonné au fond de la poche.

L'expression "des règles qui ont été édictées au temps où" laisse assez augurer de la suite.

Certes en 1980 un film comme « les sous-doués passent le bac » avait donné le ton d'une possible invasion des technologies pour tricher (mais aussi pour apprendre). Nombre de légendes courent sur ces tricheries de toutes sortes. Mais parfois parmi ces tricheries certaines apparaissent comme particulièrement problématiques, tel le copier coller qui pour le meilleur comme pour le pire contribue grandement à un discours sur les méfaits des technologies dans le monde de l'enseignement.

J'adore cette expression : "contribue grandement à un discours sur les méfaits"... :transpi:

Le problème du copier-coller, finalement, c'est le discours négatif qu'on tient sur lui. Il suffisait d'y penser.

Connaissant l'imagination et l'habileté de certains, tricher est une activité qui semble inépuisable, mais surtout qui doit être analysée en fonction du contexte dans lequel cela s'exerce. Si l'on se pose la question de savoir pourquoi ces comportements perdurent et même, selon certains, se développent, il faut probablement aller voir davantage dans la direction de la fin que dans celle des moyens.

Façon de dire que le numérique n'y est pour rien. Or sa massification et les nouvelles possibilités de triche qu'il offre y sont pour quelque chose :
- Les possibilités de triche ne sont plus limitées en termes quantitatifs : l'antisèche peut représenter plusieurs Giga-octets.
- On peut désormais tricher pour des exercices pour lesquels il était impossible de tricher (commentaire, dissertation etc.)
- On peut échanger en classe ou à la maison grâce aux réseaux sociaux
- Les sujets des examens ou des devoirs peuvent être transmis par les réseaux sociaux en un temps minime
- etc. etc.

Pourquoi tricher ? Pour obtenir un avantage que l’on n’aurait pas en suivant simplement les règles édictées. Les formes de cet avantage sont multiples : économie de temps, d'énergie, d'argent, amélioration du quotidien, de l'estime de soi, de la reconnaissance, obtention d'un bien, d'une note, d'un résultat.

Les sites de corrigés payants n'offrent pas une économie d'argent. Quant à l'estime de soi, je doute fort qu'elle soit renforcée par la pratique du copier-coller. :roll:

La multiplicité des raisons de tricher est au diapason de la multiplicité des formes de la tricherie. Comme pour l'exemple de tricherie que constitue le dopage, une des premières questions est celle de savoir à partir de quand on estime qu'il y a ou non tricherie. Certains n'hésitant pas à remettre en cause les critères choisis, les seuils retenus.

Nous y voilà : la triche qui n'est plus de la triche, grâce à la modernité.

Les figures de tricherie (dans l'enseignement) liées au numériques sont principalement celles du copier coller, sous plusieurs formes. Que je copie sur mon voisin, que je recopie une source externe en la faisant passer pour un travail personnel, le copier coller est la tricherie qui fait le plus parler d'elle. Parmi les autres formes, on trouve l'entraide via les réseaux, l'utilisation de logiciels facilitateurs, la substitution d'identité (à distance en particulier) ou encore le "piratage" de sites réservés comme les notes, les présences etc.... Même si l'imagination de ceux qui veulent tricher est immense, il reste que l'exercice est souvent assez classique. L'habileté numérique importante de certains, mais aussi une certaine naïveté aussi bien des jeunes que des adultes ont amené à une augmentation importante de cas, voire, pour certains une généralisation ou plutôt une systématisation.

Voilà qui est rassurant.

Dans le même temps, les moyens numériques sont aussi devenus de formidables moyens de surveillance, de traçage de l'activité.

Heu... Pour le professeur ? Qui peut accéder aux mails ou au réseau social des élèves, à leur historique de navigation ?

Mais comme dans de nombreuses circonstances le recours aux ordinateurs (et autres terminaux numériques) est interdit, on ne peut engager ces moyens de surveillance.

Ah...

On imagine aisément ce que serait un examen dans lequel Internet serait autorisé et l'activité tracée (c'est à dire que, selon les choix faits, on enregistre telle ou telle action de l'usager). On aurait ainsi la possibilité d'analyser en temps réel la manière de travailler et l'on pourrait mesurer l'activité de copier coller et toute autre forme d'emprunt ou de référence.

Je ne vois pas trop ce que ça changerait : les élèves utiliseraient comme aujourd'hui des outils numériques non déclarés. :scratch:

Quant à la faisabilité d'une tel "traçage", je demande à voir. Les surveillants suffisent à peine à surveiller collectivement, sans relire les élèves... Et puis quel intérêt pour des exercices n’exigeant aucune recherche documentaire, comme un problème de mathématiques ?

Pour l'instant, il semble que, dans un contexte d'évaluation plus traditionnel, mais avec travaux rendus sous forme informatique, le recours à un logiciel qui permet de repérer les copier coller est la forme la plus souvent mise en place (plutôt dans le supérieur qu'un lycée).

C'est bien naïf, de la part de M. Devauchelle : de nombreux contenus ne sont pas en accès gratuits et donc inaccessibles aux logiciels anti-plagiat. Et les échanges des élèves sur les réseaux sociaux sont confidentiels.

Au lycée, ce recours n'a pas de sens puisque les travaux sont pour la plupart manuscrits comme à l'examen : il faudrait donc saisir le texte de chaque élève...

Une des sociétés de logiciel anti-plagiat propose aussi aux étudiants de s'auto-évaluer en soumettant eux-mêmes leurs travaux pour vérifier qu'ils ne dépassent pas la "dose" autorisée de citations.

Petite confusion à la Michel Serres entre "citation" et "copier-coller". La dose autorisée de citations (c'est à dire avec les guillemets) n'est pas limitée mais la dose de copier-coller a vocation à être être nulle. Le concept de "dose autorisée de copier-coller" me semble bien curieux, tout comme celui de vérifier soi-même si on a plagié, ou plus exactement dans quelle proportion.

Le développement de ces comportements, facilité par la miniaturisation des machines ne peut qu'amener à une réflexion sur l'évaluation et l'organisation du travail scolaire en général, plus qu'à un renforcement des surveillances de toutes sortes.

Au lieu de lutter contre la fraude, redéfinissons la fraude. Mesurons la température en cassant le thermomètre.

- En premier lieu c'est la notion de travail à la maison qui est à retravailler. C'est souvent là que s'origine la possibilité de tricher.

Pas seulement, hélas. La fraude est si massive à la maison que les professeurs de lycée doivent renoncer à en donner pour évaluation. Vivent les progrès du numérique.

Aide familiale, aide numérique, plusieurs ressources sont à disposition pour rendre le travail personnel plus facile. L'usage des moyens de communication interpersonnels ajoute des possibilités nouvelles au copier coller, en vue d'une solution toute trouvée. Impossible de se contenter d'une production faite en dehors de l'école, mais nécessité de s'interroger sur le processus ayant amené à cette production. En d'autres termes on ne peut plus demander le même travail à faire dans cet univers numérisé, dont il faut prendre en compte les potentialités.

Les potentialités négatives, ici.

- Ensuite c'est sur les formes de l'évaluation, sommative en particulier, qu'il convient de s'interroger. La nécessité de moyens de surveillance s'accroit avec le numérique, en particulier avec les smartphones. Les témoignages se multiplient de recopie en cours de devoir sur table de sources directement tirées d'Internet (copie de corrigés d'annales etc..). Comment imaginer désormais de faire un devoir dans lequel tous les documents seraient autorisés, en incluant le lien avec Internet ? Il est probable que l'on va devoir de plus en plus réfléchir à ces nouvelles modalités d'évaluation des apprentissages si l'on veut éviter que ces comportements continuent de se développer.

L'interdiction du smartphone (et de toute forme d'électronique personnelle) dans les établissements scolaires me semble une solution toute indiquée.

"réfléchir à ces nouvelles modalités d'évaluation" me semble au contraire une très mauvaise idée. Il semble qu' un an après mon expérience M. Devauchelle n'a toujours pas compris que ce qu'on trouve en ligne n'est pas nécessairement de l'ordre du "document" ou de l'information. Un corrigé de dissertation n'est pas un "document". :fur

Autre chose : l'accès à Internet est avant tout un accès à la communication, entre élèves ou avec des tiers. :roll:

Bref des "modalités d'évaluation" impossibles pour un travail personnel. Je renvoie à mon article : "Bac to the future : les examens de demain" (24/09/12).

Mais encore faut-il concevoir qu'un devoir ne repose pas principalement sur la restitution de connaissances mémorisées puis mises en situation sous forme d'exercices.

Non ? :mrgreen:

- De manière plus générale, enfin, c'est l'organisation du travail scolaire qui est interrogée. Dans les textes officiels qui encadrent l'accompagnement personnalisé, une allusion est faite à l'usage des TIC comme moyen de modifier l'organisation habituelle du temps scolaire. Certaines expérimentations d'enseignement asynchrone à distance sur plateforme numérique ont prouvé leur efficacité et mis en difficulté les tricheurs.

J'aimerais bien savoir comment. :transpi:

Mais en modifiant l'organisation globale du travail scolaire, on modifie le cadre qui pourrait leur paraître incitatif. Il serait aisé de commencer par la modification des formes de l'examen final car cela inciterait les enseignants à réfléchir en amont leur pratique pour amener les jeunes à ces certifications. Il serait plus globalement possible de réfléchir collectivement et régulièrement à l'articulation entre besoins et moyens de tricher.

Pour réfléchir, il faudrait déjà comprendre la nature des exercices scolaires et les possibilités techniques de la fraude numérique. :twisted:

En faisant ce travail on verrait rapidement émerger une compréhension de la source du problème plutôt que des seuls méfaits.

Dit de façon alambiquée : le problème n'est pas la fraude, mais le travail donné aux élèves.

On peut tenter de s'attaquer à la triche aidée par le numérique en milieu scolaire (ou universitaire). Mais si on se limite à rechercher des moyens pour lutter contre sans interroger ce qui y incite, on risque de rester longtemps à la traîne des spécialistes du contournement.

On ne peut contourner que quand on a à sa disposition des outils numériques.

A noter que l'argument du contournement permanent ne plaide pas pour le passage aux examens numériques. :twisted:

Il est intéressant d'utiliser le phénomène de triche pour engager une réflexion sur ce le sens des apprentissages, de leur évaluation et des conséquences sociales de la réussite ou de l'échec...

Comprendre : un apprentissage qui permet de tricher est un mauvais apprentissage. Sauf qu'il est possible de tricher pour tout apprentissage désormais... Comprendre aussi que le système génère de l'échec : un bon examen ne doit engendrer que de la réussite.

M. Devauchelle pourrait aussi engager une réflexion sur le fait que le numérique pose finalement plus de problèmes qu'il n'en résout. Ah non, ce n'est pas possible : on ne peut pas remettre en cause le numérique qui n'apporte bien sûr que de bonnes choses à l'école, comme on peut le voir.

Les objets numériques sont davantage un révélateur qu'un pourvoyeur.

C'est faux : ils créent de nouvelles conditions facilitant la triche à un niveau industriel.

Profitons de l'occasion pour interroger plus fondamentalement le fonctionnement du système scolaire.

Quand les voitures vont trop vite, c'est la faute des radars.

M. Devauchelle est bien allusif ou bien timide : on attend ses propositions concrètes pour "interroger" le fonctionnement du système scolaire.

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12 Avr 2013 15:44 #5173 par Rinette
Là où je travaille un enseignant débutant (un thésard, qui avait le statut de "moniteur") avait mis zéro à une étudiante qui avait fait un dossier copier-coller. L'étudiante a "porté plainte" auprès des responsables de la formation dans une lettre relativement bien écrite (pas forcément par elle) en plaidant que la consigne du travail à faire n'était pas claire, qu'elle avait cité la source en bibliographie... Le tuteur de ce moniteur (un ancien que j'ai toujours soupçonné d'être démago) a demandé à ce que la note soit relevée. Du coup je ne sais plus quelle note avait l'étudiante avait obtenue, mais à la rigueur peu importe ! Bonjour les messages transmis !
1. l'information remplace le savoir
2. un enseignant n'a pas spécialement d'autorité
3. lorsqu'on a une mauvaise note, il faut se plaindre, on n'a rien à perdre...

Pour ma part j'essaie de ne pas prêter le flanc à ce genre de problèmes en ne demandant pas aux étudiants de première année de "faire de la recherche" dans un domaine qu'ils découvrent à peine. Je trouve que cela revient à demander à des élèves de composer de la musique alors qu'ils n'en auraient jamais joué ni même écouté. Mais c'est une autre question.

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14 Avr 2013 09:04 #5203 par Loys

Rinette écrit: Là où je travaille un enseignant débutant (un thésard, qui avait le statut de "moniteur") avait mis zéro à une étudiante qui avait fait un dossier copier-coller. L'étudiante a "porté plainte" auprès des responsables de la formation dans une lettre relativement bien écrite (pas forcément par elle) en plaidant que la consigne du travail à faire n'était pas claire, qu'elle avait cité la source en bibliographie...

Si je comprends bien, dans l'esprit de cette étudiante, le copier-coller est légitime s'il ne s'agit pas de plagiat...

S'agissant généralement des élèves ou les étudiants, ils copient-collent ce qu'ils ne comprennent - je dirais même parce qu'ils ne comprennent pas et qu'ils ne savent pas reformuler.

Je vous renvoie à mon "Eloge du copier-coller à l'école" .

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