"Yaourts et cornichons"

Vous pouvez commenter ici l'article "Yaourts et cornichons" de Mireille (26 avril 2014).
Personnellement, j'aime beaucoup.

Cet article me rappelle la remarque d'un collègue de maths qui affirmait que notre matière est comme une langue ancienne (il dit « langue morte », mais je préfère langue ancienne, morte , elle n'intéresserait plus personne, même si c'est vrai qu'on n'est plus loin du compte ; j'ai eu la chance à mon époque de poursuivre mon russe et mon grec jusqu'en classe terminale, ce qui est impossible dans le (gigantesque) bahut où j'enseigne aujourd'hui...) et je le rejoins tout à fait sur ce point : grec ancien, latin ou mathématiques, même combat.
Nous n'enseignons plus les mathématiques. Nous donnons un vague vernis sans aucune base solide, sans structure, sans logique ferme, sans apprentissage d'un socle de connaissances indispensables. Nous devons travailler par résolution de problèmes, mais sans aucun outil pour les aborder. Comme si on donnait Mona Lisa à recopier avec des bombes de peinture pour seuls outils.
Les enseignants d'université ne comprennent pas qu'on leur envoie de tels boulets, même les profs de prépa se demandent comment de tels étudiants ont pu choisir des filières sélectives. On leur explique que désormais c'est ça ou rien, faudra faire avec, cette génération est scientifiquement sacrifiée, tous nos ingénieurs seront bientôt indiens ou chinois.
Je caricature ? À peine. Je ne vois aucune solution à moyen terme, il faut tout reprendre à zéro. Il faut réinventer le zéro...

Je ne suis pas capable de juger ce qu'il est advenu des mathématiques mais je dois reconnaître que, le jour où j'ai constaté que quatre points à l'épreuve de mathématiques en série S (coefficient 7) étaient accordés avec des QCM non justifiés , je suis devenu très sceptique...

J'ai quarante bâtiments. Chaque bâtiment est relié à tous les autres par un itinéraire (qui vaut pour l'aller comme pour le retour). Combien y a-t-il d'itinéraires ?
Plus des deux tiers de mes étudiants ingénieurs à bac+4 sont incapables de répondre à cette question que j'étais capable de résoudre en seconde. ¨Pas grave me direz vous : vous saviez certaines choses, les élèves scientifiques d'aujourd'hui en apprennent d'autres. Les programmes changent.
- Et dans quelle direction les programmes se sont-ils étoffés ?
- Euh, et bien, aujourd'hui, ils font plus de probabilité et de statistiques ?
- Des probabilités et des statistiques alors qu'ils n'ont pas fait de dénombrement ? Ils font de la théorie de la mesure à la place ?
- Euh...
Sur quel sable sont donc bâtis nos enseignements !

Je ne sais pas ce qu'ont fait vos étudiants entre bac et bac+4 mais il est vrai que résoudre ce problème ne fait pas partie des compétences exigibles pour le bac, S ou autre.
Il sauront trouver les touches sur la calculatrices pour trouver un coefficient binomial mais ne connaîtront pas sa signification en dehors d'une loi binomiale, pour laquelle ils repèrent les paramètres dans l'énoncé en sachant que l'un est un entier et l'autre une probabilité.
Bon courage, ceux qui sont à bac+4 sont des maîtres par rapport à ceux qui ont le bac depuis 2013 !

Desbois écrit: Cet article me rappelle la remarque d'un collègue de maths qui affirmait que notre matière est comme une langue ancienne (il dit « langue morte », mais je préfère langue ancienne, morte , elle n'intéresserait plus personne, même si c'est vrai qu'on n'est plus loin du compte ; j'ai eu la chance à mon époque de poursuivre mon russe et mon grec jusqu'en classe terminale, ce qui est impossible dans le (gigantesque) bahut où j'enseigne aujourd'hui...) et je le rejoins tout à fait sur ce point : grec ancien, latin ou mathématiques, même combat.

A lire à ce sujet : www.laviemoderne.net/veille/les-nouvelle...-morte-le-monde#9922

J'ai quarante bâtiments. Chaque bâtiment est relié à tous les autres par un itinéraire (qui vaut pour l'aller comme pour le retour). Combien y a-t-il d'itinéraires ?

C'est une question vide de sens.
Il est heureux que des bac+4 reconnaissent ne pas savoir y répondre.
Et si tu savais y répondre en seconde c'est que ton professeur avait pris la peine de préciser un certain nombre de choses, qui sont absentes ici.
Il est toujours dangereux de donner des énoncés incomplets, bien que ce soit très « à la mode ».
On voit bien sur cet exemple que les mathématiques sont une langue morte pour certains, mais ça n'excuse pas le fait de les vider de sens.

verdurin écrit:

J'ai quarante bâtiments. Chaque bâtiment est relié à tous les autres par un itinéraire (qui vaut pour l'aller comme pour le retour). Combien y a-t-il d'itinéraires ?

C'est une question vide de sens.
Il est heureux que des bac+4 reconnaissent ne pas savoir y répondre.
Et si tu savais y répondre en seconde c'est que ton professeur avait pris la peine de préciser un certain nombre de choses, qui sont absentes ici.

L'énoncé donné ici n'est pas exactement celui que j'ai donné à mes élèves, mais je pense que tu as été capable de remplir les trous pour en faire une question très facile à résoudre.
Soyons plus précis : nous avons une base contenant quarante bâtiments. Pour chaque couple de bâtiments, nous calculons un meilleur chemin. Un chemin entre deux bâtiments vaut pour l'aller et le retour, et il n'est calculé qu'une seule fois.
Combien y a-t-il de chemins calculés ?
Si tu as des questions pour combler des trous que je n'aurais pas vus, merci de me les signaler. De toute façon, on attend aussi d'un étudiant à bac +4, a fortiori en école d'ingénieur, qu'il soit capable de remplir les trous avec des hypothèses raisonnables. Dans un an et demi, il devra éviter d'expliquer à son patron que comme le problème était mal posé, il n'a rien fait.
Plus fondamentalement : erreur ou pas dans mon énoncé : faire des probabilités sans avoir fait de dénombrement avant, c'est de la pensée magique. On donne des formules à appliquer, sans que l'élève lambda ne puisse comprendre d'où elle vienne.

Loys écrit: Vous pouvez commenter ici l'article "Yaourts et cornichons, l'école ou le socle des incompétences" de Mireille (26 avril 2014).

À l'heure de la énième réforme des collèges et de l'arrivée des munificents EPI, [strike]Équipements de Protection Individuelle[/strike], pardon, Enseignements Pratiques Interdisciplinaires, ce fil mérite d'être exhumé...
En effet, que seront probablement ces EPI sinon des constructions tératologiques, où chacun des profs chargés d'enseigner à plusieurs essaiera de caser plus ou moins adroitement un bout de sa discipline ?
En outre, l'adjectif "pratique" ne manquera pas d'intriguer ceux pour qui les mots ont encore du sens...

Il va en effet falloir se réfugier dans l'humour pour tenir le choc des incompétents qui envahissent nos classes.
Cette après-midi, dans une classe de TS, un élève se demandait très sérieusement pourquoi étudier les maths puisque ce sont les machines qui font des maths, les humains raisonnent. Le pire est que je suis persuadé que son interrogation n'était pas une provocation gratuite. Je lui expliquai calmement que nous n'avions jamais été autant entourés de processus mathématiques, que par exemple le fonctionnement de son téléphone faisait appel à des centaines d'algorithmes de compression et de gestion de flux, sans parler des techniques des transmission, etc. , que tout avait été conçu par des humains dont aucun n'avait l'entière perception du processus mais que l'homme restait à l'origine de tout et que des théories mathématiques souvent profondes étaient à l'œuvre dans ces conceptions, bref, que le syndrome terminator restait de la science-fiction, même si les ordinateurs sont des outils indispensables pour finaliser les techniques, mais des outils dont on a intérêt à comprendre le fonctionnement et les possibilités.
Paradoxalement, on n'a jamais fait aussi peu de maths au lycée, les connaissances des bacheliers sont rudimentaires.
Les autres sciences jouent avec des données numériques, il n'y a plus de formalisation, de modélisation, d'équations différentielles, plus aucune technique, les calculs sont opaques pour les élèves. Si un logiciel de calcul formel fournit un résultat, il est bon, on ne va pas se prendre la tête pour savoir comment ce résultat est obtenu ni vérifier sa validité. Les élèves deviennent des esclaves de la technique, alors que ce devrait être l'inverse.
Résultat : l'impression que tout fonctionne tout seul, que les hommes n'ont aucune maîtrise des processus techniques, qu'il suffit d'expliquer à une machine de vagues concepts pour qu'elle se programme elle-même. La génération ZZ est en route, celle qui s'endort sur la technique, qui ne comprend pas qu'il faille bosser pour acquérir des compétences pour dominer toute cette technique envahissante. Inquiétant, non ?