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"La classe Star Trek : l’hyperespace de l’enseignement “multitouch”" (Slate)
- Loys
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Le nom lui-même, outre qu'il traduit une bonne vieille culture geek, est déjà tout un programme : celui de l'obsolescence programmée...La classe Star Trek : l’hyperespace de l’enseignement “multitouch”
Avec "hyperespace de l'enseignement" on change de dimension scolaire... puisqu'on passe à deux dimensions, sur des écrans plats.
Les jolies images du futur ! Vous ne voudriez pas de ce décor de Star Trek pour vos enfants ?
Mais non !La classe du futur, ou la classe Star Trek… C’est ainsi qu’est baptisée le résultat du projet SynergyNet. Pour les spécialistes de l’enseignement numérique, cela peut ressembler à une vieille rengaine.
Dans un pays où l'on cherche à économiser sur les dépenses publiques, c'est louable... ou suspect.Et pourtant, il s’agit bien, encore, de l’un des huit projets financés, en Angleterre, par l’Economic and Social Research Council (ESRC) et l’Engineering and Physical Sciences Research Council (EPSRC) britanniques à hauteur de 12 M£, soit environ 15 M€.
A l'ère des tablettes, ce genre de mobilier semble déjà dépassé.De quoi s’agit-il ?
Bureaux électroniques interactifs
Les îlots... Une vraie révolution dans l'école... Comme on le voit sur ces images, c'est effectivement très pratique pour regarder le professeur et son tableau.Essentiellement de la généralisation du principe du tableau blanc, c’est à dire un tableau électronique interactif, à l’ensemble des bureaux des élèves. La photo ci-dessus, tout comme les vidéos ci-après, montrent également une disposition des bureaux très différente de celle des classes traditionnelles avec ses rangées alignées dans la direction du soleil, c’est à dire du professeur.
Voilà qui fleure bon les slogans publicitaires des années 2010, avec le passage au multitouch d'Apple.Ici, plusieurs élèves travaillent sur le même bureau grâce à la technologie d’écran tactile “multitouch”.
C'est la seule vraie question. En corrélation avec le coût, bien sûr. Pas de précision à ce sujet.Leurs actions sont visibles par les autres. Le professeur, lui, voit tout, soit directement, soit via un système de suivi en direct de l’activité des élèves sur chaque bureau. Ce futuriste et coûteux équipement, outre son look et son exploitation de l’aisance des enfants avec les outils informatiques, est-il plus efficace pour l’enseignement ?
Les résultats sont mis en valeur mais le protocole ne l'est guère : qu'est-ce qui a été évalué : le mobilier ? le travail en groupe ? l'application ? comment a été faite cette évaluation ? par qui ? comment la comparaison a-t-elle été effectuée ? sur quels élèves ?45% contre 16%
Une étude sur l’expérimentation de Synergynet par 400 élèves de 8 à 10 ans a été menée par des chercheurs de l’université de Durham.
Qu'es-ce que "la manipulation de formules" ?Les résultats montrent que 45% des utilisateurs de NumberNet, outil spécialisé dans l’enseignement des mathématiques, ont fait des progrès dans la manipulation des formules contre une proportion de 16% chez les utilisateurs des traditionnelles feuilles de papier.
Un raisonnement très scientifique : ce qui est valable pour une discipline l'est nécessairement pour toutes les autres.En fait, les maths ne sont qu’un exemple de l’efficacité de cette méthode car elle n’est pas spécialement destinée à cette discipline.
Voilà qui est encourageant...Les raisons invoquées par les chercheurs pour expliquer l’amélioration de l’apprentissage grâce aux outils de Synergynet sont multiples. Avec un point central: l’interaction. Sur le bureau électronique, les élèves ne travaillent plus seuls. En permanence, ce qu’ils font est vu par les autres élèves et inversement. Le travail devient ainsi collectif, collaboratif. Soit le schéma inverse du cours classique, fondé sur une parole univoque et une hiérarchie figée. Dans la classe Star Trek, l’ambiance ressemble plus à celle d’une salle de maternelle. Les élèves sont pourtant en CP.
Le savoir vient des élèves : on retrouve les vieilles théories constructivistes du pédagogisme qui a fait ses ravages en France. Avec la même détestation de l'enseignant qui "disperse le savoir" : quel mépris pour les enseignants !Professeur homme orchestre
Pour le professeur, le rôle change en profondeur. Au lieu de dispenser (disperser ?) un savoir, il le fait naître au sein même d’une communauté dont il n’est plus vraiment le maître.
Le travail en groupes est effectivement une source de dispersion mais rarement d'efficacité.Il se transforme en chef d’orchestre, ce qui doit être encore plus épuisant. Il doit en effet veiller simultanément sur ce qui se passe sur chaque bureau électronique, détecter les élèves qui se suivent pas, guider les autres, mettre parfois en commun ce qui s’est produit sur un bureau… Plus qu’à un chef d’orchestre, ce rôle ressemble à celui d’un homme orchestre…
Une paille... Mais au fait, le prix : il est évalué ?Séduisant sur le papier lorsqu’il ne fait pas fuir les enseignants attachés à la craie et au cahier, un tel projet se heurte au problème délicat du coût du matériel et du support technique nécessaire pour le faire fonctionner.
Progrès qui ont même conduit à daclasser totalement ce genre de dispositifs...Néanmoins, au cours des trois années du projet, l’équipe de l’université de Durham a noté des progrès notables de la technologie ainsi qu’une baisse des coûts.
Toujours pas de prix ?
On peut compter sur leur pragmatisme : si le coût et l'efficacité pédagogique ne sont pas prouvés, ça n'arrivera pas.Fracture numérique dans l’éducation
L’efficacité pédagogique démontrée par le projet SynergyNet, après bien d’autres expérimentations, pose également un grave problème d’égalité devant l’enseignement. Nul doute que des établissement privés pourront investir dans de tels équipements avant leurs homologues publics.
Dans l'éducation nationale, les facteurs de réussite ne sont pas uniquement matériels sinon il serait facile de résoudre les inégalités. Les établissements les plus avancées dans l'équipement en TICE ne sont pas nécessairement les plus performants : voir l'article d'Antoine Compagnon : "Gabegie numérique dans le 9-3" .Une fracture numérique pourrait alors survenir dans l’éducation et s’ajouter aux inégalités déjà importantes. Alors que l’on imagine pas une armée moderne dotée d’un matériel moins performant que celui de ses voisins, personne ne semble choqué par le manque de moyens dans l’Education Nationale.
Les élèves (comme les adultes d'ailleurs) sont préparés à utiliser des technologies qui sont conçues pour être simples l'utilisation... Rien d'étonnant à cela.Déjà largement distancée en Europe, l’école française risque fort d’être encore pénalisée si elle ne parvient pas à investir massivement dans les outils pédagogiques interactifs auxquels les élèves, eux, sont parfaitement préparés.
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