"Les parents plébiscitent l'entrée du numérique à l'école" (Le Figaro)

L'article du "Figaro" papier date un peu (6 avril 2012), mais on vient seulement de me le communiquer : merci à mon collègue de SVT !

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Petit bonus :

Questions à Marc Prensky. "L'école parle un langage antédiluvien"
Pour Marc Prensky, l'inventeur du concept des Digital Natives ("les natifs du web"), les professeurs doivent devenir des coachs.
Selon vous, l'école tourne le dos à la modernité ?
Lorsque les élèves passent le portail, ils font un saut dans le passé. On leur demande presque d'oublier le monde dans lequel ils vivent, d'abandonner leur téléphone portable, l'Internet... D'écouter sans participer. L'enseignement repose encore sur un système vertical, avec le professeur qui sait et les élèves qui notent. Mais aujourd'hui, toutes les connaissances du monde sont sur le Net. Le rôle du professeur n'est plus de les faire passer du tableau aux cahiers sans transiter par les cerveaux, comme dit la blague, mais d'aiguiser l'esprit critique, d'améliorer l'apprentissage.
Wikipédia a remplacé le cours et le copier-coller l'exposé ?
S'il s'agit de rassembler les données, Wikipédia fait souvent l'affaire. En revanche, c'est au professeur de poser les questions qui obligent à réfléchir. Comme ce professeur de Harvard qui poste ses cours sur YouTube et demandent aux étudiants ensuite de défendre un point de vue avec des arguments. Il faut cesser de lutter contre la symbiose entre l'homme et la machine. Les outils sont une extension du cerveau. L'ordinateur réalise mieux que nous certaines activités. Ce n'est pas grave de cesser d'apprendre l'histoire dans les détails si l'on sait comment rechercher l'information.
A quoi sert l'école si elle court après les technologies ?
La technologie n'est pas une fin en soi. Il faut surtout s'intéresser aux étudiants, qui pour la première fois maîtrisent mieux les outils de la modernité que leurs parents et professeurs. Il faut démarrer avec leurs centres d'intérêt, utiliser leur langage, pour approfondir et partager. Car aujourd'hui les jeunes veulent agir.[/spoiler][/hide]

Quelques commentaires s'imposent, dès que j'ai le temps.

Que ne ferait-on pas pour complaire aux "papas" et aux "mamans" !
(A propos de la disparition des pères et des mères : www.sauv.net/ctrc.php?id=945 )

Très beau texte.

Dites, c'est normal si le papier est plein de coquilles ?

Le propos est affligeant, mais bon ! J'attends le développement de Loys...

J'ai corrigé quelques coquilles : j'avais retapé à la va-vite...

Allons-y pour l'article :

Les parents plébiscitent l'entrée du numérique à l'école
A 44%, ils jugent essentiel l'apprentissage des nouvelles technologies à l'école. Et apprécient d'avoir accès au cahier de texte numérique de leurs enfants
Par Cécilia Gabizon

44%, ce n'est même pas la majorité. Alors un "plébiscite"...

C'est un véritable plébiscite pour l'entré massive du numérique à l'école. Les parents convaincus, à en croire l'enquête présentée par Microsoft jeudi. A 44% ils jugent l'apprentissage des nouvelles technologies nécessaire.

Une enquête menée par un grand groupe technologique sur la nécessité de faire entrer les nouvelles technologies à l'école : voilà qui inspire confiance, en effet.

Presque autant que la culture générale et bien plus que la "transmission des valeurs de la république, comme la laïcité".

Eh bien c'est rassurant.

Ils apprécient de se voir soudain réintégrer dans l'école, via le cahier de texte en ligne, le carnet de correspondance et les notes, qui arrivent parfois jusque sur leurs téléphones portables.

C'est vrai que, vu comme ça, c'était un progrès indispensable !

Les élèves, s'ils n'apprécient guère cette transparence...

Tu m'étonnes ! On le voit bien au lycée, d'ailleurs, où les lycéens ont l'impression de redevenir des collégiens.

... qui déjoue leurs petites ruses de toujours, se montrent également enthousiastes. Ils assurent que ces nouveaux outils accroissent leur motivation et améliorent leurs résultats.

Ah... eh bien si les élèves l'assurent, c'est l'essentiel.

Même les professeurs seraient chaque jour plus favorables à l'usage d'internet, selon Christophe Desriac, directeur du département éducation de Microsoft.

Songer que Microsoft a un "département éducation" laisse... songeur. Il est vrai que ce marché immense aiguise les appétits de tous les grands groupes technologiques. Si tous les petits enfants de France font des Powerpoints ou des documents Word sous Windows, ce sont autant de futurs clients captifs.

Dans une école en crise, certains voient dans le numérique une voie de salut, "l'opportunité de rétablir un peu de personnalisation", explique Thierry de Vulpillières de Microsoft.

Un cours n'est jamais autant personnalisé que quand un écran remplace un professeur, en effet.

Le numérique offre aux professeurs volontaires une marge de créativité.

Car autrement le professeur n'a pas de marge de créativité.

Chacun peut inventer et personnaliser son programme. Et les innovations se multiplient. Sans révolutionner l'éducation.

Pour l'innovation, lire mon billet : "D'où vient l'innovant" .

Mais en apportant leur lot de pédagogie nouvelle. Comme son professeur d'histoire-géographie de Limoges qui, pour un cours sur l'espace urbain et rural, a fait réaliser une carte sonore à ses élèves qui ont enregistré les bruits de la ville sur leur téléphone.

Et... :

Ou encore ces enseignants qui proposent des exercices de soutien à leurs élèves sur un espace personnalisé en ligne avec un horaire de chat pour poser des questions...

De l'éducation en ligne comme en rêvent les promoteurs du e-learning. Les heures de chat sont-elles rémunérées, au fait ?

Ou ce maître de CP, Jean-Roch Masson, qui fait tweeter ses élèves : "On a l'impression que Twitter a été inventé pour eux. Des petits messages courts, c'est parfait. Et soudain, on sait que l'on écrit pour être lu. Pas juste comme un exercice."

J'aurais l'occasion de revenir là-dessus : Twitter, c'est la promotion de l'illusion narcissique. On s'adresse au monde entier, et même à des gens connus. Même si en réalité personne ne vous lit.

Les élèves s"appliquent beaucoup plus, car, "si je fais des fautes, y a personne qui va me "follower"", reconnaît l'un d'eux.

Curieux apprentissage du français.

Et surtout curieuse vision de la communication, où il s'agit non pas de se faire comprendre, mais de se faire suivre, en ayant le plus d'abonnés possible.

La France très en retard

C'est le discours récurrent sur le numérique. Pas le temps d'en discuter puisque nous sommes en retard.

Des professeurs s'emparent aussi de la vidéo. Inspirés par le succès de la Khan Academy, une université gratuite et virtuelle, lancée par un banquier qui voulait expliquer la bourse à ses neveux en vidéo. Depuis, des milliers de cours filmés sont disponibles.

Après tout, si un cours peut être filmé, pourquoi payer des professeurs ?

En France, des professeurs proposent désormais à leurs élèves de réaliser de petits films pour transmettre ce qu'ils ont appris.

C'est l'autre grande illusion pédagogique : les élèves qui deviennent en quelque sorte professeurs eux-mêmes. Comprendre le théorème de Thalès, c'est savoir l'enseigner.

Un exercice de synthèse autant qu'une familiarisation avec les images.

Car ils ont besoin d'être familiarisés avec les images...

Le numérique réintroduit un monde en couleur et en trois dimensions dans une école jusque-là en noir et blanc.

Quelles belles phrases... Ce ne serait pas plutôt l'écran qui serait en deux dimensions ?

Or, et c'est une théorie prisée des pays nordiques, certains élèves sont plus visuels, d'autres plus sensibles à l'audio ou aux volumes. Ils trouvent là des aides à la compréhension qui leur faisaient défaut dans le système traditionnel.

La lecture, par exemple, manque de tri-dimensionnalisation.

Et si aucune évaluation n'a jamais pu prouver l'effet d'une technologie sur l'apprentissage, les élèves jurent qu'ils travaillent mieux.

On les croit sur parole, bien sûr. Bel aveu, en tout cas. Car c'est bien ce qu'on constate : l'efficacité éventuelle des "innovations" n'est jamais évaluée !

Perçue comme indispensable, la grande révolution numérique est pourtant aux portes de l'école française.

"Perçue comme indispensable" par Microsoft surtout. On voit bien que cette étude statistique entre dans le cadre d'une grande campagne de préparation des esprits : avec la bénédiction du "Figaro" !

Dans les enquêtes de l'OCDE sur les usages du numérique dans l'éducation, la France se classe 24e sur 28 pays !

On voit que ce n'est plus les résultats scolaires qui importent, mais les statistiques en tant que telles des "usages du numérique" ! L'outil (si c'est un outil) devient l'enjeu.

"C'est l'un des grands secteurs qui n'a pas encore été impacté par ce changement majeur", constate Benoît Thieulin, un spécialiste du Net français.

Comme en termes commerciaux ces choses-là sont dites. A noter que ce consultant n'a aucune compétence pédagogique, mais est-ce important ?

"L'Education nationale, tout comme les éditeurs de manuels scolaires, se protègent derrière de gros murs. Et c'est pourtant là que les effets seront les plus forts."

J'ai beau lire et relire, je ne comprends pas cette phrase...

Notamment sur la façon d'enseigner. De nombreux professeurs demeurent réticents et redoutent de devenir les coachs d'enfants instruits par le Net.

Mais pourquoi les écouter ? Comme si les enseignants connaissaient quelque chose à l'enseignement !

La plupart combattent le copier-coller, perçu comme le degré zéro de la pensée, du savoir.

C'est vrai que ce n'est qu'une "perception"...

Comme cet enseignant parisien qui a récemment inventé un poète dans une fiche Wikipédia totalement burlesque pour piéger ses élèves.

Ce résumé a tout l'air d'être un copié-collé trop hâtif, puisque je n'ai pas inventé de poète, ni créé une fiche Wikipédia totalement burlesque...

En France le numérique s'inscrit dans le débat féroce entre partisans du savoir et tenants des compétences.

C'est un bon résumé.

Tandis qu'au Danemark les élèves peuvent passer le bac avec leur ordinateur connecté. Et ils sont jugés sur la qualité de la recherche et leur esprit de synthèse.

Voilà qui fait bien peu de qualité évaluées... Une dissertation ou un commentaire de texte permettent d'évaluer beaucoup plus de choses : la culture personnelle, les compétences de lecture, d'observation, d'interprétation, de structuration de la pensée, d'expression.

Suivons l'exemple danois : demandons aux élèves de passer leur commentaire connectés, avec comme objectif de rechercher le meilleur commentaire en ligne pour l'imprimer.

Bravo pour ces analyses lucides et humoristiques faites au fil du texte à la manière de Rousseau commentant une fable de La Fontaine. J'y souscris totalement... et cela me donne, en outre, des idées de sujets d'invention.

Dans ma ville les "papas" et les "mamans" des deux fédérations s'opposent fermement au renouvellement des manuels de français, pourtant obsolètes depuis l'entrée en vigueur des nouveaux programmes... Sans doute plébisciteront-ils l'apparition des manuels numériques, ce qui résoudra aussi le problème crucial, rappelé avec force à chaque rentrée, du poids des cartables (quels cartables, à propos ?).

Poursuivons.

Questions à Marc Prensky. "L'école parle un langage antédiluvien"

Les hyperboles, c'est plus efficace, journalistiquement parlant.

Pour Marc Prensky, l'inventeur du concept des Digital Natives ("les natifs du web"), les professeurs doivent devenir des coachs.

Un concept extraordinairement compliqué à concevoir que celui des "natifs du web" qui sont nés avec le web. Quel visionnaire, ce Prensky !

Selon vous, l'école tourne le dos à la modernité ?
Lorsque les élèves passent le portail, ils font un saut dans le passé. On leur demande presque d'oublier le monde dans lequel ils vivent, d'abandonner leur téléphone portable, l'Internet...

Et le passé n'a aucun intérêt, comme chacun sait. Le siècle des Lumières n'était même pas connecté à internet.

N'est-ce pas odieux de demander à un petit enfant innocent d'abandonner son téléphone portable ? Un jour, un tribunal à La Haye jugera les coupables de ces crimes odieux perpétrés chaque jour dans nos salles de classe.

D'écouter sans participer.

Jamais je ne dois entendre le son de la voix de mes élèves. C'est bien simple, comme tous mes collègues, je leur tourne le dos quand je fais cours et je bouche mes oreilles avec de la cire.

L'enseignement repose encore sur un système vertical, avec le professeur qui sait et les élèves qui notent.

Un professeur qui sait, c'est d'un désuet.

Mais aujourd'hui, toutes les connaissances du monde sont sur le Net.

Car savoir, c'est juste savoir aller sur le Net. M. Prensky a une vision du savoir qui le réduit à la simple et seule information. Savoir résoudre une équation, c'est donc savoir trouver une page web qui vous apporte la solution de cette équation.

Le rôle du professeur n'est plus de les faire passer du tableau aux cahiers sans transiter par les cerveaux, comme dit la blague, mais d'aiguiser l'esprit critique, d'améliorer l'apprentissage.

Quand les élèves impriment des pages Wikipédia qu'ils lisent en guise d'exposé, nul doute que les connaissances transitent par le cerveau. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé avec une collègue documentaliste qui avait demandé une recherche à des sixième sur les dauphins : ils avaient imprimé et rendu une page Wikipédia qui disait que les dauphins se nourrissaient de cheeseburgers et adoraient s'éclater en boîte.

Wikipédia a remplacé le cours et le copier-coller l'exposé ?
S'il s'agit de rassembler les données, Wikipédia fait souvent l'affaire.

Tout est dans le "souvent"...

En revanche, c'est au professeur de poser les questions qui obligent à réfléchir. Comme ce professeur de Harvard qui poste ses cours sur YouTube et demandent aux étudiants ensuite de défendre un point de vue avec des arguments.

Car ce qui est valable pour des étudiants est sans nul doute valable pour des enfants de collège, de primaire et de maternelle.

Il faut cesser de lutter contre la symbiose entre l'homme et la machine.

Renonçons donc !

Les outils sont une extension du cerveau.

Bel aveu, qui cache malheureusement la vérité : l'outil numérique, dans bien des cas, remplace le cerveau. C'était le cas dans mon expérience, où les lycéens devaient lire et travailler par eux-mêmes : c'est Internet qui l'a fait pour eux. Et mal, sans qu'ils puissent sans rendre compte, malheureusement.

Pour pouvoir utiliser un outil, il faut être outillé.

L'ordinateur réalise mieux que nous certaines activités.

Lesquelles ? En tout cas pas celles auxquelles on se livre en classe...

Ce n'est pas grave de cesser d'apprendre l'histoire dans les détails si l'on sait comment rechercher l'information.

Cette phrase est la plus terrifiante de toutes : outre qu'elle suppose que l'histoire n'est qu'une accumulation d'informations, ce qui n'est en rien le cas, elle invite à un renoncement culturel effroyable. A quoi bon enseigner la Shoah, si les élèves, quand ils en ont besoin peuvent consulter une page sur la Shoah ?

La culture n'est plus conçu comme un mûrissement interne, mais comme une disponibilité externe.

A quoi sert l'école si elle court après les technologies ?
La technologie n'est pas une fin en soi. Il faut surtout s'intéresser aux étudiants, qui pour la première fois maîtrisent mieux les outils de la modernité que leurs parents et professeurs.

C'est faux. Les compétences technologiques des digital natives sont, pour la plupart, très limitées : il ne faut pas être impressionné par leur seule dextérité avec un ordinateur, une tablette ou un smartphone. Les nouvelles générations ne savent généralement pas utiliser intelligemment ne serait-ce que le mail...
Et comme elles sont moins outillées culturellement et intellectuellement (pour des tas de raisons qu'il serait trop long d'exposer ici) que les générations précédentes, elles sont finalement bien moins compétentes pour exploiter Internet par exemple. Il est temps de réagir, et vite.

Il faut démarrer avec leurs centres d'intérêt, utiliser leur langage, pour approfondir et partager.

La vulgate pédagogiste rejoint l'idéologie numérique : la confrontation avec l'altérité n'est plus possible pour ces générations de connectés : quel paradoxe !

Car aujourd'hui les jeunes veulent agir.

Autrefois ils voulaient quoi ? Dormir ?

Ce texte est incroyable...