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"L'enseignement de la défiance"
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Avec une telle démarche (sujet bidonné, Une de journal trafiquée), ce n'est pas tant envers les enseignants que risque de se créer de la défiance que - très paradoxalement - envers les médias traditionnels : l'effet produit risque malheureusement d'être à l'opposé de l'effet recherché puisque, précisément, le complotisme se nourrit de suspicion envers les médias traditionnels.Avec mes amis de la plateforme de reportages vidéo Spicee, nous tournons un sujet dans un établissement scolaire avec l’aide des élèves ; le premier s’intéressait au fonctionnement de la cantine de l’école Les Coquibus d’Evry. Ces images font ensuite l’objet de deux montages. L’un est fidèle à la réalité, l’autre « bidon ». Ainsi, dans le vrai sujet le plan de la porte d’un frigidaire refermée montre que les aliments sont conservés avec soin, dans l’autre, « que l’on cherche à nous dissimuler quelque chose » ! [...]
Nous organisons aussi des petits ateliers complémentaires comme, par exemple, trafiquer la Une d’un journal ou montrer comment recadrer une photographie peut en changer le sens. L’information et la désinformation sont des mécaniques et je vois Sens Critique comme une caisse à outils que nous mettons dans les mains des enfants. Avec celle-ci, ils vont apprendre à regarder sous le capot pour comprendre ce qui s’y passe.[…]
On sait que la parole des enseignants est, plus qu’autrefois, remise en cause par les élèves (et leurs parents). En démontrant que tout est falsifiable, n’y a-t-il pas un risque de renforcer leur défiance envers eux?
L’un ou l’autre élève pourra, en effet, s’interroger aussi, sur la véracité de ce que nous lui racontons, mais ce sera marginal. Cela le conduira surtout à réfléchir par lui-même et, au final, à se forger sa propre opinion
Pour le reste la démarche est étonnante : bien sûr que "réfléchir par soi-même" est un objectif louable, mais précisément c'est un objectif de la scolarité, auquel pourra mieux concourir une solide formation générale qu'une simple initiation à la lecture de l'image. On voit mal comment des élèves du secondaire pourraient faire un travail qui est précisément journalistique (investigation, vérification, synthèse, mise en perspective) et par exemple "se forger une opinion" sur un évènement en Syrie ou dans une polémique sur une étude complexe publiée par la Commission européenne.
Au fond, avec l'EMI, il s'agit d'étendre aux médias la défiance déjà développée à l'égard des enseignants.
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Si certains journalistes eux-mêmes sont à ce point crédules, comment peut-on espérer que des collégiens le soient moins d'une part, qu'ils aient confiance dans les médias d'autre part ?Mais plusieurs médias ont également relayé des vidéos a priori issues de caméras de l’aéroport de Bruxelles. I-Télé et Sud-Ouest ont par exemple diffusé ces images.
Plutôt que d'éduquer aux médias et à l'information, il faudrait déjà que les médias améliorent leur propre fonctionnement...
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Il suffirait donc d'enseigner aux élèves la distinction médias professionnels (= le bien) et médias informels (=le mal). Non seulement cette distinction peut sembler très naïve*, mais les élèves la font déjà très bien. Le complotisme, c'est précisément ne pas faire confiance aux médias traditionnels. Ce n'est pas en répétant aux élèves qu'ils doivent lire "Le Monde" qu'on peut rompre cette défiance...Najat Vallaud-Belkacem écrit: Aujourd’hui, les élèves s’informent beaucoup via internet, mais souvent sans prêter attention à la source des informations qu’ils y trouvent. J’ai donc souhaité leur donner accès, par le biais du numérique, à des titres de presse qu’ils n’ont pas l’habitude de lire pour qu’ils en perçoivent la qualité et la diversité. Lirelactu.fr va ainsi contribuer à apprendre aux élèves à distinguer, d’une part, ce qui relève de contenus écrits par des journalistes professionnels et, d’autre part, ce qui relève moins de l’information que de l’opinion, parfois outrancière voire mensongère, qui est relayée sur les réseaux sociaux
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* Voir le post précédent par exemple mais, de façon moins anecdotique, les questions de ligne éditoriale ou de polémique médiatique. Inversement, les journalistes ne renseignent pas toujours de manière détaillée leurs sources dans leurs articles, au contraire de certains blogs...
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C'est plutôt l'esprit critique qu'il faudrait développer, à mon avis en faisant confiance à l'enseignant car l'esprit critique se développe assez mal avec des programmes tout faits et des circulaires officielles.
Autrement dit, plutôt que de vouloir lutter contre cette défiance (ce qui la renforce), il faudrait leur enseigner la défiance (pour en revenir à l'article), mais sur des bases plus saines. Ou plutôt trouver le délicat équilibre entre savoir remettre en cause et savoir faire confiance.
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Avant cela il me semble plus opportun de leur enseigner les bases, qui leur serviront ensuite pour développer leur esprit critique.
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C'est comme si on demandait à un élève qui ne maîtrise encore que les rudiments de l'anglais de soutenir une discussion universitaire en anglais.
Je dirais paradoxalement qu'il faudrait plutôt restaurer un enseignement de la confiance, en commençant par la confiance dans l'enseignant.
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On est loin de l'Internet libérateur de Michel Serres !
Najat Vallaud-Belkacem oublie par ailleurs de préciser que le manque de confiance dans la presse n'est pas le propre de la jeunesse, mais de l'ensemble de la société. Rappelons que seuls 30% à 31% des Français pensant que les médias sont indépendants et résistent aux pressions des partis politiques, du pouvoir et de l’argent (TNS-Sofres 2015). Voilà peut-être une réflexion et une action plus urgente à mener s'agissant des médias.
Quant aux élèves, on peut se demander si c'est bien d'une éducation aux médias et à l'information qu'ils ont besoin, ou, comme nous le disions dans l'article, d'une éducation tout court. La preuve :
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