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Affelnet et mixité
- Loys
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Dans l’académie de Paris, des règles de mixité sociale et scolaire ont été mises en place dans l’accès aux lycées. Doivent-elles être étendues en France?
Paris était un cas particulier. Nous étions dans une impasse: un système d’affectation qui aboutissait à une hiérarchisation caricaturale des lycées parisiens avec, dans le mieux considéré, des élèves ayant tous 17 de moyenne, et dans le moins réputé, 4. Ce n’est bon pour personne. Dans la réforme menée par le recteur de Paris, il y a toujours une place importante pour le mérite. Mais tout ceci est mâtiné de mixité sociale et de possibilité d’avoir des niveaux moins homogènes. Mon objectif, à Paris comme ailleurs, est de rehausser le niveau des lycées les moins considérés avec des mesures très volontaristes quant à l’offre d’enseignement et le climat scolaire.
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- Loys
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Recteur de la région académique d’Île-de-France, recteur de l’académie de Paris, chancelier des universités de Paris et d’Île-de-France, Christophe Kerrero détaille pour Acteurs publics les enjeux de la récente réforme de l’affectation des élèves de
troisième. Le mérite reste central mais les problématiques de mixité sociale sont davantage prises en compte.
Quel bilan faites-vous de la réforme de la procédure d’affectation des élèves de troisième ?
À mon arrivée à Paris, en juillet 2020, j’ai immédiatement été interpellé par le sujet de l’affectation des élèves en seconde : elle faisait l’unanimité contre elle. Chez les parents, bien sûr, avec 2 000 recours pour 12 000 affectés, les élus, les chefs d’établissement… Le système était vécu comme un véritable concours, générait une anxiété généralisée et entérinait une logique de lycées de niveau poussée à l’extrême. J’ai donc demandé à Claire Mazeron, directrice académique en charge des lycées, de revoir les choses en profondeur.
La réforme de la procédure d’affectation en seconde générale et technologique à Paris vise 3 objectifs : renforcer la mixité sociale dans tous les lycées parisiens [ndlr : publics], lutter contre la ségrégation scolaire [ndlr : sauf dans le privé] (c’est-à-dire la situation actuelle, dans laquelle les meilleurs élèves se concentrent dans quelques établissements, alors que d’autres n’en accueillent aucun) et sécuriser une affectation de proximité, tout en élargissant le champ géographique des vœux possibles sur des lycées situés dans l’ensemble de l’académie (fin des 4 districts cloisonnés, dans lesquels les élèves étaient systématiquement affectés).
Il s’agissait en même temps de renforcer la satisfaction des familles, en augmentant le taux de satisfaction sur les trois premiers choix de lycées (alors que ce dernier avait baissé de 11 points depuis 2016) et en affectant plus d’élèves dès le premier tour de la procédure. En 2020, 668 élèves n’avaient pu être affectés au premier tour Affelnet [une procédure informatisée d’affectation déployée sur les académies depuis 2008, ndlr], un chiffre paroxystique, pour une situation particulièrement angoissante pour les familles, même si tous les élèves avaient pu être affectés, au final, à la rentrée.
L’ensemble de ces objectifs a été atteint, même si des ajustements pourront être localement justifiés.
En matière d’efficacité de la procédure, 95,7 % des élèves ont été affectés dès le premier tour (contre 94,7 % en 2020) ; des places sont restées vacantes en nombre suffisant pour assurer une place à chaque élève avant la rentrée scolaire. L’entrée dans la procédure Affelnet d’une majorité d’établissements privés a notamment permis de limiter, dès le premier tour le phénomène, récurrent à Paris, des doubles inscriptions public-privé, qui bloquait plus de 1 000 places chaque année jusqu’à la rentrée scolaire.
En ce qui concerne la satisfaction des familles, leur taux de satisfaction sur les 3 premiers vœux formulés est en augmentation de 4 points, avec plus de 60 % des élèves affectés sur leur premier vœu. Le taux de satisfaction augmente très fortement dans 70 % des collèges parisiens et atteint plus de 90 % dans 55 collèges, contre 15 en 2020. Le nombre de recours exercés par les familles est par ailleurs à ce jour plus de deux fois moindre qu’en 2020.
Sur la réponse à la demande de proximité des familles, tout en élargissant le champ des vœux possibles à l’ensemble des lycées parisiens, plus de 9 élèves sur 10 ont été affectés dans un rayon de 25 minutes par rapport à leur collège de sectorisation. Et ce sans que cette proximité ne porte atteinte à la mixité sociale des établissements (dans l’ancien district Est, le plus vaste, ce temps de transport pouvait dépasser 50 minutes). En même temps, plus de 700 places dans 31 lycées ont été offertes à des élèves ayant fait le choix de postuler dans un lycée plus éloigné, par exemple pour suivre une option ou une spécialité rare en classe de première, ou pour des raisons familiales.
En matière de renforcement de la mixité sociale dans les lycées, il est important que les boursiers, qui constituent la population scolaire la plus fragile, soient affectés dès le premier tour ; or, à l’exception de 4 élèves, tous les boursiers l’ont été cette année, alors même que 162 ne l’avaient pas été en 2020. Qualitativement, il était également nécessaire que le taux de boursiers augmente dans les lycées [ndlr : publics] les plus favorisés, dont l’IPS est très supérieur aux moyennes nationale et académique : les taux cibles de boursiers, renforcés dans tous les lycées socialement très favorisés ont ainsi été atteints, à l’exception de quelques lycées des anciens districts Ouest et Sud, où les vœux des boursiers n’étaient pas encore assez nombreux pour occuper les places offertes. Le taux de boursiers affectés se renforce notamment dans les lycées Carnot, Buffon, Chaptal, Charlemagne, Monet, Condorcet, Boucher, Janson de Sailly, Montaigne, Racine, S. Germain, V. Hugo et particulièrement au lycée Duruy, où il est multiplié par deux. Il diminue très fortement dans les lycées Bergson, Rabelais ou Quinet, établissements socialement très défavorisés. Par ailleurs, le taux de satisfaction des élèves boursiers sur leurs 3 premiers vœux se renforce et atteint cette année près de 95 %, contre 87 % en 2020.
Quant au renforcement de la mixité scolaire et à la lutte contre les lycées de niveau, le barème scolaire du dernier admis diminue fortement dans tous les lycées, notamment dans les lycées les plus attractifs, preuve d’une moindre pression à l’entrée de chacun d’entre eux – et ce sans que l’affectation fondée sur les notes soit remise en cause. Des lycées comme Chaptal, Charlemagne, Sophie Germain, Racine, Monet, Fénelon, Boucher, La Fontaine, Lavoisier, ou Montaigne accueilleront davantage d’élèves de niveau intermédiaire ; à l’inverse, des lycées comme Voltaire, Weil, Claude Bernard, Camille See, Colbert, Diderot, Quinet, Dorian, Lamartine, Paul Bert rééquilibrent leur structure scolaire “par le haut”, en accueillant de meilleurs élèves. C’est un élément fondamental [ndlr : dans le secteur public uniquement] pour favoriser la réussite scolaire de l’ensemble des élèves.
Le mérite reste un élément central, mais il était donc important d’appréhender cette problématique de mixité sociale ?
Il faut tout d’abord bien distinguer mixité sociale et mixité scolaire. La première vise à la cohabitation de populations scolaires issues de CSP différentes. La deuxième suppose que des élèves de niveaux scolaires différents soient présents dans le même établissement, sinon dans chaque classe de cet établissement : il est depuis longtemps prouvé que des classes ou des établissements trop homogènes ne permettent pas aux élèves, quel que soit leur niveau, de progresser et/ou de s’épanouir pleinement dans le cadre scolaire.
À Paris, depuis la mise en place du bonus boursier, puis des “quotas ”de boursiers, la mixité sociale avait déjà progressé, mais avec deux écueils. D’une part, les boursiers recrutés sur les “quotas” dans les lycées les plus attractifs étaient les “meilleurs” boursiers : il n’y avait donc pas réellement de différence de niveau entre ces élèves et les non boursiers, et la mixité scolaire n’était pas assurée, même si la mixité sociale était présente. D’autre part, les 4 anciens districts (qui coupaient Paris en 4 quartiers : Nord, Est, Sud et Ouest) étant socialement très différents, alors même que le quota de boursiers dans chaque lycée était fixé selon le taux académique, il existait une très forte concurrence pour l’accès aux places “boursiers” dans le district Est (socialement le plus défavorisé et comptant la majorité des boursiers parisiens), alors que ces places n’étaient jamais pleinement attribuées dans les districts Sud et Ouest (faute de boursiers en nombre suffisant). Le cloisonnement des 4 districts empêchait, de fait, la possibilité pour un boursier de l’Est ou du Nord de postuler sur les places destinées aux boursiers au Sud ou à l’Ouest. Avec la fin des districts et l’ouverture des vœux possibles sur l’ensemble de l’académie, les places “boursiers” des lycées du Sud et de l’Ouest ont été mieux pourvues.
Le nouveau système vise donc à la fois à renforcer la mixité sociale (avec la mise en place de taux cibles de boursiers relevés, par lycées plutôt qu’un taux académique, avec l’ouverture des districts, avec l’introduction d’un bonus “IPS* du collège d’origine”), mais aussi à réintroduire une mixité scolaire, qui existe dans tous les lycées de France sauf à Paris.
En effet, parler de “mérite” concernant une demande d’affectation en seconde générale et technologique est un biais de l’ancien système Affelnet, qui avait transformé la procédure d’affectation en concours : dans la mesure où les élèves pouvaient postuler dans 10 à 15 lycées de leur district, et où ces établissements étaient extrêmement (et subjectivement) hiérarchisés par les familles, c’étaient en effet les points obtenus par les résultats scolaires qui permettaient de distinguer les élèves, ce système contribuant à renforcer encore la ségrégation scolaire : les “bons élèves” n’étaient ainsi pas incités à postuler sur un lycée “de cœur”, plus proche ou proposant une option souhaitée, car ils prenaient le “risque” de n’être affectés qu’avec des élèves “fragiles”.
Une orientation en seconde générale et technologique est le résultat du travail de l’année de troisième, et doit en effet reposer sur le mérite de l’élève. Mais une affectation, c’est-à-dire l’accès à un établissement dispensant la formation pour laquelle l’orientation a été prononcée, est un droit, et le “mérite”, dans l’absolu, ne devrait pas être pris en compte, puisque l’élève a déjà “gagné” ce droit en obtenant son orientation en seconde générale et technologique. En cela, et même s’ils sont souvent comparés, Affelnet et Parcoursup [le système d’affectation des bacheliers dans l’enseignement supérieur, ndlr] sont de nature fondamentalement différente : dans le premier cas, tous les élèves “candidatent” sur une formation identique, une seconde générale et technologique, pour laquelle le nombre de places dans les lycées est ajusté au regard du nombre d’orientations prononcées : à cet égard, les programmes étant identiques dans chaque lycée et les professeurs recrutés nationalement, rien ne justifie qu’une affectation en seconde soit plus méritée ou mieux considérée qu’une autre. Dans le second cas (Parcoursup), les formations dans lesquelles les bacheliers candidatent ne sont pas de même nature (elles requièrent donc des compétences différentes de la part les élèves) et sont par ailleurs contingentées : il est donc légitime que le mérite, entendu comme la capacité démontrée par un élève à réussir dans la formation choisie, soit pris en compte.
Partout ailleurs qu’à Paris, Affelnet est un algorithme d’affectation des élèves dans lequel le mérite n’a aucune place : même si des points de résultats scolaires sont générés (c’est une disposition nationale de l’algorithme), le fait qu’un unique établissement de secteur soit proposé aux élèves évite toute concurrence et conduit à y affecter des élèves de niveaux hétérogènes. La seule question qui peut alors se poser est celle de la constitution du secteur scolaire, afin qu’une mixité sociale puisse également être présente.
Peut-on parler de discrimination positive ?
Chaque lycée parisien a vocation à être un lycée d’excellence. On pourrait parler de discrimination positive si l’objectif du bonus boursier, des quotas de boursiers ou encore du bonus IPS était de “corriger” une inégalité, en facilitant l’entrée des élèves de CSP défavorisées dans des lycées jugés meilleurs que d’autres : cela supposerait donc que l’institution elle-même considère que certains établissements, et en particulier ceux qui sont plébiscités par les familles, sur des critères parfois très subjectifs, font mieux réussir leurs élèves. Or ce n’est pas l’esprit de la réforme, qui ne vise pas à accorder un avantage à certaines populations scolaires, mais à rééquilibrer la structure sociale et scolaire des lycées parisiens [ndlr : publics], en considérant qu’aucun d’entre eux ne doit être scolairement perçu comme un établissement “d’élite” ou à l’inverse de “relégation”. De telles représentations sont en effet délétères pour la réussite de l’ensemble des élèves, qui ne parviennent plus à se situer correctement dans leurs apprentissages au regard des attentes d’un élève “lambda” de seconde générale et technologique. Elles peuvent également être déstabilisantes pour les professeurs qui, là encore, auront d’un côté des exigences trop élevées et de l’autre des attentes moindres, faute de classes a minima hétérogènes. Chaque lycée parisien a ainsi vocation à être un lycée d’excellence, ainsi que le montre le nombre de vœux considérables émis par des élèves domiciliés hors de Paris, pour qui certains des établissements boudés des Parisiens sont au contraire attractifs.
Paris étant par ailleurs l’académie socialement la plus ségréguée de France (les extrêmes sociaux cohabitant sur un territoire réduit, parfois à une échelle très fine), l’attention à la mixité sociale des lycées doit être également plus forte qu’ailleurs, faute de quoi l’on génère des établissements ghettos où se concentrent d’un côté l’extrême richesse et de l’autre l’extrême pauvreté. En 2020, le différentiel d’IPS entre le lycée général et technologique le plus favorisé et le moins favorisé de l’académie de Paris était de l’ordre de 60 points. Cette situation n’est pas acceptable.
Les 2 principales mesures “sociales” de la réforme (adaptation des quotas de boursiers en fonction du profil du lycée, introduction du bonus IPS) ne sont donc pas centrées sur la volonté de donner un avantage comparatif individuel à certains élèves, mais visent à créer les conditions d’une mixité sociale et scolaire au sein de chaque lycée, par l’apport d’élèves de profils sociaux et scolaires diversifiés. En amont de l’entrée au lycée, le bonus IPS vise également à inciter les familles à jouer le jeu de la mixité sociale et scolaire dès l’entrée au collège : ainsi la famille CSP+ qui choisit de placer son enfant dans son collège de secteur, même lorsque celui-ci est moins “coté”, plutôt que de demander une dérogation pour un collège plus favorisé ou de prendre une inscription dans l’enseignement privé, bénéficiera-t-elle, quatre ans plus tard, du même bonus IPS que l’élève CSP- du même collège.
Si Polytechnique ou l’ENA ont si peu d’élèves issus des classes populaires dans leurs rangs, c’est que le processus sélectif à l’œuvre, qui démarre très tôt, ne remplit pas son rôle.
La haute fonction publique ne serait pas assez représentative de la société : cela se joue-t-il avant le baccalauréat ?
Les défis considérables qui sont devant nous, non seulement à l’échelle de notre pays, mais à celle de la planète, nous obligent à modifier notre modèle. On le voit dans la crise sanitaire que nous traversons. Trouver un vaccin en un minimum de temps a nécessité des moyens considérables, bien sûr, mais surtout un travail d’équipe réunissant toutes les forces. Or le modèle émulatif français, qui a permis à la France de relever des défis technologiques considérables comme le TGV, n’est plus suffisamment adapté aux défis du temps. Il a poussé le tri et la sélection jusqu’au point où nous ne pouvons compter que sur une toute petite élite, alors même que nous devons nous appuyer sur tous les talents. Car la méritocratie, ce n’est ni le darwinisme ni la reproduction sociale. Entendons-nous bien, l’enjeu n’est pas de s’attaquer à l’élite, mais de l’élargir.
Si Polytechnique ou l’ENA ont si peu d’élèves issus des classes populaires dans leurs rangs, c’est que le processus sélectif à l’œuvre, qui démarre très tôt, ne remplit pas son rôle. Et c’est tout particulièrement le cas à Paris, où la logique de concurrence individuelle poussée à l’extrême, depuis la maternelle parfois, prime trop souvent sur le sens de l’intérêt général, qui permet de vraies réussites individuelles et collectives. De ce point de vue, la réforme de l’affectation en seconde, en souhaitant faire de chaque lycée un lycée d’excellence, avec des élèves qui progressent les uns avec les autres dans un nouveau modèle émulatif collégial et non individuel, va dans ce sens. Car n’oublions pas une chose : même dans le lycée le plus réputé et, en son sein, dans la classe la plus réputée, il y aura un premier et un dernier. À l’inverse, dans des lycées de moindre réputation, les élèves ne sont pas toujours assez stimulés et risquent de développer moins d’ambition. De combien de talents se prive-t-on chaque année du fait de ces phénomènes ? Nous ne pouvions laisser les choses en l’état.
Comment cette mesure volontariste a-t-elle ou va-t-elle à rehausser le niveau des lycées les moins considérés ?
La modification de la sectorisation (fin des districts et mise en place de 3 secteurs autour de chaque collège) a permis de faire baisser fortement le taux de pression s’exerçant sur les lycées les plus attractifs, le nombre de collèges rattachés à chacun d’entre eux étant beaucoup plus réduit. Cela a permis d’y faire entrer des élèves de niveau plus intermédiaire, sans pour autant déstabiliser la structure scolaire de ces établissements : ainsi le lycée Charlemagne, auquel postulaient jusqu’en 2020 les élèves de 50 collèges du district Est, compte-t-il désormais dans son secteur de recrutement privilégié une vingtaine de collèges seulement. C’est ce qui lui permet d’accueillir, à la rentrée 2021, six fois plus d’élèves avec une moyenne inférieure à 15/20 qu’en 2020, tout en maintenant toutefois un recrutement majoritairement constitué de très bons élèves.
De surcroît, le bonus IPS permet à des élèves plus moyens de compenser en partie les points de résultats scolaires : cette disposition permet, là encore et sans toucher au barème national des résultats scolaires, de donner un petit coup de pouce à l’entrée dans les lycées plus attractifs aux élèves de niveau intermédiaire.
À l’inverse, de meilleurs élèves entrent massivement dans des établissements auparavant moins estimés des familles : ainsi le lycée Voltaire va-t-il accueillir, à la rentrée 2021, trois fois plus d’élèves ayant, en classe de 3ᵉ, une moyenne supérieure à 14/20 qu’en 2020 ; cela représente une dizaine d’élèves de très bon niveau par classe de seconde, soit le tiers de l’effectif d’une classe dans ce lycée, qui bénéficie par ailleurs d’un environnement de travail optimal et d’une offre d’enseignements de spécialité et d’options parmi les plus riches de la capitale, mais qui souffrait, sans raisons objectives, d’une assez mauvaise image chez de nombreuses familles.
Cette situation se retrouve dans tous les lycées dits “intermédiaires” de la capitale, qui bénéficient désormais du seuil critique de “têtes de classe” permettant une progression pédagogique optimum. Il s’agit d’une évolution, non d’une révolution. Pour autant, nous allons accompagner les lycées qui vont accueillir un public différent en pariant sur la formation des professeurs mais aussi en leur donnant des moyens supplémentaires quand c’est nécessaire.
Comment avez-vous travaillé sur cette réforme : avec quelle méthode, quelle association des parties prenantes (communauté éducative, mais aussi élus) ?
Cette réforme ambitieuse est d’abord une réforme d’équipe, menée sur la base d’une très large concertation pendant toute l’année. Le projet de réforme, travaillé depuis septembre 2020 par une large équipe académique (constituée des Dasen et Daasen** collèges et lycées, des services de l’orientation et de l’affectation, des services informatiques ainsi que des inspecteurs de l’orientation), s’est fondé sur un examen attentif des recours gracieux et contentieux effectués au cours des dernières années, ainsi que sur une très large concertation tout au long de l’année, en groupes de travail, et sur des rencontres régulières avec :
- les fédérations de parents d’élèves FCPE et PEEP ;
- les organisations syndicales des personnels de direction ;
- les organisations syndicales des personnels d’enseignement et d’éducation ;
- les correspondants parisiens de l’inspection générale ;
- les médiateurs académiques ;
- les élus parisiens (maires et adjoints d’arrondissement, mairie centrale, députés, sénateurs, conseilleurs régionaux).
La mise en œuvre des propositions a par ailleurs été régulée selon trois principes :
- le “faisable” : l’algorithme Affelnet est un outil national, dont les fonctionnalités sont déjà poussées à l’extrême à Paris. Il n’était donc pas possible de multiplier les bonus au-delà d’un nombre fixé à l’échelle nationale, ni d’affiner davantage les situations individuelles d’élèves : la demande de certaines fédérations de parents de prendre en compte le quotient familial de chaque famille (plutôt que le statut de boursier) ne pouvait par exemple pas être satisfaite. Il n’était pas non plus possible d’aller au-delà de 3 tranches d’IPS pour ce bonus. Ou de prendre en compte l’adresse individuelle de l’élève plutôt que son collège de sectorisation pour la fixation de son adresse de référence. À noter que chaque simulation conduisait à faire tourner l’algorithme pendant près de douze heures et que les risques d’erreur étaient multipliés par la complexité des paramètres pris en compte.
- le “souhaitable” : nos objectifs ont été partagés dès le début du travail d’évolution et ont fait l’objet d’un accord avec nos interlocuteurs (favoriser la proximité géographique, tout en élargissant le champ des vœux possibles et sans créer d’effet de “ghetto” ; renforcer la mixité sociale fine des lycées, tout en valorisant davantage les familles qui jouent le jeu de la mixité sociale et scolaire au collège ; renforcer la mixité scolaire) ;
- l’“acceptable” : les évolutions à conduire étaient extrêmement sensibles et ne devaient pas déstabiliser brusquement les familles comme les établissements ; elles devaient être envisagées dans une perspective progressive de moyen et long termes. À cet égard, nous avons écarté par principe certaines propositions des fédérations de parents d’élèves, même si leur principe n’était pas inintéressant : par exemple, la mise en place immédiate de proportions égales de bons élèves, élèves moyens et élèves faibles dans chaque lycée parisien.
La directrice académique en charge des lycées, Claire Mazeron, son adjoint, Jean-François Barle, comme celui en charge des collèges, Grégory Prémon, et les services académiques se sont par ailleurs fortement mobilisés dans l’explicitation des principes de la réforme auprès des familles et des élus (une dizaine de webex de présentation par bassins, de très nombreuses audiences de collèges ou d’élus d’arrondissement), dans un contexte de fortes inquiétudes exprimées face au changement. Les personnels de direction, très conscients des enjeux, ont également mis toute leur force de conviction auprès des familles. Les professeurs principaux de 3ᵉ et les PsyEN ont su expliquer aux élèves les nouvelles modalités d’affectation dans les lycées parisiens. Enfin, à cette occasion, j’en profite pour souligner que cette réforme ambitieuse est d’abord une réforme d’équipe et c’est seulement à cette condition que nous avons pu la mener.
Un comité de suivi, présidé par Julien Grenet, directeur de recherches au CNRS (et spécialiste des questions relatives à la mixité sociale et scolaire), et composé des représentants de toutes les parties prenantes précédemment citées, a été mis en place. Lors de sa première réunion, le 12 avril 2021, les ultimes ajustements (sectorisation, taux de boursiers) ont été actés pour la session d’affectation 2021.
Quelle est la place de l’évaluation ? Au-delà, comment les travaux de recherche de Julien Grenet s’organiseront-ils ? Comment va-t-il travailler, selon quel calendrier ?
L’évaluation complète des résultats sera effectuée par l’équipe de recherche constituée autour de Julien Grenet, au cours du premier trimestre 2021-2022. Les premiers résultats de la session d’affectation 2021 ont été analysés sur la base des mêmes critères que ceux qui avaient été utilisés lors des 16 simulations. L’évaluation complète des résultats devra toutefois être effectuée par l’équipe de recherche constituée autour de Julien Grenet, au cours du premier trimestre 2021-2022. Ces travaux feront l’objet d’une présentation lors du comité de suivi qui se réunira avant décembre 2021, et pourra proposer des ajustements pour la session d’affectation 2022. L’implication de Julien Grenet est essentielle à mes yeux, car elle constitue une garantie d’objectivité dans l’évaluation des effets de la réforme.
Votre réforme est-elle duplicable ailleurs, dans d’autres territoires ?
Dans l’académie de Paris, le système d’affectation en classe de seconde générale et technologique repose sur un système dit régulé, fruit d’une carte scolaire souple (pas d’unique “lycée de secteur”) et de la très grande proximité des établissements sur un périmètre réduit. Cette configuration est relativement unique en France, même si quelques grandes métropoles régionales comptent plusieurs lycées proches les uns des autres au sein de leur agglomération : en province, les élèves se rendent donc majoritairement dans un lycée de secteur, qui est aussi l’établissement le plus proche géographiquement, et les effets de concurrence constatés à Paris n’existent pas (ou peu).
Le modèle parisien, avec son système de “bonus” qui se compensent afin de parvenir à un équilibre socio-scolaire dans chaque lycée, n’aurait donc de sens, ailleurs, que dans le cadre d’un assouplissement de la carte scolaire, avec des vœux possibles sur plusieurs établissements.
Toutefois, les principes sur lesquels repose la réforme (prise en compte de l’IPS du collège d’origine, quotas de boursiers par établissement, sectorisation à plusieurs “cercles”) constituent des bases intéressantes dans le cadre d’une meilleure mixité scolaire et sociale des établissements, quel que soit le territoire considéré.
* Créé en 2016 par la direction de l’évaluation de la prospective et de la performance du ministère de l’Éducation nationale, l’indice de position sociale (IPS) permet d’estimer la situation sociale des élèves d’un établissement.
** Les directeurs académiques et directeurs académiques adjoints des services de l’éducation nationale (Dasen et Daasen) sont chargés d’animer et de mettre en œuvre la politique éducative dans les départements.
Aucune mention des lycées privés parisiens : il fallait le faire !
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- Loys
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affelnet.fr/2021/08/12/debunkage-rapide-...-affelnet-2020-2021/
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Dans "Le Monde" du 22/01/22 : "Les lycées Louis-le-Grand et Henri-IV ne recruteront plus leurs élèves parisiens sur dossier"
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- Loys
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- Loys
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Et dans "L'Express" du 25/01/22, la position opposée défendue... par moi-même : "Il n'y aura bientôt plus de très bons lycées publics à Paris (Merci l'Education nationale)"
Il n'y aura bientôt plus de très bons lycées publics à Paris (Merci l'Education nationale)
La fin de la possibilité donnée à Henri-IV et Louis-le-Grand de recruter leurs élèves sur dossier aggrave la "lutte des classes" en cours dans les lycées de la capitale.
A Paris – académie certes très particulière –, c’est tout le fragile équilibre de l’école publique qui se trouve menacé. Les dernières évolutions peuvent et doivent tous nous inquiéter.
En 1959, au prétexte d’accélérer la démocratisation scolaire, l’État faisait une saisissante entorse au principe de laïcité et décidait de financer l’école privée sous contrat.
Soixante plus tard, les choses ont bien changé. On ne choisit plus le privé par conviction mais pour fuir une école publique jugée de plus en plus défaillante.
Et l’État d’encourager désormais cette dynamique délétère.
Un tiers des collégiens de la capitale sont scolarisés dans des collèges privés qui captent partout les bons élèves et contribuent au délitement des collèges publics alentours. Cette ségrégation est tant bien que mal occultée par des indicateurs de réussite de plus en plus dépourvus de sens (l’évaluation par compétences et les records au brevet).
En 2017, afin de lutter pour « le vivre-ensemble » et contre « le repli sur soi » (Najat Vallaud-Belkacem), l’État a imposé, à Paris, des « expérimentations » de mixité sociale brutales... mais surtout ne s’appliquant qu’aux collèges publics ! Il n’en fallait pas plus pour provoquer une première fuite vers le privé des familles découragées, d’autant que les collégiens du privé étaient désormais autorisés à participer à l’affectation dans les lycées publics à égalité avec les collégiens du public.
En 2021, la procédure d’affectation dans les lycées publics a été brutalement réformée pour ouvrir aux collégiens défavorisés du public l’accès aux grands lycées publics parisiens... mais en ouvrant dans le même temps cet accès privilégié aux collégiens du privé ayant fui leur collège de secteur mais damant ainsi le pion à des collégiens du public d’autres secteurs.
Pour lutter contre « l’hyper compétition et l’hyper sélection » occasionnant une « hiérarchisation caricaturale » des lycées parisiens (Jean-Michel Blanquer), la réforme n’a, encore une fois, concerné que les lycées parisiens publics. Les lycées privés (plus d’un tiers des lycéens) n’ont, en effet, pas été concernés, quoiqu’ils occupent tout le haut du tableau dans les classements annuels des lycées.
Une lutte contre l’élitisme curieusement sélective, donc, à moins qu’il ne s’agisse d’un prétexte pour dégrader, avec l’assentiment de tous, le service public d’éducation, y compris dans ce qu’il a de meilleur, et favoriser ainsi un et un seul élitisme : celui du privé.
Et, de fait, quand en 2022, les deux derniers grands lycées publics capables de concurrencer le privé à Paris – Henri-IV et Louis-le-Grand – sont sommés de rejoindre Affelnet et de ne plus choisir leurs élèves, de belles âmes se sont réjoui de ce coup porté à l’élitisme républicain, sans comprendre qu’il favorise ainsi un seul élitisme : celui des Stanislas, des Fénelon-sainte-Marie et des Francs-Bourgeois.
Il n’y en avait pas tant que cela : il n’y aura bientôt plus de bons lycées publics à Paris.
Les indicateurs de réussite artificielle (contrôle continu, réussite record au baccalauréat) ne duperont pas davantage les publics les plus avertis qui savent que la réalité de la réussite scolaire est préservée dans le privé, lequel assurera à leur progéniture l’accès aux meilleures formations du supérieur dans la sélection généralisée de Parcoursup.
Mais la réforme a un autre effet, peut-être plus grave encore.
Face à des algorithmes de plus en plus dépourvus de sens, l’effort, le travail et la persévérance deviennent des vertus scolaires inutiles dans l’école publique, au grand désespoir des enseignants.
En somme, au lieu de faire de l’école publique le lieu d’une réussite scolaire possible pour tous, c’est au nom d’une lutte hypocrite contre l’élitisme scolaire qu’on assure dans l’école d’aujourd’hui une reproduction sociale plus pesante que jamais.
Ces choix politiques qui ne se disent pas visent à amener les familles – à commencer par celles qui croyaient encore à l’école publique – à cette conclusion d’une tristesse infinie : à Paris comme ailleurs, le choix de l’école publique sera bientôt le plus mauvais choix possible.
Le scandale n'est pas que Henri-IV et Louis-le-Grand rejoignent Affelnet, mais qu'Affelnet devienne une machine à broyer les bons lycées publics.
Clé utilisateur/ secrète de la configuration non valide
www.marianne.net/societe/education/recru...ns-lelite-parisienne
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- Loys
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De quels lycées parle François Jarraud quand il se fait par ailleurs le relais de "réels progrès" et des premiers résultats "positifs et encourageants" avancés par l'institution pour lutter contre "des établissements parisiens fortement ségrégués", avec cette "réforme ambitieuse" et ce "défi démocratique pour la capitale" ? Uniquement des lycées publics, bien sûr ! Même si la ségrégation qui saute aux yeux est celle des lycées privés, brièvement évoquée en fin d'article comme nous le verrons.Mixité sociale : A Paris, les lycées des beaux quartiers font de la résistance [...]
Comparaison dépourvue de sens si l'on considère que les vœux ont été beaucoup plus contraints (cinq vœux dans cinq lycées imposés, au lieu de 14 vœux parmi les lycées de quatre arrondissements).Des résultats positifs
Le taux de satisfaction du 1er vœu atteint 59% soit davantage qu'en 2020 (52%).
Non seulement ces élèves "favorisés" (voir ci-dessous qui est ainsi désigné) ont vu leur choix de lycée se réduire, mais leurs vœux ont été beaucoup moins respectés. Il n'est difficile d'anticiper quelle va être, à terme, la réaction des publics socialement favorisés.Notamment 72% des élèves ayant le plus fort indice de positionnement social (IPS) ont eu leur 1er voeu contre 46% pour les plus favorisés.
Il faut ici rappeler que l'IPS n'est pas un indice individuel : on peut être appartenir à une classe sociale favorisée et bénéficier de l'IPS d'un collège qui ne l'est pas. Mais plus grave : on peut appartenir à une classe sociale défavorisée et ne pas bénéficier de l'IPS dans un collège favorisé. Fascinant, non ?
Mais le plus terrible pour l'école n'est pas dit dans cette présentation très positive des résultats : Affelnet 2021 a produit plus de satisfaction pour les élève de faible niveau scolaire et moins pour les élèves de bon niveau scolaire. Non dit mais évident puisque, concernant la mixité scolaire, "l'indice de ségrégation a diminué de 30% en 2021", autre façon de dire que les bons lycées sont devenus moins bons, enfin les lycées publics).
Le travail et le niveau scolaire deviennent parfaitement secondaires pour l'obtention d'une affectation dans les lycées publics.
A la vérité, c'était également un "objectif" de la réforme. Les élèves du 16e arrondissement, par exemple, qui pouvaient être affectés dans trois autres arrondissements de Paris, ne pouvaient plus être affectés, avec Affelnet 2021, que dans le 16e arrondissement : on arrive ainsi à ce résultat brillant : "à J de Sailly le niveau scolaire des élèves admis en 2021 est encore meilleur que celui des admis 2020".Par contre, on constate un fort taux de satisfaction des demandes dans les quartiers les plus privilégiés : 16ème, 7ème, 6ème, 5ème arrondissements avec les parties chics du 14ème et du 15ème.
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Mais c'est tout le génie journalistique du "Café pédagogique" de présenter - un an après - ces objectifs comme des résultats étonnants !
Au demeurant, en présentant ces aberrations ("les lycées [publics ndlr] des beaux quartiers font de la résistance") comme le principal problème de cette réforme "démocratique", François Jarraud occulte la première des ségrégations, celle du privé.
C'est vrai que les 17e, 8e et 9e sont des arrondissements défavorisés !Des suggestions validées par C Mazeron, DSDEN. "On va ouvrir le nord du 16ème aux collèges du 17ème, 18ème, 8ème et même 9ème arrondissements".
Edit du 26/02/22 : dans la carte Affelnet 2022, les élèves du 16e restent toujours... dans le 16e !
Des moyens dérisoires à l'échelle des élèves : pour 20.000 élèves de seconde (soit 571 classes de 35 élèves), c'est l'équivalent de 8h de cours en demi-classe pendant l'année...Christophe Kerrero a souligné les efforts faits par l'académie pour accompagner ces évolutions dans les lycées. "On a donné 8800 HSE dans les lycées pour le soutien scolaire", dit le recteur. Pour la rentrée 2022 il ne s'agira plus d'HSE mais de moyens inscrits dans les DHG pour des dispositifs d'accompagnement, assure t-il. L'académie ouvre des premières générales dans certains lycées et des premières technologiques dans d'autres pour accompagner l'évolution.
Tout est dans l'adverbe "aussi". Les lycéens du privé représentent 40% des élèves, le double de la moyenne nationale, et leurs lycées monopolisent déjà les meilleures places des classements des lycées parisiens (cf supra). Mais il serait inconvenant de considérer ces lycées comme "ségrégués" (au demeurant, François Jarraud vient de l'enseignement privé).Le poids du privé
Cet effort vers davantage de mixité scolaire et social bute aussi sur l'existence d'un enseignement privé important dans la capitale.
Or si une partie des lycées privés sous contrat sont inclus dans Affelnet, ils ne le sont que pour éviter les doubles inscriptions. Ils ne sont pas soumis au tri effectué par Affelnet.
Mieux : depuis 2017, Affelnet permet aux élèves du privé de choisir un lycée public au même titre que les élèves du public. Et toujours mieux : depuis 2021, les élèves du privé peuvent demander les bons lycées correspondant au secteur du collège public qu'ils ont évité (et que d'autres élèves du public ne peuvent plus demander) !
Ces établissements restent une porte de sortie pour les familles qui veulent entretenir l'entre soi.
On a déjà constaté cette fuite avec les brutales expérimentations de mixité conduites dans le seul secteur public en 2017. Mais c'était avant la brutale réforme d'Affelnet en 2021, qui a pris de court - délibérément - de nombreuses familles.
Quel dommage ! Non seulement le privé est épargné, mais il n'est visiblement pas possible de lui demander des informations...Si sur le plan des effectifs J Grenet ne signale pas beaucoup de changement, sur le plan de l'évolution sociologique du privé, il n'a pas de données.
A quoi tient l'ambition "démocratique" d'une réforme !
"il est possible"...Autrement dit il est possible que les gains en mixité sociale dans le public soit le résultat d'une ghettoïsation sociale accrue dans le privé.
La vérité est tout simplement que c'est "l'objectif" recherché : favoriser l'enseignement privé, soigneusement préservé, et cela sous les prétextes les plus généreux.
A noter que les résultats de la mixité se mesurent à la réalisation de la mixité. C'est évidemment ne pas penser aux effets produits par la mixité : découragement scolaire, baisse généralisée du niveau, fuite des meilleurs éléments vers le privé...L'exemple des lycées parisiens montre à quel point faire progresser la mixité sociale et scolaire est ardu. Les efforts de l'académie commencent à porter des fruits. Mais ils se heurtent à la résistance des beaux quartiers et de la ségrégation urbaine.
Satisfecit décerné par François Jarraud à une politique libérale, et relais d'une communication désignant de nouveaux boucs émissaires... parmi les seuls lycées publics !
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De même, lorsqu'il s'agit de parler de dotation horaire, le rectorat est prêt à mettre les documents sur la table, sauf évidemment pour les dotations du privé.
Enfin, l'argumentaire préféré des cadres du rectorat, c'est qu'ils ont fait carrière dans toute la France, et qu'arrivant à Paris, ils s'étonnent des exceptions que les parents d'élèves savent y entretenir. Etrange souci d'uniformité territoriale quand on voit l'aberration que constitue Affelnet-Paris, quand on le compare aux procédures d'affectation ailleurs en France. Parents parisiens, vous bénéficiriez d'un système dérogatoire qu'il faudrait faire cesser. Mais où donc, ailleurs qu'à Paris, sur 100 collégiens de chaque cité scolaire, moins de trente ont le droit d'accéder au lycée qui, dans la même cité scolaire, accueillent plus de 200 lycéens venus d'ailleurs ?
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- Loys
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Pour le reste : "sur le plan de l'évolution sociologique du privé, [Julien Grenet] n'a pas de données."
Dans "Le" Figaro" du 8/02/22 cette tribune : "HENRI-IV et LOUIS-LE-GRAND ne doivent pas renoncer au modèle républicain de l’excellence"
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Dans "Le Parisien" (abonnés) du 9/02/22 : "Paris : au collège, avoir de bonnes notes vous assure-t-il vraiment un lycée prestigieux ?"
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- Loys
- Auteur du sujet
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Cette longue tribune mérite bien des commentaires.
On constate d'abord qu'elle se focalise - et c'est dans son intérêt - sur deux établissements publics hors normes, avec ces curieuses expressions : "Rentreront-ils dans le rang ?", "mettre fin au régime d’exception", "régime dérogatoire", "se soustraire à la règle commune". Ces lycées ont :
Aveu amusant que ce "régime dérogatoire" et ce "mode de recrutement" ne choque les auteurs que pour le petit nombre d'élèves scolarisés dans ces deux lycées publics ("à peine 3 % des élèves"), mais pas pour les 40% des lycées privés. Les "raisons politiques" n'ont donc pas à être convoquées ici. Les auteurs se penchent ensuite longuement sur l'étude extraordinairement précise et détaillée des publics de ces 2 lycées (l'essentiel de la tribune, avec même des "simulations") pour justifier leur intégration à Affelenet, sans jamais renseigner par ailleurs le moins du monde sur les chiffres les plus élémentaires concernant les 56 lycées privés de la capitale.pour des raisons essentiellement politiques, conservé le droit de recruter leurs élèves en dehors de cette procédure. Ce régime dérogatoire leur a permis de continuer à mettre en œuvre un mode de recrutement très similaire à celui qui prévaut dans les établissements d’enseignement privé, et d’échapper de facto aux objectifs d’ouverture sociale qui ont été assignés aux autres établissements publics de la capitale.
Pour le dire autrement, cette focalisation sur une iniquité marginale vise essentiellement à occulter une iniquité massive, par ailleurs évoquée plus loin pour mieux être évacuée.
Revenant sur la mise en place d'Affelnet depuis 2008 (sans mentionner l'exception du privé : 40% des lycéens aujourd'hui), les auteurs se félicitent des objectifs atteints de mixité dans les lycées publics parisiens : à vrai dire, rien d'étonnant puisque c'est l'application mécanique d'une affectation pilotée. Les auteurs ne s'interrogent évidemment pas sur les effets beaucoup plus larges que peut produire cette mixité.
Les auteurs se désolent du "poids important des notes de troisième dans le barème d’affectation" qui "explique que la ségrégation scolaire des lycées parisiens" (enfin des lycées publics : l'absence de cette précision est récurrente dans la tribune et - à vrai dire - révélatrice). Au demeurant, Julien Grenet n'apporte aucune réponse sur les objections concernant l'iniquité ou l'artificialité même du niveau scolaire pris en compte dans "Affelnet".
La tribune affirme que "les" fédérations d'élèves réclamaient la fin des lycées de niveau : il ne s'agit en réalité que d'une fédération, la FCPE Paris, dont les membres sont par ailleurs très divisés sur cette question. De fait, Julien Grenet reconnaît à demi-mots qu'il s'agit avec la réforme de 2021 de réduire, après la ségrégation sociale, la ségrégation scolaire.
Parmi les objectifs de la réforme 2021 : valoriser "les familles qui jouent le jeu de la mixité sociale et scolaire au collège". C'est un paradoxe puisqu'à travers la participation à Affelnet à égalité avec les élèves du public depuis 2017 et la mise en place des 5 lycées de secteurs à parti de 2021, les élèves du privé n'ayant pas joué ce jeu se trouvent également favorisés.
Encore une fois, les auteurs se félicitent de progrès mécaniquement réalisés sans s'interroger sur les effets plus larges de ces "progrès" : effet sur le découragement des familles, des élèves de collège puis de lycée, sur les conditions de travail et la baisse du niveau dans les meilleurs lycées, sur la confiance générale dans l'école publique...
Julien Grenet constate au passage que "les progrès de la mixité sociale et scolaire n’ont pas cependant été uniformes" (euphémisme quand certains lycées du 16e arrondissement ont vu leur ségrégation s'aggraver !), s'étonnant des effets donc des effets extraordinaires de sa propre réforme alors que ces effets étaient faciles à anticiper : les lycées de secteur des élèves du 16e étaient affectés uniquement... dans des lycées du 16e !
A propos d'Henri-IV et Louis-le-Grand, il dénonce une "conception étroite du mérite" qui ne tient pas compte des "déterminants sociaux de la réussite scolaire". Mais curieusement cette dénonciation ne concerne que ces deux établissements.
"faire le jeu du privé" : "L’analyse des données de l’académie de Paris va à l’encontre de ces arguments." Julien Grenet expliquait pourtant ne pas disposer de données sur la mixité sociale ou scolaire dans le privé (cf supra). Rien n'est d'ailleurs publié à ce sujet. En réalité, la tribune développe très peu ce contre-argument pourtant présenté comme massue, et de façon très contestable. Pour réfuter "un cadeau au privé", les auteurs évoquent des "ordres de grandeur [...] tout simplement pas compatibles avec cette hypothèse" en se fondant sur les chiffres passés :
Rappelons, pour notre part, que :Rappelons qu'à Paris, le nombre d’élèves qui s’inscrivent dans un lycée privé après avoir été scolarisés dans un collège public est infime (moins de 300 chaque année, soit à peine 2 % des élèves admis dans la voie générale et technologique)
- ces chiffres ne sont pas datés : s'agit-il des chiffres 2021 post-réforme ? Et en quoi pourraient-ils être prédictifs des chiffres à venir puisque la réforme entre en vigueur maintenant ?
- ces chiffres bruts ne disent rien de la ségrégation sociale et scolaire à laquelle ils peuvent contribuer (...et qui choque les auteurs pour les 2,5% d'élèves à Louis-le-Grand et Henri-IV)
- ces chiffres ne tiennent pas compte du fonctionnement en silo des établissements privés et de l'impossibilité pour ces établissements par ailleurs de suivre les changements soudains avec des ouvertures de classe ni des impossibilités pour les familles de se tourner vers le privé au dernier moment (la réforme est annoncée tardivement dans ce but). Au-delà de ces simples passage, ce sont les demandes des familles qui seraient à prendre compte, avec le taux de pression et la hausse de la ségrégation scolaire qui en résulte mécaniquement, de même que les inscriptions dans le privé hors contrat, qui ont pu avoir lieu de manière exceptionnelle l'an passé.
- ces chiffres ne tiennent pas compte de la fuite vers le privé qui a d'ores et déjà lieu avant le lycée : entre 2006 et 2020, les effectifs du public parisien n'ont pas bougé quand les effectifs du privé parisien ont bondi de 12,6% !
Pour Julien Grenet, le solde serait donc positif pour l'école publique.et qu’il est aujourd’hui inférieur au nombre d’élèves qui font le mouvement inverse, en s’inscrivant dans un lycée public après avoir été scolarisés dans un collège privé (400 à 500 chaque année).
Outre le fait que ces chiffres doivent être vérifiés, on peut s'étonner que M. Grenet ne mentionne ici que le nombre et non pas la qualité de ces transferts. On peut en douter que les élèves quittant le privé ou y entrant aient le même niveau. D'ailleurs, nombre d'élèves sont poussés dehors en cours de scolarité dans les collèges et les lycées privés les plus élitistes (20% des collégiens de Stanislas, par exemple), pour des raisons de discipline, de niveau scolaire insuffisant, voire seulement moyen dans les meilleurs lycées.
A noter que la même fuite vers le privé (concept mis entre guillemets par les auteurs de la tribune) a pu être niée dans les expérimentations de mixité menées dans quelques collèges parisiens, lors même qu'elle a pu être constatée déjà : par exemple, dans le 18e, depuis 2017, les effectifs de 3e dans le public sont restés stables mais les effectifs de 3e dans le privé... ont bondi de presque 12%.
Sur les 15 dernières années (2006-2020) et en se fondant sur les inscrits au brevet, les effectifs du public dans la capitale n'ont pas évolué, les effectifs du privé ont augmenté de 12% : tous les nouveaux élèves sont absorbés par le privé (et qualitativement difficile d'apprécier la ségrégation scolaire puisque la réussite artificielle s'est généralisée à tous les établissements en un temps record : le taux de mention est ainsi passé de 5% à 43%).
Dans les classements des lycées parisiens, l'élite des lycées publics est déjà déclassée...Quant à l’attractivité des lycées H-IV et LLG et à leur position concurrentielle vis-à-vis du privé, on doute qu’elles soient menacées par une diminution de deux dixièmes de point de leur moyenne au baccalauréat.
On voit que la réfutation de Julien Grenet n'est pas étayée et relève de l'incantation. Reste que Julien Grenet, tout en niant que l'application au seul secteur public de la réforme puisse avoir des conséquences négatives sur le secteur public, mesure en conclusion - c'est un progrès - combien la justification d'une telle application est restreinte :
On peut en effet "s'interroger". Les raisons sont pourtant évidentes. Et Julien Grenet y a a apporté sa caution : d'ailleurs pourquoi s'interroger puisqu'il n'y a pas de fuite vers le privé et que l'élitisme ne semble concerner que le public ?On peut enfin s’interroger sur les raisons pour lesquelles les efforts en faveur de l’ouverture sociale devraient peser exclusivement sur les épaules des établissements d’enseignement public. Dans un pays qui se distingue par des inégalités scolaires parmi les plus élevées au monde, le fait que les établissements privés échappent à toute forme de régulation de leur recrutement, alors qu’ils sont financés à hauteur de 73 % par l’État et les collectivités territoriales, apparaît comme une aberration de plus en plus difficile à justifier.
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