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L'industrie hi-tech critiquée... de l'intérieur
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Et, à une rang plus secondaire ("data scientist at Facebook") : Sophie Zhang.How Facebook got addicted to spreading misinformation
The company’s AI algorithms gave it an insatiable habit for lies and hate speech. Now the man who built them can't fix the problem.
Joaquin Quinonero Candela
March 11, 2021
Joaquin Quiñonero Candela, a director of AI at Facebook, was apologizing to his audience.
www.technologyreview.com/2021/07/29/1030...itical-manipulation/
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Dans "Le Monde" du 8/11/21 : "« Facebook Files » : Frances Haugen, lanceuse d’alerte nouvelle génération"
9/11/21 : usbeketrica.com/fr/article/facebook-file...s-haugen-a-bruxelles
Quelques semaines après avoir alerté le Congrès américain, la lanceuse d’alerte Frances Haugen a été auditionnée par le Parlement européen ce lundi 8 novembre. Motif officiel de son intervention : évoquer avec les députés du Vieux continent « l’impact négatif des produits des grandes entreprises technologiques sur les utilisateurs ». Cette ex-cheffe de produit au sein du géant californien est particulièrement bien placée pour le savoir, puisque c’est elle qui a récemment fait fuiter ce qu’il convient désormais d’appeler les « Facebook Files ». Soit des milliers d’études internes prouvant que le géant californien était parfaitement conscient, depuis plusieurs années, de ses effets dévastateurs sur la démocratie, le savoir scientifique ou encore la santé mentale des plus jeunes.
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- Loys
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www.publicsenat.fr/emission/sens-public/...le-du-29-janvier-e90
Marie-Caroline Missir, qui vient d'être nommé membre de la commission sur les usages des écrans par les jeunes, relativise ainsi l'intervention de M. Croissandeau, confondant à dessin deux questions : les cadres de la tech mettant leurs enfants dans une école Waldorf de la Silicon Valley sans écrans (ce qu'ils ne font évidemment pas tous) et les cadres de la tech alertant sur les pratiques des entreprises de la tech vis à vis des enfants.
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Publié le 19 février 2024 par Dérives scolaires
Une réalité
Cette école existe bien, il s’agit de la “Waldorf School of Peninsula” qualifiée “d’école sans ordinateur” par le New-York Times dans un article de 2011. Les employés des géants de la Silicon Valley y scolariseraient leurs enfants, je mets le conditionnel car l’école compte 9 classes, donc seule une petite partie d’entre eux peuvent être concernés.
En France le premier à en avoir parlé semble être Bernard Stiegler dans « Ecran global » un reportage d’Anne-Sophie Lévy-Chambon, diffusé sur France 5 en 2014 qui explique que ces écoles existent partout dans le monde et affirme que si les pontes de la Silicon Valley y mettent leurs enfants c’est évidemment parce que, conscients des dangers de ce qu’ils produisent, ils en protègent leurs enfants. S’ensuit un court reportage dans une école Steiner de la région parisienne qui fleure bon l’ancien temps et vante le développement des 5 sens des enfants via le travail du bois et le tricot. Malgré un débogage de Xavier de La Porte en 2017, cette histoire en partie vraie continue de faire autorité dans la lutte contre les méfaits des écrans.
Un mythe, ou plutôt un mensonge par omission
Donc cette école existe, c’est une réalité, fin de l’histoire ? En fait, le souci réside plutôt dans la façon dont cela est mis en scène et expliqué…
On a bien des cadres de la Silicon Valley qui choisissent une école coûteuse et atypique pour leurs enfants. Est-ce vraiment parce qu’il n’y a pas d’écran ? Peut-être… mais ce n’est pas du tout certain, ce qui l’est par contre c’est que cela ne pénalisera pas ces enfants qui ont tout ce qu’il faut à la maison pour compenser.
Par contre, ce qui n’est jamais dit, ni dans les articles, ni dans les reportages, ni sur les sites des écoles Steiner c’est la raison de fond qui conduit ces écoles à écarter, non seulement les ordinateurs mais plus largement la technologie.
Les écoles Steiner-Waldorf appartiennent à une organisation, l’anthroposophie, surveillée en France pour dérives sectaires. Il s’agit selon ses adeptes d’une “science de l’esprit” ou d’une “philosophie de vie”, en réalité on est plutôt dans une doctrine ésotérique qu’on peut considérer comme une religion. Elle comporte des croyances avec toute une cosmogonie : des anges, des gnomes, des ondines, des démons… différents plans spirituels, un principe de hiérarchisation des races, des réincarnations successives, des influences du cosmos… Les pédagogues Steiner se défendent de transmettre l’anthroposophie aux élèves mais tous les principes pédagogiques et les rituels de la vie de l’école sont issus de la doctrine.
Revenons aux écrans… ils sont proscrits de ces écoles parce que c’est de la technologie et donc qu’ils sont habités par le démon Ahriman !
Le démon Ahriman éloignerait les hommes de leur spiritualité en favorisant la “superstition scientifique”, le matérialisme et l’intellectualisme. La vie intellectuelle et les savoirs sont effectivement jugés dangereux, il faut leur préférer l’intuition qui vient directement des mondes spirituels.
Vous conviendrez que dans un cadre scolaire, cette façon de considérer les choses est pour le moins déplacée. C’est probablement pour cela que les présentations grand public des écoles Steiner-Waldorf ne mentionnent jamais clairement ces fondements, directement issus de la clairvoyance de Steiner qui était omniscient : il connaissait tout du passé, du présent et de l’avenir grâce à ses contacts avec les mondes spirituels.
Alors, comment comprendre l’apparent antinomisme entre être cadre d’une entreprise de la Silicon Valley et adhérer, plus ou moins consciemment, à l’idée d’une scolarisation de ses enfants dans une école relevant d’une doctrine ésotérique anti-technologie ?“Au XIXe siècle, la science a découvert que notre système nerveux était parcouru par des forces électriques. Elle avait raison. Mais lorsqu’elle a cru, lorsque les chercheurs croient que la force nerveuse qui fait partie de nous, qui est la base de notre vie mentale, a quoi que ce soit à voir avec des courants électriques, ils ont tort. Car les courants électriques sont les farces qui ont été déposées en nous par cet être que je viens de décrire, ils ne font pas du tout partie de notre être : nous portons effectivement aussi des courants électriques en nous, mais ils sont purement de nature ahrimanienne. Ces entités hautement intelligentes, mais d’une intelligence purement méphistophélique, et d’une volonté plus apparentée à la nature que cela ne peut être dit de la volonté humaine, ont décidé un jour, de leur propre volonté, de ne pas vouloir vivre dans le monde auquel les dieux pleins de sagesse de la hiérarchie supérieure les avaient destinées à vivre.”
Source : “Derrière le voile des événements” de Rudolf Steiner aux édition Triades (p 79)
Cela peut être ce qui est avancé par le mythe, c’est-à-dire une volonté de protéger ses enfants, mais cela peut aussi relever de l’ignorance de la réelle nature des écoles Steiner-Waldorf, du souhait de recourir à une école alternative coûteuse réservée à une élite ou encore venir d’une grande compatibilité de la nébuleuse new-age, dont l’anthroposophie fait partie, avec la cybernétique, le transhumanisme et le marketing digital très présents dans la Silicon Valley.
Dans tous les cas, les parents cadres de la Silicon Valley ne sont ni des exemples à suivre absolument ni des parents fondamentalement différents des autres, ils veulent le meilleur pour leurs enfants, ce qui est somme toute très banal. N’oublions pas non plus que des personnes ayant une solide formation scientifique peuvent tout à fait se retrouver embarquées dans des croyances dangereuses pour elles et leurs enfants ; ainsi Steve Jobs est mort d’un cancer à 56 ans parce qu’il a voulu se soigner avec des remèdes illusoires.
Une instrumentalisation de la part d’une organisation sectaire
Ce qui est certain, c’est que cette histoire de l’école sans écrans de la Silicon Valley arrange bien l’anthroposophie qui, pour des raisons spirituelles et/ou financières, l’utilise et la met en avant tout en surfant avidement sur tous les discours anti-écrans.
On ignore si le récit émane directement d’une intention de l’anthroposophie ou si elle a juste saisi une occasion qui s’est présentée, mais le résultat est le même. Ce n’est pas un hasard par exemple si l’on retrouve le documentaire “Écran global” cité plus haut, diffusé sur la chaîne Youtube de l’école Steiner “Perceval” et l’émission “Envoyé spécial” de septembre 2020 sur le site officiel de la Fédération Steiner-Waldorf française.
L’organisme anthroposophe de lobbying européen, Eliant, a lancé en 2020 une pétition contre les écrans numériques dans les lieux d’éducation, on peut raisonnablement penser que l’immense majorité des signataires ignoraient ce qu’est Eliant et que cette pétition serait utilisée pour vanter le travail d’influence de l’anthroposophie auprès des instances européennes.
Les anthroposophes ont également publié un ouvrage, plutôt axé sur les dangers de la télévision, “L’enfant face aux écrans” de Rainer Patzlaff traduit en français en 2014 et ils ont même leur propre documentaire anti-écrans “Kids on Tech” (2021) réalisé par Pierre Laurent qui est aussi président du conseil d’administration de l’école Steiner-Waldorf de la Silicon Valley… la boucle est bouclée !
Une nécessaire vigilance avec les enfants
Il ne faut pas perdre de vue que les écoles Steiner, comme d’autres qui cherchent à endoctriner leurs élèves (les écoles St Pie X par exemple), craignent ce qui vient de l’extérieur et risquerait de trop remettre en question leur doctrine. Donc Internet, mais aussi plus largement l’éducation aux médias et à l’esprit critique, sont assez logiquement écartés de ces écoles particulières.
Quand on parle de “diabolisation” des écrans, on est bien au cœur du problème. De nombreux “militants anti-écran”, qu’ils soient ou non directement reliés à l’anthroposophie, portent très souvent des discours anti-technologie très teintés d’irrationnel, de croyances et de justifications pseudo-scientifiques. Considérer les écrans comme étant responsables de tous les maux et les opposer de façon manichéenne à la “vraie vie”, au contact avec la nature… peut vite mener à du n’importe quoi.
Les associations qui proposent des interventions et des défis sur ce sujet doivent être regardées de très près avant d’être sollicitées pour animer des séances avec des enfants ou des jeunes.
S’interroger avec ses élèves sur notre rapport aux objets numériques est une excellente idée mais il faut être très au clair avec l’état des recherches (très différent de ce qu’on voit mis en avant dans les médias) et sur les nombreux mythes liés aux écrans qui circulent sur l’addiction, la dopamine, l’autisme… Cela évitera de faire venir des désinformateurs dans les classes ou de travailler avec une “coach de vie en transition énergétique” qui n’a rien à faire dans une école, on a pourtant vu tout cela, récemment, dans le documentaire “Et si on levait les yeux” diffusé sur LCP.
Vous trouverez ci-dessous une série de liens sur cette question, n’hésitez pas à en solliciter d’autres sur des points précis dans les commentaires ou sur mes réseaux sociaux.
Pour conclure, si vouloir mettre son enfant dans une école sans écrans peut sembler être une bonne idée, les confier à une organisation sectaire est assurément TRÈS DANGEREUX !
Merci à Bertrand Formet qui m’a donné l’idée d’écrire cet article et fourni de nombreux éléments utiles pour la rédaction.
Des ressources pour aller plus loin
À propos de l’école sans écrans de la Silicon Valley
Article du NY Times “A Silicon Valley School That Doesn’t Compute” (2011)
« Ecran global » un reportage d’Anne-Sophie Lévy-Chambon (2014)
“Débogage d’un mythe sur le numérique à l’école” par Xavier de La Porte (2017)
À propos du new-age dans la Silicon Valley
Le podcast de lémission “Le meilleur des Mondes” de France Culture : “L’esprit dans la Silicon Valley : vers un “techno-messianisme” ?”
À propos d’Ahriman
“Les forces du Mal dans l’anthroposophie de Rudolf Steiner : le rôle spécifique de Sorat, Grand opposant au Christ » par Aurélie Choné
“Derrière le voile des événements” de Rudolf Steiner aux éditions Triades
“Démons du silicium & la bête informatique” sur le site anthroposophe “Pour une spiritualité laïque”
À propos de l’anthroposophie et des écoles Steiner-Waldorf
Une série de vidéos très complète sur la chaine Youtube “Skeptics in the Pub – Valais”
“Le Stockmeyer” qui est la référence de la pédagogie selon Steiner (lien en bas de la page, lecture aride et contenu très hermétique) et un thread Twitter qui commente sa lecture
“Rudolf Steiner : Conseils – Réunion avec les professeurs de l’école Waldorf de Stuttgart” lecture plus accessible que le Stockmeyer, thread Twitter à propos de cette lecture
À propos des écrans, mythes, paniques morales et état de la recherche
Série d’articles “Les écrans en question” sur le site éducation du SE-Unsa
Vidéo sur l’état de la recherche : Conférence de Grégoire Borst – Le cerveau des enfants et des adolescents face aux écrans (2022)
“Les écrans, le cerveau et… l’enfant” des séances pour la classe (cycles 2&3) proposées par “La Main à la Pâte” accessibles gratuitement
Débunkages à propos de la dopamine du Dr Paul Marsden et de Vincent Bernard, médiateur numérique
Travail sur la panique morale autour de l’autisme et des écrans
Vidéo du psychologue Yann Leroux à propos de “l’addiction” aux jeux vidéo (et non aux écrans qui pour le coup n’est pas reconnue par la médecine)
Compte-rendu dans le "Café pédagogique" :
Sur son indispensable site « Dérives scolaires », Stéphanie de Vanssay enquête sur un mythe tenace que véhicule les adversaires du numérique éducatif : les employés de la Silicon Valley scolariseraient leurs enfants dans des écoles sans écrans pour les en protéger. Il s’avère que seule une école de 9 classes serait concernée, que cette école Steiner-Waldorf appartient à une organisation, l’anthroposophie, dénoncée et surveillée en France pour dérives sectaires, que les écrans y sont proscrits parce qu’« habités par le démon Ahriman ». L’histoire relève donc du mensonge par omission. La diabolisation du numérique y dit la peur de la technologie, de la modernité, de l’ouverture au monde extérieur, de l’éducation aux médias et à l’esprit critique. « S’interroger avec ses élèves sur notre rapport aux objets numériques est une excellente idée mais il faut être très au clair avec l’état des recherches (très différent de ce qu’on voit mis en avant dans les médias) et sur les nombreux mythes liés aux écrans qui circulent sur l’addiction, la dopamine, l’autisme… Cela évitera de faire venir des désinformateurs dans les classes ou de travailler avec une “coach de vie en transition énergétique” qui n’a rien à faire dans une école, on a pourtant vu tout cela, récemment, dans le documentaire “Et si on levait les yeux” diffusé sur La Chaîne Parlementaire. »
Commentons.
La critique de l'industrie hi-tech par ses propres cadres, comme nous la recensons ici : ce ne sera pas l'objet de ce billet de Stéphanie de Vanssay, qui préfère réduire l'argumentation à "l’école sans écrans de la Silicon Valley".
Effectivement, avec une école de neuf classes où "LES employés des géants de la Silicon Valley scolariseraient leurs enfants", le mythe est commodément réfuté. Mais, benoîtement, Mme de Vanssay s'inquiète car les écoles Steiner-Waldorf sont nombreuses dans le monde.
Mais, bizarrement, pour montrer que cette école (Steiner-Waldorf) est un "mythe", l'argumentation se résume surtout non pas à nier l'existence de cette école/ces nombreuses écoles, mais à démontrer que le refus de la technologie y obéit à une logique sectaire : les écrans seraient "habités par le démon Ahriman".
Admettons volontiers. L'anthroposophie est effectivement une entreprise sectaire. Marginale, mais sectaire, ce qui n'est pas vraiment rassurant sur les cadres qui conçoivent les produits technologiques destinés aux autres (l'exemple de Steve Jobs est d'ailleurs donné par Mme de Vanssay).
A l'égard des parents-cadres technologiques, Mme de Vanssay plaide... la naïveté et l'ignorance de ce que sont ces écoles. Elle postule - sans aucune preuveet de façon assez douteuse - qu'ils mettent leurs enfants dans ces écoles sans connaître leur philosophie sectaire anti-technologique. Nul doute que, s'ils savaient que leurs enfants n'y fréquentent pas d'écrans, les parents les en retireraient !
Mais, d'un point de vue logique : quel rapport avec une critique bien plus générale de la technologie, de son rôle auprès des enfants, critique formulée notamment par les propres cadres de l'industrie technologique ? C'est simple : le but est d'assimiler la technocritique à une forme de diabolisation de la technologie, et par là de la discréditer. Penser que les écrans sont conçus par des spécialistes de l'attention pour retenir l'attention, c'est croire à Ahriman !
Critiquer la technologie, ce serait être irrationnel.Quand on parle de “diabolisation” des écrans, on est bien au cœur du problème. De nombreux “militants anti-écran”, qu’ils soient ou non directement reliés à l’anthroposophie, portent très souvent des discours anti-technologie très teintés d’irrationnel, de croyances et de justifications pseudo-scientifiques.
Mme de Vanssay se fait même complotiste : ce mythe d'une critique de la technologie par ses cadres devenus parents, répandu partout, serait l’œuvre d'anthroposophes travaillant dans l'ombre. Et Mme de Vanssay de faire l'amalgame avec un documentaire techno-critique... suscitant la colère justifiée du réalisateur dans les commentaires du billet !
La conclusion sur "une nécessaire vigilance avec les enfants" ("s’interroger avec ses élèves sur notre rapport aux objets numériques est une excellente idée") est de pure forme : elle ne le fait jamais. Il s'agit bien de rejeter toute critique comme de la désinformation.
Bref, d'ahrimaniser ou de diaboliser la critique. Est-ce étonnant quand Mme de Vanssay, enseignante déchargée de cours depuis 2010 pour devenir "conseillère numérique" de son syndicat, promeut l'introduction des écrans dans les écoles depuis des années ?
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- Loys
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Avec "Pixels", Damien Leloup assure les "chroniques des (r)évolutions numériques".
Tous les enfants des cadres de la Silicon Vally ne peuvent en effet être scolarisés dans une seule école : voilà une réfutation efficace, en effet...La Waldorf School of the Peninsula est bien une école sans écrans et accueille effectivement des enfants de travailleurs de la tech. Mais avec ses 300 élèves, elle ne représente qu’une infime minorité des centaines de milliers de rejetons de la Silicon Valley.
En vérité, cette école n'est qu'un exemple d'une mise à distance des écrans par les parents cadres de l'industrie numérique.
Ceux-là subissent les mêmes inepties scolaires qu'en France, mais qu'en est-il de leur réflexion personnelle ou de leur mise à distance dans le cadre familial ? Nous avons relevé dans ce fil de nombreux exemples, ainsi que des critiques plus générales de cadres à propos du traitement des enfants.Pour leur progéniture, la vaste majorité des cadres de la tech choisissent plutôt les lycées publics de la région, très bien financés et où les écrans sont très présents.
Un beau relativisme par omission. La lecture attentive montre surtout que l'usage n'est pas seulement régulé à table, mais le soir ("Nous fixons souvent une heure après laquelle il n'y a pas d'écrans, et cela leur permet d'aller au lit à une heure raisonnable) voire davantage : "Après que sa fille a commencé de developper un rapport malsain à un jeu vidéo, le couple a commencé à mettre en place des limites de temps d'écran plus strictes". Nous pouvons surtout ajouter, comme nous l'avons vu plus haut , que les enfants Gates n'ont accédé à un téléphone qu'à lâge de quatorze ans !Quant aux patrons du numérique qui « interdisent les écrans à leurs enfants », une lecture attentive de leurs déclarations révèle une réalité bien plus nuancée. Le fondateur de Microsoft, Bill Gates, et sa femme, Melinda, proscrivent bien les téléphones… à table.
L'article du "Guardian" auquel il est fait référence ne dit pas du tout cela : "Malgré son travail, il impose des règles strictes de temps d'écran à ses enfants. Les deux jumeaux de dix ans de Jony Ive n'ont pas le droit de se servir de l'iPad, avec d'autres écrans, aussi longtemps qu'ils le voudraient."Les enfants de Jony Ive, le designer en chef d’Apple, n’ont pas accès à l’iPad… sans supervision.
Dans cet autre article du "Guardian" , il est dit que Susan Wojcicki veillait à un équilibre entre le temps d’écran et les autres activités pour ses enfants, et devait parfois limiter le temps d’écran, notamment pendant les vacances en famille.Susan Wojcicki, l’ancienne patronne de YouTube, limitait bien le temps d’accès de ses enfants aux smartphones… mais les a autorisés à en avoir un à partir de 11 ans.
L'article de "CNBC" indique que Mark Zuckerberg ne veut pas, d'une façon générale, que ses jeunes enfants restent assis face à une télé ou à un ordinateur pendant une longue durée, et qu'il estime que consommer passivement des contenus ou "passer d'une vidéo à l'autre" n'est pas associé avec les mêmes effets positifs que l'interaction et la communication, notamment avec la famille.Quant à Mark Zuckeberg et Sundar Pichai, les patrons de Meta et Google, ils appliquent des règles sur l’utilisation des écrans, mais sont loin de les avoir interdits.
L'article du "New York Times" indique que le fils de Sundar Pichai n'a pas de téléphone : "à la maison, la télévision n'est pas facile d'accès."
Père modèle ou pas, c'est un sacré paradoxe.Bref, à quelques exceptions près comme Steve Jobs (l’ex-PDG d’Apple qui était loin d’être un père modèle) les patrons milliardaires de la Silicon Valley...
Résumons : quand Steve Jobs vend des écrans, c'est un génie. Quand, pour ses enfants, il prend ses distance avec ce qu'il vend, c'est un malade.
Bien des témoignages alarmants de cadres de première importance, recensé ici, de Justin Rosenstein à Loren Brichter, de Chamath Palihapitiya à Tim Cook, de Alexis Ohanian à Chris Wetherell, de Tony Fadell à Guillaume Chalot, sont passés sous silence et, comme on vient de le voir, les témoignages cités sont écartés ou quelque peu arrangés dans le sens de la démonstration. L'article réfute - sans toujours convaincre - l'interdiction des écrans sans observer le discours critique et la (parfois très stricte) mise à distance des écrans par les parents cadres de l'industrie numérique.
Ce relativisme est surtout faux : Bill Gates, par exemple, indiquait que ses enfants se plaignaient souvent que les autres enfants aient un téléphone avant eux (c'est-à-dire... à quatorze ans). En France en 2020 (selon cette étude recensée ici ), à douze ans, seuls 13% des enfants ne possèdent pas de smartphone. Selon cette autre étude de 2023 recensée ici , la majorité des enfants obtiennent un smartphone à l'entrée au collège et 3% des enfants (de l'ordre 25.000 enfants) ont reçu leur premier smartphone à neuf ans ou avant....fixent des règles très similaires à celles qu’établissent, partout dans le monde, des centaines de millions de parents confrontés aux mêmes dilemmes sur le temps d’écran.
De fait, la plupart des familles peinent à suivre ces règles présentées comme de bon sens dans l'article que nous étudions, comme en témoigne l'explosion du temps d'écran, et de plus en plus précoce. En France, avant trois ans, les écrans sont à proscrire selon le Haut Conseil de la santé publique : or l'étude Elfe, publiée en 2023 et recensée ici , montre que le temps d'écrans pour les enfants de deux ans nés en 2011 était déjà de presque une heure en moyenne en 2013 (chiffres déjà anciens : les écrans, smartphones ou tablettes, ayant explosé depuis). Et ce n'est qu'une moyenne...
Aux États-Unis selon cette étude 2021 (recensée ici ), le temps d'écran quotidien des 8-12 ans est passé de 4h36 à 5h33 entre 2012 et 2021 (à plus de 8h même pour 20% d'entre eux).
Du moins, dans l'article que nous étudions, "la bataille du temps" est-elle évoquée.
De tels parents, parce qu'ils sont acteurs de l'industrie numérique, ne sont pas - par définition - des parents comme les autres : ils ont une conscience plus aigüe de ce qu'ils produisent et vendent aux autres parents.Les parents de la tech sont-ils, sur ce sujet, des parents comme les autres ?
L'exemple est assez parlant : un cadre de l'industrie numérique se considérant comme "permissif" par rapport à ses collègues mais imposant... un contrôle strict ("minuté") des écrans à ses enfants. Quelques minutes le matin, vingt minutes le soir : on est très loin des 1h32 en moyenne par jour constatés par l'étude Elfe pour les enfants de 5,5 ans en 2016 (en 2016 seulement).« Lorsqu’on en discute entre nous, il y a un peu toutes les positions : j’ai des collègues assez anti-écrans, d’autres moins, mais ce qui est sûr, c’est qu’il y a toujours une forme de contrôle [du temps d’écran] », raconte Romain Zert, architecte logiciel (développeur de haut niveau) chez Microsoft et père de jumeaux de 6 ans. Lui-même se considère comme « plutôt permissif » : « En tout cas, plus que ma femme », plaisante-t-il. Mais le temps d’écran à la maison reste assez précisément minuté : en semaine, ses enfants peuvent espérer grappiller quelques minutes de dessins animés le matin, s’ils sont prêts en avance pour partir à l’école ; le soir, « vingt minutes de vidéo, de préférence quelque chose d’un peu éducatif, et seulement s’il n’y a pas eu d’autre temps d’écran dans la journée ».
De fait, les écarts socio-professionnels sont malheureusement très marqués.
Des parents plus à même de réguler, donc. Et ceci est censé nous prouver que "les patrons de la tech qui ne mettent pas leurs enfants devant des écrans" est "une légende urbaine" ?Sa connaissance de l’informatique a pu jouer dans certains aspects de son approche, estime-t-il : « Par nature, les informaticiens sont souvent plus sensibles que la moyenne aux questions touchant aux données personnelles et à la vie privée. Je n’ai pas d’opposition de principe aux écrans, mais pour ce qui est des réseaux sociaux, les questions ne sont pas les mêmes. » Au quotidien, il reconnaît aussi avoir, peut-être davantage que d’autres, une approche teintée d’ingénierie pour contrôler le temps d’écran. « On a délégué une partie du pouvoir d’éteindre à Alexa [l’assistant vocal d’Amazon], dit-il. On demande souvent à Alexa de fixer un timer de vingt minutes : la règle est claire, c’est impartial, ça génère moins de frustrations. »
Chez Anne-Claire Bennevault, fondatrice de la start-up d’éducation à la finance Spak, les règles familiales (pas de téléphone le soir dans la chambre notamment) sont aussi largement complétées par des outils techniques comme les applications de contrôle parental. La cadette, 4 ans, n’a accès que depuis peu aux dessins animés et pour des durées limitées. L’aîné, 14 ans, a un téléphone, mais son nombre d’heures de consultation est verrouillé par un logiciel, qui bloque aussi l’accès à certaines applications.
Décidément, les témoignages donnés par cet article vont contre sa thèse principale !« On a eu une discussion, on lui a expliqué que TikTok, c’était non, explique Mme Bennevault. J’ai testé moi-même l’application en créant un compte comme si j’étais un ado de 13 ans, et le premier contenu qui s’est affiché, c’était une jeune fille mineure dans une pose un peu lascive, ça m’a clairement vaccinée. » Contenus inadaptés, risques de mauvaises rencontres virtuelles : elle et son compagnon, qui a longtemps travaillé dans le marketing en ligne, sont très méfiants envers les réseaux sociaux, qu’ils connaissent très bien. Lui-même a désinstallé toutes les applications de ce type, « par souci d’exemplarité ». Mais le couple n’est pas dupe. « On sait bien aussi que toutes les règles se contournent, qu’il y a de la curiosité, qu’il y a des copains qui auront accès, reconnaît Mme Bennevault. Mais c’est important de fixer des règles. » Elle constate que « c’est sûrement plus facile pour les parents qui viennent du milieu de la tech, qui sont à l’aise avec les outils de contrôle parental », que pour des parents moins familiers des applications complexes.
Décidément...Pas sûr, répond Steven (le prénom a été changé), cadre chez Meta en Europe et père d’un fils de cinq ans. Lui n’est pas certain qu’il aurait fixé des règles différentes s’il avait travaillé dans un autre domaine. « Aujourd’hui, nous sommes tous exposés aux écrans au même niveau, y compris les adultes, dès qu’on travaille avec un ordinateur, estime-t-il. Tout le monde se pose les mêmes questions. » Chez lui, les règles sont plutôt strictes : pas d’écrans en semaine, pas de vidéos sur le téléphone de papa ou maman. « Le portable est la propriété des parents, il n’est pas en libre accès, un prêt doit rester un prêt », explique-t-il. Les dessins animés restent cantonnés à un moment bien défini, réservé au week-end, et uniquement sur le vidéoprojecteur familial pour une heure maximum. Steven et sa compagne essaient de privilégier les activités numériques éducatives ou créatives.
Un contre-exemple ? Dommage : on ne sait pas quelle est la modération adoptée ici et les usages évoqués sont purement prospectifs. A noter quand même que les jeux vidéos critiqués sont... les plus populaires.Souvent, pour ces professionnels, tous les écrans ne se valent pas. Chez les développeurs en informatique, majoritairement des hommes et souvent des amateurs de jeux vidéo, difficile d’interdire à ses enfants un loisir qu’on adore soi-même, et qu’on brûle souvent de partager avec eux. C’est le cas de Danny Gray, père d’un jeune fils de 2 ans et demi, et directeur de la création (chief creative officer) du studio de jeux vidéo Ustwo, connu pour ses excellents jeux vidéo adaptés aux enfants comme Monument Valley ou Alba : a wildlife adventure.
« J’ai hâte de pouvoir jouer avec mon fils plus tard, sourit-il en répondant aux questions du Monde. Je ne vois rien de mal à ce qu’un enfant de 5 ans puisse jouer à jeu vidéo : moi-même, j’ai beaucoup joué enfant, et je m’en suis bien sorti ! En revanche, nous avons fixé une règle d’or avec ma compagne, qui travaille dans l’édition et n’est pas du tout issue du monde du jeu vidéo : tout doit être fait avec modération. » En tant que professionnel, il accorde aussi beaucoup d’importance aux types de jeux auxquels il envisage de donner accès à son fils dans quelques années : « Personnellement, je suis très déçu par le fait que beaucoup de jeux récents se soient détournés de la narration : la plupart des grands succès récents auprès des enfants, comme Roblox ou Fortnite, sont des plates-formes sociales avec de multiples expériences de jeu, sans réelle histoire. Leur côté social est très positif, mais c’est aussi le royaume des achats intégrés, une expérience hypercapitaliste. » Partagé, M. Gray constate que « la vie sociale des adolescents d’aujourd’hui se déroule en grande partie sur Tik Tok, Instagram, et ces jeux vidéo plates-formes : c’est difficile de leur enlever cela. »
Les témoignages rapportés par l'article vont pourtant à l'opposé... Et en France, l'étude Elfe montre, au contraire, que l'exposition et les usages varient beaucoup selon le milieu social ("Le maintien de la distance aux écrans ou leur insertion précoce dans le quotidien des enfants sont des stratégies éducatives socialement situées") : les enjeux de la reproduction sociale font des parents les plus favorisés les plus circonspects, et sans doute... les plus avisés.Des classes aisées plutôt permissives
De manière générale, ce qui distingue le plus les parents qui travaillent dans le numérique, c’est peut-être simplement le fait qu’ils sont… plus riches que la moyenne. C’est en tout cas ce que suggère une passionnante étude sociologique, publiée en 2022 dans le Journal of marriage and family. En analysant les réponses à un questionnaire de plus de 4 000 familles américaines à « haut statut socio-économique », complétées par 77 entretiens, les chercheurs ont pu établir une cartographie assez détaillée du rapport aux écrans de ces familles de diplômés ayant de bons revenus. Et les résultats montrent que celles-ci, qui dans d’autres domaines ont tendance à suivre de près les recommandations des pouvoirs publics, laissent leurs enfants plus longtemps que conseillé devant des écrans, et autant que les ménages plus modestes. « Ces résultats globaux s’appliquent, sans différence significative, aux parents qui travaillent dans la tech, qui composaient environ un tiers de l’échantillon étudié », détaille au Monde Stefanie Möllborn, première autrice de l’étude et professeure de sociologie à l’université de Stockholm. Dans le détail, « il y a d’importantes variations sur le fait d’interdire ou non l’accès aux écrans entre 9 ans et 11 ans, sur l’encouragement à utiliser telle ou telle technologie, ou sur l’établissement de limites de temps. La plupart des parents s’inquiètent de l’usage que font leurs enfants de la technologie et ont établi des stratégies claires pour tenter de le contrôler, sans être toujours sûrs qu’elles fonctionnent. »
Et l'article de conclure en présentant, paradoxalement, ce caractère prétendument "permissif" des classes aisées... comme une vertu. Mais pas pour les autres classes sociales ?Une raison pourrait expliquer pourquoi les parents les plus aisés sont en moyenne plus « permissifs » sur ce sujet que sur d’autres : ils étaient particulièrement nombreux à avoir coché, dans le questionnaire, la case « nous avons des règles, mais les enfants peuvent faire leurs propres choix ». Les parents aisés encouragent davantage leurs enfants à négocier voire à contester les normes, pour peu qu’ils aient de bons arguments, et ils aiment moins fixer des cadres immuables, notent les chercheurs. Ce qui peut rendre les conflits plus courants et « perturber les mécanismes finement établis pour tenter de contrôler l’accès à la technologie des enfants ».
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