Quand les rythmes scolaires sont compris... de travers !

Sondage et carottageUn sondage de l'institut CSA sur les rythmes scolaires interprété d'une bien étrange manière.

C’est un curieux sondage qui a été publié hier à propos des rythmes scolaires : les Français et notamment les parents d’élèves approuveraient soudainement et massivement la réforme des rythmes scolaires. Comme le souligne « Le Parisien », « des chiffres qui tombent à pic pour le gouvernement, à une semaine de la date limite fixée aux communes pour remettre leur projet d'organisation du temps scolaire à leur académie »[1]

C’est effectivement trop beau pour être vrai.

Ce ne serait pas la première fois que les rythmes scolaires sont compris de travers puisque les deux derniers ministres de l'Éducation ont même imputé à la semaine de quatre jours la baisse supposée des résultats des élèves dans PISA 2012 alors même... que les élèves évalués n'ont connu que la semaine de 4,5 jours !

A vrai dire la lecture attentive de ce tout dernier sondage[2] commandé par le ministère de l’Éducation nationale mérite quelque peu le détour.

Ainsi, s’agissant de « l’amélioration des conditions d’apprentissage, principal bénéfice de la réforme », il n’est précisément pas fait mention, dans la question posée, de la réforme telle qu’elle a été appliquée en 2013. La question posée, beaucoup plus neutre, consensuelle et surtout théorique, demande aux sondés ce qu’ils pensent de la concentration des enseignements de l’école primaire le matin en général. Voilà qui permet en effet d’éviter toutes les épineuses questions concrètes relatives à la mise en place chaotique de cette réforme.

S’agissant des deux tiers des Français qui « sont majoritairement pour la réforme »[3], la question n’a encore une fois pas du tout été posée en ces termes :

De manière générale, diriez-vous que l’année scolaire en cours s’est très bien, plutôt bien, plutôt mal ou très mal déroulée ?

Voilà qui change bien des choses : comment les Français qui n’ont pas d’enfants scolarisés en maternelle ou en primaire pourraient-ils porter le moindre jugement sur le « déroulement » de l’année scolaire en cours  ? Une question qui n’a pas effleuré l’Institut CSA, lequel nous apprend ainsi que les 18-24 ans jugent à 72% que l’année scolaire en cours s’est bien déroulée.

Mais il y a plus amusant encore : même si l’on se réfère aux seuls parents d'élèves, la même question est quelque peu problématique puisque la réforme telle qu’elle a été appliquée n’a concerné... que 22% des élèves français et 17% des communes pour l'année en cours. Il faut donc en conclure – en bonne logique – que l’immense majorité des parents ont au contraire jugé que la semaine de quatre jours s’était bien déroulée !

Ce que le sondage confirme ensuite puisque une majorité de parents d’élèves scolarisés en maternelle et en primaire ne pensent pas que concentrer les enseignements de l’école primaire le matin permette de réduire l'échec scolaire. Moins de la moitié des parents estiment que les nouvelles activités périscolaires permettront de réduire les inégalités sociales et 35% seulement qu'elles créeront des conditions favorables à la réussite de chaque élève… Des parents très convaincus, comme on peut le constater  !

Ce qui n’empêche pas Paul Raoult, président d’une fédération de parents d’élèves progressiste qui a soutenu envers et contre tous la réforme, d’en tirer les conclusions exactement inverses : « une large majorité de parents soutient la réforme des rythmes scolaires »[4].

Cela correspond aux retours que l'on a sur le terrain. Les parents qui l'ont expérimentée finissent par être convaincus.[1]

Une enquête récente sur les conditions de travail des enseignants du premier degré[5], menée pourtant par un syndicat réformiste et ardent promoteur des nouveaux rythmes, nous apprend que 43,7% des enseignants du primaire n'ont pas été écoutés (même partiellement) ou consultés pour la mise en place des rythmes scolaires.

Plus grave : seuls 7,4% des enseignants du primaire pensent que les rythmes scolaires amélioreront les conditions de vie et d'apprentissage des élèves.

Mais ce chiffre-là, qui voudra l’entendre  ?

@loysbonod


Notes

[1] « Le Parisien » du 30 mai 2014 : « Rythmes scolaires : deux Français sur trois défendent la réforme »

[2] « Les Français et les rythmes scolaires », sondage Institut CSA pour Ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (mai 2014)

[3] « VousNousIls » du 30 mai 2014 : « Rythmes scolaires : deux tiers des parents d'élèves approuvent la réforme »

[4] FCPE du 30 mai 2014 « Rythmes scolaires : les parents ont bien pris en compte l'intérêt des enfants  ! »

[5] Sgen-CFDT : « Enquête sur les conditions de travail - Premier Degré » (24 mai 2014). A noter que ce syndicat est le seul à avoir voté pour le projet de décret relatif à l'organisation des écoles maternelles et élémentaires actant la suppression du samedi matin à l'école primaire au CSE du 20 mars 2008, bref... en faveur de la mise en place de la semaine de quatre jours.