Ou le vrai nombre des candidats

Piège à con(cour)s

Le Ministère vient de publier un communiqué célébrant un « retournement de tendance » dans la crise de recrutement que connaît l’Éducation nationale… avec une hausse du nombre de candidats… un peu trop étourdissante.

Dans le prolongement de sa grande campagne de recrutement, le Ministère vient de publier un communiqué qui consacre enfin un « retournement de tendance » dans la crise que connaît l’Éducation nationale depuis plusieurs années puisque les candidats seraient 46% plus nombreux à se présenter aux concours. La hausse est étourdissante.

A en croire "Le Monde" cette soudaine «  flambée » «  bat des records » (1) et « M. Peillon n'a peut-être pas tort d'en conclure qu'il n'y a pas de crise des vocations chez les enseignants » (2).

Victoire !

Voici le texte du communiqué :

Une augmentation conséquente du nombre d'inscrits aux concours de recrutement 2014

Le ministère de l’éducation nationale se félicite de la hausse conséquente des inscriptions aux concours 2014 de recrutement des enseignants. Tous concours de l’enseignement public confondus (1er et 2nd degrés), les inscriptions ont progressé de plus de 46%, soit environ 44 000 candidats supplémentaires. Au total, plus de 138 000 personnes se sont inscrites aux concours 2014, contre 94 300 à la session 2013. […]

Ce retournement de tendance, après des années de crise du recrutement dans l’éducation nationale, avait déjà été confirmé par le succès du recrutement des emplois d’avenir professeur. Il constitue une première réussite qu’il va falloir consolider et amplifier dans les années à venir.

 Ce communiqué omet cependant trois petites précisions d'importance :

- Un second concours exceptionnel en juin (pour 21 150 postes) s’est ajouté au concours d’octobre dernier (22 100 postes). En raison de la date limite d'inscription au second concours, tous les candidats au premier concours ont dû – contrairement aux années précédentes – s'inscrire au second concours. Les admis de ce premier concours (environ 21.000 postes s'ils sont tous pourvus) devraient être décomptés des supposés « 44.000 candidats supplémentaires ».

- A cela s'ajoute que les candidats ayant échoué à une session ne se réinscrivent pas nécessairement à la session de l'année suivante : or, le second concours exceptionnel ayant lieu la même année que le premier, on ne s'étonnera pas que le nombre de réinscrits, venant s'ajouter à la cohorte suivante, soit largement supérieur à la moyenne habituelle,

- Enfin ce second concours n’est pas seulement ouvert aux étudiants en master 2 mais aux étudiants en master 1, soit une troisième cohorte.

- Ajoutons que de nombreux professeurs en exercice – n'ayant pas encore l'ancienneté nécessaire pour passer l'agrégation interne – se présentent à l'externe. C'est le cas en mathématiques où, avec 3200 candidats, ils représentent 90% des candidats...

Compte tenu de ces remarques, le chiffre des « 44.000 candidats supplémentaires » ne veut donc pas dire grand chose

Cette supposée augmentation du nombre de candidats cache en vérité une baisse continue, grave et préoccupante : pourquoi, en ces temps de crise économique, y a-t-il si peu de candidats quand il y a autant de postes dans la fonction publique offerts aux concours de l'enseignement ?

La question mérite – malheureusement – plus qu'une campagne de recrutement béate et convenue et qu'un communiqué en trompe-l'œil.

@loysbonod

 Piège à con(cour)s

Voir aussi : Piège à con(cour)s (suite)