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Arrêt sur images : "Sous Rousseau, on ignorait la névrose orthographique"
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Que doit-on avoir appris à l'école et au collège à la fin de sa scolarité obligatoire ? Lire, écrire, compter, paraît-il. Mais est-ce encore le cas aujourd'hui ? Et cela suffit-il ? Ces questions sont d'autant plus brûlantes que les querelles scolaires restent vives. Elles reviennent d'ailleurs dans l'actualité avec la démission, cette semaine, d'Alain Boissinot, le président du Conseil supérieur des programmes, un comité indépendant chargé de redéfinir le socle commun des connaissances et des compétences des élèves. Sur le plateau, outre Alain Boissinot, deux journalistes spécialistes de l'éducation, Maryline Baumard du Monde et Arnaud Gonzague du Nouvel Obs. Enfin, notre dernier invité interviendra par skype : il s'agit de Marc Le Bris, ancien directeur d'école et auteur du livre Et vos enfants ne sauront pas lire... ni compter.
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On apprend très vite, de la bouche d'Arnaud Gonzague ("Nouvel Obs"), que le SNES est plutôt "corporatiste" et "freine des quatre fers dès qu'il y a une réforme" et que le Sgen et que le SE-UNSA sont eux "réformistes" et plus "ouverts". Maryline Baumard ("Le Monde") est d'accord : le camp des réformateurs qui veut "faire avec les élèves qu'il a face à lui" et le camp des "idéalistes de l'école". Au moins les choses sont claires...
Maryline Baumard se réjouit que Vincent Peillon ait redonné une force au camp réformateur, notamment avec la bataille des rythmes scolaires. Elle oublie évidemment de préciser que ce camp est le seul qui ne s'est pas opposé à la semaine de quatre jours en 2008.
Maryline Baumard concède que les autres veuillent aussi être considérés comme des réformateurs, mais ils ne méritent évidemment pas ce titre.
Marc Le Bris rappelle qu'on peut enseigner à lire à tous, en donnant l'exemple des années 50.Arnaud Gonzague, vers 21' écrit: Ça fait une dizaine ou une quinzaine d'années que le camp des réformateurs avance petit à petit et on a entendu il n'y a pas longtemps Florence Robine, n°2 de l’Éducation nationale en France, dire que de toute façon, la compétence, donc le côté des réformateurs, des pédagogistes comme on dit aussi avance inéluctablement parce que l'autre vision de l'éducation, c'est la vision des années 50.
Maryline Baumard écrit: Non c'est faux, on n'a jamais eu plus de la moitié d'une génération qui a eu le certificat d'études"
Mais QUEL RAPPORT AVEC LA LECTURE ?Arnaud Gonzague écrit: En 1945, 3% d'une génération avait le bac
Rappelons que :
- le certificat d'études n'était pas passé par les élèves de collège : en les incluant on peut estimer que les deux tiers d'une génération avait un niveau du certificat d'études ou plus.
- mais surtout qu'il évaluait beaucoup plus que la lecture. Répondre avec ce chiffre n'a donc aucun sens, pas plus que le bac...
Défendre la lecture, c'est donc être assimilé au FN.Arnaud Gonzague écrit: Aujourd'hui c'est plus de 70% d'une génération. On ne peut pas s'appuyer sur ces exemples-là. C'est typiquement les raisonnements séduisants de gens qui connaissent mal l'école. Enfin je parle pour vous... je parle pas de vous, je parle de gens qui vous entendent et qui sont séduits tenus notamment par Alain Finkielkraut qui sont des discours plume Sergent-Major et blouse grise. C'est à dire que l'école des années 50 était tellement formidable, démocratique, etc.
Mais pourquoi donc, puisqu'il n'y a pas de baisse du niveau et que tout le monde ou presque arrive au niveau bac ?Arnaud Gonzague écrit: Aujourd'hui 70% d'une génération arrive au bac. Il est évident que ça signifie que des enfants issus de familles défavorisées culturellement arrivent jusqu'au bac. L'école, le collège, le lycée ne peuvent plus être les mêmes que dans les années 50
Les réformateurs comme lanceurs d'alerte : c'est assez osé, vu qu'ils nient toute baisse de niveau... D'ailleurs pourquoi refonder l'école si tout va bien ?Maryline Baumard écrit: Et pourquoi les réformateurs sont aussi... quelle mouche les a piqués, c'est que là on est dans une refondation de l'école.
Pour une spécialiste de l'éducation, Marlyline Baumard fait beaucoup d'approximations : depuis douze ans (et non pas dix), la France a légèrement baissé (et non "plongé"), mais de manière non significative dans les résultats PISA (-2%) mais la baisse est supérieure dans les pays qui la devançaient en 2000. Autre erreur : les résultats moyens de la France, après une baisse 2000-2006, augmentent depuis 2006...Maryline Baumard écrit: Si on rate le coche cette fois-ci, l'école va continuer à plonger. On voit bien ce qui se passe depuis dix ans avec les résultats PISA. Ça va continuer, on va continuer à plonger.
De fait PISA, par sa méthodes et ses domaines d'évaluation, ne permet pas d'évaluer notre école de manière fiable. Il y a bien d'autres indicateurs, dont les plus fiables sont ceux de la DEPP.
En réponse à Marc Le Bris :
Un propos qui ne pose à aucun problème quand le même Arnaud Gonzague souligne peu avant qu'aujourd'hui plus de 70% d'une génération obtient le bac avec une inflation extraordinaire de mentions. La grande schizophrénie continue !Arnaud Gonzague écrit: C'est sûrement pour ça que plus de 70% des enfants ne maîtrisent pas les attendus mathématiques fondamentaux à l'arrivée au brevet
Citations télévisées d'Alain Finkielkraut sur l'enseignement du français. Extrait d'un reportage de France à la suite de la baisse du niveau constatée en orthographe 1987-2007 par une étude de 2009.
Alain Boissinot relativise l'expression "baisse du niveau" qui ne concerne en l'occurrence que l'orthographe. Il concède que l'orthographe, c'est important, mais en relativisant puisqu'il constate que la réforme de 1990 n'est pas appliquée. Si les points de détail de cette réforme avait le moindre rapport avec les difficultés de nos élèves...
A propos d'Alain Finkielkraut :
Une phrase que l'on pourrait appliquer à d'autres...Alain Boissinot écrit: On a là une pensée manichéenne, réductrice, avec les bons et les méchants.
Arnaud Gonzague écrit: Alain Finkielkraut est un idéologue, qui réfléchit, qui est un intellectuel et qui émet des opinions. Moi je suis journaliste et je répercute un certain nombre d'études.
Chose amusante : Maryline Baumard vient d'affirmer qu'on ne sait pas ce qui se passe dans les classes.
Mais plus amusant encore : il évoque le "signal d'alarme" de PISA qu'il ne va pas "inventer". Pourtant le "Nouvel Obs" a beaucoup relativisé ces derniers résultats à leur sortie en 2013 : "Pisa : non, l'école française n’est pas si nulle" ...
Après avoir renvoyé (sans le dire) à l'article de Jean-Rémi Girard sur le "Club des cinq" , Daniel Schneidermann pose la question du passé simple, qui ne serait plus utile aujourd'hui. Parce qu'il était "utile" dans les années 50 ? Mais qui donc l'utilisait "dans la langue orale", comme l'affirme Alain Boissinot, qui heureusement en défend l'enseignement.
Daniel Schneidermann concède d'ailleurs que les élèves ne l'ont "jamais" entendu "en dehors de l'école". CQFD...
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Et il poursuit en disant qu'il n'y a pas que l'orthographe et l'histoire, mais aussi la compétence scientifique (?), les langues étrangères, l'informatique. Maryline Baumard renchérit avec la recherche sur internet, le codage. Et puis elle insiste sur le fait que le passé simple n'a pas d'utilité puisqu'il n'est pas employé dans les articles de presse (parce que les articles de presse sont lus ?)Arnaud Gonzague écrit: On ne peut pas comparer des enfants des années 60 et des enfants des années 2014. Les enfants des années 60 avaient des compétences orthographiques et probablement historiques qui étaient extrêmement importantes, pour autant ils n'allaient absolument pas au même niveau scolaire. On était à l'époque où une minorité infime d'enfants issus des familles les plus favorisées faisant des études longues et devenait des gens... [coupure du présentateur]
Conclusion d'Arnaud Gonzagues, le niveau baisse ou ne baisse pas, ça ne veut rien dire, en fait il change !
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Daniel Scheidermann a bien relevé la contradiction, d'ailleurs. Je noterais encore une chose.
Non, c'est plutôt qu'ils sont considérés comme plus "crétins", dans ce cas précis par l'éditeur.Arnaud Gonzague écrit: Le premier réflexe pavlovien [...] quand on vous entend comparer le "Club des cinq" des années 60 etc, c'est de dire : "Les enfants sont devenus plus crétins qu'ils n'étaient dans les années 60".
Et Arnaud Gonzague, bien obligé de constater la baisse, reprend l'argument relativiste des syndicats réformistes : l'orthographe n'est qu'un seul "prisme".
C'est vrai : même sans savoir lire ou écrire convenablement dans sa propre langue, on a plein de possibilités qui s'ouvrent !Arnaud Gonzague écrit: Il y a d'autres choses dans la vie : la compétence scientifique, les langues étrangères [...] l'informatique etc...
Pour Arnaud Gonzague le certificat d'étude se limite à l'orthographe et à l'histoire.
Parce qu'il y a beaucoup d'élèves qui savent coder aujourd'hui ?Maryline Baumard écrit: La recherche sur Internet, le codage...
Quant à la recherche sur Internet... sans commentaire.
Effectivement la référence au passé simple "dans les articles de presse" aujourd'hui est assez cocasse. Maryline Baumard devrait peut-être relire la presse ancienne...
Allez, un exemple avec "L'Aurore" du 14 juin 1914 : gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k753723f.langFR
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Daniel Schneidermann rebondit et demande alors, très pertinemment et avec un soupçon de provocation, si nos deux journalistes pourraient renoncer à l'orthographe dans leurs journaux respectifs
Très intéressante façon de relativiser l'importance de la maîtrise de la langue :Maryline Baumard écrit: C'est devenu aujourd'hui une compétence sociale. Acadomia et ses 2.3 milliards de cours particuliers aujourd'hui en France dépensés par les familles, c'est pas les gosses de pauvres, c'est les gosses de riches qui vont finir d'apprendre ce que l'école ne leur apprend pas.
- en avouant que l'école ne fait plus son travail
- en postulant qu'elle n'est valorisée que par les familles "riches" et qu'elle n'aurait donc pas de valeur en soi.
Pour Maryline Baumard, cette compétence sociale (en admettant qu'elle le soit uniquement, bien sûr) est évidemment arbitraire : on dirait que la journaliste du "Monde" ne veut pas "faire avec" la société qu'elle a face à elle et qu'elle fait partie des "idéalistes".
Évidemment Maryline Baumard n'explique pas comment la maîtrise de l'écrit "est devenue une compétence sociale", ce qui serait très intéressant.
Au passage si la maîtrise de l'écrit en général relève d'une "compétence sociale" discriminante, on doit donc considérer que "Le Monde" est un journal discriminatoire.
Sentant la fragilité de leur position et pour se défendre ("je n'ai pas dit que l'orthographe n'avait pas d'importance"), nos deux journalistes réduisent la maîtrise de la langue à la seule orthographe, pour mener un combat plus facile.
Daniel Schneidermann demande si une orthographe parfaite n'est pas nécessaire dans le socle commun de compétences. Réponse relativiste de Maryline Baumard :
Même relativisme d'Alain Boissinot :Maryline Baumard écrit: Qu'est-ce qu'une orthographe parfaite ?
Même argument que les inspecteurs de lettres rappelant que Louis XIV ne savait pas bien écrire, ce qui est effectivement très consolant pour nos élèves de ZEP... Finalement il y aurait bien un âge d'or !Alain Boissinot écrit: Il fut une époque dans notre pays où on vivait très bien en écrivant à peu près n'importe quoi. Lisez les manuscrits de Rousseau, par exemple. Au XVIIIe siècle on n'avait pas encore stabilisé l'orthographe et on n'avait pas inventé la névrose orthographique.
A la vérité c'est encore une fois vouloir réduire la maîtrise de l'écrit à la seule orthographe : la richesse du vocabulaire ou la complexité de la syntaxe chez Rousseau apportent un démenti cinglant à ce relativisme de mauvais aloi : Rousseau n'écrivait certainement pas "n'importe comment". Évidemment comparer un société démocratique comme la nôtre, où l'on attend de tous les élèves qu'ils sachent lire et écrire, et l'Ancien Régime, où bien peu savaient lire et écrire, n'a guère de sens : "on vivait très bien" (sic) sans savoir écrire surtout.
En employant l'expression "névrose orthographique", Alain Boissinot se trahit ; pour lui, l'orthographe est bel et bien secondaire dans le "socle" de ce qui est fondamental. Il veut évidemment caricaturer l'exigence orthographique comme renvoyant à la dictée de Bernard Pivot (les accords des verbes pronominaux ou les bizarreries de la langue), alors que les difficultés orthographiques des élèves sont avant tout d'ordre syntaxique (et dans les cas les plus sévères relevant même de la segmentation des mots), ce qui trahit non seulement une méconnaissance des règles de l'orthographe mais des difficultés pour penser. Comme l'indique Marc Le Bris la phrase ne fait plus sens.
Il n'y aurait pas une petite contradiction entre les deux derniers termes ?Alain Boissinot écrit: Je pense qu'il faut faire évoluer les programmes pour tenir compte de l'outil que représente le numérique. Par exemple on n'enseigne pas l'orthographe de la même manière quand il y a des correcteurs orthographiques [...] Il faut former les jeunes à tous les usages et à la déontologie du numérique.
Alain Boissinot imagine ensuite qu'on puisse faire une dictée assistée par correcteur orthographique puisque celui-ci indique les fautes : Daniel Schneidermann le corrige : le correcteur permet... de corriger. Petit blanc sur le plateau...
Arnaud Gonzague compare ensuite Internet avec les illustrés après guerre... Quel rapport entre un illustré (une bande-dessinée) choisi par un enseignant et un écran donnant accès à tout ?
Le mot de la fin pour Maryline Baumard qui défend la dimension "formatrice" du codage :
Si le codage est aussi formateur que la grammaire et arrive au même résultat, Quel intérêt ? La logique appliqué à un code informatique a plus de sens qu'appliquée à sa propre langue ?Maryline Baumard écrit: Plutôt que de faire de la grammaire, on peut faire du codage : on arrivera peut-être aux mêmes connexions de neurones, j'en sais rien.
A noter les incertitudes ("peut-être", "je n'en sais rien") qui n'empêchent pas Maryline Baumard de vouloir supprimer la grammaire.
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Mais un doute me poursuit, ceux qui proposent ce genre d'idée ont-ils déjà écrit un programme ?
Quand on tape du code l'orthographe et la syntaxe sont totalement fixées.
Et à la moindre erreur le compilateur, ou l'interpréteur, renvoie un message d'erreur rarement pédagogique.
D'expérience, je dirais que très peu d'élèves, ou d'adultes, sont capables de supporter ce genre de contraintes.
Ce n'est pas pour rien que les interfaces genre Windows ont du succès, alors que la ligne de commande est «tellement plus simple».
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Mais c'est exactement la méthode de l'école 42 !verdurin écrit: J'aime beaucoup l'idée de faire du codage plutôt que de la grammaire.
Mais un doute me poursuit, ceux qui proposent ce genre d'idée ont-ils déjà écrit un programme ?
Quand on tape du code l'orthographe et la syntaxe sont totalement fixées.
Et à la moindre erreur le compilateur, ou l'interpréteur, renvoie un message d'erreur rarement pédagogique.
D'expérience, je dirais que très peu d'élèves, ou d'adultes, sont capables de supporter ce genre de contraintes.
Ce n'est pas pour rien que les interfaces genre Windows ont du succès, alors que la ligne de commande est «tellement plus simple».
Ça ne compile pas ? 0/20.
Il parait que c'est très pédagogique, et surtout très adapté au monde du travail.
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