Quels moyens pour la réforme du collège ?
Qu’en est-il de la réalité des « 4.000 postes » pour accompagner la réforme ?
« 4.000 postes » de « nouveaux moyens d’enseignement » : voilà l'un des arguments martelés par le ministère pour promouvoir la réforme du collège[1], si impopulaire. Un nombre impressionnant, même si rapporté aux 7.100 collèges de France il peut sembler modeste (à peine plus d’un demi-poste par collège : en Finlande, eldorado pédagogique, un collège moyen a 23 professeurs de plus qu'en France).
Qu’en est-il de la réalité de ces « 4.000 postes » pour accompagner la réforme ? Si celle-ci s’appliquera dès 2016 (nouvelles structures, nouveaux cycles, nouveau socle, nouveaux programmes etc.), le recrutement des professeurs, lui, sera progressif. Le ministère s’est à ce titre félicité de la « création » de 2.804 postes dans le second degré en 2016[2], dont 2.000 affectés au collège.
S’agit-il bien de « nouveaux moyens » ? Avec les 37.644 élèves supplémentaires prévus en 2016 dans le second degré[3], un rapide calcul montre que, pour seulement maintenir le taux d’encadrement actuel, ce sont 3.000 postes qu’il faudrait créer. Or, si les lycéens seront beaucoup plus nombreux, les créations de postes concerneront principalement les collèges. Bref, de « nouveaux moyens » pour les collégiens sans doute, mais retirés aux lycéens : un transfert dont s’inquiètent déjà les fédérations de parents d’élèves[4].
Mais il faut surtout rester pragmatique : il s’agit, pour l’heure, de 2.000 créations de postes annoncées. Or, à titre d’exemple et rien que l'an passé, plus de 3.600 postes mis au concours n’ont… tout simplement pas été pourvus dans le secondaire[5]. Avec les résultats d'admissibilité, on sait déjà qu'une partie importante des postes mis au concours en 2016 ne seront pas pourvus. Il y a des postes qui ne coûtent guère à promettre.
En somme, des « nouveaux moyens d’enseignement » en 2016 non seulement dérisoires mais très incertains, et dont les dotations horaires montreront sous peu la réalité dans chaque collège[6].
Car il y a en revanche de substantielles économies que le ministère oublie de chiffrer et qui seront aussi concrètes que certaines : la suppression de l’aide personnalisée, l’amputation voire la disparition des options de langues anciennes, la suppression des options de découverte professionnelle, des sections européennes et de la plupart des sections bilangues etc., sans même parler de la baisse globale de l’horaire d’enseignement du tronc commun de tous les élèves. Dans ces conditions, même si une marge de 2,75 heures par classe sera affectée en plus des cours, difficile de mesurer l'« effort budgétaire »[7] revendiqué par le ministère. Nombreux sont les collèges dans lesquels une fermeture ou un poste partagé sont d’ores et déjà envisagés.
On observe à ce sujet que, réforme du collège ou pas, autant de postes sont mis au concours dans le second degré en 2016 qu'en 2015 : « un effort sans précédent », vraiment ?
Dernière surprise enfin : le ministère semble lui-même anticiper les effets de la réforme. En effet, entre 2013 et 2016, les postes mis au concours dans l’enseignement privé ont augmenté deux fois plus que dans le public[8].
Article mis à jour le 24 mai 2016 avec la note n°16 de la DEPP (mai 2016) et les premiers résultats d'admissibilité.
Notes
[1] La promesse des 4.000 postes remonte à Vincent Peillon en 2013 et renouvelée par Najat Belkacem en 2015. Cf Ministère de l'Éducation nationale : « Collège : mieux apprendre pour mieux réussir » (11 mars 2015)
« 4 000 postes sont créés pour accompagner la réforme et permettre notamment le travail en petits groupes […] Les collèges bénéficieront de nouveaux moyens d’enseignement pour faciliter ces démarches. 4 000 ETP accompagnent ainsi la réforme du collège. »
[2] Ministère de l'Éducation nationale : « Répartition des 6 639 créations de postes d'enseignants pour la rentrée scolaire 2016 : Najat Vallaud-Belkacem annonce un effort sans précédent au service de la réussite de tous les élèves » (9 décembre 2015)
Dans le second degré, les 2 804 nouveaux postes vont permettre d’accompagner la hausse démographique et la mise en œuvre de la réforme du collège, qui prévoit la création de 4000 postes sur deux ans.
[3] Le Ministère de l'Éducation nationale prévoit 37.644 élèves supplémentaires dans le second degré à la rentrée 2016 ( « Créations de postes - Rentrée 2016 » - décembre 2015) et 5.556 collégiens en moins selon cette note d’information plus ancienne de la DEPP : « Prévisions d’effectifs d’élèves du second degré » (avril 2015).
Le taux d’encadrement actuel est de 12,5 élèves par enseignant dans le second degré.
[4] FCPE : « Créations de postes : dans le secondaire, le compte n’y est pas ! » (16 décembre 2015)
« Mais en attribuant 2000 postes pour les collèges, les 804 postes restant pour le lycée risquent d’être insuffisants au vu de l’augmentation démographique des lycéens. »
[5] Mise à jour : note de la DEPP n°16 (mai 2016) : "Concours enseignants 2015 du secondaire public : 20 % d’admissions en plus aux concours externes rénovés".
- Concours externes : 17% de postes non pourvus (en comptant les admissions multiples) soit plus de 2100 postes non pourvus (attention : résultat à distinguer des non admis)
- Concours internes : 2% des postes non pourvus, soit une quarantaine de postes environ
- Concours réservés : 54% des postes non pourvus, soit plus de 1500 postes
Et, depuis 2013, 7.500 postes non pourvus dans le second degré (hors enseignement professionnel).
On notera que les postes réservés ont fortement diminué en 2016.
Sources :
http://www.education.gouv.fr/cid4605/postes-et-contrats-offerts-aux-concours-du-second-degre.html
http://www.education.gouv.fr/cid83753/concours-second-degre-donnees-statistiques-session-2015.html
http://www.education.gouv.fr/cid79809/donnees-statistiques-des-concours-capes-session-2014.html
http://www.education.gouv.fr/cid80498/donnees-statistiques-des-concours-agregation-session-2014.html
http://www.education.gouv.fr/cid73161/concours-du-second-degre-donnees-statistiques-de-la-session-2014-exceptionnelle.html
[6] Najat Belkacem sur « Europe 1 » (11 mars 2015)
« Pour le collège, ils ont été prévus dès le départ, au moment où nous avons identifié les 60.000 postes à créer pour l'éducation, il y en a 4000 qui étaient réservés pour le collège, et donc qui seront utilisés grâce à cette réforme, et qui vont se traduire concrètement pour les établissements par des augmentations de leur dotation horaire globale, c'est-à-dire que chaque établissement va avoir quelques heures de plus à utiliser pour ces nouveaux enseignements que j'évoque. »
[7] Sur le blog de Najat Belkacem : « Réforme du collège : de quoi parle-t-on ? »
« Nous créons 4000 postes pour la mettre en œuvre, soit un effort budgétaire de 200 millions d’euros. »
[8] Voir tableau ci-dessus. De même, hors enseignement professionnel, la part de l'enseignement privé n'a jamais été si importante dans le second degré : 17,5% en 2016 contre 15,2% en 2013. La part est plus importante encore si on considère les postes pourvus (18,5% en 2015).