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"Supprimer les notes et "gamifier" sa classe : success story dans les facs américaines" (VousNousIls)
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Le titre renseigne bien sur l'accumulation de poncifs néo-pédagogistes.Supprimer les notes et "gamifier" sa classe : success story dans les facs américaines
Les "technologies éducatives", ça en jette encore plus que les technopédagogies.Seann Dikkers, professeur assistant en technologies éducatives à l'université de l'Ohio...
La philosophie de cette technologie éducative (suivre ses intérêts personnels) est d'emblée mise en pratique par Seann Dikkers...utilise un système d'évaluation par niveau d'expérience, inspiré par les jeux vidéo.
Voilà qui donne le recul suffisant pour en faire l'apologie dans les médias, effectivement.*Une forme de notation plus motivante pour les élèves.
Depuis combien de temps utilisez-vous un système de points d'expérience au lieu des notes ?
J'utilise officiellement les points d'expérience depuis l'année dernière.
Quelle imagination. Curieux, ce rejet de la notation traditionnelle pour la remplacer par des "tableaux de score"...Le système d'expérience fait partie d'une organisation de classe plus large qui comprend des "niveaux" quand les étudiants acquièrent des compétences, des "combats de boss" pour les défis que je ne les pense pas capables de réussir (souvent sur une base volontaire), et d'autres éléments comme des tableaux de score, des avatars, des "trophées légendaires", une scénarisation des cours...
Une "expérience complète" : on croirait entendre un langage publicitaire. Le but, comme toujours dans les nouvelles pédagogies : augmenter l'implication des élèves. L'implication vaut bien le niveau atteint.L'objectif est de créer une expérience complète qui implique rapidement les élèves, avec une difficulté progressive.
Heureusement qu'il y a des professeurs innovants comme Seann Dikkers pour mettre un terme à tout ça.L'école est un jeu, il est juste mal conçu...
On a hâte de savoir pourquoi !...et le système de notation basé sur l'expérience est une amélioration de son design.
C'est sûr que le jeu, avec des personnages et des avatars, c'est une façon de rendre l'apprentissage réel. Piaget peut se féliciter de voir sa pensée trouver ainsi un second souffleAuparavant, j'ai pratiqué l'évaluation de portfolio et la pédagogie différenciée pendant dix années d'enseignement. Le vocabulaire du jeu est juste une meilleure façon de véhiculer l'idée que l'apprentissage est réel, personnel, et ancré dans une expérience contextualisée (comme le théorise Piaget).
Des "récompenses" comme pour les animaux ? Voilà qui est moderne et qui montre qu'on accorde beaucoup plus de maturité aux étudiants.Points d'expérience, késako ?
Le système de points d'expérience est emprunté aux jeux de rôle : en accomplissant des quêtes ou en utilisant leurs compétences, les personnages des joueurs accumulent ces points en récompense, qui leur permettent d'accumuler des "niveaux" d'expérience une fois certains seuils atteints.
Car la "vie réelle" est comme l'école : un jeu. Il est juste mal conçu.Pourquoi les points d'expérience sont-ils plus motivants que les notes habituelles ?
Les points d'expérience ne sont pas plus motivants que les notes en tant que tels — ce n'est qu'un repère chiffré imaginaire pour évaluer une activité. Mais le système d'expérience dans son ensemble me semble mieux refléter l'activité dans la vie réelle que les notes.
Les "points d'expérience" dans des "quêtes" de "personnages", difficile de faire plus "basé sur la réalité".Pour moi, c'est l'apprentissage basé sur la réalité qui motive, pas les points.
Quelles inepties.La notation traditionnelle repose sur deux hypothèses épistémologiques, la première : que l'apprentissage peut être quantifié, et la seconde : que les étudiants se préoccupent de leur score.
Voilà qui est beaucoup plus clair, effectivement.Ce sont deux hypothèses que je questionne. Dans les humanités, je souhaite que les apprenants accumulent de l'expérience qui leur permettra de se construire un schéma de compréhension efficace du monde.
Quelle découverte !Ma démarche repose sur deux postulats, le premier : que l'apprentissage est quelque chose de particulier à chaque individu et qui repose sur son action...
L'école doit donc s'adapter aux intérêts des élèves et leur épargner la douloureuse rencontre avec ce qu'ils ne connaissent pas....et le second : que les étudiants se préoccupent avant tout de leurs propres vies et intérêts personnels.
Lien logique ?Si l'on considère l'expérience comme force motrice, par opposition à la "note", les étudiants doivent débuter leur apprentissage par un investissement personnel.
Un constructivisme reposant pour l'enseignant, en quelque sorte.Je peux leur proposer des activités et des lectures de base, mais c'est ensuite à eux de s'approprier et d'organiser leur apprentissage.
Bref difficile de faire évaluation plus injuste puisque elle est adaptée à chaque élève.Le nombre de points d'expérience que je délivre n'est jamais comparable d'un étudiant à l'autre, car il repose sur un système de "quêtes" ou projets personnels.
Quelle mise en abîme : non seulement l'étudiant apprend tout seul mais il apprend à enseigner. Ce qui est quelque peu contradictoire...Il peut s'agir de produire une vidéo, faire du développement web, construire un cours, etc. en fonction des compétences qu'ils doivent renforcer.
Bref non seulement les critères d'évaluation varient selon les étudiants, mais ils peuvent varier pour un même étudiant. TOut ceci est d'une rigueur extrême.Les points d'expérience sont fixés avant la réalisation du projet mais réévalués à la fin, car je peux avoir demandé à l'étudiant de refaire ou d'approfondir son travail par exemple.
Bref, moins il réussit, mieux il est noté.Même s'il doit reprendre son travail, il mérite plus de points pour l'expérience que cela lui a apporté.
Alors que les faux apprenants apprennent pour quelqu'un d'autre, surtout au niveau universitaire.Les véritables apprenants vont apprendre pour eux-mêmes...
Il faut donc renoncer à tous les enseignements non "impressionnants" qui ne favorisent pas la valorisation narcissique....et pour le plaisir d'accomplir quelque chose d'impressionnant.
Toutes choses dont on n'a jamais conscience dans l’enseignement traditionnel.Avec le système d'expérience, ils apprennent aussi qu'un travail n'est jamais véritablement terminé, et qu'avec le temps on peut toujours s'améliorer.
Chacun fait-fait-fait ce qui lui plaît-plaît-plaît. Comme dans la "vie réelle", en somme. Heureusement que Seann Dikkers dénonce les travers des enseignants qui imposent d'odieuses contraintes à leurs étudiants.Le rôle de l'enseignant n'est pas de forcer l'accomplissement d'une tâche, mais plutôt d'organiser le savoir et guider les apprenants qui ont tous des objectifs personnels dans leurs vies.
Quelle idée de comparer des "activités similaires", aussi.Les notes, qui requièrent souvent que tous les élèves fassent des activités similaires pour comparer les résultats, ne prennent pas cela en compte.
Ces rétrogrades...A la fin du semestre, vous devez quand même donner une note à chaque élève. Est-ce que ça ne ruine pas tous vos efforts ?
Bonne question ! Oui, je dois toujours donner des notes pour que l'administration soit satisfaite.
Car, comme tout un chacun le sait, la "motivation" est finalement ce qui compte le plus dans un niveau universitaire. Et en plus elle est facile à évaluer.Mais je ne sais pas si ça ruine quoi que ce soit... Les notes institutionnelles peuvent aussi évaluer la motivation...
Drôle de raisonnement. Dans un système "basé sur l'expérience" on peut aussi imaginer que l'élève ne parviennent pas à atteindre le niveau fixé. La "technologie éducative" développée par Seann Dikers est beaucoup plus puissante puisqu'elle permet de réussir même quand on échoue.J'utilise un système de "niveaux". Il vous faut un certain nombre de points pour atteindre le niveau 1, 2, ou 10, qui correspondent chacun à une note. S'il vous manque des points deux semaines avant la fin de l'année, vous n'avez qu'à rendre plus de travaux. Dans les systèmes traditionnels, si vous donnez des mauvaises notes à un étudiant il sera puni des semaines plus tard, à la remise du bulletin. Dans un système basé sur l'expérience, vous lui montrez son niveau et vous lui proposez des "quêtes" additionnelles s'il veut obtenir une meilleure note.
Mais au fait, "proposer (sic) des quêtes additionnelles", n'est-ce pas "forcer à l'accomplissement d'une tâche" ?
Car dans la "vie réelle", tout le monde réussit en prenant du plaisir et sans contrainte.Tout comme dans le monde professionnel, les délais impartis génèrent des pics d'activité. Quand ils gèrent mal leur temps, c'est une véritable leçon de vie.
On comprend mieux la satisfaction des étudiants de Seann Dikkers...Cela dit, je donne presque toujours des "A"(1)...
Car il est "motivant" pour un élève qui travaille trois fois plus d'obtenir la même note : on comprend mieux le "success story" de ce professeur......mais il a fallu ajouter une célébration pour ceux qui se battent pour le meilleur score, en tête des classements : ces élèves-joueurs font souvent le double ou le triple de la charge de travail attendue, et ils en retirent beaucoup également.
Question naïve.S'il n'y a pas de limite au nombre de projets possibles et d'expérience acquise, comment peut-il y avoir une sélection quand tous les étudiants passent haut la main ?
Il fallait le dire tout de suite ! Il s'agit de partir du postulat que tout le monde doit réussir.Est-ce que c'est une mauvaise chose ?
Est-ce qu'on ne veut pas que tous les étudiants réussissent haut la main ? Si mon boulot est d'augmenter l'intérêt, l'engagement, et l'expertise dans un domaine donné, alors un système qui rend tous ces éléments plus faciles à identifier est une bonne chose.
seul hic : comment mesurer l'amélioration de "l'expertise dans un domaine donné" avec une évaluation aussi démagogique que nébuleuse ?
Le constructivisme va jusqu'à faire définir les objectifs du cours par les étudiants.Je débute souvent un cours par l'examen des objectifs de ce cours avec les élèves. Ensemble, nous listons les éléments qui prouveraient sans conteste la maîtrise du sujet.
On l'a bien compris.Au fur et à mesure de l'année, j'accompagne les élèves par des questions : "Est-ce que ce projet montre que tu connais le sujet ?", "Est-ce que tu as commencé à travailler sur ton prochain objectif ?", "Que dois-tu faire pour y parvenir ?", "Peut-être que tu devrais consulter plus de sources avant de faire ton plan ?", ou par des observations affectueuses telles que "C'est nul, c'est du travail bâclé ! Est-ce que c'est le mieux que tu puisses faire ? Comment on peut améliorer ça ?". Dans cette perspective de travail, le support de restitution de connaissances est très flexible.
Parce que le savoir est infini, on doit pourvoir évaluer les connaissances des étudiants n'importe comment.Il n'y a pas de limites, et il ne devrait pas y en avoir. Le savoir est infini, et j'adhère totalement aux systèmes qui reflètent cette idée.
A noter : la modestie et l'humilité personnelle de M. Dikkers.Avez-vous rencontré des obstacles pour mettre en place votre système de classe-jeu ? L'opposition de l'administration, le mépris de collègues traditionalistes, l'incompréhension d'étudiants non-joueurs peut-être ?
Quand vous trouvez des façons de susciter l'enthousiasme des élèves, il y aura toujours quelqu'un pour jouer les rabat-joie...
Par contre innovation et progrès, pas nécessairement.Il faut l'ignorer. Trouvez-vous de meilleurs amis ! Par contre, j'aurais difficilement pu construire des systèmes de classes attractifs sans le soutien de l'administration. Si l'administration veut des améliorations, il est essentiel qu'elle accepte aussi le changement, car changement et innovation vont de pair.
Au bout d'un an de mise en place. Quelle rapidité d'exécution ! Et quelle modestie dans les ambitions : il ne s'agit pas de défendre une pratique personnelle, mais de l'imposer aux autres.Dans mon cas, il y a déjà une communauté bien établie et grandissante d'enseignants qui ont testé le concept de classe-jeu et réalisé son potentiel. Nous ne nous demandons plus si cela marche, mais si cela peut être généralisé.
Tout ceci étant évalué au doigt mouillé.L'apprentissage reposant sur les quêtes ou l'expérience n'est pas juste "un peu" mieux, c'est beaucoup mieux en termes d'engagement, de motivation, de divertissement, et de rigueur... .
On s'en doute....à tel point que c'est dur de trouver des arguments contraires
Et tout le monde sait que les étudiants sont des adolescents attardés.Quant aux étudiants non-joueurs, c'est un mythe ici aux Etats-Unis. Selon une étude PEW, 97% des adolescents jouent à des jeux vidéo au moins une fois par semaine.
En quoi un jeu constitue-t-il un médium ? Entre quoi et quoi ?Les jeux sont le média de prédilection de cette génération — pas la radio, les films ou la télé, mais les jeux.
Il faut aller plus loin : pourquoi contraindre les étudiants à se déplacer d'autant que, selon une étude du LVM Research Center 100% des étudiants ne sont pas allés à l'université avant d'y entrer ?C'est pourquoi il est si facile d'adapter le langage en classe; les élèves savent qu'il faut travailler de plus en plus dur pour surmonter un défi, les enseignants ont juste besoin de mieux leurs présenter les grands défis qui les attendent.
Quels décérébrés ! Heureusement qu'il y a des hardcore gamers pour montrer la voie.Il y a quelques étudiants toutefois qui ne demandent que trois choses : la liste de ce qu'il faut apprendre par coeur, un test, et un certificat pour passer à la liste suivante. Pour moi, ces enfants ont quelque chose qui ne va pas...
Qu'il leur soit pardonné puisqu'ils ont confessé leurs péchés....ils s'imaginent à tort que d'autres personnes sont là pour apprendre à leur place. Mais après un temps d'adaptation, ils finissent par reconnaître la valeur de l'apprentissage authentique que l'expérience encourage, contrairement aux notes.
C'est seulement maintenant qu'on apprend que M. Dikkers est professeur de technologie appliquée. Un domaine universitaire qui repose donc sur l'application et naturellement sur la conduite de projets. M. Dikkers a-t-il conscience que sa merveilleuse "technologie éducative" ne peut pas s'appliquer à toutes les disciplines universitaires ?La notation par points d'expérience semble actuellement restreinte à l'enseignement supérieur, et notamment aux cours de technologie appliquée, comme les vôtres ou ceux de Lee Sheldon.
Non seulement il faut généraliser dans le supérieur mais également dans le secondaire !Pensez-vous qu'il faudrait introduire ce système dans le secondaire ?
Sheldon enseignait la technologie, comme moi, mais j'ai auparavant enseigné l'histoire et la géographie. J'ai pratiqué l'évaluation de portfolio pendant plusieurs années dans le second degré : les niveaux et l'expérience ne sont que des différences sémantiques. Donc, oui, il y a une opportunité à saisir...
Quel dommage !...et les enseignants que je connais qui ont utilisé ces systèmes ne reviendront jamais en arrière. J'en connais beaucoup qui enseignent des disciplines générales à tous les âges et selon les mêmes principes, c'est juste qu'ils n'ont pas encore écrit de livres et que je n'ai pas encore eu le temps de publier leurs histoires.
Il suffit de le dire, après tout.Les données sont connues...
En attendant il y a déjà quelqu'un qui les encense....les histoires sont là, il faut juste que quelqu'un les recense.
Car le mérite est partout : il suffit de savoir le trouver.C'est un modèle d'enseignement et d'apprentissage qui ne convient pas à tout le monde, mais il est amené à être utilisé dans de nombreux domaines et en lien étroit avec les tentatives de "badgification", qui répondent au souhait des éducateurs d'avoir différents moyens de valider et de reconnaître le mérite.
Voilà qui est d'une limpidité cristalline.Souvenez-vous en : ce n'est pas le badge qui importe, c'est le type d'apprentissage que ce badge représente.
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Bref, quand un jeu vidéo essaie de reproduire certains aspects de la réalité, c'est une tentative forcément imparfaite et plus ou moins bridée par d'autres objectifs (la "qualité" générale du jeu, le public visé, le niveau de connaissance des concepteurs, etc...). Et voilà qu'on essaie de faire plier la réalité pour qu'elle ressemble à sa pâle copie ? Pour moi, c'est marcher sur la tête.
On notera, pour finir, que la gamification est critiquée jusque dans le petit monde du jeu vidéo. Voici quelques exemples :
Ian Bogost (blogueur et concepteur de serious games) : "Gamification is Bullshit"
(Pour les anglophobes, une explication de texte se trouve sur RSLN )
Attention : Spoiler !
Gamification is Bullshit
My position statement at the Wharton Gamification Symposium
In his short treatise On Bullshit, the moral philosopher Harry Frankfurt gives us a useful theory of bullshit. We normally think of bullshit as a synonym—albeit a somewhat vulgar one—for lies or deceit. But Frankfurt argues that bullshit has nothing to do with truth.
Rather, bullshit is used to conceal, to impress or to coerce. Unlike liars, bullshitters have no use for the truth. All that matters to them is hiding their ignorance or bringing about their own benefit.
Gamification is bullshit.
I'm not being flip or glib or provocative. I'm speaking philosophically.
More specifically, gamification is marketing bullshit, invented by consultants as a means to capture the wild, coveted beast that is videogames and to domesticate it for use in the grey, hopeless wasteland of big business, where bullshit already reigns anyway.
Bullshitters are many things, but they are not stupid. The rhetorical power of the word "gamification" is enormous, and it does precisely what the bullshitters want: it takes games—a mysterious, magical, powerful medium that has captured the attention of millions of people—and it makes them accessible in the context of contemporary business.
Gamification is reassuring. It gives Vice Presidents and Brand Managers comfort: they're doing everything right, and they can do even better by adding "a games strategy" to their existing products, slathering on "gaminess" like aioli on ciabatta at the consultant's indulgent sales lunch.
Gamification is easy. It offers simple, repeatable approaches in which benefit, honor, and aesthetics are less important than facility. For the consultants and the startups, that means selling the same bullshit in book, workshop, platform, or API form over and over again, at limited incremental cost. It ticks a box. Social media strategy? Check. Games strategy? Check.
The title of this symposium shorthands these points for me: the slogan "For the Win," accompanied by a turgid budgetary arrow and a tumescent rocket, suggesting the inevitable priapism this powerful pill will bring about—a Viagra for engagement dysfunction, engorgement guaranteed for up to one fiscal quarter.
This rhetorical power derives from the "-ification" rather than from the "game". -ification involves simple, repeatable, proven techniques or devices: you can purify, beautify, falsify, terrify, and so forth. -ification is always easy and repeatable, and it's usually bullshit. Just add points.
Game developers and players have critiqued gamification on the grounds that it gets games wrong, mistaking incidental properties like points and levels for primary features like interactions with behavioral complexity. That may be true, but truth doesn't matter for bullshitters. Indeed, the very point of gamification is to make the sale as easy as possible.
I've suggested the term "exploitationware" as a more accurate name for gamification's true purpose, for those of us still interested in truth. Exploitationware captures gamifiers' real intentions: a grifter's game, pursued to capitalize on a cultural moment, through services about which they have questionable expertise, to bring about results meant to last only long enough to pad their bank accounts before the next bullshit trend comes along.
I am not naive and I am not a fool. I realize that gamification is the easy answer for deploying a perversion of games as a mod marketing miracle. I realize that using games earnestly would mean changing the very operation of most businesses. For those whose goal is to clock out at 5pm having matched the strategy and performance of your competitors, I understand that mediocrity's lips are seductive because they are willing. For the rest, those of you who would consider that games can offer something different and greater than an affirmation of existing corporate practices, the business world has another name for you: they call you "leaders."
Yann Leroux : "Les illusions de la gamification"
Attention : Spoiler !
Les illusions de la gamification
La première fois que j’ai entendu Jane McGonigal, c’est sur une vidéo TED. Elle y exposait son slogan : “les jeux vidéo vont sauver le monde”. Sauver le monde ? Vraiment ? Oui, vraiment. Le jeu vidéo permettra de résoudre la famine, la pauvreté, le changement climatique, les conflits internationaux, ou l’obésité. Pour le public de TED, c’est à dire essentiellement des geeks, c’était des paroles douces comme du miel. S’entendre dire que farmer les Terres de feu est une façon de contribuer à une meilleure marche du monde que peut qu’être plaisant.
Mais après le temps de la séduction, il faut bien reprendre ses esprits, et se rendre compte qu’aucun jeu vidéo ne sauvera jamais le monde. Il y a à cela plusieurs raisons : a) d’abord, le jeu est une activité inutile; b) les pratiques engagées dans les jeux vidéo sont égoistes et ne permettent pas de bâtir une société; c)les jeux vidéo sont des porte-idéologies; e) les jeux vidéo sont fait pour être résolus.
Avant de voir ces raisons, examinons la thèse de Jane McGonigal. Les joueurs mettent tant d’énergie, nous dit-elle, tant de créativité, tant d’effort dans les jeux vidéo qu’il est tentant de faire autre chose avec cette énergie. Par exemple, les joueurs de jeux vidéo passeraient 3 milliards d’heures par semaine à jouer tandis que les wikipédiens passeraient 100 millions d’heures à construire l’encyclopédie en ligne. Le parallèle est frappant : imaginez ce que serait Wikipedia si on y passait 30 fois plus de temps ! Le petit peuple des gamers bâtirait une Cathédrale de Tous les Savoirs comme l’humanité n’en aurait jamais vu ! Ce serait une merveille d’intelligence collective !
Le point de vue de Jane McGonigal est exactement celui de l’ingénieur qui observe la beauté des chutes du Niagara et qui rêve d’installer une centrale hydroélectrique. Quelle beauté que ces chutes ! Quelles quantité d’énergie est ce qu’elle pourraient produire ! Sans doute, mais bâtir une centrale sur les chutes du Niagara détruirait à coup sur la beauté du site. De la même manière, canaliser l’énergie libre des joueurs dans autre chose que les jeux vidéo est une manière sûre de la la faire disparaitre.
L’’argument utilitaire laisse penser que les gamers feraient mieux quelque chose de plus utile. Personne ne s’y tourne les pouces. Il y a toujours quelque chose de précis et d’important à faire.” [TED vidéo]. C’est oublier un peu vite qu’il y a quelques tire-au-flanc dans WoW. Les grunts se plaignent souvent du travail qui leur est donné “encore du travail !” et il existe même une quête orque dans laquelle le joueur doit bastonner les paresseux pour leur faire reprendre le travail.
Il y a au cœur de la démarche de Jane McGonigal quelque chose de profondément anti-jeu :“Il n’y a pas de chômage dans World of Warcraft” s’exclame-t-elle et l’on comprend que pour elle le gamer est comme un grunt. Il faut qu’il soit bien dirigé par un “bon” design afin que son énergie ne soit pas perdue par le communauté. Ce qui avait commencé comme une amusante métaphore se dévoile comme une utopie et l’on voit apparaitre de peu plaisantes idéologies totalitaires.
Le jeu est une activité inutile
Rappel : le jeu est une activité inutile et sans conséquences.
Si les gamers passent autant de temps dans les jeux vidéo, s’ils refont une dizaine de fois une instance jusqu’à pouvoir la faire les yeux fermés, s’il perdent tant de combats avant, enfin, de parvenir à maitriser Chun-Li ou King, c’est d’abord parce qu’il s’agit d’un jeu. Fondamentalement, gagner ou perdre n’a pas d’importance dans un jeu. Ce qui importe, c’est jouer. Certes, perdre n’est pas agréable, mais combien échangeraient une heure de bon travail contre une heure de jeu, même si c’est une heure passé à perdre ?
Comme jeu, le jeu vidéo est une activité dont on a décidé par avance que les conséquences sont minimes pour les joueurs. Jouer à être aux commandes d’un F-14 Tomcat et larguer des bombes sur un objectif en criant “Bombs away” est sans conséquences. Etre aux commandes d’un drone qui affichera à peu près le même écran est tout à fait autre chose. Dans le premier cas, un “rejouer la mission” viendra à bout de toutes les difficultés. Dans le second, la vie d’alliés, d’ennemis et celle du pilote sont profondément engagés.
Jane McGonigal part d’une définition du jeu donnée par Suits : le jeu est une tentative volontaire de venir à bout d’obstacles non nécessaires. Le mouvement des pièces sur un échiquier, le nombre de points de vie d’un boss sont des choses non nécessaires. Elles peuvent être changées en quelques lignes de code ou on peut décider faire autre chose.
Par exemple, les positions dans une entreprise ne sont pas des “obstacles non nécessaires”. Les relations hiérarchiques des individus, la situation financière de l’entreprise dépendent de son histoire, de l’histoire sociale du pays lequel elle est implantée, et, du fait de la mondialisation, de l’état du monde.
Dans le monde du non-jeu, on ne peut pas décider de changer de jeu. La société ne se hacke pas. Elle n’est pas constituée d’une succession de 0 et de 1. Lorsque l’on hacke un jeu, on passe dans un ailleurs (le code) et l’on y introduit quelques modifications qui ont un effet sur ce qui est affiché dans le jeu. Dans la société, il n’y a pas de hors-jeu. Il n’y a pas de point hors réalité. Chaque individu, chaque société est pleinement dans le jeu social et ne peut en sortir.
Pourquoi jouons nous ? Pour jouer ! Pour penser à autre chose ! Pour éviter de penser 5 minutes dans quelles conditions critiques est ce que notre monde se trouve du point de vue des ressources naturelles et de l’état de ses sociétés ! Nous ne jouons pas pour sauver le monde, mais pour nous reposer suffisamment pour pouvoir ensuite être capable de nous attacher au dur travail quotidien qui nous attend. On peut le dire d’une autre façon : pour vivre dans le monde, nous avons besoin de vivre en dehors du monde. Vivre uniquement dans le monde, c’est être intoxiqué par la réalité !
Les pratiques sociales des gamers ne font pas société
Les jeux vidéo sont des espaces dans lesquels l’égoïsme est payant. Tout le monde veut faire des instances pour faire progresser son personnage et les groupes sont homogènes. On prend très rarement le temps d’attendre les trainards ou d’expliquer ce qu’il faut faire. Chacun fait son travail, et s’il ne le fait pas et que cela pèse au groupe, il est exclu. Nos sociétés fonctionnent sur un tout autre mode. Le préhistorien Yves Coppens a une très jolie phrase : l’humanité commence lorsqu’un groupe d’hominidés s’est arrêté pour attendre ses trainards. Sur ce simple critère, nous sommes loin d’avoir une conduite très humaine dans les MMORPG.
Les société construites par les gamers sont relativement pauvres. Elles sont de deux types. Elle peuvent être extrêmement organisées. Elles fonctionnent alors sur le modèle du phalanstère ou du commando. Chaque individu est assigné à une place et la perte de liberté qu’il endure est compensé par les récompenses qu’il obtient ingame : haut faits, boss tombés, objets rares etc.
D’autres sociétés laissent plus de liberté aux joueurs. Chacun est libre d’aller et venir et progresse à son rythme. La grande liberté se paye alors de peu de succès ingame ou d’une progression plus lente.
Si l’on devait transposer ces sociétés hors ligne, le régime politique serait soit le totalitarisme soit l’anarchie. Tous les autres systèmes politiques (le parlementarisme, le présidentialisme, le fédéralisme…) disparaitraient. On voit à cette réduction à quelle appauvrissement est-ce que la gamification des individus et des sociétés nous conduirait
Les jeux vidéo sont des porte-idéologie.
Les jeux vidéo ne sont pas des médias libres d’idéologies. Ils ne sont pas des points de vue neutre sur le monde. Jouer a Mario ou a CoD c’est endosser un moments des points de vue sur la masculinité, la féminité, et la violence. Par exemple, la figure de l’arabe dans les jeux vidéo est une figure essentiellement menaçante et ces caractéristiques se sont accentuées avec l’attentat du 11 septembre 2001 aux USA. L’idéologie ne transparait pas uniquement dans les contenus. Elle est profondément enracinée dans les mécaniques du jeu. WoW peut ainsi être compris comme une machine idéologique qui pousse a accepter le modèle économique libéral sans le critiquer : faites quêtes quotidiennes et vous aurez du stuff épique !
Comment les jeux vidéo si en phase avec les idéologies du moment pourraient porter ne serait-ce qu’un début de révolution ? Plutot qu’une révolution, est ce que les jeux vidéo et surtout le mouvement de gamification ne sont pas plutôt des avatars du néolibéralisme qui voudrait nous faire croire que tout peut être fun et oublier que derrière chaque checkin sur Foursquare ou like sur Facebook, celui qui gagne de l’argent n’est pas celui qui clique ?
Les jeux vidéo sont faits pour être résolus
Les jeux vidéos sont construits pour pouvoir être résolus. A chaque fois qu’un joueur commence un jeu, il est confronté à des problèmes à résoudre : que dois-je faire ? que puis-je faire ? comment puis-je le faire ? ou sont mes alliés ? mes adversaires ? La réussite est toujours à l’horizon des compétences du joueur. Il sait qu’il réussira. Il suffit d’y passer suffisamment de temps.Les taches confiées aux joueurs sont à leur portée. Le sentiment de réussite vient du fait que soudain cet horizon s’enrichit de perspectives nouvelles.
La réalité sociale est toute autre Lorsque vous vous appelez Jean Moulin, Gandhi, ou Nelson Mandela vous ne savez pas si vous allez réussir. Dans la réalité sociale, les réussites épiques se produisent parce que quelqu’un a pensé l’impensable. . Dans les jeux vidéo, elles se produisent parce que quelqu’un a réussi le prévisible. Parce la réussite est incluse dans le dispositif, il n’est pas possible d’y faire apparaitre de nouvelles réalités.
Comme gamer, cela m’attriste de voir à quel point les jeux vidéo se prêtent admirablement aux retournements de la gamification. Comme psychologue, je ne peux soutenir la mise en place de pratiques, qui lorsqu’elles sortent de l’univers du jeu, s’apparentent trop au conditionnement. Comme citoyen, je préfère que l’on invente d’autres modes d’être ensemble que ceux qui ont contribué à nous mettre dans la (mauvaise) situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui
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- Loys
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Hors de toute considération sur les jeux vidéos, ce qui apparaît surtout dans cette interview, c'est la confusion habituelle entre choses qui n'ont rien à voir. L'absence de sélectivité par exemple - que ce soit une bonne ou une mauvaise chose - n'a pas grand chose à voir avec les jeux vidéos.
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