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Une journée de formation, c'est intéressant
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20 Sep 2012 22:27 #1397
par Seb
Une journée de formation, c'est intéressant a été créé par Seb
Une journée de formation quand on est enseignant stagiaire, c'est toujours intéressant.
Déjà, quand on arrive en avance, ça permet de voir les copains qui ont passé le concours en même temps que nous : on se raconte nos premières bourdes sans gravités (dire "J'aimerais bien que vous arrêtiez de parler" pour recadrer une classe, on a fait mieux ), nos premières surveillances d'interro ("Alors tu vois, Albert il s'est penché l'air de rien sur la copie d'Henri !" :xx ), nos petits chouchous et les petites terreurs (mais évidemment, "on traite tous les élèves pareil hein !").
Ensuite, la formation commence vraiment : tout le monde rentre dans la salle, s'assoit (chouette, les formateurs ont pas fait de plan de classe, j'ai pu me mettre avec les copains !). Et puis on recommence la même chose qu'avant, sauf qu'à la joyeuse cacophonie plurivocale spontanée extérieure est préféré un exposé 1-to-many circulaire soporifique (pour ceux ayant encore des difficultés en langage hermétique, comprenez : chacun son tour, chacun des 25 enseignants nouvellement nommé a individuellement parlé de ses débuts à tout le monde).
Evidemment, quelques retardataires provoquent une réaction de Jean-Claude, notre bien aimé formateur : "Rappelez vous qu'arrivez à l'heure fait parti de votre évaluation ! Il s'agit de la compétence numéro bidule du Bon Petit Enseignant qui agit de Façon Ethique et Responsable", pendant que Marie, notre bien aimée formatrice, tentait de trouver une solution à comment asseoir tout le monde autour de la table : "... Bon ben jsuis désolée, va falloir vous tasser...". J'eu bien envie de formuler une remarque dans le style "Au fait, et prévoir assez de place et de chaises pour que tout le monde puisse s'asseoir, ça rentre dans quelle compétence ?", mais mon manque cruel de confiance en moi m'empêcha de la voiser.
Le tour de table commence donc, et notre aimable trio de formateurs (si vous suivez, il vous manque un prénom normalement...) tente de réagir tant bien que mal aux situations évoquées. Le plus admirable dans cet exercice étant probablement Jean-Claude, qui ne connaissant pas précisément les situations, avait toujours des solutions à proposer. Deux ont particulièrement retenu mon attention : "Ah bah cet élève, il faut qu'il aille en 4ème TrucMachinChose" ou encore "Dans ce cas, c'est au PP de lancer un CPRE" (rho zut alors, j'allais le dire ! ).
Pour une raison qui s'est perdue dans le dédale des interventions de chacun (oui, vous ne le saviez peut-être pas, le principe d'un tour de table c'est que tout le monde réagi directement à ce qu'il vient de se dire), la discussion vient à porter sur la notion de "puissance". Jean-Claude, excédé par l'exigence démesurée dont fait preuve un stagiaire, explique que «Les élèves en fin de 3ème, tout ce qui m'importe, c'est qu'ils sachent que "3puissance4" ça fait "3x3x3x3" ; la formule "3puissance4 x 3puissance3=3puissance7", ça ne m'intéresse pas beaucoup». Ce qui place déjà la barre très haut. Mais ce n'est pas fini puisque Jeanne (et oui, voilà la troisième formatrice !) rajoute «Et après, pour calculer "3puissance4", il y a la calculette». Car il vrai que demander un tel calcul à des collégiens allant rentrer au lycée, ce serait traumatisant (et puis entre nous, ça sert à rien non ?) ; tellement traumatisant que des élèves de CE2 pourrait l'effectuer ! Rendez-vous compte, on doit au minimum effectuer 2 multiplications pour parvenir au résultat : 3x3x3x3 peut se lire : (3x3)x(3x3), soit encore 9x9, ce qui fait... ah mince, j'ai oublié ma table de 9 à la maison !
Au milieu de cette séance de retour d'expériences, je crois me souvenir de l'intervention d'une inspectrice. Bien que son intervention me sembla sur le moment d'une longueur sans fin, je n'arrive pas à me remémorer une quelconque phrase de sa tirade, tant cette dernière croulait sous le sens commun.
Le repas de midi fut accueilli par tous comme un grand soulagement, teinté d'une pointe d'appréhension : le "tour de table" avait à peine dépassé la moitié de la salle...
L'après midi, rebelote donc, fin du tour de table, heureusement plutôt rapide. A la plus grande joie de tous, Jean-Claude s'improvise conférencier ; son exposé porte sur l'évaluation. En bon professeur moderne, il nous a préparé un diaporama combinant les propriétés rares d'être peu agréable à lire, surchargé en texte et moche. Sa prestation orale nous laisse également pantois : il arrive à rajouter quelques phrases de commentaires après avoir lu le texte écrit sur les diapositives («Moi par exemple à l'université, quand j'ai eu 20 en arithmétique,...», «Moi par exemple je siège parfois au conseil de discipline...», «Moi quand je promène mon chien, ...»).
Dans cet exposé, nous apprenons donc comment bien évaluer les élèves. Alors attention, écoutez bien les enfants : il y a la méthode normative, c'est à dire, mettre des notes. Ça, c'est le MAL (rendez-vous compte, il y a ENCORE des prof qui l'utilisent !). Ensuite, il y a la méthode critériel, c'est à dire définir des "niveaux" de réussite pour chaque compétence (par exemple, pour "tracer un triangle ABC tel que AB=2, AC=5 et BC=4", là où on pourrait croire naïvement qu'on a soit "échoué" soit "réussi", on peut en fait : soit "n'avoir rien fait", "faire un croquis", "faire une figure un peu fausse", "faire une bonne figure" ou encore "faire une figure hyper précise"). Ça, c'est BIEN. Et puis il y a la méthode par compétence, ça aussi, c'est BIEN. Son exposé, dans lequel il s'est aussi attaché à nous faire comprendre qu'un enseignant devait parfois se taire, s'achève au bout d'une heure et demie d'un monologue poignant.
La dernière activité de la journée consiste en la préparation en groupe d'une évaluation... Ça tombe bien, je viens juste de finir avec mon tuteur le prochain contrôle de mes premières, et je n'ai absolument pas assez avancé dans le cours de seconde pour me projeter dans l'évaluation. En plus, je n'arrive pas à travailler dans le bruit de 20 personnes qui discutent. Vient alors à notre table de travail Marie, qui se révèle être une sympathique personne : elle nous donne des conseils utiles, détend l'atmosphère avec des petites blagues, me parle de l'option "Informatique et Sciences du Numérique", critique semi-ouvertement l'exposé de Jean-Claude et échange avec moi sur la façon d'aborder l'algorithmique. Et pour ne rien gâcher, elle utilise LaTeX pour rédiger ses cours !
Voilà donc le seul instant de ma journée de formation m'ayant réellement apporté des idées et un peu de réflexion sur ma pratique : une discussion informelle de 10 minutes après 5 heures et 50 minutes d'inactivité cérébrale.
Bref, une journée de formation à l'Education Nationale, c'est toujours intéressant.
Les prénoms ont bien sûr été modifiés, non sans arrières pensées... Saurez-vous retrouver à quels personnages (fictifs ou réels) ils ont été empruntés ?
Déjà, quand on arrive en avance, ça permet de voir les copains qui ont passé le concours en même temps que nous : on se raconte nos premières bourdes sans gravités (dire "J'aimerais bien que vous arrêtiez de parler" pour recadrer une classe, on a fait mieux ), nos premières surveillances d'interro ("Alors tu vois, Albert il s'est penché l'air de rien sur la copie d'Henri !" :xx ), nos petits chouchous et les petites terreurs (mais évidemment, "on traite tous les élèves pareil hein !").
Ensuite, la formation commence vraiment : tout le monde rentre dans la salle, s'assoit (chouette, les formateurs ont pas fait de plan de classe, j'ai pu me mettre avec les copains !). Et puis on recommence la même chose qu'avant, sauf qu'à la joyeuse cacophonie plurivocale spontanée extérieure est préféré un exposé 1-to-many circulaire soporifique (pour ceux ayant encore des difficultés en langage hermétique, comprenez : chacun son tour, chacun des 25 enseignants nouvellement nommé a individuellement parlé de ses débuts à tout le monde).
Evidemment, quelques retardataires provoquent une réaction de Jean-Claude, notre bien aimé formateur : "Rappelez vous qu'arrivez à l'heure fait parti de votre évaluation ! Il s'agit de la compétence numéro bidule du Bon Petit Enseignant qui agit de Façon Ethique et Responsable", pendant que Marie, notre bien aimée formatrice, tentait de trouver une solution à comment asseoir tout le monde autour de la table : "... Bon ben jsuis désolée, va falloir vous tasser...". J'eu bien envie de formuler une remarque dans le style "Au fait, et prévoir assez de place et de chaises pour que tout le monde puisse s'asseoir, ça rentre dans quelle compétence ?", mais mon manque cruel de confiance en moi m'empêcha de la voiser.
Le tour de table commence donc, et notre aimable trio de formateurs (si vous suivez, il vous manque un prénom normalement...) tente de réagir tant bien que mal aux situations évoquées. Le plus admirable dans cet exercice étant probablement Jean-Claude, qui ne connaissant pas précisément les situations, avait toujours des solutions à proposer. Deux ont particulièrement retenu mon attention : "Ah bah cet élève, il faut qu'il aille en 4ème TrucMachinChose" ou encore "Dans ce cas, c'est au PP de lancer un CPRE" (rho zut alors, j'allais le dire ! ).
Pour une raison qui s'est perdue dans le dédale des interventions de chacun (oui, vous ne le saviez peut-être pas, le principe d'un tour de table c'est que tout le monde réagi directement à ce qu'il vient de se dire), la discussion vient à porter sur la notion de "puissance". Jean-Claude, excédé par l'exigence démesurée dont fait preuve un stagiaire, explique que «Les élèves en fin de 3ème, tout ce qui m'importe, c'est qu'ils sachent que "3puissance4" ça fait "3x3x3x3" ; la formule "3puissance4 x 3puissance3=3puissance7", ça ne m'intéresse pas beaucoup». Ce qui place déjà la barre très haut. Mais ce n'est pas fini puisque Jeanne (et oui, voilà la troisième formatrice !) rajoute «Et après, pour calculer "3puissance4", il y a la calculette». Car il vrai que demander un tel calcul à des collégiens allant rentrer au lycée, ce serait traumatisant (et puis entre nous, ça sert à rien non ?) ; tellement traumatisant que des élèves de CE2 pourrait l'effectuer ! Rendez-vous compte, on doit au minimum effectuer 2 multiplications pour parvenir au résultat : 3x3x3x3 peut se lire : (3x3)x(3x3), soit encore 9x9, ce qui fait... ah mince, j'ai oublié ma table de 9 à la maison !
Au milieu de cette séance de retour d'expériences, je crois me souvenir de l'intervention d'une inspectrice. Bien que son intervention me sembla sur le moment d'une longueur sans fin, je n'arrive pas à me remémorer une quelconque phrase de sa tirade, tant cette dernière croulait sous le sens commun.
Le repas de midi fut accueilli par tous comme un grand soulagement, teinté d'une pointe d'appréhension : le "tour de table" avait à peine dépassé la moitié de la salle...
L'après midi, rebelote donc, fin du tour de table, heureusement plutôt rapide. A la plus grande joie de tous, Jean-Claude s'improvise conférencier ; son exposé porte sur l'évaluation. En bon professeur moderne, il nous a préparé un diaporama combinant les propriétés rares d'être peu agréable à lire, surchargé en texte et moche. Sa prestation orale nous laisse également pantois : il arrive à rajouter quelques phrases de commentaires après avoir lu le texte écrit sur les diapositives («Moi par exemple à l'université, quand j'ai eu 20 en arithmétique,...», «Moi par exemple je siège parfois au conseil de discipline...», «Moi quand je promène mon chien, ...»).
Dans cet exposé, nous apprenons donc comment bien évaluer les élèves. Alors attention, écoutez bien les enfants : il y a la méthode normative, c'est à dire, mettre des notes. Ça, c'est le MAL (rendez-vous compte, il y a ENCORE des prof qui l'utilisent !). Ensuite, il y a la méthode critériel, c'est à dire définir des "niveaux" de réussite pour chaque compétence (par exemple, pour "tracer un triangle ABC tel que AB=2, AC=5 et BC=4", là où on pourrait croire naïvement qu'on a soit "échoué" soit "réussi", on peut en fait : soit "n'avoir rien fait", "faire un croquis", "faire une figure un peu fausse", "faire une bonne figure" ou encore "faire une figure hyper précise"). Ça, c'est BIEN. Et puis il y a la méthode par compétence, ça aussi, c'est BIEN. Son exposé, dans lequel il s'est aussi attaché à nous faire comprendre qu'un enseignant devait parfois se taire, s'achève au bout d'une heure et demie d'un monologue poignant.
La dernière activité de la journée consiste en la préparation en groupe d'une évaluation... Ça tombe bien, je viens juste de finir avec mon tuteur le prochain contrôle de mes premières, et je n'ai absolument pas assez avancé dans le cours de seconde pour me projeter dans l'évaluation. En plus, je n'arrive pas à travailler dans le bruit de 20 personnes qui discutent. Vient alors à notre table de travail Marie, qui se révèle être une sympathique personne : elle nous donne des conseils utiles, détend l'atmosphère avec des petites blagues, me parle de l'option "Informatique et Sciences du Numérique", critique semi-ouvertement l'exposé de Jean-Claude et échange avec moi sur la façon d'aborder l'algorithmique. Et pour ne rien gâcher, elle utilise LaTeX pour rédiger ses cours !
Voilà donc le seul instant de ma journée de formation m'ayant réellement apporté des idées et un peu de réflexion sur ma pratique : une discussion informelle de 10 minutes après 5 heures et 50 minutes d'inactivité cérébrale.
Bref, une journée de formation à l'Education Nationale, c'est toujours intéressant.
Les prénoms ont bien sûr été modifiés, non sans arrières pensées... Saurez-vous retrouver à quels personnages (fictifs ou réels) ils ont été empruntés ?
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- Messages : 18191
20 Sep 2012 23:23 #1399
par Loys
Réponse de Loys sur le sujet Une journée de formation, c'est intéressant
Vivement d'autres journées de formation !
Vous avez tout compris dès le début, Seb : prendre des notes pour laisser ensuite des témoignages historiques de ce que nous vivons. Vous verrez qu'au bout d'un moment, on attend même avec impatience la prochaine réunion dans l'espoir de découvertes plus fabuleuses encore.
Vous avez tout compris dès le début, Seb : prendre des notes pour laisser ensuite des témoignages historiques de ce que nous vivons. Vous verrez qu'au bout d'un moment, on attend même avec impatience la prochaine réunion dans l'espoir de découvertes plus fabuleuses encore.
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- Seb
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- Messages : 16
21 Sep 2012 08:46 #1401
par Seb
Réponse de Seb sur le sujet Une journée de formation, c'est intéressant
Rendez vous la semaine prochaine : au programme, 3heures pour apprendre à se connecter sur une plateforme de formation en ligne... Je sens que ça va être dense... Point positif : j'aurai les copies du DS de 1ère à corriger !
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04 Jan 2013 04:36 #2927
par Gros_Mouton
Réponse de Gros_Mouton sur le sujet Une journée de formation, c'est intéressant
Et encore, t'as de la chance, t'as eu une formation. Ma compagne qui est vacataire depuis le 22 octobre de cette année a été balancé comme ça en moins de 3 jours après l'appelle du rectorat dans un lycée professionnel, sans formation, ni rien. Le directeur de l'établissement lui a gentiment proposé de suivre un professeur pendant 2 jours (soit 6h de cours).
Les rectorats en on vraiment rien à faire d'autant plus qu'elle remplace un professeur atteint d'un cancer qui est absent depuis 1 an et qui n'a pas été remplacé jusque là. On peut pas dire qu'ils étaient pris de court.
Les rectorats en on vraiment rien à faire d'autant plus qu'elle remplace un professeur atteint d'un cancer qui est absent depuis 1 an et qui n'a pas été remplacé jusque là. On peut pas dire qu'ils étaient pris de court.
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04 Jan 2013 09:52 #2931
par Loys
Réponse de Loys sur le sujet Une journée de formation, c'est intéressant
C'est la gestion de la pénurie. N'oublions pas que nous avons l'un des taux d'encadrement les plus médiocres de l'OCDE.
Et à côté de ça on pratique des inspections pointilleuses (et légitimes) auprès des titulaires : il y a vraiment quelque chose qui ne tourne pas rond.
Et à côté de ça on pratique des inspections pointilleuses (et légitimes) auprès des titulaires : il y a vraiment quelque chose qui ne tourne pas rond.
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