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"Lecture au CP : un effet-manuel considérable" (rapport de recherche)
- Loys
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A télécharger ici : www.uvsq.fr/medias/fichier/rapport-enque...re_1384503420148-pdf
Extraits :
p. 8 écrit: 166 enseignants de ces classes, soit la très grande majorité d’entre eux (77 %), ont adopté l’un des 23 manuels de la mixte recensés dans le sondage [...] Deux de ces manuels se distinguent par leur fréquence d’utilisation, et seront retenus pour l’enquête : le manuel que nous appellerons « Mixte-1 » est utilisé dans 27 classes (12,5% des cas) et le manuel « Mixte-2 » dans 30 classes (14% des cas). Aucun des 21 autres manuels identifiés n’est utilisé dans plus de 5% des cas
[...]
Ce recensement fait apparaître plusieurs phénomènes notables : une très forte dominante d’apprentissages s’organisant à partir de l’un des manuels de la mixte dont la diversité est frappante ; à l’autre pôle l’usage particulièrement minoritaire de la syllabique (7 % des cas si l’on compte les combinaisons mixte/syllabique, 4 % seulement en syllabique « pure »)
p. 14 écrit: Le résultat le plus spectaculaire et le plus inédit de cette enquête est la mise en évidence de ce qu’on pourrait appeler « l’effet-manuel ». Les élèves qui ont travaillé avec le manuel Syllabique-2 réalisent un score moyen supérieur de près de 19 points sur 100 à celui qui est obtenu par les enquêtés qui ont utilisé le manuel Mixte-1 (tous les facteurs qui précèdent ayant été neutralisés, cf. tableau 1). La contribution du manuel utilisé à la formation de la maîtrise de la langue écrite s’avère ainsi au moins aussi importante que l’impact du niveau de diplôme des parents (19 points contre 17). Il est vrai qu’à l’inverse l’existence de cet effet manuel ne supprime pas les inégalités d’apprentissage inhérent au capital culturel familial et à sa mobilisation. Il reste qu’à l’encontre des conceptions pour lesquelles l’école peut difficilement faire autrement qu’enregistrer des inégalités socioculturelles qui lui préexistent (qu’il s’agisse de nombreux travaux sociologiques qui s’attachent exclusivement à explorer les modalités de l’influence des ressources et des mobilisations familiales sur la réussite scolaire, ou a fortiori qu’il s’agisse de la thèse du handicap socioculturel qui hante le sens commun), cette enquête souligne de façon particulièrement insistante le rôle propre de l’école.
Merci à Sinoza1670.p. 20-21 écrit: Examinons les démarches d’apprentissage propres à chacun des quatre manuels considérés.
- Le manuel Mixte-1 : même si ce manuel réserve quelques moments à l’étude des lettres et des syllabes, l’apprentissage qu’il propose reste très marqué par les principes de la méthode globale. Il accorde un rôle très important à la mémorisation de la graphie des mots et des phrases, ainsi qu’à l’accès au sens par d’autres moyens que le déchiffrage. Les élèves sont invités à lire des albums en s’appuyant sur les illustrations pour identifier le sens du texte ; à découper des étiquettes portant mots et phrases pour reconstituer titres, textes, légendes d’illustrations ; et à se familiariser avec le travail de l’écriture en recopiant dès le début de l’année des mots et des phrases qu’ils ne sont pas en mesure de déchiffrer mais qu’ils sont invités à identifier en interrogeant les illustrations du manuel.
- Le manuel Mixte-2 organise l’apprentissage comme une succession de « leçons de son », les élèves étant invités à identifier les mots qui contiennent le son du jour dans le conte en cours d’étude, là encore en s’appuyant sur les illustrations. À cette fin la graphie du son est observée dans un mot-clé, puis dans d’autres mots que l’élève n’est pas en mesure de déchiffrer complètement, mais qu’il est invité à relire et donc à mémoriser. La compréhension du conte exige l’élaboration d’hypothèses et la recherche d’indices à partir des illustrations et du contexte. Ce manuel Mixte-2 accorde ainsi une place sensiblement plus importante à l’étude du code (chaque leçon présentant la correspondance entre un son et sa transcription), en appelant pour autant lui aussi les élèves à mémoriser des mots qu’ils ne peuvent déchiffrer et à en deviner le sens.
- Le manuel Syllabique-1 se présente comme « une méthode synthétique, phonémique, sans départ global ». « Synthétique » : l’ouvrage introduit les mots à lire, que les élèves peuvent ainsi toujours déchiffrer par eux-mêmes, à partir de la présentation de leurs constituants élémentaires, lettres et syllabes (l’absence de « départ global » explicitant le refus de tout appel à la mémorisation et à l’identification des mots par devinette). Le principe d’un apprentissage « synthétique » permet une approche progressive et systématique des principaux constituants élémentaires de la langue écrite, les graphèmes (qui transcrivent les phonèmes de la langue parlée). Pour autant ce manuel se réclame également du principe « phonémique » qui part du phonème et donc enseigne la correspondance entre celui-ci, découvert dans des dessins, et le ou les graphème(s) de la leçon. Les élèves apprennent alors comment s’écrit un phonème et non comment se prononce un graphème.
- Le manuel Syllabique-2 récuse lui aussi toute mémorisation de la graphie globale des mots et toute lecture devinette15 ; mais se réclame d’une démarche exclusivement « graphémique », d’un apprentissage du code partant toujours du signe écrit, ignorant tout exercice de « discrimination phonétique » et bannissant toute « leçon de son »16. Outre la grande lisibilité de sa présentation graphique, l’ouvrage se démarque encore par son invitation à une très grande rigueur dans le travail de déchiffrage (demandant aux enseignants de ne pas passer à la leçon suivante tant que tous les élèves, même les plus faibles, ne déchiffrent pas de façon fluide, « comme on parle », les textes du jour) ; ainsi que par l’ambition lexicale et littéraire des contenus donnés à lire, là où tous les autres manuels, qu’ils relèvent de la syllabique ou de la mixte, se cantonnent au « vocabulaire actif » courant d’un enfant de six ans.
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- Loys
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p. 29 écrit: On disposait jusqu’ici de rares études réalisées dans les pays de langue française au cours des années 1990 et comparant les démarches d’enseignement de la lecture. Concluant à l’efficacité sensiblement supérieure des apprentissages qui font travailler le code graphophonologique par rapport à ceux qui ne l’enseignent pas, ces recherches sont venues confirmer les constats sur le terrain de l’impuissance des méthodes purement globales, et légitimer leur abandon (Voir notamment Jean-Marc Braibant et François-Marie Gérard, « Savoir lire, une question de méthode ? », Bulletin de psychologie scolaire et d’orientation, I, 1996 ; et Roland Goigoux, « Apprendre à lire à l’école : les limites d’une approche idéo-visuelle », Psychologie française, 45-3, 2000).
Beaucoup plus nombreuses, les enquêtes menées aux États-Unis dans la même période vont dans le même sens. La synthèse de 38 d’entre elles, menée à partir de critères méthodologiques précis permettant d’agréger leurs données, conclut qu’un enseignement «phonique» (i.e. centré sur l’étude des correspondances graphophonologiques) systématique est plus efficace qu’un enseignement phonique non systématique, a fortiori qu’en enseignement non phonique (exclusivement global donc) ; et qu’il est plus efficace non seulement du point de vue du déchiffrage mais aussi du point de vue de la compréhension (Cf. “Teaching Children to Read”, National Reading Panel Report, 2000 - texte aisément accessible sur internet).
Le contexte français est certes aujourd’hui marqué par la dévaluation des approches purement globales ou idéo-visuelles, et la généralisation d’un travail sur le code en cours de CP, mais il est aussi caractérisé par une grande diversité des formes de ce travail sur le code, qui varie dans son intensité, sa systématicité, ses modalités.
Notre enquête confirme à son tour que la réussite des apprentissages au CP est à la mesure de la place faite au travail sur le code. Elle permet toutefois de préciser que toutes les approches du code sont loin de se valoir, montrant que la question principale de la didactique de la lecture aujourd’hui n’est plus de savoir s’il convient ou non de faire place à l’étude du code, mais de la façon d’aborder cette étude. Ce sont les classes dans lesquelles l’apprentissage est résolument centré sur le déchiffrage, considéré comme la clé de l’accès au sens, et organise son étude de façon progressive et systématique, l’élève pouvant déchiffrer de façon autonome tout ce qu’on lui propose à lire, sans recours à la lecture devinette, qui obtiennent des résultats dont la supériorité est statistiquement bien établie. La fluidité du déchiffrage s’avère difficilement séparable, dans ces résultats, de l’appréhension du sens.
La présence dans l’enquête de quelques classes utilisant des manuels de la méthode syllabique et obtenant des résultats médiocres aurait pu, même si ces derniers ne suffisent pas à modifier la tendance statistique principale, affaiblir la portée de cette conclusion. Paradoxalement, ces classes «déviantes» viennent au contraire la renforcer, puisqu’il s’avère que les enseignants qui les ont en charge ont dérogé aux principes d’apprentissage dont notre enquête souligne l’efficacité supérieure.
L’observation des effets-classes met en relief, du même coup, un aspect complémentaire des données collectées. L’analyse des variations du rendement pédagogique des manuels ne renvoie pas à une opposition bloc à bloc entre méthode mixte et méthode syllabique. Tous les manuels de la mixte n’ont pas le même rendement, et il en va de même des manuels de la syllabique. En réalité, il semble que ce soit la même loi, selon laquelle le rendement d’un apprentissage de la lecture est à la mesure de la priorité donnée au déchiffrage et de l’efficacité de son enseignement, qui explique à la fois l’efficacité supérieure de la syllabique et les différences de rendement des manuels au sein tant des méthodes mixtes que des méthodes syllabiques Au plan plus général de la confrontation de l’institution scolaire aux inégalités sociales, cette enquête débouche sur deux constats de forte signification.
Elle souligne d’abord l’importance des marges de jeu dont dispose l’école face au poids des héritages culturels. Certes, ceux-ci ne se font jamais oublier, même dans les classes les plus performantes : mais leur impact y est considérablement réduit. Il existe donc des moyens sérieux de lutter contre les déterminismes sociaux, et l’institution scolaire ne saurait se satisfaire de prendre acte d’inégalités qui ne dépendent pas d’elle pour les transformer en inégalités scolaires (Rappelons qu’actuellement, loin de compenser les inégalités socioculturelles, l’école élémentaire les accompagne, et fait peut-être plus que les subir : les écarts culturels et cognitifs moyens entre un enfant de cadre et un enfant d’ouvrier sont multipliés par deux entre l’entrée au CP et la sortie du CM2 - voir Jean-Paul Caille et Fabienne Rosenwald, « Les inégalités de réussite à l’école élémentaire : construction et évolution », France, portrait social, INSEE, 2006).
En second lieu il est frappant de constater que le manuel qui se révèle le plus efficient avec les élèves des milieux les plus défavorisés soit aussi le plus exigeant non seulement dans l’apprentissage technique du code, mais aussi dans ses contenus intellectuels, de par l’ambition lexicale et littéraire des textes qu’il propose à la lecture des élèves.
Notre recherche contredit à cet égard, sous un double aspect, les orientations du « Plan de rénovation de l’enseignement du français à l’école élémentaire » (1971) qui a inspiré les instructions officielles de 1972 (Lesquelles ont ouvert la voie à la grande modernisation pédagogique du système éducatif en France dans les années 1970/80). Les auteurs de ce plan plaçaient leurs espoirs de démocratisation de l’école dans une approche de la culture écrite qui, d’une part, donnerait la primauté à la compréhension sur le décodage, et éviterait d’autre part « les savoirs abstraits et la ‘performance’ littéraire », inaccessibles aux publics populaires du fait de l’insuffisance de leurs ressources culturelles et cognitives. Or on voit ici, quarante après, d’abord que déchiffrage et compréhension sont indissociables, l’accès au sens exigeant une grande habileté dans le déchiffrage ; et ensuite que la meilleure progression des publics populaires suppose une grande exigence à leur égard, tant en ce qui concerne la rigueur dans la qualité du déchiffrage que pour ce qui est de la richesse lexicale et littéraire des contenus.
Ces observations rappellent a contrario combien la culture professionnelle des enseignants du primaire reste aujourd’hui fortement marquée par la thématique de la rénovation pédagogique des années 1970/80. L’apprentissage du déchiffrage est souvent vécu comme le « sale boulot » de l’enseignement de la lecture, comme un temps soustrait à l’essentiel, le travail sur la compréhension, dont les publics populaires sont estimés avoir un besoin prioritaire. Ce qui explique sans doute la diffusion si paradoxalement faible de la méthode syllabique dans les quartiers les plus défavorisés, comme nous l’avons constaté.
Peut-on espérer, dans ce contexte, que seront entreprises des recherches sur l’apprentissage de la lecture portant sur de plus vastes effectifs que la nôtre, qui permettraient une mesure précise des effets-maître, de l’impact de la formation initiale et de l’ancienneté dans le métier ; et qui ne renonceraient pas a priori, au nom de la liberté pédagogique des enseignants (comme si celle-ci n’avait pas tout à gagner à s’exercer de façon mieux informée), à interroger le rôle des manuels, dont notre enquête révèle le poids si crucial ?
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Je dois avouer que cette réponse est assez dure, et je serais bien incapable de savoir qui a raison des deux. Néanmoins, le tout dernier paragraphe, qui mentionne rapidement l'apprentissage explicite des syllabes me dit que cette dernière réponse a de fortes chances d'être la bonne : cela m'a rappelé quelques recherches sur l'interaction entre les phonèmes et la mémoire échoïque (plus d'informations ici : lien ).
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Sous la responsabilité scientifique de Jérôme Deauvieau. Avec la collaboration de : Odile Espinoza, Anne-Marie Bruno. (Université de Versailles-Saint-Quentin)Notre enquête confirme à son tour que la réussite des apprentissages au CP est à la mesure de la place faite au travail sur le code. Elle permet toutefois de préciser que toutes les approches du code sont loin de se valoir, montrant que la question principale de la didactique de la lecture aujourd’hui n’est plus de savoir s’il convient ou non de faire place à l’étude du code, mais de la façon d’aborder cette étude. Ce sont les classes dans lesquelles l’apprentissage est résolument centré sur le déchiffrage, considéré comme la clé de l’accès au sens, et organise son étude de façon progressive et systématique, l’élève pouvant déchiffrer de façon autonome tout ce qu’on lui propose à lire, sans recours à la lecture devinette, qui obtiennent des résultats dont la supériorité est statistiquement bien établie. La fluidité du déchiffrage s’avère difficilement séparable, dans ces résultats, de l’appréhension du sens.
Note de synthèse (site démocratisation scolaire)
Résultat principal : "Notre enquête confirme à son tour que la réussite des apprentissages au CP est à la mesure de la place faite au travail sur le code. Elle permet toutefois de préciser que toutes les approches du code sont loin de se valoir, montrant que la question principale de la didactique de la lecture aujourd’hui n’est plus de savoir s’il convient ou non de faire place à l’étude du code, mais de la façon d’aborder cette étude. Ce sont les classes dans lesquelles l’apprentissage est résolument centré sur le déchiffrage, considéré comme la clé de l’accès au sens, et organise son étude de façon progressive et systématique, l’élève pouvant déchiffrer de façon autonome tout ce qu’on lui propose à lire, sans recours à la lecture devinette, qui obtiennent des résultats dont la supériorité est statistiquement bien établie. La fluidité du déchiffrage s’avère difficilement séparable, dans ces résultats, de l’appréhension du sens."
* sur le forum EDP >>> forums-enseignants-du-primaire.com/topic...considerable-112013/
* Brighelli : Comment l'école est devenue folle ? (Le Point, 09/01/2014)
--> www.lepoint.fr/invites-du-point/jean-pau...014-1778430_1886.php
* sur le Figaro :
"La querelle sur les méthodes de lecture est relancée" (10.01.2014)
--> www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/01...lecture-relancee.php
* sur Lire-ecrire :
--> www.lire-ecrire.org/analyses/refondation...a-lecture-en-cp.html
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