Jouer en apprenant, une utopie ?
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17 Sep 2012 15:23 #1321
par Bug Neurone
Jouer en apprenant, une utopie ? a été créé par Bug Neurone
Je me permet d'ouvrir un sujet car je me pose une question sur la psychologie des élèves aujourd'hui... Je lis dans de nombreux articles « les outils numérique sont bien parce qu'ils sont ludiques », « l'élève apprend en s'amusant »...
Alors certes, dans la nature, le jeu est un vecteur d'apprentissage. Les félins apprennent à chasser en jouant, les contes pour enfants sont des vecteurs d'apprentissage ludique... Tout être vivant a besoin de jouer et cela l'aide à apprendre. Cependant, suis-je une extraterrestre pour penser que l'on peut également jouer en apprenant ? Pourquoi vouloir à tout prix insérer de façon excessive le jeu et le ludique dans notre système éducatif au lieu d'attiser la curiosité des élèves et ainsi faire entrer la satisfaction naturellement ? Je sais très bien que les élèves ne sont pas dans les classes avides de connaissances, prêts à poser toutes les questions du monde pour parfaire leur savoir, mais est-ce qu'on n'a pas abandonné un peu vite le travail consistant à les rendre curieux ? Suis-je si extravagante d'avoir aimé jouer avec les ensembles, les équations mathématiques, les formules de chimie ?
Je ne sais pas si ce débat peut aller loin, mais je m'interroge...
Alors certes, dans la nature, le jeu est un vecteur d'apprentissage. Les félins apprennent à chasser en jouant, les contes pour enfants sont des vecteurs d'apprentissage ludique... Tout être vivant a besoin de jouer et cela l'aide à apprendre. Cependant, suis-je une extraterrestre pour penser que l'on peut également jouer en apprenant ? Pourquoi vouloir à tout prix insérer de façon excessive le jeu et le ludique dans notre système éducatif au lieu d'attiser la curiosité des élèves et ainsi faire entrer la satisfaction naturellement ? Je sais très bien que les élèves ne sont pas dans les classes avides de connaissances, prêts à poser toutes les questions du monde pour parfaire leur savoir, mais est-ce qu'on n'a pas abandonné un peu vite le travail consistant à les rendre curieux ? Suis-je si extravagante d'avoir aimé jouer avec les ensembles, les équations mathématiques, les formules de chimie ?
Je ne sais pas si ce débat peut aller loin, mais je m'interroge...
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17 Sep 2012 15:39 #1322
par Loys
Réponse de Loys sur le sujet Jouer en apprenant, une utopie ?
Cette question est infiniment intéressante. Il faudrait réfléchir plus avant.
Pour mémoire rappelons que ludus désigne, dans le monde romain, le jeu, l'amusement mais aussi l'école.
Je dirais rapidement que la notion de "ludique" est entrée dans l'école en suivant celle de "plaisir", inscrite dans les programmes officiels du secondaire depuis les années 1990. Je pourrais vous retrouver la référence.
Traditionnellement le plaisir d'apprendre ne vient pas de l'acte d'apprendre en lui-même, mais de la satisfaction d'avoir appris, et donc de savoir. C'est donc un plaisir qui procède de l'apprentissage. On ne prend pas plaisir à faire des gammes sur un piano, mais on prend plaisir à savoir ensuite jouer du piano. On ne prend pas plaisir à apprendre des verbes irréguliers anglais, mais on prend plaisir à savoir parler anglais.
Or la vie moderne refuse toute satisfaction qui serait différée. Il faut éprouver du plaisir instantanément, dès le commencement de l'apprentissage : et, par glissements successifs, on en est venu à cette idée étonnante que tout apprentissage qui ne procure pas du plaisir dès le début est un mauvais apprentissage et même que tout effort est insupportable dans l'apprentissage. Que l'effort même est au fond l'ennemi de l'apprentissage. Bref l'exact opposé de ce qu'on pensait jusqu'ici.
Le théoriciens utopistes du "ludo-éducatif" (le Ministre lui-même a employé cette expression hier dans son entretien à BFM) pensent pouvoir enseigner en supprimant tout effort. Les enseignants "innovants" insistent ainsi beaucoup sur le plaisir des élèves (à propos duquel je nourris certains doutes par ailleurs, les jeux pédagogiques proposés aux élèves risquant bien de leur sembler pathétiques en regard des jeux commerciaux qu'ils connaissent), rarement sur les résultats de leurs apprentissages, qui doit pourtant être le seul horizon d'attente de l'institution scolaire.
Entendons-nous bien : qu'un cours soit plaisant est toujours préférable, et je m'y essaie en permanence. Et dans les petites classes jusqu'en début de primaire, la notion de plaisir me semble indispensable, peut-être même première.
Mais au delà, un cours, plaisant ou pas, est avant tout un cours. Quels élèves espérons-nous former, qui vivent déjà dans la satisfaction immédiate de leurs désirs chez eux et à qui nous enseignerions à l'école l'idée que la notion de travail et d'effort est insupportable ?
Pour mémoire rappelons que ludus désigne, dans le monde romain, le jeu, l'amusement mais aussi l'école.
Je dirais rapidement que la notion de "ludique" est entrée dans l'école en suivant celle de "plaisir", inscrite dans les programmes officiels du secondaire depuis les années 1990. Je pourrais vous retrouver la référence.
Traditionnellement le plaisir d'apprendre ne vient pas de l'acte d'apprendre en lui-même, mais de la satisfaction d'avoir appris, et donc de savoir. C'est donc un plaisir qui procède de l'apprentissage. On ne prend pas plaisir à faire des gammes sur un piano, mais on prend plaisir à savoir ensuite jouer du piano. On ne prend pas plaisir à apprendre des verbes irréguliers anglais, mais on prend plaisir à savoir parler anglais.
Or la vie moderne refuse toute satisfaction qui serait différée. Il faut éprouver du plaisir instantanément, dès le commencement de l'apprentissage : et, par glissements successifs, on en est venu à cette idée étonnante que tout apprentissage qui ne procure pas du plaisir dès le début est un mauvais apprentissage et même que tout effort est insupportable dans l'apprentissage. Que l'effort même est au fond l'ennemi de l'apprentissage. Bref l'exact opposé de ce qu'on pensait jusqu'ici.
Le théoriciens utopistes du "ludo-éducatif" (le Ministre lui-même a employé cette expression hier dans son entretien à BFM) pensent pouvoir enseigner en supprimant tout effort. Les enseignants "innovants" insistent ainsi beaucoup sur le plaisir des élèves (à propos duquel je nourris certains doutes par ailleurs, les jeux pédagogiques proposés aux élèves risquant bien de leur sembler pathétiques en regard des jeux commerciaux qu'ils connaissent), rarement sur les résultats de leurs apprentissages, qui doit pourtant être le seul horizon d'attente de l'institution scolaire.
Entendons-nous bien : qu'un cours soit plaisant est toujours préférable, et je m'y essaie en permanence. Et dans les petites classes jusqu'en début de primaire, la notion de plaisir me semble indispensable, peut-être même première.
Mais au delà, un cours, plaisant ou pas, est avant tout un cours. Quels élèves espérons-nous former, qui vivent déjà dans la satisfaction immédiate de leurs désirs chez eux et à qui nous enseignerions à l'école l'idée que la notion de travail et d'effort est insupportable ?
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