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"Les nouvelles technologies en guerre contre nos enfants" (Richard Freed)
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Une simple préposition peut beaucoup pour votre crédibilité : Célia Hodent n'est pas exactement "connue pour ses travaux SUR Fortnite" mais "POUR Fortnite". Elle dénonce ainsi les "loot boxes"... un des éléments constitutifs du succès du jeu auquel elle a contribué en tant que psychologue et designer UX. Ou encore les stratégies d'élimination... dans un jeu dont le principe repose sur l'élimination de l'adversaire (le mode "battle royal"). Pour le reste, la démarche "éthique" de cette psychologue aborde essentiellement les questions d'inclusion ou de comportements antisociaux pour mieux oublier celle - pourtant essentielle - de la captation d'attention. Pour rappel : "A la tête d’une équipe de huit personnes – psychologues, statisticiens, analystes, coordinateur –, elle veille à [...] traquer dans le détail le moindre décrochage d’attention de ses gameurs cobayes." Pas de problème éthique ici ! Avec cet aveu candide en fin d'entretien : il ne faudrait pas que les questions éthiques (exclusion, comportements antisociaux) nuisent justement... à la captation d'attention !
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A total of 58.0% of the top games on the Google Play store contained loot boxes, 59.0% of the top iPhone games contained loot boxes and 36.0% of the top games on the Steam store contained loot boxes; 93.1% of the Android games that featured loot boxes and 94.9% of the iPhone games that featured loot boxes were deemed suitable for children aged 12+.
Dans "Le Monde" (abonnés) du 29/11/20 : "La dernière mise à jour d’Instagram, symptôme de « la montée en puissance des “dark patterns” »"
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Il est quand même remarquable que, s'agissant des jeunes publics ou du caractère addictif (ou non) de Fortnite, nous ne disposions d'aucune statistique sur l'âge des joueurs et leur temps de jeu. Une entreprise qui s'intéresse tant au game design ne pouvait évidemment pas s'intéresser à ce genre de données.Dans ce jeu vidéo, il n’y a pas de sang. Les graphismes sont “cartoonesques”. Pour le moment, nous ne connaissons pas véritablement l’âge moyen des joueurs et des joueuses, “mais il n’est pas rare qu’en branchant son micro et son casque, on réalise que l’on côtoie des adolescents, voire des enfants”, observe Numerama.
Célia Hodent, qui a été pendant quatre ans la directrice de l’expérience utilisateur d’Epic Games, société mère du jeu, dément. Le jeu n’a pas été pensé pour développer l’addiction, assure-t-elle. “Quand une équipe développe un jeu, elle va souffrir de ce que l’on nomme le biais de connaissance. Elle connaît trop le produit. Du coup, il va être dur pour elle d’anticiper comment les nouveaux joueurs vont réagir”, a-t-elle expliqué à 20 Minutes.
Glissement du bien-être au bonheur. L'avenir est donc là...D’après les résultats, les personnes ayant passé plus de quatre heures par jour en moyenne à jouer à “Animal Crossing” se disaient plus heureuses.
Pas de problème donc, et même des vertus donc, même si les "apprentissages" sont essentiellement au jeu.Des vecteurs d’apprentissage
Attention à ne pas trop apprendre avec Fortnite !Augmentation de la flexibilité du cerveau, ralentissement du degré de déclin mental, amélioration des capacités de lecture, ... Les bienfaits insoupçonnés sont nombreux. Chez “Fortnite”, aussi. D’après le psychologue pour enfants Randy Kulman, qui s’appuie sur les observations d’une étude scientifique de 2013, le jeu développe les mêmes capacités d’attention du joueur que tout autre jeu d’action.
“Dans ‘Fortnite’, où tout le monde est un ennemi, une vigilance et une attention constantes sont essentielles, au même titre que le besoin d’ignorer toute forme de distraction extérieure, écrit le spécialiste dans un blog de Psychology Today. De plus, comme dans la plupart des jeux d’action, ‘Fortnite’ contient des séquences complexes où les joueurs doivent se concentrer sur plusieurs facteurs à la fois - éviter les ennemis, chronométrer les sauts périlleux et apprendre de nouvelles techniques de jeu - qui dépendent tous d’une profonde concentration.”
Il ajoute: “Il est possible aussi qu’ils acquièrent des compétences en matière de coopération et de communication. Le ‘mode créatif’ peut aussi être une occasion d’améliorer leurs compétences en matière de planification et de résolution de problèmes.”
Cependant, le psychologue rappelle que c’est un jeu, et parce que c’est un jeu il faut le considérer comme une activité “amusante”
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L'émission est très intéressante par tout ce qu'elle égrène en défense des écrans.
L'émission commence avec l'inquiétude de Xavier Porte sur le changement de discours à l'égard des écrans, devenu inquiet ("alarmiste"). Il se réfère surtout (titre de l'émission) à La Fabrique du crétin digital de Michel Desmurget, mais sans lui donner la parole : en lui donnant uniquement la contradiction avec Anne Cordier, promotrice des écrans. "Ce qui m'avait plu avec elle, c'est qu'elle interrogeait en profondeur les usages numériques de jeunes" ; "elle ne préjugeait pas que ça leur faisait du bien ou du mal mais elle essayait de comprendre ce qu'ils faisaient dans leurs écrans".
C'est précisément très intéressant puisque Anne Cordier met en avant certains usages particuliers - pouvant apparaître comme positifs - sans jamais étudier la réalité des usages généraux. Il y a même un refus assumé de l'étudier : pour elle, ce sont "des pratiques et des usages extrêmement riches et qui ne peuvent être limitées à des affirmations quantitatives du type ils passent tant d'heures sur les écrans par jour [...] ou ils sont tous sur TikTok".
Pour M. de la Porte, la notion de temps d'écran ne prend pas compte les usages : c'est d'abord récuser que ce temps soit important à considérer en lui-même, et puis c'est faire illusion puisqu'il est, au contraire, très instructif d'étudier les usages, de façon qualitative et quantitative et non de manière impressive ou biaisée. Mais Anne Cordier dénonce "l'illusion du chiffre" : "on pense avoir créé de la connaissance, et notamment scientifique, en mettant en avant des pourcentages". Drôle d'approche scientifique, que M. de la Porte présente comme une "controverse épistémologique entre les sciences humaines et sociales [...] et les neurosciences" : les sciences humaines et sociales refuseraient donc les statistiques ?
En réalité, c'est surtout défendre l'approche impressive d'Anne Cordier, laquelle est biaisée d'emblée.
Forcément, si le temps d'écran est un temps de "découverte du monde"...Anne Cordier écrit: Tu peux passer trois heures sur un écran entre guillemets mais concrètement qu'est-ce que tu y fais, qu'est-ce qui se joue entre toi et le monde que tu découvres à travers cet écran ?
M. de la Porte s'inquiète quand même du temps d'écran : "3h40 dans la journée", sans préciser la tranche d'âge, ce qui constitue un grave angle mort de l'émission : le temps d'écran ne peut pas avoir les mêmes incidences à deux ans, six ans, dix ans, quatorze ans, seize ans.
Anne Cordier considère qu'être sur écran, c'est "agir" par opposition aux écrans passifs, présents dans la pièce : le temps d'écran n'inclut évidemment pas les écrans passifs, mais c'est une façon de diminuer et relativiser le temps d'écran quand il semble être excessif. Elle donne ensuite deux exemples de jeunes "engagés dans des activités numériques intenses" (comprendre : beaucoup plus que 3h40 par jour) : l'un réalise des montages vidéos, l'autre "anime une communauté de gamers en ligne" (sans jouer visiblement...). Ces deux exemples, censés être positifs (des activités "sociales", "socialisatrices", voire "professionnelles"), relativisent également le temps écran en occultant la réalité des usages des jeunes.
M. Desmurget fustige le flot des "activités récréatives débilitantes" : M. de la Porte, sans lui donner la possibilité de répondre, l'accuse d'y inclure ces activités positives. "Anne le dit : il y a des jeunes qui font des trucs super sur leur écran, avec leur écran". M. de la Porte s'inquiète malgré tout des jeunes qui passent leur temps sur TikTok :
On le voit : dans ce relativisme généralisé, il n'y a aucune passivité possible, aucune "activité" sur écran qui puisse faire l'objet d'une critique. Reste qu'Anne Cordier s'empresse d'enchaîner avec des activités jugés plus légitimes (ou du moins présentées comme telles, aux prix de quelques arrangements : partager, apprendre, s'informer). Ces activités plus légitimes ne sont évidemment pas quantifiées statistiquement.Anne Cordier écrit: Mais pourquoi dire qu'ils ne produisent pas grand chose ? Communiquer, créer de la sociabilité, créer du lien, entretenir un lien, c'est produire. C'est produire du lien social, c'est participer à une vie en société. On oublie profondément cette dimension sociale des usages des écrans. On ne fait pas rien quand on est en train de regarder des vidéos, de les rediffuser, de discuter avec des amis [...] On vit en société, on apprend des autres aussi, on partage des connaissances avec les autres parce qu'on va s'indiquer des chaînes YouTube sur lesquelles on a appris telle ou telle chose [...] on va s'informer en ligne [...] on vit en fait, on vit dans le monde numérique parce que c'est le vrai monde.
Xavier de la Porte s'interroge sur la distinction artificielle entre vie numérique et "vraie vie". Anne Cordier la récuse... en s'appuyant sur des expressions numériques utilisées par les jeunes dans la vie ("le monde numérique nourrit la langue"). Une citation de Blanche Gardin, qui la dénonce avec causticité ("je suis en mode"), est présentée comme la preuve de l'interpénétration des deux mondes...
M. de la Porte s'étonne des jeunes au fait de l'actualité du monde (enfin "les jeunes que je connais" : ses enfants, en somme). Mme Cordier répond à partir d'une enquête concernant des lycées en série ES : du fait que ces élèves ont majoritairement Snapchat et Discover, Mme Cordier en déduit que les jeunes lisent la presse. Et tant pis si 1) ces jeunes sont des lycéens généraux 2) "avoir" Discover (un service Snapchat) ne signifie pas consulter Discover 3) Discover donne accès à une presse qui ne relève pas de l'actualité du monde à proprement parler (on y trouve aussi bien "Cosmopolitan", "Vogue", "MTV" ou "Vice" que "Le Monde" ou "L'Express") 4) Le contenu est adapté aux réseaux sociaux (des "micro-contenus" : photos époustouflantes avec texte, vidéos courtes au format vertical). A nouveau, l'absence de connaissance précise des usages, réduits comme d'habitude à leur potentialité ("avoir Discover", empêche en réalité de penser le temps d'écran : combien d'élèves consultent vraiment cette application et qu'ils lisent-ils vraiment (s'il s'agit bien de lire), à quelle fréquence ? M. de la Porte ("ils lisent de la la presse mais ils disent ne pas lire la presse parce que les adultes ne savent pas ce que c'est que Discover") et Mme Cordier s'émerveillent de cette fonctionnalité de Snapchat sans détailler sa spécificité, "même si c'est un peu bizarre" reconnaît M. de la Porte : son format (ultra-courts, voire non écrits : "quick, fast, simple" est le slogan de Discover), le modèle publicitaire qui est attaché et surtout l'absence de liens vers les médias de presse en eux-mêmes.On peut ajouter que les contenus promus relèvent surtout de tabloïds sur des influenceurs ou d'appâts à clics (clickbait). "Pour eux ce n'est pas lire la presse" dit Mme Cordier : de fait, les élèves ont bien conscience que ce n'est pas la même chose... "mais ils ont une familiarité avec la pratique de lecture de presse, en réalité".
Les réseaux sociaux relèvent donc de l'usage intelligent des écrans. M. de la Porte s'interroge ensuite sur les jeux vidéo, peu productifs "du point de vue cognitif" (pas de "transfert de compétences" dans la vraie vie). Le relativisme vient de la comparaison avec d'autres pratiques jugées également non productives, comme le théâtre : Mme Cordier, qui pense qu'aller sur les réseaux sociaux est une pratique enrichissante, semble ignorer tout ce que la pratique du théâtre peut apporter à des élèves par exemple...
Mme Cordier - non sans contredire quelque peu sa défense précédente de "l'activité" sur écran - fustige ensuite l'utilitarisme qui vise à cherche la productivité dans toute activité. Le jeu gagne, en effet, à être gratuit, mais s'agissant d'enfants, son absence d'enrichissement quand c'est cette "activité" gratuite remplace progressivement toutes les autres, est bien une source d'inquiétude. Mais Mme Cordier de donner un nouvel exemple de relativisme : la lecture de livres n'améliorerait pas le niveau des élèves en orthographe. Donc jouer à un jeu vidéo ou lire des livres, ce serait aussi inutile.
Les statistiques montrent pourtant combien la lecture, outre le plaisir qu'elle apporte (enfin de moins en moins puisque les élèves ont de plus en plus de difficultés à lire), contribue à l'acquisition de bien d'autres vertus scolaires. L'enquête PISA 2018 sur la lecture montre une corrélation très nette entre la lecture de textes de fiction et la performance de lecture, par exemple.
Comme exemple de sociabilité, Zoé qui ne trouve personne dans sa classe pour parler d'anime japonais, sa passion, trouve donc sa sociabilité sur les réseaux, dans une communauté en ligne. Curieux exemple de sociabilité, à vrai dire.
Le "plaisir de flâner, de se détendre, de découvrir sans la pression de l'évaluation" : le plaisir, "condition de l'apprentissage" : c'est même un apprentissage augmenté, au fond ! En réalité, personne ne nie l'existence de ce plaisir : il est même pensé, conçu par l'industrie numérique. Le problème vient des conséquences de ce plaisir occupant toutes les strates de l'existence des enfants et des adolescents. Mme Cordier malgré tout s'inquiète du plaisir de la manipulation de l'objet numérique ("il est très important, on va vérifier qu'il est là, on va souvent aller le rechercher") ou de la fréquentation des plateformes numériques du fait de leur séduction ("un enjeu éducatif"... dont il ne sera guère parlé dans l'émission).
La question est alors posée de la conscience de ces enjeux de dark design. Mme Cordier défend des consommateurs qui ne seraient pas "passifs" mais auraient "une véritable réflexivité", mais teintée d'un certain pragmatisme ("Mec, tu vis dans le monde ou pas") : "Pour eux, le gain plaisir-découverte-lien social est plus important que le risque". M. de la Porte de conclure : "Il y a une réflexivité, il y a un calcul coût/bénéfice". Les enfants et adolescents (on ne distingue jamais les âges dans l'émission) seraient donc non seulement aussi conscients des enjeux de manipulation que les adultes, mais plus lucides et pragmatiques qu'eux...
Anecdote personnelle contradictoire de M. de la Porte (sa fille et les instagrameurs taguant des marques publicitaires sur leurs photos). "Ils font avec, ça ne veut pas dire être résignés" rétorque Mme Cordier : "au contraire même, ils développent des tactiques". L'exemple donné, le multicompte ("ça témoigne d'une réflexivité, d'une capacité à agir"), est hors sujet concernant les données personnelles : il relève de la simple séparation des univers en ligne (familial, amical, scolaire etc.). Au demeurant, de nombreux élèves ne font pas cette séparation. Face à l'objection de M. de la Porte sur les adresses IP, Mme Cordier évoque un système auquel on ne peut échapper et fait le parallèle avec les adultes (en donnant des exemples de mauvais comportements en ligne qu'elle ne donne jamais venant d'enfants ou d'adolescents), dans une curieuse défense de l'écosystème numérique : le problème n'en serait pas un puisqu'il est partagé par les adultes également !
"Pas faux, ça, conclut M. de la Porte : on peut, en effet, s'alarmer des pratiques jeunes mais il faut regarder les pratiques à nous, les adultes". Donc, en toute logique, pas de raison de s'alarmer ! Et de donner l'exemple des mères instagrameuses : "Et c'est ça, le monde dans lequel grandissent ces jeunes à qui on reproche de ne pas être conscients de ce qu'ils font lorsqu'ils postent des photos sur les réseaux.". Le paradoxe est sophistique : ceux qui font les reproches ne sont pas les mères instagrameuses...
Très logiquement ensuite, un exemple de la supériorité des jeunes sur les adultes avec des cas particuliers de jeunes hackers. Encore une fois, quelle est la valeur statistique de ces contre-exemples ? On ne le saura pas. Pour des millions d'utilisateurs d'Instagram, on produira quelques cas d'élèves qui refusent l'écosystème numérique, sans d'ailleurs s'interroger sur la contradiction de défendre cet écosystème commercial comme la normalité, la "vraie vie" et de promouvoir dans le même temps son renversement positif.
Nouvel élément de relativisme ensuite : les usages sont peut-être inquiétants, mais ils évoluent au cours de la vie des jeunes, et ça c'est rassurant : "même si on ne peut ignorer qu'une pratique hyper-intensive peut avoir des conséquences de long terme, par exemple si un enfant à cette occasion se déscolarise, on ne peut pas ignorer non plus que les usages évoluent avec la vie". Curieuse apologie des écrans : les "conséquences à long terme" ne seraient donc pas graves quand elles existent ?
Nouvel élément de relativisme ensuite avec le parallèle avec la justice des mineurs et sa conception du "jeune en construction" qui ne doit pas "être figé dans son identité de délinquant". L'analogie écran/délinquance laisse songeur : elle serait même plutôt aggravante pour les écrans quand on songe à la responsabilité des groupes technologiques dans la mise au point du dark design...
Mme Cordier se dit frappée par le souci de déconnexion ou de maîtrise de la connexion de plus en plus manifesté par les jeunes. Elle donne des exemples (Delphine qui retourne son téléphone sans l'éteindre, Simon qui met le téléphone dans la pièce d'à côté) relevant davantage de l'addiction que de la maîtrise de la connexion. Curieusement, Mme Cordier vante cette "maîtrise du temps" qu'elle trouvait pourtant absurde précédemment. On ne peut pas vanter en même temps l'innocuité des écrans et les réactions salutaires à leur nocivité...
M. de la Porte se félicite de la distance entre le discours de Mme Cordier et le discours scientifique, médiatique, le discours des parents, "des profs" : "et ça, ça interroge" mais pas sur le discours de Mme Cordier !
Quand les enfants ou les adolescents jugent eux-mêmes que leurs activités ne sont au fond pas intéressantes, dit Mme Cordier, ce n'est pas parce qu'ils sont un peu lucides, mais parce qu'ils projettent sur elles le discours méprisant des adultes. Mme Cordier critique notamment les discours de mise en garde tenus par les enseignants en classe sur leurs activités "alors que tout ça, ça ça a du sens pour eux". En supposant que ces activités "aient du sens" (le sens de cette expression reste évasif), est-ce supposer qu'elles ont de l'intérêt ? Ne peut-on imaginer que les enseignants sachent quelles activités pourraient être bénéfiques pour leurs élèves ? Ici, Mme Cordier se positionne explicitement contre la position éducative des enseignants (et des adultes en général qui ne comprennent rien à rien). On a pourtant vu que la dimension éducative en général échappait totalement à son discours de promotion des écrans, récupérée seulement pour souligner des usages pseudo-éducatifs ou très singuliers.
M. de la Porte, fort de son expérience personnelle, doute malgré tout de l'intérêt de TikTok (sans produire aucune réflexion sur ce qu'est TikTok qui pourrait - assez facilement - valider ce manque d'intérêt). Pour Mme Cordier, il ne s'agit pas pour les adultes de s'y intéresser (ce qui validerait le manque d'intérêt...) mais de faire semblant de s'y intéresser, comme on peut faire avec des tout-petits... Nouvel exemple de relativisme avec le club de football ; il faudrait soutenir les enfants dans leurs jeux-vidéo comme on les soutient dans leurs activités sportives, et tant pis si les activités sportives sont bénéfiques pour la santé, la socialisation et le bien-être des enfants, et tant pis si les écrans, en volant du temps, tendent de plus en plus à réduire ces activités sportives (mais la notion de temps d'écran n'a pas de sens, faut-il le rappeler). Dans le monde merveilleux de Mme Cordier, tout se vaut : pratique de théâtre, lecture, activité sportive ou scrollling de Snapchat et pratique du jeu vidéo.
La réticence des adultes s'explique parce qu'ils pensent que c'est un univers étranger "alors que c'est faux" (?). Mme Cordier accuse ensuite les discours scientifiques culpabilisants pour les parents ("qu'ils ont mal, qu'ils savent pas s'y prendre, qu'ils devraient contrôler le temps d'écran, qu'ils démissionnent de façon dramatique parce qu'ils laissent leur enfant avec un écran devant eux : ce sont des discours dévastateurs pour une véritable éducation".
En réalité, c'est une caricature pour empêcher toute débat : les discours sur les écrans sont beaucoup plus positifs : au delà des discours commerciaux sur les vertus des écrans, l'institution scolaire promeut les compétences numériques dès la maternelle et distribue des écrans aux élèves...
Anne Cordier, qui encourage pourtant les pires usages numériques, constate une ségrégation sociale dans les usages du numérique chez les jeunes, avec un nouveau relativisme : "on rejoint les mêmes catégorisations et les mêmes problématiques que face à toutes les pratiques culturelles". Ce pluriel ("les pratiques culturelles" liées aux écrans) est en réalité un sophisme puisqu'elles sont précisément distinctes, et dans leurs usages et dans leurs non usages.
M. de la Porte de conclure avec un nouveau relativisme :
Et désormais toutes ces "pratiques culturelles" enrichissantes (ou pas : l'émission est assez confuse à ce sujet) sont regroupées dans un seul support : le smartphone. Et tant pis si toute une économie, de l'autre côté de l'écran, se développe pour exploiter le plus possibles ces "activités". C'est du pareil au même !Ce qu'ils font avec les écrans, les jeunes l'ont toujours fait mais avec d'autres supports : ils rêvassaient en écoutant de la musique dans leur walkman, ils jouaient des heures aux jeux de rôles tout seuls (?) ou avec des copains, ils socialisaient en glandant mais sous un abri-bus.
M. de la Porte reconnaît l'absence de mobilité avec cette concentration des activités dans le smartphone. La faute non pas aux smartphones et à leurs applications... mais aux parents !
Sur les objections scientifiques sur le développement du cerveau, nouveau relativisme : "Toutes les neurosciences ne pointent pas les dangers des écrans" dit Mme Cordier, sans revenir évidemment sur celles qui le font. "Il y a des études qui..." et Mme Cordier de citer Oliver Houdé, co-auteur de l'Avis de l'académie des sciences en 2013, éhontément favorable aux écrans dès l'âge de six mois (et sans aucun appareil scientifique à l'appui). Grégoire Borst, lui, est cité pour n'avoir pas de recul suffisant pour juger de l'influence positive ou négative des écrans : on a vu plus positif !
Nouveau relativisme de M. de la Porte : pour relativiser les effets constatés sur le développement des enfants, il suffit d'adopter un point de vue holistique qui dépasse ce qu'observe les scientifiques : "l'activité numérique est un acte total, donc difficile à comparer à ce que vit la souris devant un écran, un acte dont certaines conséquences sont observables par les neurosciences, certes, mais dont d'autres échappent sans doute aux neurosciences". Et donc, malgré ce qui ne nous échappe pas et en vertu de ce qui nous échappe, il est urgent de statuer positivement sur les écrans car "le code a changé", pour reprendre le titre même de l'émission de M. de la Porte.
Nouveau relativisme, assez curieux puisqu'il justifie une pratique problématique par une autre pratique problématique (enfin, supposée telle) :
"Oui, sauf que lire est une pratique culturelle légitime et valorisée" surenchérit M. de la Porte, et prenant l'exemple de Balzac interdit de lectures de romans. Lire des romans était mal vu (?), comme aujourd'hui aller sur Snapchat est mal vu. Et M. de la Porte de faire un grave contresens sur Emma Bovary dont le défaut n'était pas de lire des romans, mais de ne savoir pas les lire (pour les avoir lus trop précocement d'ailleurs), en les confondant avec la vraie vie. Toute ressemblance avec le débat actuel est fortuite !Anne Cordier écrit: Oui, de la même manière qu'un enfant qui va lire beaucoup, c'est chouette, il développe un imaginaire, il crée tout un univers etc. mais ça peut être aussi problématique puisqu'un enfant qui lit beaucoup, il peut s'isoler des autres, ne pas sortir, ne pas créer de sociabilité.
Il est pourtant parfaitement possible que toutes les "activités" ne se valent pas, non pas au nom d'une légitimité sociale, mais éducative... Pour le reste, M. de la Porte n'arrive pas à concevoir qu'avec les temps d'écran que nous connaissons, ils ne s'agit pas de hiérarchiser des activités distinctes, mais d'en garder seulement la pluralité !M. de la Porte écrit: Quand certains expliquent que le temps d'écran est toujours du temps volé à d'autres activités, c'est parce qu'ils ont une hiérarchie des valeurs qui fait que certaines activités sont plus légitimes que d'autres.
Le relativisme historique de M. de la Porte (les romans d'amour au XIXe siècle, la télévision pendant la jeunesse, les "écrans d'ordinateurs" (?) aujourd'hui) est en tout point consternant, surtout quand on sait de façon documentée que la télévision, rarement consommée à des niveaux comparables, a justement pu produire des effets très négatifs à haut degré d'exposition (cf l'avis de l'Académie des sciences de 2014) !
"Il ne faut pas attendre de la science, quelle qu'elle soit, qu'elle nous donne la solution définitive". L'émission se conclut avec ce monument de relativisme :
A. C. Ça interroge la question du statut de la connaissance scientifique et de la vérité : il n'y a pas de vérité absolue sur des usages sociaux
- Donc ni celle que c'est bien ni celle que c'est mauvais ?
- A. C. Non parce que la question n'est pas de savoir si c'est bien ou si c'est mauvais, en fait.
"Peut-être que ça va faire une génération extraordinaire", dit Suzie Morgenstern qui, comme bien d'autres, ne veut pas passer pour une réactionnaire. On avait compris d'emblée que ce serait la conclusion (faussement) équilibrée de l'émission.
Que penser, malgré tout, de ce relativisme, de ce refus des apports de la science, de ces partis pris évidents ? Que disent-ils de nous, ou plutôt que dit-il de l'animateur, M. de la Porte, brillant normalien, que disent-ils de sa mauvaise conscience sociale, de sa culpabilité personnelle se transformant en iconoclasme enthousiaste et démagogique ? Un exemple attristant du manque de courage pour défendre une authentique et sociale vision de la culture. Une nouvelle trahison des clercs.
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Voir ici : www.laviemoderne.net/veille/ecrans/9336-...par-les-jeunes#25091« Nous avons été bousculés par ce que nous avons vu », a ainsi fait savoir Amine Benyamina, professeur de psychiatrie et coprésident du comité d’experts, évoquant les « stratégies de captation de l’attention des enfants » et les « biais cognitifs utilisés pour enfermer les enfants sur leurs écrans, les contrôler, les réengager, les monétiser ». « C’est une économie de la captation. Les parents sont quasiment hors jeu, face à un marché qui s’est imposé à la société », ajoute-t-il. « Ce qui nous a heurtés, c’est que les professionnels n’ont pas comme priorité la protection des enfants, abonde Servane Mouton, neurologue, neurophysiologiste et également coprésidente. Derrière les discours de façade, c’est “business à tous les étages”. »
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