Le divertissant débat sur la notation
Notation et redoublement, deux exemples de contradiction flagrante dans l'école moderne.
Comme l’instant des courses est chez moi celui des réflexions les plus intenses sur le système éducatif, voilà les idées qui m’ont assaillie tandis que j’attendais à la boulangerie en hésitant sur le choix d’une tarte. Le système éducatif français est décidément une bien étrange entreprise : d’un côté on réfléchit intensément aux bienfaits innombrables de la suppression des notes pour les élèves. De l’autre on est tenté depuis des années par une réforme de l’évaluation des professeurs « au mérite ».
Autrement dit, d’un côté on affirme le caractère arbitraire, brutal et décourageant de la note au moment des apprentissages, et de l’autre on affirme le caractère juste et efficace, et surtout motivant d’une notation plus discriminante de l’enseignant, « ce pelé, ce galeux » comme dirait La Fontaine). Notation selon des critères qu’il resterait à définir, mais essentiellement fondés sur le jugement du chef d’établissement, arc-bouté sur les rumeurs qui lui parviennent ; bref, rien que du scientifique. Et bien plus facile à noter qu’une dictée de sixième. Moins traumatisant aussi puisqu’au lieu de signifier : « il faut que tu apprennes tes leçons », la notation signifiera : « tu es digne/indigne de la fonction qui est la tienne ».
On constatera la même chose du côté des redoublements : inefficaces pour les élèves, ils deviennent de plus en plus nombreux chez les professeurs-stagiaires qui n’ont pas donné entière satisfaction pendant leur stage : une année de plus en fonction, sans gravir d’échelon, leur fera le plus grand bien. Parfois même, c’est l’ajournement de leur CAPES qui est décidé, pour manquement grave aux conditions nécessaires pour enseigner- enfin, pour enseigner avec la grille de rémunération d’un certifié. Car le même individu sera au contraire tout à fait apte à être recruté par une petite annonce sur Le Bon Coin recherchant en urgence (et sur la base du SMIC) un professeur (au hasard et par exemple, de mathématiques), pour pallier la pénurie du recrutement dans cette discipline : payé moins, l’individu en question sera ainsi beaucoup plus apte à enseigner, voire à enseigner plusieurs matières « tournant autour » des sciences.... CQFD.
J’essayais donc de comprendre quel raisonnement plus subtil encore que la casuistique des jésuites permettait ainsi de défendre en même temps, dans notre système, l’efficacité et l’inefficacité de la note, l’inefficacité et l’efficacité des redoublements.
J’ai finalement opté pour la tarte à la crème : c’est finalement ce qui coûtait le moins cher.