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Le redoublement
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06 Déc 2023 17:03 - 10 Déc 2023 23:06 #24859
par Loys
Réponse de Loys sur le sujet Le redoublement
Dans "L'Express" du 6/12/23, réponse de Franck Ramus :
"Redoublement à l’école : pourquoi le consensus scientifique n’a pas été suivi par Attal ?"
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Dans "Alternatives économiques" du 10/12/23 : "Le retour du redoublement scolaire, entre stratégie politique et mirage passéiste" , tribune de Marie Duru-Bellat.
Mme Duru-Bellat évoque les apports de la science mais son argumentaire comporte une grave erreur factuelle (la France est loin d'être une exception à utiliser le redoublement dans PISA) et un raisonnement comique (la hausse des taux de réussite aux examens malgré la suppression du redoublement : les deux sont surtout la démonstration d'un pilotage administratif du niveau scolaire...).
Mme Duru-Bellat en revient toujours à son credo idéologique, le manque de formation des enseignants, comparant avec la Finlande par exemple... sans comparer la taille des classe ou les taux d'encadrement, à proprement parler incomparables. Citons-nous en 2014 : www.laviemoderne.net/grandes-autopsies/conte-de-noel-finlandais
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Dans "Alternatives économiques" du 10/12/23 : "Le retour du redoublement scolaire, entre stratégie politique et mirage passéiste" , tribune de Marie Duru-Bellat.
Attention : Spoiler !
Le retour du redoublement scolaire, entre stratégie politique et mirage passéiste
Marie Duru-Bellat Sociologue, professeure émérite à Sciences Po, rattachée à l’OSC et à l’Iredu.
Le ministre de l’Education nationale, Gabriel Attal, préconise de revenir au redoublement dans le cadre de son vaste programme de « choc des savoirs ». Curieuse idée puisqu’on peut lire, sur le site de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), le service statistique du ministère, une note publiée en novembre 2014 intitulée « Forte baisse du redoublement : un impact positif sur la réussite des élèves ».
Ainsi, il y a moins de dix ans, le ministère se réjouissait d’une baisse des taux de redoublement à tous les niveaux (en primaire et au collège), une pratique jugée alors dans la plupart des cas « inefficace, pénalisante et largement inéquitable ».
La DEPP mettait en avant une « plus grande fluidité des parcours » tout en soulignant que les taux de réussite aux examens – brevet et baccalauréat – n’avaient pas été affectés à la baisse (et avaient même continué à augmenter pour ce qui est du baccalauréat).
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Cette note rappelait en outre que la pratique du redoublement constitue une spécificité nationale, alors que les pays les plus efficaces dans le classement Pisa l’ignorent. Autre singularité hexagonale : l’influence particulièrement marquée de l’origine sociale des élèves sur leur performance. Ces deux constats sont encore valables aujourd’hui. Pourtant, l’enquête Pisa 2022 est mobilisée par Gabriel Attal…pour justifier le grand retour du redoublement !
On peut non seulement s’étonner de ce revirement complet mais aussi s’interroger sur les (nouveaux ?) arguments qui pourraient le justifier. Un esprit porté à la polémique pourrait faire l’hypothèse que, comme tout nouveau « patron » de l’Education Nationale, Gabriel Attal cherche à engager un bon contact avec les enseignants, en leur rendant un pouvoir que semblaient avoir pris les parents sur les décisions de passage d’une classe à l’autre.
Rien de neuf sous le soleil de la recherche
Pour nous en tenir à la recherche, il faut insister sur le fait qu’on ne voit pas de nouveaux travaux qui viendraient démentir ce que l’on sait depuis des décennies (même si la plupart des recherches, comme celles que synthétise le Cnesco en 2014, sont à présent un peu anciennes puisque le redoublement est beaucoup moins fréquent aujourd’hui).
On sait donc que le redoublement n’est efficace qu’à court terme, et même si l’élève peine moins l’année où il redouble, sa motivation est souvent entamée durablement. Dès l’année qui suit, il ne réussit pas mieux que les élèves qui étaient aussi faibles que lui mais sont néanmoins passés dans la classe supérieure. C’est là le point essentiel, mais d’autres constats interrogent.
Les travaux montrent ainsi que la décision de faire redoubler un élève était, à niveau scolaire comparable, plus fréquente pour les élèves de milieu populaire, dont les familles osent moins s’opposer aux verdicts scolaires, avec pour conséquence que les inégalités sociales de trajectoires s’en trouvent ainsi accentuées. De nombreuses études faites dans les années 1990-2000 montraient également qu’à valeur scolaire comparable toujours, le fait d’avoir redoublé pesait, dans un sens défavorable, sur les décisions d’orientation. Le recours au redoublement s’avérait en outre fort variable d’un établissement scolaire à l’autre : on pouvait se voir imposer un redoublement ici et passer ailleurs.
Si on entre encore plus dans les détails, il semble que les effets négatifs du redoublement soient plus forts aux premiers niveaux, quand il entame la confiance en soi du jeune élève, que dans les années terminales, quand il s’agit d’obtenir le bac après un premier échec, où il peut relever d’une décision du jeune lui-même.
Dans tous les cas, le redoublement a un coût : une étude l’Institut des Politiques Publiques datant de 2015 estimait son coût annuel (hors classes diplômantes de l’enseignement supérieur) à 2 milliards d’euros. Certains avaient d’ailleurs accusé le gouvernement de ne supprimer le redoublement que pour faire des économies !
Un passéisme qui fait rater les vrais enjeux
On en revient donc à la question du pourquoi de ce revirement ? L’enquête Pisa 2022 est mobilisée par le ministre, mais de manière très partielle : oui, le niveau des élèves français a baissé un peu davantage que chez nombre de nos voisins, mais les pays ayant le meilleur système éducatif et le plus juste restent ceux, comme la Finlande ou l’Irlande, qui, plutôt que de faire redoubler, mettent en œuvre dès les petites classes des formes individualisées de soutien aux élèves en difficulté et forment les enseignants à la gestion de ces élèves.
L’enquête Teaching and learning international survey (TALIS)1 montre que les enseignants français sont particulièrement nombreux à critiquer leur formation initiale (et continue, quand elle existe) sur l’apprentissage de l’accompagnement des enfants en difficulté.
La décision de Gabriel Attal relève sans nul doute de considérations politiques. Le ministre espère ainsi rassurer tous les partisans du « c’était mieux avant » qui estiment que le système éducatif s’effondre faute d’exigence et de fermeté. Mais plutôt que de s’accrocher aux branches du passé, il serait sans doute plus judicieux de regarder de plus près non seulement les pays qui font mieux que nous (depuis les premières enquêtes Pisa de 2000) mais aussi ceux dont les élèves ont progressé entre les deux dernières vagues de l’enquête internationale (le Portugal ou la Turquie notamment).
Il serait encore plus judicieux de prendre au sérieux les enseignants et les chercheurs qui défendent depuis longtemps une pédagogie dite différenciée. Celle-ci devrait éviter, sans doute avec des groupes de besoin flexibles, les dérives des classes de niveau.
Il faudrait enfin s’attaquer à la question de la faiblesse de la formation initiale et continue des enseignants : si une réforme de la première est en projet, le développement de la deuxième se fait encore attendre.
Marie Duru-Bellat Sociologue, professeure émérite à Sciences Po, rattachée à l’OSC et à l’Iredu.
Le ministre de l’Education nationale, Gabriel Attal, préconise de revenir au redoublement dans le cadre de son vaste programme de « choc des savoirs ». Curieuse idée puisqu’on peut lire, sur le site de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), le service statistique du ministère, une note publiée en novembre 2014 intitulée « Forte baisse du redoublement : un impact positif sur la réussite des élèves ».
Ainsi, il y a moins de dix ans, le ministère se réjouissait d’une baisse des taux de redoublement à tous les niveaux (en primaire et au collège), une pratique jugée alors dans la plupart des cas « inefficace, pénalisante et largement inéquitable ».
La DEPP mettait en avant une « plus grande fluidité des parcours » tout en soulignant que les taux de réussite aux examens – brevet et baccalauréat – n’avaient pas été affectés à la baisse (et avaient même continué à augmenter pour ce qui est du baccalauréat).
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On peut non seulement s’étonner de ce revirement complet mais aussi s’interroger sur les (nouveaux ?) arguments qui pourraient le justifier. Un esprit porté à la polémique pourrait faire l’hypothèse que, comme tout nouveau « patron » de l’Education Nationale, Gabriel Attal cherche à engager un bon contact avec les enseignants, en leur rendant un pouvoir que semblaient avoir pris les parents sur les décisions de passage d’une classe à l’autre.
Rien de neuf sous le soleil de la recherche
Pour nous en tenir à la recherche, il faut insister sur le fait qu’on ne voit pas de nouveaux travaux qui viendraient démentir ce que l’on sait depuis des décennies (même si la plupart des recherches, comme celles que synthétise le Cnesco en 2014, sont à présent un peu anciennes puisque le redoublement est beaucoup moins fréquent aujourd’hui).
On sait donc que le redoublement n’est efficace qu’à court terme, et même si l’élève peine moins l’année où il redouble, sa motivation est souvent entamée durablement. Dès l’année qui suit, il ne réussit pas mieux que les élèves qui étaient aussi faibles que lui mais sont néanmoins passés dans la classe supérieure. C’est là le point essentiel, mais d’autres constats interrogent.
Les travaux montrent ainsi que la décision de faire redoubler un élève était, à niveau scolaire comparable, plus fréquente pour les élèves de milieu populaire, dont les familles osent moins s’opposer aux verdicts scolaires, avec pour conséquence que les inégalités sociales de trajectoires s’en trouvent ainsi accentuées. De nombreuses études faites dans les années 1990-2000 montraient également qu’à valeur scolaire comparable toujours, le fait d’avoir redoublé pesait, dans un sens défavorable, sur les décisions d’orientation. Le recours au redoublement s’avérait en outre fort variable d’un établissement scolaire à l’autre : on pouvait se voir imposer un redoublement ici et passer ailleurs.
Si on entre encore plus dans les détails, il semble que les effets négatifs du redoublement soient plus forts aux premiers niveaux, quand il entame la confiance en soi du jeune élève, que dans les années terminales, quand il s’agit d’obtenir le bac après un premier échec, où il peut relever d’une décision du jeune lui-même.
Dans tous les cas, le redoublement a un coût : une étude l’Institut des Politiques Publiques datant de 2015 estimait son coût annuel (hors classes diplômantes de l’enseignement supérieur) à 2 milliards d’euros. Certains avaient d’ailleurs accusé le gouvernement de ne supprimer le redoublement que pour faire des économies !
Un passéisme qui fait rater les vrais enjeux
On en revient donc à la question du pourquoi de ce revirement ? L’enquête Pisa 2022 est mobilisée par le ministre, mais de manière très partielle : oui, le niveau des élèves français a baissé un peu davantage que chez nombre de nos voisins, mais les pays ayant le meilleur système éducatif et le plus juste restent ceux, comme la Finlande ou l’Irlande, qui, plutôt que de faire redoubler, mettent en œuvre dès les petites classes des formes individualisées de soutien aux élèves en difficulté et forment les enseignants à la gestion de ces élèves.
L’enquête Teaching and learning international survey (TALIS)1 montre que les enseignants français sont particulièrement nombreux à critiquer leur formation initiale (et continue, quand elle existe) sur l’apprentissage de l’accompagnement des enfants en difficulté.
La décision de Gabriel Attal relève sans nul doute de considérations politiques. Le ministre espère ainsi rassurer tous les partisans du « c’était mieux avant » qui estiment que le système éducatif s’effondre faute d’exigence et de fermeté. Mais plutôt que de s’accrocher aux branches du passé, il serait sans doute plus judicieux de regarder de plus près non seulement les pays qui font mieux que nous (depuis les premières enquêtes Pisa de 2000) mais aussi ceux dont les élèves ont progressé entre les deux dernières vagues de l’enquête internationale (le Portugal ou la Turquie notamment).
Il serait encore plus judicieux de prendre au sérieux les enseignants et les chercheurs qui défendent depuis longtemps une pédagogie dite différenciée. Celle-ci devrait éviter, sans doute avec des groupes de besoin flexibles, les dérives des classes de niveau.
Il faudrait enfin s’attaquer à la question de la faiblesse de la formation initiale et continue des enseignants : si une réforme de la première est en projet, le développement de la deuxième se fait encore attendre.
Mme Duru-Bellat évoque les apports de la science mais son argumentaire comporte une grave erreur factuelle (la France est loin d'être une exception à utiliser le redoublement dans PISA) et un raisonnement comique (la hausse des taux de réussite aux examens malgré la suppression du redoublement : les deux sont surtout la démonstration d'un pilotage administratif du niveau scolaire...).
Mme Duru-Bellat en revient toujours à son credo idéologique, le manque de formation des enseignants, comparant avec la Finlande par exemple... sans comparer la taille des classe ou les taux d'encadrement, à proprement parler incomparables. Citons-nous en 2014 : www.laviemoderne.net/grandes-autopsies/conte-de-noel-finlandais
Pour une école élémentaire de taille moyenne (cinq classes et 120 élèves), il y a un peu moins de neuf professeurs en Finlande et un peu plus de six professeurs en France. Pour un collège moyen de 500 élèves c'est pire : 55 professeurs en Finlande, 32 professeurs en France ! C’est effectivement un autre monde !
Dernière édition: 10 Déc 2023 23:06 par Loys.
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- Loys
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07 Déc 2023 19:27 - 07 Déc 2023 19:54 #24864
par Loys
Réponse de Loys sur le sujet Le redoublement
Amusant : les cadres de l'EN qui prônent aujourd'hui ce qu'ils proscrivaient hier !
www.francebleu.fr/emissions/l-invite-du-...ce-normandie-8028060
www.francebleu.fr/emissions/l-invite-du-...e-nancy-metz-4907800
www.francebleu.fr/infos/education/educat...rleans-tours-8901347
www.francebleu.fr/emissions/le-quart-d-h...-de-toulouse-3332774
Clé utilisateur/ secrète de la configuration non valide
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Clé utilisateur/ secrète de la configuration non valide
Dernière édition: 07 Déc 2023 19:54 par Loys.
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