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Les troubles chez les tout-petits exposés aux écrans
- Loys
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Voilà un article qui mérite une analyse détaillée. Rappelons d'abord que c'est le deuxième article à charge de Nolwenn Le Blevennec contre Anne-Lise Ducanda.
D'emblée plusieurs remarques s'imposent :Ecrans : les parents d'enfants autistes demandent au Dr Ducanda de s'arrêter
Deux mères d'enfants autistes ont déposé plainte devant le Conseil de l'Ordre du département de l'Essonne.
- "Deux mères" devient, dans le titre, "LES parents d'enfants autistes". Comme on le voit dans la suite de l'article, deux autres mères, en relation avec le docteur Ducanda, lui accordent leur confiance : mais ces mères-là sont présentées implicitement comme irresponsables, ainsi que nous le verrons.
- La "demande [...] de s'arrêter", très euphémistique, renvoie à une réalité beaucoup plus brutale : une plainte devant l'Ordre des médecins, un harcèlement personnel sur les réseaux sociaux (un groupe Facebook anonyme, auquel participent les deux plaignantes l'a prise pour cible), des pressions, des appels à la censure auprès de la CNAF, des académies, du congrès des médecins généralistes de France, des mairies : les conférences du collectif CoSE programmées dans les mairies du 13e et du 16e arrondissement de Paris ont été annulées.
Cet article, en concentrant ses attaques sur Anne-Lise Ducanda et en oubliant quelque peu qu'elle appartient à un collectif (mentionné une fois dans l'article, sans aucun lien), collectif soutenu lui-même par des milliers de signataires de la charte (dont de nombreux professionnels de la santé), participe d'une personnalisation détestable du débat.
En filigrane dans cette expression ("est devenue célèbre") un procès d'intention en recherche de notoriété : pour alerter les parents, Anne-Lise Ducanda a utilisé Internet comme on jette une bouteille à la mer.L'an dernier, le docteur Anne-Lise Ducanda est devenue célèbre en dénonçant, sur YouTube, les ravages de la surexposition des jeunes enfants aux écrans.
Une "thèse fantasmatique" ou "farfelue" comme disait Nolwenn Le Blevennec en 2017, mais les constats de terrain le sont-ils ? Et le soutien d'un des plus éminent spécialistes français de l'enfance et de l'adolescence en France, Daniel Marcelli, est-il également "farfelu" ?Si la vidéo, publiée au printemps 2017, est devenue virale, c'est parce qu'elle contient une thèse fantasmatique à ce stade. Selon le Dr Ducanda, médecin généraliste de la Protection maternelle et infantile (PMI) de l'Essonne, il existerait un lien entre l'exposition croissante des enfants aux écrans et l'explosion de l'autisme dans le monde occidental.
Les écrans feraient entrer dans la "case autiste" de jeunes enfants, qui seraient en quelque sorte lobotomisés. A l'écouter, ils ne seraient que des "faux positifs", des "autistes virtuels", qui auraient juste besoin d'une détox de tablette pour repartir du bon pied.
A vrai dire, ce soutien n'est pas même mentionné dans l'article, entièrement à charge.
Le raisonnement est ici curieux : qui peut se sentir "coupable" ou "avoir de l'espoir" à part des familles dont les enfants sont SURexposés aux écrans, c'est-à-dire plusieurs heures par jour depuis le plus jeune âge ?Pendant des mois, les parents d'autistes ont essayé d'ignorer l'incroyable phénomène médiatique qui a suivi la publication de cette vidéo. Cela leur pose pourtant des problèmes au quotidien : cette théorie les culpabilise, crée de faux espoirs et pousse certains soignants à retirer les outils numériques des mains de leurs enfants, "pour voir ce qu'il se passe".
Et même quand c'est le cas, les praticiens qui alertent sur cette surexposition prennent bien la précaution de ne pas culpabiliser les familles : l'invasion des écrans de type tablettes ou smartphones est un phénomène récent.
Pas de contradiction ? Et la présence de Serge Tisseron ?Plaintes au Conseil de l'Ordre
Mi-janvier, l'émission "Envoyé spécial" a basculé. En prime time, sur France 2, le Dr Ducanda a déroulé ses idées pendant une demi-heure. Et si un médecin peut dire sur une chaîne du service public, sans réserve ni contradiction, que le retrait des tablettes entraîne la guérison spectaculaire d'enfants présentant un tableau autistique, cela veut dire qu'on ne peut plus rien croire. Qu'on peut éteindre toutes les lumières et s'en aller.
Pour le reste, la guérison n'est pas "spectaculaire" (au sens d'instantanée : comment pourrait-elle l'être quand les troubles sont si graves et les retards si grands ?), ce sont les premiers changements dans l'attitude de l'enfant qui le sont. Qui peut penser qu'il suffit d'"éteindre les lumières et de s'en aller" ? Cette remarque atterrante prépare le procès d'Anne-Lise Ducanda en sa qualité de médecin, comme on le verra par la suite...
Aucune étude à n'a été menée sur ce phénomène nouveau et récent : l'exposition massive d'enfants de 0 à 3 ans aux écrans. C'est précisément pour appeler de telles études (et bien d'autres) que le collectif CoSE s'est constitué : l'article ne donne… aucun lien vers son site.Car aucune étude sérieuse ne confirme cela.
"ses histoires d'écran" : l'expression montre bien à quel point les troubles constatés par le collectif CoSE ne sont pas pris au sérieux, lors même que la Haute autorité de santé a fait paraître en février 2018 des recommandations soulignant l'"influence délétère" des écrans : "Les études scientifiques disponibles montrent de manière quasi-unanime que cette tendance a des incidences négatives majeures sur le développement des fonctions cognitives, les champs particulièrement affectés étant la réussite scolaire, le langage, l’attention, le sommeil et l’agressivité" ( cf supra ).A la suite de cette émission, deux mères d'enfants autistes (au moins) ont porté plainte devant le Conseil de l'Ordre du département de l'Essonne. Ces deux femmes, en colère, disent la même chose : le diagnostic de l'autisme est une course contre la montre, et ses histoires d'écrans ralentissent le processus. Elles demandent qu'elle lâche le mot "autisme".
Aucune mention de ces recommandations dans l'article, ni des nombreux avertissements au sujet des écrans et des enfants dans le nouveau carnet de santé 2018.
Non : "ses histoires d'écran" ne peuvent être qu'une obsession ridicule d'un praticien de terrain à la thèse "farfelue".
Omission importante de Nolwenn Le Blevennec ici (qui a pourtant accompagné les plaignantes à la première étape de la procédure) : la conciliation et les compromis devant l'Ordre ont été refusés… par les plaignantes, qui, à rebours de toute procédure, ont ajouté de nouvelles exigences par mail après l'audience.Une tentative de conciliation entre elles et le Dr Anne-Lise Ducanda a eu lieu le vendredi 9 mars, mais elle n'a rien donné.
Au cours de l'entretien, le Dr Ducanda a consenti à faire, en vidéo, des excuses aux parents d'autistes pour la peine dans laquelle son analyse les plonge. Mais elle ne veut pas s'interdire de parler d'autisme.
Pas à "Rue89" mais à Nolwenn Le Blevennec, après son article de 2017 la mettant violemment en cause. Ce second article montre qu'elle avait raison de refuser de s'entretenir avec une journaliste dont le parti pris est criant.Le médecin de PMI refuse de parler à Rue89 depuis la publication d'un premier papier, au printemps dernier. Son avocat n'a pas voulu nous répondre non plus.
Le collectif CoSE, comme son nom l'indique n'est pas "anti-écrans" mais contre la "surexposition aux écrans". Autre étrangeté : personne du collectif n'a été "mandaté" pour répondre à Nolwenn Le Blevennec..."Mandatée" par le collectif anti-écrans cofondé par le Dr Ducanda, une pédopsychiatre nous a quand même appelés...
Daniel Marcelli, dont le témoignage est pourtant affiché sur le site de CoSE, ne dit pas autre chose : "Les constations cliniques du Dr. Ducanda, corroborées par d’autres cliniciens, demandent à être confirmées par des études scientifiques rigoureuses, mais ce n’est pas en interdisant à Mme Ducanda de prononcer « autisme » dans ces propos qu’on pourra faire avancer les connaissances. Ce diktat en forme de censure sur les mots est proprement inadmissible…"..pour nous expliquer pourquoi il n'y avait pas eu de conciliation : "Ces mères souhaitaient interdire au Dr Ducanda de prononcer le mot 'autisme'. Cela ne vous choque pas, vous, en tant que journaliste, qu'on lui interdise de prononcer des mots ? Ça rappelle une période de l'histoire qui n'était pas une bonne période."
Ou aucune sanction : curieux de l'oublier...Ce lundi 9 avril, les plaintes ont donc été transmises à la chambre disciplinaire de première instance de l'Ordre des médecins, qui va instruire le dossier, avant de rendre son verdict dans quelques semaines. La panoplie des sanctions possibles : avertissement, blâme, suspension temporaire du droit d'exercer (avec ou sans sursis), radiation.
L'article donne ici lieu à une curieuse biographie de complaisance, à laquelle Anne-Lise Ducanda n'a pas droit.Deux mères coriaces
Les deux mères qui ont porté plainte l'ont fait au nom des autres parents.
On notera que la représentativité de deux mères n'est ici pas questionnée...
Une vidéo d'une rare agressivité (avec tutoiement et déformation grossière des propos d'Anne-Lise Ducanda : "l'autisme n'a rien de virtuel").Elles y sont allées parce qu'elles sont particulièrement coriaces et combatives (elles sont entraînées par les complications de la vie).
Estelle, 43 ans, qui vit à Toulouse, est très connue dans le milieu des parents d'autistes. C'est la mère d'Allan, 13 ans. En mars 2014, elle est montée sur une grue pour protester contre le retrait arbitraire de son auxiliaire de vie scolaire (AVS). C'est un "personnage", avec ses longs cheveux bouclés et platine, ses yeux cerclés de noir, sa voix grave.
Dix jours après le sujet d'"Envoyé spécial", elle avait publié une vidéo humoristique s'adressant au Dr Ducanda.
Rappelons qu'Estelle Ast est l'auteur d' une application pour montre connectée .
On a ici un bon exemple de la déformation du message de CoSE :Nolwenn, 37 ans, ne dégage pas du tout les mêmes ondes. Elle n'a jamais milité. Elle porte des jeans, des baskets, et ses long cheveux noirs tombent. Elle habite en Seine-et-Marne. Son fils, Sacha, a 3 ans et demi. Depuis qu'il a été diagnostiqué, elle a arrêté de travailler (elle était danseuse) pour s'occuper de lui à plein temps. Elle a poussé les meubles du salon pour installer des parcours de motricité. Apprend à son fils à se cogner la tête contre les murs sans se faire trop mal. Et mange des pâtes.
Nolwenn s'est posé la question de l'autisme pour Sacha lorsqu'il avait 1 an. L'enfant ne ressentait aucune angoisse de séparation quand elle le laissait dans le chariot du supermarché, pour aller chercher des tomates.
"Le mal, c'est le temps perdu"
Nolwenn dit qu'elle est tombée immédiatement sur les bons intervenants, qu'ils ont été clairs et qu'elle a tout de suite été prête à affronter la situation. Sans flottement. "Moi, du fait de mon parcours de vie, j'étais prête à accueillir cet enfant- là", dit la jeune femme qui porte sur son décolleté un tatouage "Heureux sont les fêlés, car ils laisseront passer la lumière" (Michel Audiard).
"Mais qu'est-ce qu'il se serait passé si mon pédiatre avait été le Dr Ducanda ? Si elle m'avait dit : 'Oh, on va attendre un peu et commencer par retirer les écrans' ? Dans cette histoire, le mal qui est fait, c'est le temps perdu."
- On ne retire des écrans que s'il y a surexposition : aucune raison que cette mère se sente concernée par l'alerte. Mais il ne faudrait pas poser la question pour autant, quand d'autres enfants, de plus en plus nombreux, sont concernés ?
- Anne-Lise Ducanda ou les autres praticiens de CoSE n'ont jamais préconisé de perdre du temps dans les diagnostics de TSA. Les rendez-vous pour les diagnostics sont souvent très longs à obtenir : comme dit le professeur Daniel Marcelli, "la demande de rendez-vous dans le CRA de rattachement nécessite une attente de plusieurs mois et, en bonne clinicienne, plutôt que d’attendre passivement ce rendez-vous, elle propose ce « sevrage » des écrans". Et ce uniquement en cas de surexposition...
Tout le non-dit de ce récit très personnel est qu'Anne-Lise Ducanda n'aurait pas été un "bonne personne" et aurait empêché le bon diagnostic : il s'agit donc d'un procès d'intention...Sacha a pu obtenir une AVS 24 heures par semaine parce que, diagnostiqué très tôt, sa marge de progression a été jugée très bonne.
De son côté, Estelle a passé le plus dur avec son fils de 13 ans. Il l'appelle quarante mille fois par jour pour lui dire ce qu'il fait, mais il le fait tout seul. "Mon fils, je le kiffe trop comme il est. Il est zéro filtre, c'est un diamant pur." Estelle est elle aussi tombée sur les bonnes personnes :
"Le diagnostic a été fait en quinze jours et cela a changé l'avenir de mon fils. Tout se joue dans les premières années parce que le cerveau est malléable."
L'article devient diffamatoire : jamais Anne-Lise Ducanda n'a dit à cette mère (qu'elle a reçu deux fois gratuitement) qu'il ne fallait pas s'inquiéter, et, contrairement à ce qu'affirme la suite de l'article, jamais elle n'a dissuadé cette mère de demander un rendez-vous à Robert-Debré : c'est même Anne-Lise Ducanda qui lui avait conseillé de prendre rendez-vous."Je m'accroche à Ducanda"
Quelles conséquences peut avoir la théorie du Dr Ducanda sur le temps du diagnostic ? J'ai parlé à Madeleine*, une jeune maman dont l'enfant a été suivi par le Dr Anne-Lise Ducanda. Très tôt, son bébé a été beaucoup exposé aux écrans et à une arche lumineuse (le Dr Ducanda n'aime pas non plus les jouets électroniques). C'est le moyen qu'avait trouvé Madeleine pour l'occuper et pou- voir continuer à travailler de chez elle.
Au téléphone, elle me dit que son bébé pouvait rester des heures à regarder cette arche clignotante. C'est en soi une étrangeté : si des effets de lumière rendaient leur liberté aux parents, cela se saurait.
Ces derniers temps, Madeleine a remarqué que son enfant ne se développait pas normalement. Mais en consultation, après avoir écouté son histoire, le Dr Ducanda lui a dit de ne pas s'inquiéter : rien de grave, il faut simplement retirer tous les écrans. Et attendre.
Il n'est pas précisé si l'enfant était surexposé ou non au écrans et les éventuels changements (ou pas) à la suite du retrait des écrans. En tout cas, aucune perte de temps dans ce cas précis : Anne-Lise Ducanda a même permis d'en gagner en conseillant ce rendez-vous...Pas complètement convaincue, hésitante, Madeleine a obtenu un rendez- vous à l'hôpital Robert-Debré, où l'hypothèse des écrans a été balayée sans discussion. Après des examens, on lui a dit qu'il s'agissait de troubles du spectre autistique. Depuis, Madeleine me dit qu'elle est perdue, prise "entre deux versions".
"Ils sont cinq à Robert-Debré, et cinq à se planter, ça ferait quand même beaucoup... Mais je continue à m'accrocher à la théorie du Dr Ducanda, parce que je l'aime bien et qu'évidemment j'aimerais qu'elle ait raison et que le diagnostic soit finalement inversé."
Après les sous-entendus de charlatanisme, un intertitre toujours aussi mesuré...Esotérisme
Pourquoi ces deux mots ne sont-ils pas cités entre guillemets ? Les propos cités à proprement parler sont beaucoup plus évasifs :Au service pédopsychiatrique de l'hôpital Robert-Debré, cette histoire d'autisme "virtuel" exaspère les spécialistes. Le Pr Richard Delorme, chef de service, la trouve stupide et scandaleuse.
Rien à voir donc avec "la théorie du Dr Ducanda"."En France, la culture des sciences reste à faire. Vous allez dans une librairie aux Etats-Unis, vous trouvez des tas de livres consacrés à des sciences assez dures, expliquées au grand public. En France, au rayon sciences de la Fnac, il n'y a rien. Ou des trucs un peu ésotériques."
A propos de la théorie du Dr Ducanda :
"Il y a un patient autiste américain qui a montré que la courbe d'augmentation de la prévalence de l'autisme est exactement la même que celle de l'augmentation de la prévalence des colis chez FedEx. Cela ne veut pas dire que les deux sont liés...
Il faut donc des études scientifiques, que réclame le collectif CoSE dans sa charte depuis un an. Mais certains demandent "de s'arrêter"...La psychiatrie n'est pas extérieure aux sciences. Sans étude épidémiologique, sans aucune donnée scientifique, on ne peut pas dire que tel ou tel événement est à l'origine d'une maladie."
Au demeurant, la journaliste n'a pas interrogé Robert Delorme sur les cas cliniques très sérieusement présentés par Anne-Lise Ducanda au congrès des médecins généralistes de France, le 6 avril 2018, et où elle a été applaudie.
"morcellement de la société"Pour Richard Delorme, la thèse de Ducanda est facile à vendre dans les médias parce qu'elle raconte une histoire de morcellement de la société.

Curieuse façon de raisonner. Donc CoSE est proche de Zamfir qui est proche de mouvements orthodoxes : il faut donc en déduire que CoSE est un mouvement religieux orthodoxe contre l'avortement, ce qui explique très logiquement son engagement contre la surexposition aux écrans des tout-petits.L'expression "autisme virtuel" vient d'ailleurs d'un psychologue roumain, Marius Teodor Zamfir, proche des mouvements orthodoxes et régulièrement cité par Vita Bucarest (association anti-avortement) ou la Coalition pour la Famille.
Pas sûr que Laurent Alexandre, "business angel", défenseur d'un transhumanisme proche de l'eugénisme (les femmes intellectuelles appelées à faire plus d'enfants ou l'intelligence limitée à la naissance par la génétique), adepte qui plus est d'un certain numérisme, soit la meilleure défense contre l'alerte du collectif CoSE. Dans son billet (cf supra), à défaut d'offrir une réflexion de fond, il caricature le message de CoSE (sans jamais le citer : il affirme ainsi que les écrans génèreraient de l'autisme) et se livre à des analogies douteuses (la critique des écrans comparée au rejet des vaccins)…Clé utilisateur/ secrète de la configuration non valide
Serge Tisseron, présent dans "Envoyé spécial". L'argument des fenêtres (comme celui des placards de Franck Ramus) laisse penser qu'une fenêtre ou un placard produisent le même effet sur un enfant qu'un écran…Serge Tisseron : "Avant les écrans, on mettait les enfants devant la fenêtre"
Curieusement, si les écrans n'ont aucune incidence particulière sur les enfants, pourquoi la dernière version du 3-6-9-12 de Serge Tisseron interdit-elle formellement l'exposition à la télévision avant 3 ans et donne-t-elle des précautions strictes pour l'usage des tablettes ("toujours accompagnées") ?
Rappelons que, en toute cohérence, Serge Tisseron a signé en 2013 l'Avis de l'Académie des sciences s'enthousiasmant pour les tablettes et ce à partir de l'âge de six mois...
Oui, la même secrétaire d'État qui disait qu'il fallait se référer aux recommandations de la Haute autorité de santé mais qui ne semble pas les avoir lues et parle de "soi-disant les écrans qui viendraient perturber les enfants"."Vous ne comprenez rien"
Mi-mars, après avoir rencontré des parents d'enfants autistes à l'hôpital Robert-Debré, Sophie Cluzel, la secrétaire d'Etat chargée des Personnes handicapées, a elle aussi considéré qu'il était temps d'arrêter de relayer ces "fake news". Son cabinet a reçu de nombreux appels de "familles désespérées".
Clé utilisateur/ secrète de la configuration non valide
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Passage sidérant dans cet article à charge : non seulement les contradicteurs ne sont pas interrogés ou cités, mais leur message est caricaturé par la journaliste !Sur les réseaux sociaux, ceux qui soutiennent la théorie du Dr Ducanda répondent toujours de la même manière. Cela donne, en résumé :
"Rho mais vous ne comprenez rien ! Ce docteur ne dit pas que les écrans provoquent l'autisme, mais qu'ils entraînent des symptômes similaires ! C'est incroyable, vous êtes bêtes ou quoi !"
Où on retrouve le scepticisme sur les écrans ("peut-être des troubles (c'est à démontrer)") malgré les recommandations de la Haute autorité de santé. Avec contradiction interne, qui plus est : si ce n'est pas le cas, pourquoi l'exposition massive aux écrans ne serait pas "souhaitable" ?A cela, les parents d'enfants autistes répondent :
que c'est faux : les symptômes de l'autisme ressemblent aux symptômes de l'autisme ; qu'une exposition massive aux écrans n'est pas souhaitable (évidemment), empêche une bonne stimulation de l'enfant et provoque peut- être des troubles (c'est à démontrer), mais que le mot "autisme" n'a rien à voir avec le Schmilblick ;que si le mot est utilisé ici, c'est par pur opportunisme.
Il y a confiscation du mot "autisme" par les parents d'enfants autistes et tant pis si, dans les cas les plus graves d'exposition massive et précoce, des enfants diagnostiqués autistes ne le sont pas...
Toujours aucune référence aux cas cliniques exposés (des enfants diagnostiqués autistes par des CRA mais qui ne sont pas). L'erreur est possible tant que le diagnostic ne prend pas en compte le paramètre des écrans."Les enfants sont au liquide"
Les parents rappellent aussi que le Dr Ducanda ne parle pas d'une simple ressemblance entre les symptômes de l'autisme et de la surexposition aux écrans mais d'une convergence telle ("en tout point similaire") que même les plus grands services de pédopsychiatrie s'y tromperaient.
Une parenthèse étrangement journalistique, sur un sujet si grave.(Cela me fait penser au sketch de Coluche. Une couleur qui est "en tout point similaire" au blanc, est-ce autre chose que du blanc ?)
Le raisonnement est par ailleurs absurde : similaire du point de vue des symptôme ne veut pas dire similaire du point de vue des causes...
Pas de réfutation journalistique ?Ils ne comprennent pas pourquoi les médias relaient un discours aussi paranoïaque. Le 16 mars, lors d'une conférence de quartier, le Dr Ducanda disait, par exemple, devant des parents ébahis, que les écrans retardaient la propreté des enfants ou les empêchaient d'apprendre à mastiquer "puisqu'ils oublient leur corps".
"Si l'enfant a été mis trop tôt devant les écrans, il n'a même pas attrapé les jouets à la bouche, et il n'a même pas la mastication. J'ai de plus en plus d'enfants dans les écoles qui en sont encore au liquide ou à la purée."
Les changements sont de fait spectaculaires, comme le montre la suite."Le petit Rayan"
Et puis, revenons au reportage d'"Envoyé spécial". Le 18 janvier sur France 2, on voit le Dr Anne-Lise Ducanda monter dans sa voiture. Commentaire du journaliste :
"Depuis quelques temps, elle voit se multiplier des symptômes inquiétants ressemblant à l'autisme et elle est convaincue qu'il y a urgence."
Le médecin de PMI entre ensuite dans un appartement de Viry-Châtillon (Essonne), où vit Rayan, un enfant de 3 ans que le système scolaire a rejeté à cause de crises de nerfs. L'avant-veille du reportage, le Dr Ducanda a demandé à la mère de Rayan d'arrêter tous les écrans. Le journaliste contextualise :
"Il vient à peine d'être privé d'écrans, tout est encore très fragile..."
Ce n'est pas l'avis du Dr Ducanda, qui est déjà éblouie par ses progrès :
"Je suis très, très surprise parce que quand on s'est vus il y a deux jours, c'était pas du tout comme ça. C'est vraiment spectaculaire."
Visiblement, cette mère ne peut pas dire la vérité...Dans la vie d'avant, avec les écrans, Rayan ne répondait pas à son nom, ne disait pas "maman", courait partout et avait l'air de ne rien comprendre, raconte sa mère, face caméra...
Un mois devrait donc suffire, dans l'esprit de la journaliste, pour que l'enfant recouvre toutes ses capacités et rattrape des retards cognitifs graves.Tout ça va changer, Rayan va aller de "progrès en progrès". Elle en pleure :
"Moi, j'ai cru que jamais je ne pourrais avoir un travail ou une vie normale."
Un mois plus tard, quand les journalistes reviennent pour voir quels ont été les effets de la détox sur l'enfant, Rayan semble s'être effectivement détaché du téléphone de sa mère : il faut vraiment qu'on lui agite sous le nez pour qu'il l'attrape. Mais c'est tout ce qu'on peut dire, en fait.
Si elle se mord la lèvre (commentaire de la journaliste), c'est que la mère de Rayan ne croit pas ce qu'elle dit. Et de fait ce qu'elle dit contredit la journaliste : "Il y a déjà une amélioration et un changement"/"c'est tout ce qu'on peut dire, en fait"."Il y a déjà une amélioration et un changement, mais je sais que ça prend du temps", dit seulement la mère de Rayan en se mordant la lèvre.
Encore une contradiction..."Je n'ai pas de doutes"
"Cela prend du temps." C'est encore ce que nous dit Leïla* quand nous lui parlons au téléphone, en ce mois d'avril. Plusieurs mois après le reportage de France 2, la mère de Rayan croit encore à la théorie du Dr Ducanda, parce que son fils a fait des progrès :
"Mon fils est toujours nerveux, mais il est moins dans son monde. Il réagit à son prénom et il a arrêté de marcher sur la pointe des pieds, par exemple."
Encore une fois, tout laisse croire que ce rendez-vous aurait été pris contre l'avis d'Anne-Lise Ducanda : or, encore une fois, ce rendez-vous a été pris sur le conseil d'Anne-Lise Ducanda.Autre chose qui conforte, selon elle, la piste des écrans :
"Franchement, je n'ai pas de doutes qu'il est en bonne santé et que ses problèmes sont causés par les écrans, parce qu'il était bien à la naissance."
Et finalement :
"Disons que je suis sûre à 95% que ce sont les écrans, mais que j'ai quand même pris rendez-vous avec Robert-Debré pour confirmer. Mais Rayan ne passera pas avant la fin du mois d'août."
Au demeurant, le temps d'attente montre bien l'inanité de l'argument employé contre un diagnostic posant la question des écrans : il ne fait pas perdre de temps.
Les mères d'enfants avec ces graves troubles (tout simplement autistes si on en croit l'article) sont irrationnelles puisqu'elles font confiance à Anne-Lise Ducanda. Aucune raison donc d'en tenir compte dans le titre de l'article : "les parents d'enfants autistes demandent au Dr Ducanda de s'arrêter".
Au delà du déni des progrès observés, ce "on lui dit" conclut très logiquement un article entièrement ad hominem : Anne-Lise Ducanda promet des guérisons instantanées. Or, trois mois après, les graves troubles cognitifs occasionnés par des années de surexposition aux écrans ne sont pas totalement résorbés : c'est la preuve que les écrans n'ont aucun rapport avec les troubles de cet enfant, que les écrans n'occasionnent pas de graves troubles dans les cas les plus graves, que l'alerte d'un collectif de praticiens n'a pas lieu d'être, que la pratique médicale d'Anne-Lise Ducanda ne peut relever que d'une forme d'"ésotérisme".A 3 ans et demi, l'enfant, en attente d'une AVS, n'est pas scolarisé. Il dit des petits mots comme "maman" et "gâteau". Et "parfois, il parle, et parfois il arrête". Mais Leïla garde confiance.
On lui a dit que cela prenait du temps de rattraper le retard provoqué par l'exposition aux écrans.
On a bien compris la position de Nolwenn Le Blevennec dans cette polémique : juge et partie. On ne peut que s'interroger sur ce manque criant d'objectivité journalistique.
C'est d'autant plus regrettable que le collectif CoSE est évidemment attaché à la cause de l'autisme et que son action vise précisément, par cette alerte et le déclenchement d'une prévention de grande ampleur, à servir la cause des enfants autistes en même temps que d'autres enfants dont les troubles pourraient très simplement être évités.
Car, à vrai dire, cette concurrence des souffrances, absurdement brutale, a quelque chose de désolant.
Édition du 18/04/18 :
L’enfant de "Madeleine" a également été vue par un pédiatre et une orthophoniste, qui constate les mêmes progrès qu'Anne-Lise Ducanda à l’arrêt des écrans et les mêmes questionnements sur les troubles d’allure autistique. La mère, qui avait accepté de "témoigner que dans notre cas on peut croire a la théorie des écrans", a contacté la journaliste pour protester : "Ce n'était pas honnête de ne pas avoir mentionné les progrès fulgurants de [Madeleine] suite à l’arrêt des écrans, (regards interaction surtout) progrès qui furent également remarqués par l'orthophoniste et la psychomotricienne". Nolwenn Le Blevennec s'est engagée à mentionner en ajout les progrès dans son article.
La mère de Rayan a déclaré que la journaliste ne lui a pas demandé la permission de faire un article sur elle. Celle-ci a demandé des nouvelles de Rayan avec insistance au téléphone et a même appelé son ancien propriétaire et son ex mari. La mère de Rayan envisage de porter plainte.
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www.lequotidiendumedecin.fr/actualites/a...ux-etats-unis_857478
Une étude menée par les centres de prévention et de contrôle des maladies (CDC) des États-Unis montre une forte augmentation de la prévalence des troubles du spectre autistique (TSA). Les précédentes données, datant de 2014, montraient une prévalence de 1 enfant de 8 ans atteint sur 68. Ceux de ce dernier rapport signalent un enfant concerné sur 59.
Ce rapport se base sur les données recueillies pour 325 483 enfants qui avaient 8 ans en 2014, dans 11 sites des États-Unis (Arizona, Arkansas, Colorado, Géorgie, Maryland, Minnesota, Missouri, New Jersey, Caroline du Nord, Tennessee, Wisconsin). Les auteurs soulignent qu’elles ne peuvent être étendues à l’ensemble du pays car elles ne sont pas représentatives. Elles montrent cependant une tendance nette à l’augmentation.
[….] Les auteurs envisagent cette meilleure identification des TSA chez les enfants noirs et hispaniques (par rapport aux rapports précédents) comme une possible explication partielle de l’augmentation de la prévalence. Mais ils proposent aussi une prise de conscience de la pathologie et un meilleur dépistage comme facteurs de l'augmentation. Ils insistent par ailleurs sur la nécessité de mener des recherches sur les facteurs de risque non génétiques (et potentiellement environnementaux) de l’autisme.
www.nouvelobs.com/monde/20180427.OBS5846...publique-urgent.html
Etats-Unis : l'augmentation de l'autisme devient un problème de santé publique "urgent" [...]
Certains facteurs semblent augmenter les risques, comme être né de parents âgés de plus de 30 ans, une maladie de la mère pendant la grossesse, des mutations génétiques ou une naissance avant 37 semaines de gestation. Il s'agit là de "vraies influences" mais "elles ne suffisent pas à expliquer le taux élevé de prévalence de l'autisme", selon Walter Zahorodny. Et d'ajouter : "Il y a encore des risques non définis liés à l'environnement qui participent à cette augmentation significative, des facteurs qui pourraient affecter un enfant pendant son développement in utero ou liés à des complications à la naissance, ou à la période pendant laquelle il est nouveau-né. Nous avons besoin de davantage de recherche sur les déclencheurs non génétiques de l'autisme."
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- Loys
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Et dans "Le Quotidien du médecin" : "Surexposition aux écrans"
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Un article qui mérite d'être commenté, compte tenu de sa partialité malgré sa prétention à tenir un discours équilibré ("c'est compliqué") comme nous allons le voir.
Voyons donc comment cet article offre des éléments de débat contradictoires permettant cette "réflexion".Une réflexion collective des parents et des enseignants sur la relation des enfants aux tablettes et aux smartphones serait sans doute plus efficace que n'importe quel discours anxiogène.
Il y a un autre marronnier : dire que ce n'est pas le cas. ^^C’est un marronnier qui fonctionne systématiquement: vos enfants risquent un grand danger avec les tablettes, les ordinateurs et les smartphones; les écrans les font courir à leur perte; cette génération va exploser en vol.
Précisément les effets du sucre et de la télévision sont bien connus. Quant au "rock'n'roll", quel rapport avec les enfants ? Comme d'habitude, l'éducation est abordée de manière très vague, confondant ensemble touts-petits, enfants, pré-adolescents, adolescents et jeunes adultes.Alimenter l’inquiétude, la culpabilité et l’angoisse éducative a toujours été un ressort efficace pour toucher le large public des parents. Pointer les dangers de l’époque pour les enfants est un vieux filon éditorial: vous pouvez très bien remplacer «écrans» par «sucre», «télévision» ou «rock’n'roll», suivant le moment et le lieu.
Il s'agit donc bien de relativiser. Espérons que, en "bonne foi", ces critiques et avertissements seront présentés de façon contradictoire.Il ne s’agit pas de tout relativiser: nourrir son enfant de sucreries et/ou passer sa vie devant la télévision n’est sûrement pas une bonne idée. Mais les critiques et les avertissements sont si excessifs que l'on peut questionner leur bien-fondé, leur efficacité et leur bonne foi.
Nous avons déjà traité cette question sur le forum (voir ce fil spécifique : "Quand les cadres hi-tech sont aussi des parents…" ).Le mauvais exemple des cadres de la Silicon Valley
Dans presque chaque débat sur les enfants et les écrans, on entend l'argument selon lequel les cadres de la Silicon Valley eux-mêmes interdisent les écrans à leurs enfants –Steve Jobs le premier– et les envoient dans des écoles où appareils électroniques et objets numériques sont bannis.
En France, la journaliste Guillemette Faure, qui a longtemps vécu aux États-Unis, en a fait le sujet d'un article publié en 2012 dans le supplément M du Monde, «Ces branchés qui débranchent».
Je lui ai demandé ce qu’elle pensait du succès de l'argument, et du fait qu’elle soit si souvent citée: «Je suis tellement contente que l'on me pose cette question! Cet article parlait d’une école, et d’une seule, de la Silicon Valley [la Waldorf School of the Peninsula]. Je soulignais qu'il s'agissait d'une exception. Il existe d'ailleurs aux États-Unis d’autres écoles Waldorf qui fonctionnent avec la même philosophie et dans lesquelles il n’y a pas d’écran, mais seule celle-là intéresse la presse!»
Même si elle est souvent montée en épingle, l'idée d’une enfance «zéro écran» n’est pas représentative des méthodes éducatives de tous les cadres de la tech de Palo Alto. «Les familles ont des attitudes très variées. En Californie, certains parents envoient leurs enfants à des cours de code proposés pendant l’été», poursuit Guillemette Faure. Comme quoi tous les professionnels du numérique ne diabolisent pas les écrans auprès de leur progéniture.
La question n'est pas de savoir si tous les cadres des entreprises technologiques tiennent un discours critiques sur les écrans, mais de s'interroger sur le paradoxe qu'une partie (importante ?) d'entre eux le font, à commencer par les plus hauts dirigeants des géants du secteur (comme Steve Jobs ou Bill Gates) alors qu'on pourrait les penser confiants dans les produits qu'ils commercialisent.
L'article ne fait d'ailleurs aucune mention des cadres de ces grandes entreprises qui ont multiplié les aveux publics et les repentirs spectaculaires depuis plusieurs mois : Justin Rosenstein, Chamath Palihapitiya, Roger McNamee, Tristan Harris, Marc Benioff, Sean Parker, Tony Fadell. Ni des prises de positions étonnantes de deux importants fonds d'investissement d'Apple...
Curieuse lutte, en somme, contre la culpabilisation des parents qui ne cherche pas à les informer de la façon dont ces objets sont conçus...
Pourquoi fixer un âge serait-il "inquiétant" ?Les injonctions paradoxales des messages de santé publique
Moins problématique, mais également symptomatique de la manière de conseiller les parents tout en les inquiétant, la règle proposée par le psychologue Serge Tisseron fixe un âge: «Pas d’écran avant 3 ans, ou tout au moins les éviter le plus possible. Parce que de nombreux travaux montrent que l’enfant de moins de 3 ans ne gagne rien à la fréquentation des écrans.»
Le vrai paradoxe est surtout que Serge Tisseron a promu les écrans dès l'âge de six mois dans l'Avis de l'Académie des sciences qu'il a cosigné en 2013...
Donc il s'agit d'exposer les enfants les plus jeunes parce qu'il y en a de moins jeunes qui sont plus exposés. Le raisonnement semble curieux ici : ces exigences (telles qu'elle sont exposées dans le nouveau carnet de santé 2018 dont l'article ne fait donc aucune mention, tout comme les dernières recommandations de la Haute Autorité de Santé) seraient problématiques à appliquer pour des parents ?La consigne paraît simple –du moins si vous n’avez pas d’enfant, ou un seul, ou pas d'écran chez vous. Car en 2018, il est bien compliqué d'éviter la vision d’un écran allumé avant 3 ans. Et de quel écran parle-t-on, celui du téléphone des parents?
Non : le principe d'une prévention rigoureuse pour les plus petits vise précisément à réduire l'exposition quotidienne le plus possible. Chez les touts petits, l'exposition peut, dans certains cas graves, dépasser plusieurs heures par jour sans d'ailleurs que les parents en aient totalement conscience : mais il ne s'agit visiblement pas de s'intéresser à ces cas dans cet article...La question du contenu reste aussi en suspens: si on regarde «La petite taupe» vingt minutes à un an et demi, est-ce si grave? L'expression «éviter le plus possible» montre d'ailleurs bien que s'abstenir d’écran est loin d'être chose aisée.
La question n'est pas tant de l'effet produit sur les femmes que de l'enjeu de santé pour les enfants. Soit cet enjeu est important, et la question ne se pose pas, soit il n'est pas important.La règle de Serge Tisseron est construite sur le modèle des discours de santé contemporains, celui consistant aussi à interdire la consommation de toute goutte d'alcool pendant la grossesse, sous peine de faire courir des risques à votre enfant –en somme, un argumentaire qui terrorise les femmes.
Avec cet exemple, l'article s'éloigne des enjeux sanitaires pour aborder le sujet de la difficulté d'être parent...Autre exemple: les fruits et légumes, c’est cinq par jour. On culpabilise de ne pas atteindre cet objectif, en oubliant que deux portions valent mieux que zéro, et que quatre valent mieux que deux. À force d’entendre des injonctions extrêmement ambitieuses, on en vient à se dire que l'on ne fait pas ce qu’il faut et qu'il ne sert à rien de courir après l’impossible.
Et tant pis pour les cas de surexposition graves...Il s'agit d'une forme d’«injonction paradoxale»: une recommandation excessive jouant sur la peur, alors qu’il n’est pas si grave de ne pas complètement la respecter –et qui, du coup, se vide de son sens.
Déformation grossière : il s'agit de constater des troubles pouvant être confondus avec ceux de l'autisme, comme l'indique Daniel Marcelli, référence de la pédopsychiatrie en France. Mais la déformation ne pourra pas être relevée par les lecteurs de l'article puisque "certains" (le collectif CoSE et sa charte signée par plusieurs milliers de professionnels de l'enfance) ne sont pas nommés, qu'aucun lien n'est donné...Une exploitation grossière de l'inquiétude des parents
Jouer sur la peur, c’est justement le ressort utilisé par certains quand ils associent abus d'écrans et risque d’autisme.
Quant aux cas d'enfants ayant de tels troubles, tels qu'ils sont rencontrés par des professionnels de santé sur le terrain, ils ne sont pas même évoqués. Sans doute des médecins qui veulent "jouer sur la peur"...
"qui racontait" ? Anne-Lise Ducanda, qui a présenté plusieurs cas précis au Congrès des médecins généralistes de France, affabulerait donc...L’idée, largement battue en brèche depuis, a été lancée l’année dernière par une médecin de protection maternelle et infantile, qui racontait avoir constaté des cas toujours plus nombreux de troubles du comportement, corrélés à une surconsommation d’écrans.
"une médecin" qui n'est donc pas nommée, aucun lien vers le collectif auquel elle appartient. Le seul lien donné est celui d'un article d'une autre journaliste ayant qualifiée de "farfelues" ses observations cliniques en 2017. Aucun lien vers la tribune récente de Daniel Marcelli qui sonne l'alerte dans "Le Monde" en 2018 : "Un faisceau d’arguments cliniques plaide en faveur de la description d’un trouble neuro-développemental nouveau : l’exposition précoce et excessive aux écrans (EPEE), lié à un perturbateur environnemental (l’écran sous toutes ses formes) qui interfère dans les besoins développementaux du tout-petit. Ce syndrome associe un retard de communication qui devient évident à partir de 2-3 ans, un intérêt devenant exclusif, une agitation et des troubles du comportement, une instabilité d’attention, etc. Il est susceptible de provoquer des confusions de diagnostic en particulier avec les troubles du spectre autistique (TSA) dont il doit être distingué."
Ou vers la tribune d'autres professionnels de santé parue la veille même de cet autre article dans "Le Monde" : "Bon nombre de professionnels de l'enfance s'inquiètent de la place des écrans et de leur impact, et ce dès le plus jeune âge".
De la panique irrationnelle, voyons !
L'article n'indique pas que cette tribune, à l'instigation de Serge Tisseron (qui avait donc promu l'usage des tablettes pour les tout-petits en 2013), répondait à une autre tribune dans "Le Monde", signée de Sabine Duflo, membre de CoSE (voir sur ce fil ). Non : il n'y a pas de débat !Cette thèse continue à faire son chemin, à tel point qu’un collectif de médecins a récemment tenu à mettre les choses au clair dans les colonnes du Monde. Dans la tribune «Enfants face aux écrans, “ne cédons pas à la démagogie”», ils soulignent «qu’une information à caractère sensationnel n’aidera pas à prévenir les risques associés aux nouvelles technologies».
Les cadres techniques d'entreprises des nouvelles technologies emploient eux-mêmes le mot de "drogue" pour décrire les techniques de séduction numériques qu'ils ont contribué à mettre au point. Les mêmes cadres dont l'article ne fait donc aucune mention. Le Dr Richard Freed, psychologue exerçant dans la Silicon Valley, a employé le même mot ainsi que celui d'addiction dans sa tribune . La question d'un éventuel symptôme d'addiction au jeu vidéo est également posée par l'OMS.L'article répondait également à un reportage d’«Envoyé spécial» comparant les écrans à de «l’héroïne numérique».
Encore une exploitation grossière de l'inquiétude des parents: même si Snapchat crée une accoutumance néfaste en maintenant les adolescents le plus de temps possible sur l’application, jusqu’à preuve du contraire, on ne meurt pas d’une overdose de Snapchat et le sevrage ne nécessite pas de soins médicaux.
Autant de voix contradictoires qui ne trouvent aucun écho dans cet article équilibré.
Visiblement pas en demandant d'en encadrer strictement l'usage (cf supra) !Les écrans sont une question d’éducation, non un poison violent que l'on doit interdire. Les enfants, eux, perçoivent très bien la différence: quand quelque chose est véritablement dangereux –l’eau de Javel, le feu ou le vide, l'alerte est formulée sans ambiguïté par les adultes et les petits comprennent bien qu’ils n’ont pas le droit de s’en approcher.
Les écrans nous placent dans une autre logique. Au lieu de les comparer à des drogues dures qui rendent autistes, il faudrait plutôt se demander comment aider les parents à en cadrer l’usage.
Curieux comme l'exemple donné montre surtout qu'il y a bien un problème ressemblant à une forme de dépendance ne supportant pas "la frustration"...Rester calme, un apprentissage à désassocier des écrans
Une professeure des écoles enseignant en maternelle dans un quartier populaire d’une grande ville de province me racontait qu'il était si difficile pour des parents de priver leur enfant de 4 ans de la tablette qu’il utilisait toute la journée que, croyant suivre les conseils de la maîtresse qui leur recommandait de lever sérieusement le pied, la mère avait raconté à l’enfant que la tablette était cassée. Pour la professeure, ce n’est pas tant l’écran qui est problématique que cette incapacité à dire non, à encadrer, à se confronter à la frustration de son enfant. Avouons-le, nous avons tous cette difficulté.
Mais le point de vue de l'auteur n'est au fond pas motivé par la réflexion générale sur de graves troubles de certains enfants et leurs conséquences scolaires mais par des considération plus personnelles : "nous avons tous cette difficulté".
Curieux qu'une journaliste s'autorise à définir une politique de prévention : il est vrai que le travail journalistique est très critiquable dans cet article.En termes de prévention, mieux vaudrait expliquer que les écrans ne doivent pas servir à calmer les enfants plutôt que d'insister sur leur interdiction. Un enfant peut apprendre à rester calme par lui-même –comme un adulte peut apprendre qu’un enfant, parce que c’est un enfant, n’est pas tout le temps calme. Et que l'on arrête de trouver normal qu'un enfant soit suspendu à un écran dès que l'on a besoin qu’il se tienne tranquille, comme dans cette vidéo:
"hypnotisés" : ne serait-ce pas "faire peur" ?Pour Véronique Decker, directrice d’école élémentaire à Bobigny, «les enfants ont l’air sages, mais ils sont hypnotisés. Les parents regardent leur smartphone, les enfants jouent avec leur tablette; chacun regarde sa propre télé, et les gens vivent côte à côte au lieu de vivre ensemble. Le plus inquiétant, c’est que le temps d’interaction avec les humains se réduit».
Deuxième témoignage de terrain de la part de professeurs des écoles et deuxième cause d'inquiétude, donc.
La question est donc celle de l'accès - de plus en plus précoce - à ces "ressources" (et donc de la possession d'un objet numérique connecté). La transition - en toute logique - avec la suite de l'article (le "BYOD") laisse dès lors pantois.L’école peut être l'un des lieux d’échange autour de cette grande question éducative, via le dialogue avec les enseignants ou des affiches de prévention. Mais Véronique Decker constate qu’il est difficile de sensibiliser les parents: «Les élèves accèdent trop jeunes à des ressources, sans aucun contrôle ni accompagnement de leurs parents. Aujourd’hui, avec les tablettes et les smartphones, ils sont confrontés très jeunes à des images violentes ou pornographiques. L'écran est une porte ouverte sur une société dont ils ne maîtrisent pas les règles. Nous avons mis dans les cahiers des élèves un message sur les règles à respecter à 3/6/9/12 ans, sauf que peu de gens les lisent et ont la disponibilité pour s’en préoccuper.»

Pourquoi cette "difficulté" particulière puisque les écrans n'ont rien de particulier ?BYOD à l'école et activités pédagogiques
Il existe malgré tout une attente des familles sur cette question, celle de réussir à limiter l'usage des écrans. C’est tout le sens du message que Jean-Michel Blanquer a envoyé aux parents en assurant que les téléphones portables seraient interdits à l’école –ce qui est déjà le cas dans de nombreux établissements, même si l’interdiction est difficile à faire respecter en l'absence d'autorisation des adultes à fouiller les sacs des élèves. Ce type de déclaration très rassurante plaît au public, car il répond au fond à une véritable difficulté éducative des parents.
On parle donc - sans transition - des collégiens. Les témoignages précédents étaient ceux de professeurs des écoles...À la question de l'éducation à la retenue se superpose celle de l’éducation au numérique. Le ministre de l'Éducation nationale n'est pas opposé à l'utilisation des écrans à des fins éducatives: il nuance souvent le propos de l’interdiction totale en précisant que des écrans peuvent être utilisés pour des activités pédagogiques.
Ce qui explique qu’un guide du BYOD ait récemment été publié par le ministère. Le BYOD, soit «Bring Your Own Device», consiste à apporter son smartphone en classe. On est très tenté d’être ironique en se demandant comment interdire un objet que l’école demande aux élèves d’apporter, mais la démarche peut se justifier.
Le BYOD, c'est un appel de l'institution scolaire aux parents pour qu'ils équipent leurs enfants avec des smartphones qu'il est donc impossible d'encadrer, puisque sans limites de temps, d'espace, de contenus.
"une utilisation autonome, responsable et éthique du numérique" parce que les élèves auront utilisé leur smartphone en classe ?Comme expliqué dans le guide, «dans ce cas, le choix du BYOD est principalement envisagé comme une solution permettant de simplifier les modalités d’utilisation numérique en classe grâce à la connaissance que l’élève a de son propre équipement, ce qui favorise une prise en main plus rapide. Cela permet également de capitaliser sur les pratiques existantes hors cadre scolaire (activités périscolaires, en compagnie des parents…) pour outiller les démarches pédagogiques et les projets éducatifs. Il s’agit également de sensibiliser plus largement les élèves à une utilisation autonome, responsable et éthique du numérique. Cela devrait être d’autant plus efficace quand les élèves utilisent leurs propres équipements».
La lecture assistée par tablette, rêve des pédagogues : qu'en pense Véronique Decker ?Le 1er février, lors d’une conférence sur le rôle de l’expérimentation dans le domaine éducatif, Stanislas Dehaene, le président du Conseil scientifique de l’Éducation nationale mis en place par Jean-Michel Blanquer, proposait une démonstration d’un jeu sur tablettes destiné à s’exercer à la lecture en classe. D’autres spécialistes de la pédagogie proposent des logiciels, comme Anagraph –créé par le chercheur Roland Goigoux– pour la lecture.
Où est-il prouvé que ces applications sont "utiles" ?Si ces applications éducatives pensées pour les classes sont utiles –le numérique permet une adaptation au niveau de chacun et introduit les nouvelles activités en fonction des compétences des élèves, elles supposent du matériel.
Pour le "matériel", on comprend donc qu'il faut que l'école ou les parents le fournissent : et le plus tôt possible, puisque c'est pour écrire !
Il faudrait savoir...Des devoirs au jeu en un clic
Les équipements des écoles ne dépendent pas du ministère de l’Éducation nationale, mais des communes, départements et régions. Au fil des plans numériques, certaines écoles ont doté leurs élèves d’ordinateurs ou de tablettes, avec des résultats contrastés.
"contrastés" ? Selon le rapport 2015 de lOCDE : "lorsque [les TIC] sont utilisées en classe, leur incidence sur la performance des élèves est mitigée, dans le meilleur des cas. En effet, selon les résultats de l’enquête PISA, les pays qui ont consenti d’importants investissements dans les TIC dans le domaine de l’éducation n’ont enregistré aucune amélioration notable des résultats de leurs élèves"...
Témoignage pour "faire peur", certainement.En 2016, dans le cadre du plan numérique d'un milliard d'euros déployé sous François Hollande, la France a équipé un quart des élèves de cinquième de tablettes; à la rentrée prochaine, ce devrait être le cas de la totalité.
Marie* n’avait ni télé, ni console de jeux, simplement un ordinateur personnel. Ses deux enfants, de grands lecteurs, ont toujours été protégés des écrans. Le collège privé sous contrat où est scolarisé en cinquième son aîné lui a fourni une tablette.
Elle n’arrive plus à avoir le contrôle de l’objet, ne comprend pas l’intérêt éducatif à devenir dépendant d’une tablette, et ne sait pas quand son enfant joue ou travaille. Elle a l’impression que l’école «déséduque» son fils!

Ce n'est pas comme si certains avertissaient depuis des années...En réalité, l’école a totalement sous-estimé le problème de mettre des enfants de 12 ans dans des situations de travail sur tablettes, alors que tout le reste des activités ludiques possibles sont à portée de clic. Si nous avons le même problème adultes, comment est-il possible de penser que les enfants n’y soient pas confrontés?
Est-ce que le BYOD et l'utilisation éthique et raisonnée des smartphones ne constitue pas une solution à ce problème ?

La fameuse neutralité des objets techniques. Ce n'est pas comme si ces objets et ces applications étaient conçus pour produire des effets négatifs...Accompagner plutôt que paniquer
Bruno Devauchelle, spécialiste du numérique dans l’éducation, souligne à longueur de chroniques que le numérique n’est ni le bien, ni le mal...
L'injonction à l'accompagnement, s'agissant d'objets nomades échappant par définition à la supervision adulte, est particulièrement absurde.
Voilà qui est très concret et très éclairant....mais qu'il pose une grande question éducative, à laquelle l’école ne répond pas. «Les textes prescriptifs sont toujours à la marge de l'activité d'enseignement: tantôt facultatifs, tantôt incitatifs, mais jamais réellement formulés de manière forte, c'est-à-dire affirmant une responsabilité mise en actes.»

Rappelons quand même que Bruno Devauchelle milite pour "le numérique dans l'éducation" depuis... toujours ou presque. Il le fait d'ailleurs dans un média très pro-numérique scolaire, le "Café pédagogique" dont le partenaire a été jusque très récemment Microsoft.
Ces "activités" permettraient donc de résoudre les problèmes posés par les écrans ?Il existe pourtant bien des activités pédagogiques à développer. Certaines écoles ont par exemple mis en place des projets éducatifs autour de l’attention, à l'image du projet Atole, créé par le chercheur de l’Inserm Jean-Philippe Lachaud. Ce programme est disponible sur l’ensemble du territoire national, «en fonction de l’intérêt des enseignants et des académies».

Une conclusion tout aussi limpide que celle de Bruno Devauchelle : de grands mots vagues ("éducation numérique", "responsabilité", "encadrer", "bien guider")... et c'est tout.L'éducation numérique soulève des interrogations chez les parents comme chez les enseignants; au lieu de paniquer, les adultes devraient s’attacher à y répondre collectivement. Bien entendu, la responsabilité de l'école est énorme, compte tenu des fortes inégalités entre familles pour encadrer l’usage du numérique et bien guider les enfants.
A noter que tout regard critique est assimilé à une forme de "panique" irrationnelle. Les exemples donnés par l'article montrent pourtant que cette critique est bien fondée et relève de la raison, et non de la passion.
Il est assez symptomatique que l'Académie de médecin ait été ici confondue avec l'Académie des Sciences !Une perspective que l’Académie de médecine appelait de ses vœux dans un rapport intitulé «L’enfant et les écrans», paru en 2013 mais dont la sagesse ne semble pas avoir été entendue.
Il proposait une saine réflexion pour échapper à la panique numérique: «La croissance de l’intelligence, de la sensibilité, des capacités de relation de chaque enfant est à la fois robuste et infiniment fragile. Livré seul aux écrans, il dérivera dans la solitude, tandis qu’accompagné, il en fera des usages nouveaux que la génération de ses parents n’imagine pas. Prudence lucide et émerveillement attentif sont, en fin de compte, les meilleurs services que nous puissions rendre à cet enfant du siècle nouveau.»
On se souvient que cet avis (que nous avions longuement analysé ici en 2013 ), absolument pas scientifique, outrageusement pro-écrans (même Serge Tisseron le critique aujourd'hui) était loin d'être celui de "la sagesse" : "émerveillement attentif" certainement, "prudence lucide" aucunement.
Il a d'ailleurs, par son ample réception médiatique, constitué une porte grande ouverte pour le basculement des parents et des enfants dans un monde numérique non pensé...
En plus d'une partialité criante dans ses oublis (volontaires ?) et très parento-centré (l'angle étrange de la culpabilisation des parents), un article relativiste, particulièrement confus dans sa logique interne ou le choix de ses exemples, contradictoire puisqu'il mélange tout (les âges des enfants, les injonctions sanitaires, les usages personnels et les usages scolaires) et débouchant sur des conclusions contradictoires sur le numérique scolaire ou des recommandations particulièrement brouillées.
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Numérique : "Présence raisonnée" avant 7 ans
"Il nous faut être attentifs au fait que, selon de plus en plus d’études, l’addiction aux écrans peut être très négative pour les enfants, notamment entre zéro et sept ans. Nous devons délivrer en permanence ce message de santé publique, qui implique non pas l’absence de numérique avant sept ans, mais une présence très raisonnée de ces outils et la primauté de ceux qui, parmi eux, ne comportent pas d’écran", a affirmé le 15 mai JM Blanquer devant l'Assemblée nationale. "Car le numérique, ce ne sont pas seulement des écrans : ce sont aussi des robots et tout un ensemble d’interactions qui ne sont pas néfastes quand elles ne présentent pas ce risque d’addiction aux écrans". Le ministre semble toujours hésiter entre des discours hostiles au numérique et une certaine fascination. "Ces préventions étant rappelées, les technologies numériques comportent évidemment de très grands atouts pour l’acquisition des savoirs fondamentaux. Sur ces questions, je souhaite positionner le ministère de l’éducation nationale à l’avant-garde nationale, et même mondiale. Nous ouvrons d’ailleurs très prochainement un Lab de l’éducation nationale à cette fin".
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La théorie de l'autisme virtuel désigne une hypothèse non scientifique avec des éléments de pseudo-science, qui se base sur des obervations empiriques et non vérifiées pour postuler une conception originale des troubles du spectre de l'autisme (TSA). En effet, il est question d'inclure dans l'étiologie, la symptomatologie et l'épidémiologie de l'autisme, une sous-catégorie conceptualisée sous l'expression d'autisme virtuel, autisme secondaire ou autisme dû aux écrans. Cette découverte a été décrite par le psychologue roumain Marius Teodor Zamfir comme une nouvelle forme d'autisme, non génétique. Elle a été popularisée en France, notamment, par le collectif Surexposition Écrans (COSE), qui bénéficie d'une forte médiatisation depuis 2016, et a interpellé Brigitte Macron à ce sujet en novembre 20171.
La communauté scientifique réfute cette association, la littérature scientifique étant dépourvue de preuves d'association entre l'autisme et l'exposition aux écrans. Différents chercheurs soulignent la faiblesse des quelques études existantes à ce sujet, et l'instrumentalisation de la peur de l'autisme par différentes personnalités non-spécialistes du sujet, au détriment des parents d'enfants autistes et des personnes autistes elles-mêmes.
Sommaire
1 Origines : une corrélation entre autisme et pluviométrie aux Etats-Unis
1.1 Rumeur lancée en 2016 au sujet d'un personnage de série pour enfants
2 Conceptualisation en Roumanie
2.1 Étude de Marius Zamfir
3 Réapparition en France
3.1 Observations du docteur Ducanda dans sa vidéo
3.2 Réception par la communauté médicale et scientifique
3.3 Réactions de parents d'enfants autistes
4 Problématiques éducatives
4.1 Thèses psychanalytiques et de rupture du lien affectif
4.1.1 Psychanalystes médiatiques
4.1.2 Thérapie Andaloussia
4.2 Technoférence, asynchronie, transhumanisme
4.3 Syndrome de l'écran électronique
4.4 Screen-time shaming
5 Articles connexes
6 Liens externes
7 Notes et références
8 Bibliographie
Origines : une corrélation entre autisme et pluviométrie aux Etats-Unis
En octobre 2006, les économistes Michael Waldman, Sean Nicholson et Nodir Adilov ont publié une hypothèse selon laquelle une petite partie de la population serait susceptible de développer l'autisme à cause d'une biologie particulière, et suggère que le visionnage de la télévision pourrait constituer un facteur environnemental déclencheur2.
Les auteurs ont employé l'enquête américaine de l'usage du temps afin d'analyser les données des états de Californie, de l'Oregon et de Washington, trois états connus pour leur fort taux de précipitations, entre les années 70 et 80, postulant un lien entre précipitations et temps passé à la maison à regarder la télévision. Ces auteurs découvrent qu'un fort taux de précipitations est lié à un fort taux d'autisme3.
L'étude conclut à l'établissement d'un facteur déclencheur pour l'autisme, particulièrement chez l'enfant de moins de trois ans, lié au niveau de précipitations dans l'environnement de l'enfant. Il est également question d'un lien entre la hausse du taux d'autisme dans les états de Californie et de Pennsylvanie et le développement de la télévision par câble entre les années 1970 et 19804.
Rumeur lancée en 2016 au sujet d'un personnage de série pour enfants
Le 20 octobre 2016, le site web Morning News USA, se basant sur des études menées en 2012 par l'université de Harvard, lance la rumeur5 selon laquelle le visionnage de la série télévisée Peppa Pig provoquerait l'autisme chez les jeunes enfants, parce que le personnage inciterait les enfants à reproduire une attitude irrévérencieuse envers l'autorité. Le site NBC San Diego relève par la suite que l'étude aurait été inventée de toutes pièces5. En effet, aucune information n'est disponible sur l'identité du chef de recherche, Marc Wildenberg, et aucune donnée sur le personnage de Peppa Pig n'a été trouvée à l'université de Harvard6. Les parents sont mis en garde contre l'assimilation de l'autisme à l'émulation d'un comportement grossier ou à l'idée d'un enfant difficile ou mal élevé6.
Conceptualisation en Roumanie
En décembre 2013, le psychologue Marius Teodor Zamfir, coordinateur de la fondation Centrul Sfântul Mihail pour enfants avec autisme à Bucarest, publie un blog sur le site orthodoxe SACCSIV7. On y postule que le visionnage de la télévision pour les enfants de moins de trois ans produirait des symptômes tels que le retard de langage, les troubles oppositionnels, le TDAH et l'autisme. La causalité générale de l'autisme y est liée aux effets secondaires d'une vaccination excessive chez le jeune enfant ainsi qu'à un affaiblissement du système immunitaire.
À partir de novembre 2016, plusieurs interventions de Marius Zamfir sont relayées par la chaîne chrétienne Trinitas TV, dont une émission portant le titre Stop Autismul virtual ! ou Stop à l'autisme virtuel !7.
Étude de Marius Zamfir
En mars 2018, Marius Zamfir publie une étude sur ResearchGate, intitulée La consommation d'environnement virtuel plus que quatre heures par jour peut causer un syndrome similaire au trouble du spectre de l'autisme chez les enfants entre zéro et trois ans8. Il s'agit d'une recherche portant sur 110 enfants au sein des centres de soins pour l'autisme de Roumanie, réalisée de 2007 à 20178.
L'étude comporte un groupe contrôle composé d'enfants diagnostiqués avec un TSA, présentant une consommation d'environnement virtuel de moins de deux heures par jour, ainsi qu'un groupe écrans composé d'enfants diagnostiqués TSA, ayant révélé au cours de l'anamnèse une forte consommation d'environnement virtuel. Dans ces deux groupes, le diagnostic d'autisme a été confirmé à l'aide de l'ASRS, un test utilisé pour les enfants TSA en Roumanie, ainsi que le M-CHAT et le CARS8.
Un troisième groupe appelé groupe des enfants intégrés a été constitué au cours de l'étude, composé d'enfants issus des deux précédents groupes ayant montré des facultés d'intégration améliorées en milieu scolaire, ainsi qu'une progression dans les évaluations du WISC IV ainsi que de l'ASRS8.
L'étude s'accompagne de graphiques montrant la hausse de consommation d'environnement virtuel en Roumanie entre 2012 et 20178. L'auteur attribue cette hausse à la baisse du prix des tablettes et des téléphones Android, et à l'introduction de la technologie 4G permettant un accès illimité à Internet depuis des endroits divers8.
Le comportement des enfants soumis à un environnement virtuel important est lié à un développement plus faible des zones neuronales et à une inhibition des processus mentaux8. Les violents stimuli visuels et auditifs résulteraient en des agressions sur des cerveaux en plein développement8. La manipulation physique de l'environnement est considérée nécessaire à la formation des voies neuronales8.
L'auteur réalise une comparaison avec les études publiées par Michael Rutter (professeur de psychologie infantile au Royaume-Uni) en 1999 et 2001 au sujet du phénomène de quasi-autisme ou semi-autisme observé dans les orphelinats roumains8 (voir aussi hospitalisme). Il met en avant les similitudes symptômatologiques vérifiées dans le DSM IV, telles que l'intérêt pour un certain type de sensation, des maniérismes moteurs, ainsi que des intérêts étranges et obsessionnels8. Cependant, il souligne une différence, à savoir que les enfants ne recherchent pas d'eux-mêmes l'isolement, comme dans l'autisme classique8. À contrario, dans la forme d'autisme mentionnée, le comportement des enfants s'améliore lorsque ceux-ci sont placés dans un environnement favorable8. Cette comparaison lui permet de postuler l'existence d'une forme d'autisme alternative à l'action de facteurs génétiques, davantage influencée par des facteurs épigénétiques8.
L'étude se conclut sur l'idée que la consommation excessive d'environnement virtuel, cumulée à des prédispositions génétiques, produit une structure neurocognitive typique aux enfants TSA, causée par la privation sensori-motrice et socio-affective, résultant en un « taux important d'autisme, à un niveau national et international »8.
Réapparition en France
En mars 2017, le docteur Anne-Lise Ducanda, pédiatre en PMI dans l'Essone (Viry-Châtillon), diffuse une vidéo en ligne sur le site de vidéos en streaming YouTube9. Elle déclare constater la présence, selon ses termes, exponentielle de troubles du spectre autistique chez les enfants de trois à quatre ans de son cabinet, évoquant des temps d'exposition aux écrans allant de six à douze heures par jour9. Elle mentionne également les enseignants lui demandant des consultations pour des enfants présentant des retards de développement, des troubles du comportement et des troubles du spectre autistique9. L'expression de troubles du spectre autistique est utilisée dans la littérature psychiatrique depuis Lorna Wing qui a contribué à l'idée d'un continuum, puis d'un spectre, afin de prendre en compte un ensemble plus varié de profils cliniques, avant d'être officialisé dans la classification psychiatrique DSM V sous le terme de troubles du spectre de l'autisme. Ce choix de mots semble souligner l'apparent paradoxe consistant à déclarer, comme l'indique le site du Collectif Surexpositions Ecrans, que bien qu'ils considèrent s'occuper d'enfants autistes vrais, il ne disent pas que les écrans sont à l'origine de l'autisme10.
Observations du docteur Ducanda dans sa vidéo
Le docteur Ducanda se réfère à des signes cliniques appartenant typiquement au diagnostic de TSA : écholalies, enfants « inhibés » qui ne bougent pas, qui jouent toujours avec le même jouet (voir intérêts restreints dans l'autisme), qui regardent fixement une lumière (voir troubles sensoriels dans l'autisme), ou qui battent l'air avec leurs mains (voir stéréotypies)9. Un retard des facultés de langage en milieu éducatif est également mentionné. Elle associe ces symptômes avec la triade autistique (voir DSM IV et Triade de Wing) employée pour diagnostiquer l'autisme9.
Pour elle, le manque d'exploration induit par l'excès du temps passé devant les écrans provoque une altération de la formation normale des connexions neuronales9. Les sensations tactiles, visuelles et auditives dans un environnement physique s'opposent au stimulations visuelles ou auditives conçues comme des facteurs d'agression pour le cerveau des jeunes enfants en développement9. Elle évoque également des troubles du comportement, une intolérance à la frustration en particulier lors du retrait ou de l'arrêt des dispositifs technologiques, ainsi que des troubles de la relation conçus comme une incapacité à rentrer en contact avec l'environnement physique, humain et langagier9. C'est pourquoi elle conseille aux parents de limiter le temps passé par les enfants devant les écrans au profit d'activités relatives à l'imitation, comme le jeu de la ferme ou de la dînette9.
Anne-Lise Ducanda affirme qu'elle avait l'habitude d'aiguiller les parents vers une consultation en hôpital ou en CMP, dans lequel un TSA était souvent diagnostiqué, mais qu'à présent, elle préconise aux parents de modifier leur usage des écrans, ainsi que celui de leur enfant9. Elle évoque une disparation des symptômes observés après une réduction drastique du temps passé devant les écrans9. L'augmentation de l'offre en matière de produits numériques11 (programmes TV visant un public de très jeunes enfants ainsi que jeux éducatifs sur tablette) destinés aux tout-petits, ainsi que celle de la taille des écrans de télévision, aurait entraîné une mise à l'épreuve de la volonté parentale12, face à laquelle elle en appelle aux pouvoirs publics. Les parents moins disponibles à cause du temps passé devant les écrans seraient involontairement les acteurs d'une diminution des moments d'interaction primordiaux pour les enfants entre zéro et trois ans9. Le docteur Ducanda en appelle également à une diversification des offres en matière d'aide éducative pour les parents : technicienne d'intégration sociale et familiale (TISF), dispositif de réussite éducative, aide éducative à domicile, et met en avant l'utilité des SESSAD. Il est également question d'augmenter le degré de sensibilisation des parents et l'idée d'une école des parents est formulée9. La vidéo se conclut par des données issues du centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) concernant l'augmentation de la prévalence du TSA aux États-Unis, que le docteur Ducanda met en parallèle avec l'apparition de la télévision qui aurait eu lieu en 19759.
Réception par la communauté médicale et scientifique
Dans un article publié en mai 2017, le docteur Jean-Michel Pedespan, responsable de l’unité de neurologie pédiatrique du CHU de Bordeaux, rappelle la nécessité d'un processus de maturation des connexions cérébrales des jeunes enfants et soumet l'idée qu'une répétition précoce de stimuli visuels intenses pourrait susciter une invasion de certains circuits neuronaux initalement dévolus à d'autres fonctions, résultant en une réduction de l'espace cortical disponible13. Cette théorie se base sur l'observation d'une surabondance de synapses dans le cerveau des jeunes personnes TSA, ce qui entraîne l'idée d'un cerveau hyper-connecté14, cependant, l'idée relative à une invasion de synapses qui seraient superflues ou à un manque d'espace dans une partie du cerveau ne semble pas validée scientifiquement. A contrario, il souligne que l'usage de Skype pour communiquer avec des proches éloignés permet de resserrer les liens relationnels. Au sujet de la durée du sevrage des écrans mise en avant par le docteur Ducanda et estimée par celle-ci à un mois avant le retour à la normale, sauf pour ceux qui présentent réellement un profil autistique selon elle, le docteur Pedespan déclare que rien ne permet de conclure à l'installation de troubles irréversibles13.
En janvier 2018, le docteur Ducanda est l'invitée de la journaliste Élise Lucet dans un reportage intitulé Accro aux écrans, diffusé en prime-time pour l'émission Envoyé spécial sur la chaîne de télévision publique France 215. Dans un article paru en février 2018, le docteur Patrick Pelloux, qui travaille avec l'association SOS Autisme afin de faire évoluer les conditions d'accueil des enfants autistes aux urgences, mentionne une « fake news », du « charlatanisme », et de « l'information spectacle » pouvant avoir des conséquences sur la Santé publique et la vie des familles16. Yehezkel Ben-Ari, chercheur en neurobiologie dont la carrière a été récompensée par le Grand Prix de l'INSERM et qui travaille sur la conception de traitements biologiques pour l'autisme en partenariat avec le docteur Éric Lemonnier dans le cadre de l'institut Neurochlore, s'exprime également dans cet article en disant que cette théorie est incompatible avec une compréhension profonde des mécanismes du système nerveux16.
En février 2018, une tribune de professionnels du soin et de chercheurs en pédopsychatrie et en pédiatrie paraît dans le journal Le Monde et rappelle que l'addiction aux écrans n'est reconnue ni par l'Académie des sciences, ni par l'Académie nationale de médecine, ni par le DSM V, bien que l'OMS soit actuellement en pourparlers à ce sujet17. Ils évoquent la diffusion régulière d'émissions ayant pour sujet des enfants allant jusqu'à se lever la nuit pour utiliser le smartphone de leurs parents18, et mettent en garde contre l'amalgame réalisé par des émissions telles que le reportage d'Envoyé spécial qui assimile les écrans numériques à une drogue. Ils se demandent dans ce contexte comment une telle alerte pourrait ne pas culpabiliser les parents. Il est également question du risque de confusion dans les discours tenus pour parler de symptômes relatifs à la surexposition aux écrans, puisqu'il est rappelé que de nombreux enfants avec TSA sont particulièrement attirés par les technologies vidéo et du numérique. Les symptômes évoqués seraient dans ce cas réellement confondus avec les symptômes de l'autisme.
La revue Science et pseudo-sciences, de janvier à mars 2018, traite de la vidéo du docteur Ducanda avec comme invité Franck Ramus, psycho-linguiste et spécialiste en sciences cognitives19. Franck Ramus mentionne une corrélation entre le développement intellectuel des enfants et le temps passé devant des écrans, mais rappelle que de nombreux facteurs entrent en jeu, à savoir le niveau d’éducation des parents, les revenus de la famille, les interactions parent-enfant, et s'interroge sur la pertinence de postuler un lien cause-effet19. Il statue que les observations subjectives d'un médecin n'ont pas valeur de faits validés et ne permettent pas d'aboutir à des conclusions concernant les données épidémiologiques et les mécanismes causaux19. En outre, il mentionne le constat portant sur des syndromes pseudo-autistiques réalisé dans des orphelinats roumains à la chute de Ceaucescu, et souligne que ces syndromes résultaient d'une situation de carence extrême19. En écartant l'hypothèse d'un tel niveau de maltraitance, il est selon lui exclu de parler d'autisme pour évoquer les troubles relevés par le docteur Ducanda19.
En mars 2018, la Fédération Nationale des Orthophonistes (FNO) mobilise les chercheurs de l’ERU 4320, groupe de travail créé dans la foulée du quatrième plan autisme en vue de promouvoir la recherche, l'innovation et l'enseignement universitaire, afin d’effectuer une étude de la littérature scientifique sur le sujet de l'exposition des enfants aux outils numériques21. Ce rapport désigne les membres du Collectif Surexpositions Ecrans22 (dont fait partie le docteur Ducanda) comme introducteurs de la notion d'autisme virtuel, considéré comme un « faux autisme » ou « autisme secondaire » (consulter également 23 et 10) lié à la surexpositon aux écrans. Il est rappelé qu'a contrario, le DSM 5 ne fait état d'aucune sous-catégorie dans les TSA et que la Haute Autorité de santé (HAS) préconise l'intervention coordonnée de spécialistes de santé de deuxième voire de troisième ligne, avec des critères précis de diagnostic. Dans ce contexte, un professionnel tel qu'un médecin en pédiatrie travaillant dans une structure de santé de première ligne n'est pas habilité à établir de diagnostic en matière d'autisme. En outre, cette expertise cite plusieurs études montrant une amélioration des apprentissages chez les enfants avec TSA au niveau du développement linguistique et des particularités motrices et sensorielles, attribuée à l'usage de la tablette numérique, reconnue comme pouvant favoriser l'acquisition de compétences au niveau de la cognition non verbale. Cependant, d'autres études montrent que les individus (enfants et jeunes adultes) avec TSA ont une plus grande vulnérabilité face à l'usage compulsif d'Internet et de vidéos, tendance attribuée à un déficit des fonctions exécutives. Le rapport conclut sur le caractère confusionnant et dangereux de la notion d'autisme virtuel.
Réactions de parents d'enfants autistes
À la suite de l'émission Envoyé spécial de janvier 2018, deux mères d'enfants autistes ont porté plainte24 au Conseil départemental de l'Ordre des médecins de l’Essonne contre le docteur Ducanda, pour faute déontologique. Elles dénoncent une culpabilisation des mères, de faux espoirs donnés aux familles, et l'injonction par des accompagnants ou des professionnels de santé de stopper l'exposition aux écrans, voire de retirer aux enfants l'usage des outils numériques. Ces deux mères insistent sur la nécessité d'une prise en charge rapide et d'un diagnostic sérieux, avec l'interventions d'accompagnants en milieu scolaire (auxilliaires de vie scolaire ou AVS) et s'inquiètent de l'idée d'un retrait des écrans comme remède à l'autisme. Dans l'émission du magazine Arrêt sur images de février 2018, le docteur Ducanda mettait en question l'emploi des dispositifs numériques comme instruments éducatifs, et évoquait également l'éventualité d'un surdiagnostic des enfants autistes, ainsi qu'un nombre d'AVS surestimé par rapport aux besoins réels25.
Problématiques éducatives
Thèses psychanalytiques et de rupture du lien affectif
Psychanalystes médiatiques
Daniel Marcelli, pédopsychiatre auteur de plusieurs livres traitant de l'éducation, a soutenu le docteur Ducanda dans son usage des termes autisme et symptômes d'allure autistique pour qualifier les enfants surexposés aux écrans26. Il se réfère pour cela à une distinction entre l'autisme typique (voir autisme infantile) et le reste des conditions sous la catégorie de troubles envahissants du développement (TED) dans le DSM IV. Pour lui, l'autisme doit se comprendre dans une problématique relationnelle27, c'est pourquoi il compare l'enfant autiste à un sac de pommes de terre incapable de calquer son tonus sur celui du parent qui le porte. Il souligne cependant que l'autisme est comparable à un cancer, et qu'il existe des cancers tout à fait bénins, selon son expression, qu'il est possible d'opérer, mettant en avant la nécessité d'un diagnostic et d'une prise en charge précoce.
Pierre Delion, dans son ouvrage de 2014 L'Enfant difficile, mentionne les écrans comme un équivalent technologique de la relation parentale pathogène28. Les écrans deviennent un facteur de rupture dans le développement sensori-moteur de l'enfant, dans le développement affectif et relationnel précoce, car pour lui, la mère captée par l'écran ne peut mettre en place le dialogue narratif nécessaire à l'enfant.
Boris Cyrulnik, interrogé par le magazine Marie-Claire29 en 2008, dénonce une altération des capacités d'empathie induites par l'utilisation des outils de haute technologie, dans les couples, chez les adolescents et dans la relation entre parents et enfants. A partir de l'exemple donné des adolescents qui restent devant la porte dans le métro, il développe la thèse d'un acte de perversion quotidienne dans la génération high-tech. Il lie ce phénomène avec des difficultés à constituer un couple, ainsi qu'un moindre désir de vivre à deux. La techno-culture imposée par l'occident à l'Afrique, puis à l'Asie, génère la pathologie du futur, à savoir la perversion narcissique.
Invité par la radio France Culture30 en juin 2018, il lance la formule « pas d'écran du tout avant trois ans ». Le Smartphone est pointé du doigt comme hypnotisant les enfants, altérant le développement cérébral. L'absence d'interaction humaine avec la machine est dénoncée, entraînant une incapacité pour l'enfant de se synchroniser avec les gestes et mimiques de l'autre. En résultent des adolescents avec des troubles de l'empathie et soumis à leurs pulsions.
Thérapie Andaloussia
Il a été question, d'après une interview parue dans le Journal International de Médecine, de la relation entre certains membres du collectif Surexpositions Ecrans et la Thérapie Andaloussia pour anéantir l'autisme31, conçue par la thérapeute algérienne Rima « Andaloussia » Dodi Driouèche, qui conçoit l'autisme comme une maladie de la relation d'attachement maternelle dont la prévalence aurait brutalement augmenté à cause de l'accessibilité croissante des dispositifs vidéo et numériques, avec de nombreuses références à la psychanalyse32.
Technoférence, asynchronie, transhumanisme
Le docteur et chercheuse Linda Pagani, professeur en psychoéducation à l'Université de Montréal juge qu'en favorisant l'interaction avec les écrans, on commence à avantager certains types de comportements qui se rapprochent de l'autisme. Elle mentionne également le caractère asynchrone du mode de communication consistant à communiquer par messages texte interposé, sur un téléphone portable33.
La chercheuse Françoise Morange-Majoux mentionne34 l'importance de la synchronie dans le développement de l'enfant, permettant le développement de la marche, du langage, de la lecture, et évoque les mères qui promènent leur bébé en poussette en parlant en même temps au téléphone. Le bébé entend leur mère parler, mais elle ne s'adresse pas à eux.
Au sujet d'une étude publiée en mai 2017 dans la revue The Child Development, mesurant la quantité de troubles du comportement manifestée par des enfants de trois ans auprès de 170 familles dans lesquelles de nombreux parents déclaraient avoir un usage problématique des smartphones, avec de nombreuses technoférences quotidiennes, le pédopsychiatre Bruno Falissard mentionne un problème d'interaction parent-enfant lorsque les parents s'interrompent pour regarder souvent leur téléphone ou leur tablette34.
Selon Cris Rowan, thérapeute occupationnelle en pédiatrie en Colombie Britannique, auteure d'une tribune35 sur le Huffington Post en faveur de l'interdiction pour les moins de douze ans de tous dispositifs électroniques portables (téléphones, tablettes, jeux vidéo), le désir exprimé par les jeunes de vivre à l'intérieur d'un jeu vidéo, de devenir la télévision, ou d'être pourvus de Google Glass en permanence serait le signe d'une volonté de devenir transhumains, en raison de la difficulté d'établir des contacts avec le monde réel. Il est question de s'accomplir dans un monde dénué de toucher, de mouvement, de nature et d'attachement, pour des enfants dont la surexposition aux technologies du virtuel ne peut que résulter de négligences parentales36.
Syndrome de l'écran électronique
Dans son livre intitulé Reset your child's brain, Victoria Dunckley, praticienne de la psychiatrie intégrative infantile en Californie, caractérise le syndrome de l'écran électronique (electronic screen syndrome) comme un trouble de la dérégulation des mécanismes du cerveau, dans lequel le système nerveux est l'objet d'un phénomène d'hyper-stimulation chronique. Les caractéristiques principales de ce syndrome sont les problèmes de concentration, l'irritabilité et le comportement oppositionnel et désorganisé37.
Un enfant n'a pas besoin d'être sous l'emprise d'une addiction pour être concerné, puisqu'il suffit d'une courte exposition régulière à des technologies telles que l'Ipad[Quoi ?]. La dérégulation de la mélatonine est susceptible de déranger l'horloge biologique et de provoquer des troubles du sommeil. L'exposition régulière à des taux élevés de stress induits par les écrans est accusée de causer des dérangements hormonaux et d'induire une prise de poids ainsi qu'une haute pression sanguine37.
Le stress chronique, qui inclut le stress électronique, est accusé de provoquer une dérégulation du flux sanguin dans le lobe frontal. La fonction du lobe frontal étant de gouverner la régulation émotionnelle, l'attention, le contrôle des impulsions ainsi que la compétence sociale, un dysfonctionnement peut résulter en une imitation des symptômes d'autres conditions neurodéveloppementales telles que le trouble de déficit de l'attention avec hyperactivité (TDAH) ou la bipolarité (voir trouble bipolaire pédiatrique)37.
La hausse du taux de dopamine durant les périodes de temps-écran est quant à elle liée à une hyper-sensibilisation à ce neurotransmetteur, en même temps qu'une désensibilisation sur le long terme. Un taux trop élevé de dopamine à certains moments peut occasionner des phénomènes de troubles compulsifs ou de tics nerveux, tandis qu'un taux trop bas peut induire des périodes de dépression ou une difficulté à se concentrer37.
Victoria Dunckley évoque des cas de chronicisation de l'usage des écrans entraînant une dérégulation régulée par le temps-écran contre laquelle des mesures de protection doivent être prises. Sont mentionnés l'exercice physique, le temps passé en compagnie d'un parent, des horaires de coucher réguliers et les tâches ménagères quotidiennes37. L'usage des produits de hautes technologies doit être considéré comme un privilège et non un droit, et peut être retiré à tout moment : la santé des fonctions exécutives du cerveau des jeunes doit être contrôlée, puisque celle-ci détermine la capacité à planifier, à obtenir de bons résultats à l'école et à réaliser des tâches professionnelles complexes. Elle mentionne aussi l'adolescence comme une période critique du développement du lobe frontal, pendant laquelle les connexions cérébrales superflues sont abandonnées37.
Le jeûne électronique apparaît comme le meilleur moyen de résoudre les troubles en question, et les outils technologiques doivent être réintroduits en prêtant attention aux signes de dérégulation : chutes des résultats scolaires, comportement irrespecteux, inaptitude à suivre des directives37.
Victoria Dunckley mentionne la phrase « le médium c'est le message » (the medium is the message) issue du philosophe des médias Marshall Mac-Luhan, faisant référence à la distinction élaborée par celui-ci notamment dans son ouvrage Pour comprendre les médias entre médias « chauds » et « froids » (hot et cool). Chez Mac Luhan, il était en effet question des médias froids comme étant de plus basse définition et nécessitant davantage de participation et d'interaction de la part du spectateur, de l'auditeur ou de l'utilisateur38. Pour Dunckley, peu importe le contenu véhiculé par le média. Il est question pour elle de l'influence de l'industrie de la technologie, qui a intérêt à fabriquer des écrans interactifs, augmenter la vitesse d'interaction, amplifier les stimuli auditifs et visuels destinés à captiver l'utilisateur, ainsi qu'influencer les circuits de la récompense dans le cerveau37.
Screen-time shaming
Melissa Morgenlander, détentrice d'un PhD en études cognitives du Teachers College de Columbia University, et chercheuse spécialisée dans les usages de la télévision, des jeux vidéo et des technologies mobiles au service du développement intellectuel et social des enfants, se refuse à définir une période de temps-écran fixée par jour, ainsi qu'un âge en-dessous duquel leur usage serait déconseillé39. Elle dénonce ce qu'elle appelle le screen-time shaming, qui est un jugement porté de la part de certains parents sur d'autres parents ou leurs enfants. Pour elle, le rôle éducatif d'un parent relativement à l'exposition de son enfant aux écrans dépend d'abord du type de contenu et de la possibilité de partager une interaction sociale avec l'enfant dans le cadre d'un visionnage partagé ou co-viewing39. Elle prend l'exemple de son propre enfant autiste et indique que l'usage de technologies numériques permet de faciliter certaines démarches d'autonomisation par la mise en place de routines, comme le visionnage de l'application Google street view pour parcourir les rues avant de s'y rendre (voir aussi communication améliorée et alternative au sujet de l'usage d'outils technologiques pour améliorer les compétences de communication dans l'autisme)39. Dans ce contexte, il existe une différence entre la considération du temps passé devant les écrans aux Etats-Unis et en France, lorsqu'il est question d'un enfant autiste : là il est question d'employer les technologies comme moyen d'autonomisation, ici il est question d'adopter une démarche pédagogique afin de réguler l'accessibilité39. On notera tout de même que cette dernière vision est soutenue par l'Association américaine de pédiatrie à travers l'élaboration du Plan familial d'usage des médias.
Articles connexes
Éducation aux médias et à l'information
Captologie
Nomophobie
Pseudo-science
Autisme en psychanalyse
Hospitalisme
Trouble réactionnel de l'attachement de l'enfance
Technophobie
Fake news
Liens externes
Collectif Surexposition Ecrans [archive] (COSE)
Plan familial d'usage des médias [archive]
Screen time (version anglophone de Wikipédia)
Notes et références
↑ « 4 membres du Collectif reçus à l’Elysée » [archive], Collectif Surexposition Ecrans, 8 janvier 2018.
↑ Waldman, Nicholson et Adilov 2006, p. 1.
↑ Waldman, Nicholson et Adilov 2006, p. 3.
↑ Waldman, Nicholson et Adilov 2006, p. 2.
↑ a et b « Non, Peppa Pig ne provoque pas l'autisme », Fredzone, 21 février 2018 (lire en ligne [archive])
↑ a et b (en-US) « New “Harvard Study” Links This Popular Kids Activity to Autism! Here’s the Full Truth | World Of Moms » [archive], sur World Of Moms (consulté le 17 juin 2018)
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↑ (en) « Library and archives Canada » [archive]
↑ a, b, c et d « Usages des écrans, autisme et théorie du screen-time shaming », Celluloid | Video | Education | Digital Humanities, 21-23 mars 2018 (lire en ligne [archive])
Bibliographie
[Waldman, Nicholson et Adilov 2006] (en) Michael Waldman, Sean Nicholson et Nodir Adilov, « Does Watching Television Trigger Autism? » [archive], sur www.nber.org , octobre 2006 (consulté le 9 juin 2018)
[Zamfir 2018] Marius Teodor Zamfir, « The consumption of virtual environment more than 4 hours/day, in the children between 0-3 years old, can cause a syndrome similar with the autism spectrum disorder » [archive], Journal of Literary Studies, mars 2018
Elle mérite de notre part quelques commentaires.
1. Un contributeur de bonne foi... ou un militant engagé ?
(Lien)
Le reste est le fait d'un autre contributeur non anonyme, Amélie Tsaag Varlen*.
"Copper Lebrun" (alias Valentin) s'est présenté sur sa page Wikipédia quelques jours avant la création de l'article : sa première présentation ( assez étrange et dans laquelle il se dit "[travailler] actuellement avec une équipe pour traduire des articles sur les troubles physiques et mentaux et le Spectre de l'Autisme élargi" sans autre précision) ayant été retoquée, il a proposé une seconde présentation, plus factuelle, dans laquelle il se présente entre autres comme pouvant apporter à Wikipédia des "informations sur la problématique relativement nouvelle de l'"écranisme" (imputer tous les fléaux de la société moderne au technologies vidéo et à la télématique (les NTIC)) et celle de "l'autisme virtuel" (idéologie attribuant la responsabilité de la hausse de la prévalence de l'autisme à la hausse de consommation des technologies du "virtuel") ". Bref, derrière l'apparente neutralité des "informations", on voit poindre le militant dénonçant ce sur quoi il informe.
De fait, il oublie de présenter la notion d'"autisme virtuel" comme faisant l'objet d'une vive controverse (voir plus haut sur ce fil) et s'accompagnant d'une violente campagne en ligne dans laquelle il s'est lui-même engagé. Il a ainsi signé une pétition contre le docteur Anne-Lise Ducanda , s'est montré particulièrement actif sur les sites d'information ou sur les réseaux sociaux au sujet de cette notion, participant par exemple groupe Facebook "COSE la vérité" ou encore
"Hashtag France Autisme" (groupe imitant le nom de l'association "Autisme France" et presque entièrement tournée vers la mise en cause personnelle du docteur Ducanda, appelant par exemple le 13 mars 2018, à "dégommer Ducanda" au Congrès de médecine générale de 2018). C'est ce dernier groupe d'ailleurs qui promeut l'article Wikipédia de "Copper Lebrun" peu après sa publication :
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Dans une moindre mesure, le second contributeur de l'article, Amélie Tsaag Varlen a pu évoquer "le ducandisme" sur Facebook (en s'adressant au premier groupe cité plus haut) ou "l'inepte Ducanda" sur Twitter.
Mais il y a plus grave : non seulement "Copper Lebrun" a rédigé l'essentiel de l'article mais il a demandé à le faire traduire en anglais pour une diffusion sur Wikipédia anglophone.
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Plus grave encore : sur plusieurs réseaux sociaux, dont Twitter ( @Quivientdubruit ), "Copper Lebrun" milite auprès de nombreux journalistes en citant (sans le dire) l'article qu'il a lui-même créé !). Un exemple parmi d'autres :
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Pourquoi de telles pressions : parce que les familles d'enfant autiste, très militantes d'une manière générale (et souvent pour de bonnes raisons), n'acceptent pas que les symptômes présentés par certains tout-petits puissent évoquer voire être confondus avec ceux de l'autisme dans les cas de surexposition aux écrans les plus graves
Comment un militant si actif contre cette notion peut-il prétendre en donner sur Wikipédia une définition et une synthèse respectant la "neutralité de point de vue", principe revendiqué par Wikipédia ? "les articles doivent être écrits de façon à ne pas prendre parti pour un point de vue plutôt qu'un autre"...
Membre du collectif CoSE (jusqu'en 2019), il ne me viendrait pas à l'idée d'instrumentaliser Wikipédia pour défendre les positions de ce collectif. Je dois d'ailleurs préciser qu'à titre personnel l'expression "autisme virtuel" m'a toujours paru mal choisie précisément parce que pouvant être dénaturée de la façon que nous allons maintenant étudier.
2. Une définition fausse et contradictoire
Cette définition en tête de l'article Wikipédia montre assez que son but est de discréditer cette hypothèse."La théorie de l'autisme virtuel désigne une hypothèse non scientifique avec des éléments de pseudo-science, qui se base sur des observations empiriques et non vérifiées pour postuler une conception originale des troubles du spectre de l'autisme (TSA)"
D'abord et avant tout parce qu'elle est tout simplement fausse puisque le collectif CoSE a bien précisé sur son site : "nous ne disons jamais que les écrans sont à l’origine de l’autisme [...] Dans certains cas, on peut confondre ces enfants avec des enfants autistes car leurs symptômes se ressemblent".
Dès lors, "Copper Lebrun" peut s'étonner de "l'apparent paradoxe consistant à déclarer [...] qu'il ne disent pas que les écrans sont à l'origine de l'autisme". Un paradoxe qui n'en est un que si la définition de l'autisme virtuel est dénaturée. De fait l'article fait comme si l'adjectif "virtuel" n'existait pas : il distingue pourtant ce qui relève de l'autisme et ce qui peut être confondu avec lui.
A partir d'une si grave confusion, entretenue à dessein par les militants comme "Copper Lebrun", tous les amalgames sont possibles, comme nous le verrons. Cette hypothèse étant ainsi dénaturée ("les écrans cause d''autisme"), elle peut ensuite être facilement réfutée comme "fake news" par les spécialistes auxquels elle est présentée telle quelle (Patrick Pelloux, Franck Ramus etc.). Un débat que la page Wikipédia "Autisme virtuel" contribue donc plus à obscurcir qu'à éclairer en toute bonne foi.
Mais il est également à noter que,, dans l'empressement à jeter le discrédit, cette définition est également contradictoire dans ses propres termes.
Il est affirmé, en effet, que "l'hypothèse" selon laquelle une surexposition des très jeunes enfants aux écrans pourraient produire des troubles pouvant être confondus avec ceux de l'autisme est "non scientifique" sans autre justification qu'en renvoyant à "des éléments de pseudo-science" (non développés par la suite dans l'article) ou à des observations "non vérifiées" : par définition, une hypothèse demande précisément à être vérifiée...
Une définition fausse et contradictoire se trouve donc, par la vertu de Wikipédia, propulsée en deux mois dans les tous premiers résultats Google sur le sujet.
3. Des amalgames et des digressions sans lien avec l'autisme virtuel
- avec la thérapie Andaloussia ("anéantir l'autisme") qui nie la réalité même de l'autisme (quand les membres du collectif CoSE expliquent : "La grande particularité de ces faux autismes c’est que leurs symptômes s’améliorent rapidement après l’arrêt des écrans, ce qui n’est pas le cas avec des autistes typiques")
- avec "la rumeur selon laquelle le visionnage de la série télévisée Peppa Pig provoquerait l'autisme chez les jeunes enfants" : sans commentaire....
De même les nébuleuses digressions de l'article (Boris Cyrulnik, Pierre Delio, les parties "Technoférence, asynchronie, transhumanisme" ou "Syndrome de l'écran électronique" ou encore "Screen-time shaming"), portent sur certain effets des écrans ou leur réception en général : la question spécifique de l'autisme virtuel, sujet de l'article, est quelque peu oubliée...
4. Contradictions internes et omissions
De fait, il est vrai que la Haute autorité de santé, dans son argumentaire sur les TSA de février 2018 , indique qu'"il n’y a pas d’éléments dans la littérature au sujet d’un quelconque rapprochement entre exposition aux écrans et TSA. Dans la littérature, les études identifiées concernant l’évaluation d’une association entre exposition aux écrans et survenue d’un TSA sont d’un niveau moins que faible".
Mais précisément, s'agissant d'une hypothèse face à un phénomène récent (avec notamment les nouveaux écrans nomades), les preuves ne peuvent que manquer : le collectif CoSE milite précisément, comme l'indique sa charte (non citée par "Copper Lebrun") pour "obtenir des études françaises à l’instar des pays anglophones, de type épidémiologique, des recherches fondamentales et des recherches cliniques en association avec des praticiens, menées par des professionnels qui déclarent leur absence de conflit d’intérêt avec l’industrie du numérique" et "obtenir des données cliniques et chiffrées de la part des professionnels de la santé et de l’éducation.
Pour le dire autrement, ce n'est parce que cette hypothèse n'a pas (encore ?) été validée par la recherche scientifique qu'elle n'est pas valide ou "non scientifique". Le groupe Facebook "Hashtag France Autisme" milite d'ailleurs pour empêcher les interventions publiques du docteur Ducanda et empêcher que des études puissent être menées. Comme le dit le professeur Marcelli en soutien au collectif CoSE : "Les médecins ont le droit, me semble-t-il, d’émettre des hypothèses cliniques qui certes nécessitent des études scientifiques critérisées et des cohortes appariées pour être confirmées mais la médecine a toujours avancé à partir de telles hypothèses vérifiées ou non ultérieurement. Les constations cliniques du Dr. Ducanda, corroborées par d’autres cliniciens, demandent à être confirmées par des études scientifiques rigoureuses, mais ce n’est pas en interdisant à Mme Ducanda de prononcer « autisme » dans ces propos qu’on pourra faire avancer les connaissances. Ce diktat en forme de censure sur les mots est proprement inadmissible…"
Les spécialistes les plus prudents à l'égard de cette hypothèse reconnaissent eux-mêmes la nécessité d'études scientifiques sans jamais nier la réalité des cas observés dans cet article de "L'Express" en 2017 par exemple :
- "Les écrans peuvent en effet créer ces faux positifs" (Catherine Barthélémy est professeure émérite à l'université de Tours, physiologiste et pédopsychiatre, spécialiste de l'autisme)
- "affirmer qu'il existe une corrélation n'est pas sérieux, tout comme ne pas prendre en compte cette alerte [...] "C'est un problème que nous découvrons peut-être, mais sans études rigoureuses il est impossible d'affirmer que la surconsommation d'écrans crée de l'autisme" (Pierre Foucaud, chef du service de Pédiatrie du CHU de Versailles et président de la Société Française de Pédiatrie ) : et il n'est pas ici question d'autisme virtuel...
S'agissant de la réfutation de "la communauté scientifique" présentée donc comme unanime, l'article de "Copper Lebrun" est quelque peu contradictoire puisqu'il mentionne le soutien au collectif pluridiscinaire CoSE d'une personnalité importante, le Dr Marcelli : il est vrai que l'article ne le présente pas comme professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent ou président de la Société française de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent mais comme un "psychanalyste médiatique" (avec confusion donc psychiatrie/psychanalyse...). "Copper Lebrun" s'efforce de le discréditer en général sur la question de l'autisme. A noter, mais ce serait encore un autre sujet, que "Copper Lebrun a récemment modifié la page Wikipédia du professeur Marcelli , son soutien au collectif CoSE lui valant par exemple... d'en devenir membre !
Le collectif pluridisciplinaire CoSE est composé essentiellement de professionnels de santé et sa charte a été signée par des centaines de professionnels de santé ou de l'enfance. Une tribune collective, non mentionnée dans l'article, a été publiée dans "Le Monde" du 31/05/2017 : "La surexposition des jeunes enfants aux écrans est un enjeu majeur de santé publique" .
"Copper Lebrun" a également oublié de préciser que le docteur Ducanda a pu, malgré les pressions de militants comme lui sur les réseaux sociaux, présenter publiquement son hypothèse au Congrès de médecine générale en 2018.
Sur un sujet un peu différent de celui de l'autisme virtuel, "Copper Lebrun" affirme que "l'addiction aux écrans n'est reconnue ni par l'Académie des sciences, ni par l'Académie nationale de médecine [sic], ni par le DSM V, bien que l'OMS soit actuellement en pourparlers à ce sujet" : l'article aurait mérité d'être actualisé car l’addiction aux jeux vidéo a été reconnue comme une maladie par l'OMS en juin 2018.
Citant plusieurs tribunes de presse, "Copper Lebrun" en oublie d'autres :
- la tribune collective du 14 février 2018 dans "Le Monde" (à l'initiative de Serge Tisseron) contre le collectif CoSE a été publié en même temps qu'une tribune de Sabine Duflo, membre du collectif CoSE : "Ne livrons pas nos enfants à une économie milliardaire"
- l'entretien de Daniel Marcelli dans "Le Monde" du 30 avril 2018 : "L’exposition précoce aux écrans est un nouveau trouble neuro-développemental"
Raillant "l'écranisme" (sic) dans sa présentation de contributeur (cf 1), "Copper Lebrun" oublie étourdiment de mentionner les avertissements répétés à l'égard des écrans sur le nouveau carnet de santé 2018 ou encore la mise en garde en 2018 de la Haute autorité de santé : "Durant ces dernières années, le temps passé devant les écrans (télévision, consoles de jeux, smartphones et ordinateurs) a augmenté. Les écrans ont une influence délétère quand ils apportent à l’enfant des stimulations cognitives, physiques ou sociales plus pauvres que celles potentiellement contenues dans son environnement physique (temps volé). Les études scientifiques disponibles montrent de manière quasi-unanime que cette tendance a des incidences négatives majeures sur le développement des fonctions cognitives, les champs particulièrement affectés étant la réussite scolaire, le langage, l’attention, le sommeil et l’agressivité."
L'article n'évoque pas non plus les conflits d'intérêt ou le revirement récent de Serge Tisseron, qui a signé en 2013 l'Avis de l'académie des sciences évoquant les bénéfices des tablettes pour les tout-petits.
5. Partialité et diffamation
Une hypothèse pas encore vérifiée serait donc "non scientifique" mais une simple plainte déposée par des non professionels de santé aurait valeur de preuve...
Très grave enfin : l'article de "Copper Lebrun" pratique tout simplement, sur un site de notoriété publique comme Wikipédia, la diffamation à l'égard du docteur Ducanda en l'accusant (sans aucune preuve) de délaissement de patients :
Anne-Lise Ducanda affirme qu'elle avait l'habitude d'aiguiller les parents vers une consultation en hôpital ou en CMP, dans lequel un TSA était souvent diagnostiqué, mais qu'à présent, elle préconise aux parents de modifier leur usage des écrans, ainsi que celui de leur enfant
Le docteur Ducanda n'a jamais cessé d'orienter ses patients vers une consultation en hôpital ou en CMP.
Conclusion
Le modèle de Wikipédia, comme nous l'avions étudié longuement , est toujours aussi problématique. Moralité : avec ces groupes de pression investissant discrètement ses pages, le pire "vandalisme" pratiqué sur l'encyclopédie libre n'est pas forcément celui qu'on croit.
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Édition du 6/08/18 : cette analyse a été réfutée d'un tweet par Stéphanie de Vanssay (SE-Unsa) avec une argumentation quelque peu sommaire : "Dites amis Wikipédiens de ma TL c'est normal ça ? Le pourrisseur qui se vante de faire modifier Wikipédia si ça l'arrange avec un débunkage qui n'en est pas un !?" . Curieusement, l'instrumentalisation de Wikipédia pour promouvoir ses propres convictions dérange moins la responsable du SE-Unsa.
Édition du 25/08/18 : un nouvel article a été créé le 11/08/18 par les deux mêmes contributeurs, de facture un peu plus neutre mais où les biais apparaissent de façon assez évidente, avec la mise en valeur de Yann Leroux : "Surexposition aux écrans chez les jeunes" .
Édition du 20/06/20 : les diverses plaintes ont été déboutées en janvier et février 2020 : aucune mention dans l'article en juin 2020. Une étude scientifique importante publiée dans "JAMA Pediatrics" en avril 2020 ( cf infra ) a corroboré la thèse de l'autisme virtuel à partir d'une cohorte de plus de 2000 enfants : aucune mention dans l'article Wikipédia deux mois plus tard.
Édition du 17/07/20 : *Amélie Tsaag Varlen n'est pas "prof' à la Sorbonne nouvelle" (contrairement à sa présentation sur Twitter) et ne mène pas d'activités de recherches scientifiques (contrairement à sa présentation Wikipédia).
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Édition du 14/02/21 : Copper Lebrun demande le retrait du bandeau "Controverse de neutralité".
Édition du 22/07/22 : quatre ans après la création de la page et deux ans après le rejet des plaintes, toujours aucune mention de ce rejet dans cet article "encyclopédique".
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