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"La fin de l'école" (Béatrice Mabilon-Bonfils et François Durpaire)
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L’école est devenue inutile : c’est le résultat d’une enquête inédite proposée ici par deux chercheurs en éducation. Nous sommes entrés dans les trente dernières années de l’école... Il ne s’agit pas de science-fiction, mais de l’effet conjoint de la mondialisation - qui rend caduque la mission d’éducation "nationale" de l’école publique - et de la révolution numérique, qui permet à la technique de prendre en charge la simple instruction. Le lieu "école" a-t-il encore un avenir, quand les premiers robots supplantent les profs traditionnels, quand une part croissante de l’éducation se fait "à distance", quand de nombreuses familles font désormais le choix de l’éducation à domicile ? Cette évolution, plutôt qu’une malédiction, peut être une opportunité. Comment peut-on mieux éduquer sans l’école ? Les deux auteurs tracent les contours d’une révolution éducative mondiale, pour bâtir une communauté globale de citoyens à même de relever les défis planétaires.
A écouter sur "France Culture" du 02/09/14 : "L'école a-t-elle encore une raison d'être ?"
En ce jour de rentrée scolaire, Caroline Broué et Antoine Mercier interrogent, avec la journaliste éducation du Monde Maryline Baumard, Béatrice Mabilon-Bonfils, professeure d’université en sociologie et directrice du laboratoire EMA (Ecole, Mutations, Apprentissages) de l’université Cergy-Pontoise. Elle a publié aux Presses Universitaires de France l'ouvrage La Fin de l’Ecole – L’ère du savoir-relation (août 2014).
Béatrice Mabilon-Bonfils écrit: Changer les modalités de recrutement des enseignants, recrutés de manière extrêmement, même exclusivement disciplinaire
Éviter cette rupture entre ce qui se passe dans l'école et ce qui se passe hors l'école. L'idée c'est qu'il y a une multiplicité de modes d'accès aux savoirs, que les enfants, finalement, tous les jours accèdent à une pluralité de savoirs, mais ils ont besoin, évidemment, quand même, d'adultes passeurs qui vont les aider à entrer dans ce savoir.
On ne peut pas décrire la journée d'un enfant : l'idée, c'est d'éviter cette uniformité. Pour certains enfants, il y aurait un projet à l'école et ce jour-là il aurait quelques heures à l'école et le reste à la maison, avec un tuteur chez lui, en face à face, numérique, avec lequel il pourrait échanger. Pour un autre ce serait ce jour-là une journée entière qu'on passe à l'école.
C'est l'école à la carte mais c'est pas exactement ça : c'est rompre avec la classe. C'en est fini aujourd'hui de l'enseignant face à sa classe.
Qu'est-ce qui est la finalité de l'enseignement, de l'institution scolaire, demande la journaliste.L'école est en souffrance parce que les enseignants sont en souffrance : ça veut donc dire qu'il faut penser le rôle enseignant d'une manière différente.Aujourd'hui une partition des enseignants en disciplines, tel que c'est fait aujourd'hui, un recrutement entièrement fondé sur la discipline, tel que se fait ce concours, c'est-à-dire l'idée que , si vous êtes bon en maths, en anglais ou en histoire, vous serez bon prof de maths, bon prof d'anglais, bon prof d'histoire. Bien sûr que le préalable, c'est d'être bon en maths, en français ou en histoire mais ce n'est qu'un préalable. Donc l'idée c'est enfin aujourd'hui que la pédagogie soit enseignée.
Est-ce qu'elle ne marche pas très bien pour ce pour quoi elle a été créée, c'est-à-dire finalement produire des exclus ? Parce que pour qu'il y ait des inclus, il faut qu'il y ait des exclus.[...] C'est sa fonction sociale.
Qu'est-ce qu'il y a de différent dans la façon d'enseigner aujourd'hui [par rapport au XIXe siècle] ?
Les inégalités sociales, mais aussi celles dont on parle beaucoup moins, les inégalités ethniques, les inégalités de genre, les discriminations sociales sont au cœur même de l'école. Je ne critique pas du tout les enseignants mais le système [...]
Qu'est-ce qui est favorisé dans l'école ? La concurrence entre les élèves, entre les classes, entre les établissements, entre les filières, la compétition entre les élèves : comment en enfant peut s'y retrouver avec cette dissonance cognitive ? On m'apprend qu'il faut partager, tolérer, respecter et dans la pratique ce qui est surtout valorisé c'est la compétition.
Supprimer la classe, c'est pas du tout supprimer la relation à l'autre et supprimer la relation aux pairs.
C'est autant en enseignant qu'on apprend qu'en recevant des savoirs verticalement. L'idée c'est de faire des groupes de pairs. Ce qui ne fonctionne pas dans la classe, c'est que ça permet de faire directement des comparaisons, c'est que ça homogénéise, c'est que ça réduit finalement l'apprentissage à une série d'items qu'il faut avaler. L'idée, c'est, en rompant avec l'idée de classe, le travail en équipe des enseignants qui prendraient en charge autour de projets collaboratifs collectifs, pluridisciplinaires dans lesquels les enseignants pourraient ensemble construire quelque chose, donner de la saveur au savoir parce qu'une des difficultés c'est que les savoirs n'ont plus de sens pour les enfants.
Edgar Morin + Meirieu, je m'y retrouve tout à fait.
Effectivement la fin de la culture disciplinaire, c'est un préalable.Aussi dans la manière dont on forme et on recrute les enseignants mais aussi dans la manière de travailler : un projet collectif, par exemple créer un journal de lycée, une comédie musicale, faire une BD, inviter un auteur à présenter ses travaux etc. ça nécessite la collaboration des enseignants.
L'idée c'est juste de prendre en compte une mutation des pratiques juvéniles contre lesquelles on ne peut rien. L'idée qu'aujourd'hui, du matin au soir, ils sont face au numérique et ils utilisent le numérique. Aujourd'hui la réticence du système scolaire à penser le numérique, par exemple, se traduit par ce qu'on dit des SMS et de l'écriture. [...] Jamais les jeunes n'ont autant écrit qu'aujourd'hui : ils écrivent du matin au soir, sur leur blog, sur leur Facebook, sur leurs SMS etc. [...] Les travaux qu'on a sur la littératie montrent des choses tout à fait différentes
Le niveau faible en orthographe des élèves est un "poncif"...Quand on fait faire une dictée à toutes les générations, qui fait le plus de fautes ? [...] C'est les plus âgés parce qu'ils sont allés à l'école beaucoup moins longtemps.
On apprend le français quand on en a besoin, quand ça a du sens pour l'élève.
Créer un site Internet, il y a besoin de plein de connaissances algorithmiques qui nécessitent des acquis [mathématiques].
Mme Mabilon-Bonfils, qui dit avoir enseigné en lycée, a obtenu des réussites avec la pédagogie de projet "malgré un système français très sclérosant".Si on apprend par cœur, par exemple, un rôle dans une pièce de théâtre, ça a un sens. Donner l'envie, la motivation, le plaisir d'apprendre.
Maryline Baumard écrit: Aujourd'hui on a l'impression que tout est prêt, que les outils numériques existent, qu'il y a quand même une génération d'enseignants digital natives qui sont tout à fait prêts à utiliser ces nouvelles technologies dans la classe et pourtant ça ne se passe pas vraiment : où sont les blocages réels, qu'est-ce qui fait qu'on reste campé sur notre forme scolaire actuelle et qu'il n'y a pas réellement d'évolution ?
Les enseignants pourraient savoir par exemple si la mixité des classes favorise la performance collective ou pas.Béatrice Mabilon-Bonfils écrit: Recruter aussi les enseignants sur leur capacité à organiser des projets, sur leurs savoirs en sciences sociales, en pédagogie, en didactique : ça , ça doit faire partie du concours de recrutement.
Belle intervention de Caroline Broué défendant "les enseignants et les élèves qui se débattent tant bien que mal pour essayer faire une école correcte et qui ne s'en sortent pas si mal, finalement".Caroline Broué écrit: On ne s'en sort pas [...] il faudrait changer les rythmes scolaires parce que les enquêtes, les études [...] montrent bien que dans d'autres pays les rythmes sont meilleurs qu'en France et que ça marcherait mieux.
Maryline Baumard défend la réforme des rythmes en faisant valoir le nombre d'élèves inscrits aux activités périscolaires... Mme Mabilon-Bonfils s'insurge du recrutement des animateurs qui ne connaissent rien à l'école.
Un journaliste cite l'ouvrage : l'histoire de la colonisation coïncide historiquement avec l'invention de l'école laïque, obligatoire, républicaine et ça relève du caractère idéologique de l’État éducateur.
Béatrice Mabilon-Bonfils écrit: Il fallait à la fois coloniser les esprits comme il fallait coloniser les sauvages, c'est-à-dire qu'il fallait créer un savoir pour une nation : instaurer une langue unique, une manière de mesurer unique, une géographie unique. Bien sûr que c'était utile sauf que ce savoir, il est mutilant de la complexité, de la richesse de ce qui fait la nation française. Allez voir aujourd'hui dans les manuels comment l'Islam est traité.[...] Dans les manuels on réduit l'Islam à l'islamisme et l'Islam de France n'existe pas. Construire la relation à l'autre en produisant de tels stéréotypes de ce qu'est un musulman, ça passe aussi par une réforme des programmes.
Edition du 21/06/20 :
La présentation sur le site des PUF est devenue beaucoup plus consensuelle. L'ancienne peut encore être consultée sur le site de François Durpaire .
2014 :
L’école est devenue inutile : c’est le résultat d’une enquête inédite proposée ici par deux chercheurs en éducation. Nous sommes entrés dans les trente dernières années de l’école... Il ne s’agit pas de science-fiction, mais de l’effet conjoint de la mondialisation - qui rend caduque la mission d’éducation "nationale" de l’école publique - et de la révolution numérique, qui permet à la technique de prendre en charge la simple instruction. Le lieu "école" a-t-il encore un avenir, quand les premiers robots supplantent les profs traditionnels, quand une part croissante de l’éducation se fait "à distance", quand de nombreuses familles font désormais le choix de l’éducation à domicile ? Cette évolution, plutôt qu’une malédiction, peut être une opportunité. Comment peut-on mieux éduquer sans l’école ? Les deux auteurs tracent les contours d’une révolution éducative mondiale, pour bâtir une communauté globale de citoyens à même de relever les défis planétaires. |
2020 :
Le tournant global et la révolution numérique interrogent la raison d’être d’une école en crise de sens. Ces mutations questionnent autant la production des savoirs pour penser le monde que l’éducation au monde que l’École dispense. La notion même de savoir est remise en cause par la culture numérique. La forme scolaire n’a pas toujours existé : elle est une configuration historique particulière. L’École, si elle a un début, peut donc avoir une fin ! À l’ère du Savoir-Relation, faudra-t-il des robots à la place des profs ? Le lieu scolaire doit-il disparaître ? Et si la fin de l’École était une opportunité pour créer de nouveaux espaces, instaurer de nouvelles relations enseignants/enseignés, réconcilier les partenaires, enseigner autrement et recréer le bonheur d’apprendre, en bref, refonder vraiment notre rapport au savoir ? |
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La fin de l'école, sans point d'interrogation.
Ça veut dire que c'est possible. On peut envisager la disparition de l'école. Pourquoi ? C'est les nouvelles technologies qui font que maintenant on apprend partout, on apprend en tout lieu. Ce que les Anglo-saxons appellent anytime anywhere. On peut apprendre en se déplaçant : c'est le mobile learning, la ballado-diffusion. Et donc évidemment on a un système éducatif qui ne prend pas la mesure de ces évolutions. Regardez la rentrée : la rentrée, c'est mettre en scène une unité de temps et de lieu. A vos marques, prêts, partez : apprenez ! On peut apprendre la veille. J'espère que pendant trois mois les enfants ont peut-être appris des choses, de la vie, de leurs parents, ce qu'on appelle aujourd'hui la co-éducation. L'école, c'est un moyen d'éduquer et c'est, dans l'histoire de l'éducation, un moment qui a eu un début et qui peut avoir une fin. Ça ne veut pas dire nécessairement que toutes les écoles vont disparaître [...] Et néanmoins on voit l'horizon d'un avenir d'éducation sans école : c'est possible.
Sur la media litteracy ("éducation aux médias") :Pour prendre l'allégorie de la caverne, on pourrait dire que, chez Platon, le maître montrait la lumière. Aujourd'hui on est dans un monde transparence absolue : les savoirs arrivent de partout, les informations, c'est un flux continu. Que doit faire l'enseignant dans ce contexte ? Il a encore un rôle, une mission très importante, mais c'est celle de mettre un peu de pénombre.
Sur l'aberration du principe de l'année scolaire :Les enfants voient ce flux d'information. On a fait une enquête avec Béatrice Mabilon sur la Marseillaise. On leur a demandé cette année : la Marseillaise elle a été inventée quand ? Qu'est-ce qu'ils ont répondu ? Ah bah euh première guerre mondiale ou deuxième guerre mondiale? Pourquoi ? Parce que BFM, i-Télé, commémorations toute l'année. Eux ils ont compris que l'histoire, ben il y avait les deux guerres : cette année ils ont vu les deux guerres à la télé. [...] Friedman appelait la télé "l'école parallèle".
Quand on est au collège, ben il y a quatre ans. Il faudrait prendre l'enfant dans l'intégralité de ces quatre ans. On parle des rythmes tous les jours mais en fait on n'en parle pas. [...] est-ce que c'est bon de renouveler ce système tous les ans, de couper une classe quand le prof commence à connaître sa classe, ses élèves : il part de l'établissement parce qu'il y a des mutations, il se rapproche de chez lui etc. ou alors il change de classe ! Tout ça c'est des choses qui sont pas tellement abordées et qui sont pourtant nécessaires parce que les évolutions vont plus vite que la réforme du système.
François Durpaire s'inquiète du home schooling communautaire aux États-Unis. Il faut que les pouvoirs politiques disent ce qu'est l'école et à quoi ça sert.Ces nouvelles technologies vont permettre d'apprendre sans l'école mais l'école permet de se rencontrer, c'est un lieu de mixité obligatoire.
Sur les programmes, le socle s'impose car plus rien n'a d'évidence :Par exemple, vous disiez "citoyen". Citoyens de quoi ? de la France, de l'Europe, du monde ? Ça c'est des questions essentielles mais c'est pas l'enseignant à la rentrée qui peut déterminer est-ce que j'enseigne l'esprit critique ou est-ce que je fais du collectif, et du collectif français, européen, du collectif citoyen du monde ? Ça c'est pas l'enseignant qui peut le deviner. Encore que l'enseignant a beaucoup plus de marge de manœuvre. Moi je m'occupe de la formation des enseignants et je leur dis : vous avez beaucoup de marge de liberté ! [...] Pourquoi les acteurs ne prennent pas plus de liberté ?
Qu'est-ce qu'il faut enseigner ? Est que ça sert à quelque chose de poser une division ? Est que ça sert à quelque chose ... A quel âge il faut apprendre à lire et à écrire ? maintenant avec les tablettes numériques les enquêtes montrent qu'il y a aussi des enfants qui vont apprendre à lire et à écrire avant parce qu'ils ont pris la tablette de leurs parents et qu'ils sont stimulés par des messages et qu'ils apprennent comme ça.
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Ah mais ouiiiiii ! Quelle innovation ! Il n'y avait jamais eu de co-éducation avant aujourd'hui.Loys écrit: Et sur "France Inter", toujours ce midi, le co-auteur de La Fin de l'école, François Durpaire, maître de conférence en sciences de l'éducation.
La fin de l'école, sans point d'interrogation.J'espère que pendant trois mois les enfants ont peut-être appris des choses, de la vie, de leurs parents, ce qu'on appelle aujourd'hui la co-éducation. L'école, c'est un moyen d'éduquer et c'est, dans l'histoire de l'éducation, un moment qui a eu un début et qui peut avoir une fin.
Le pire c'est que ces personnes doivent bien croire un minimum à ce qu'ils disentCe qui est moderne peut (aussi) être idiot.
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www.laviemoderne.net/veille/pilotage-eco...rique-educatif#11559
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Si la nation a besoin d'être créée par l'école c'est qu'elle n'existe pas. Il ne faudra donc pas être surpris que le français soit abandonné (au profit de l'anglais) par les Français sans la moindre résistance, et peut-être même avec une certaine jubilation comme on le perçoit chez un certain prof d'informatique qui trainait sur ce forum ou le président d'une ong-humaniste-spécialisée-dans-le-partage-du-savoir.
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