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"L’école dont vous êtes le héros" (Courrier International)
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Même chose pour moi. Il faut que j'arrive à trouver plusieurs heures pour commenter en long et en large cet article. L'aspect laborieux et désespérant de cette tâche peut néanmoins être compensé par la jubilation à en démonter les ressorts.
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- Loys
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Il faudra que j'essaie de m'en souvenir. Certains élèves risquent malheureusement d'être quelque peu déçus au sortir de l'école.La vie est un jeu
Provocation puérile de ce titre qui emprunte aux mauvais "livres dont vous êtes le héros", en vogue dans les années 80 : comme si pour lire il fallait être un héros. Par "héros" il faut évidemment entendre "acteur", ce qui sous-entend que dans l'école, malgré ses efforts, son travail, son écoute, sa participation, l'élève n'est pas acteur. Mais le terme "héros" ajoute - consciemment ou pas - une nuance, celle de la glorification héroïque de l'enfant, toujours unique et exceptionnel. Avec cette contradiction que tous les élèves sont donc des héros.L’école dont vous êtes le héros
Attendons donc de voir ce que l'élève fait d'exceptionnel ici...
Des activités assez techniques, pourrait-on croire, et sans doute intéressantes. Mais quel rapport avec le reste de l'éducation ?Créer des jeux vidéo, gérer un réseau social ou monter des podcasts, tels sont les cours donnés aux élèves de Quest to Learn, un collège new-yorkais considéré comme précurseur par certains spécialistes de l’éducation.
Avec quel horaire ?Un matin de l’hiver dernier à New York, à l’intérieur d’une école publique tout ce qu’il y a de plus classique, dans une salle ordinaire, Al Doyle, professeur de collège, donne un cours un peu différent des cours habituels. A 54 ans, cet enseignant est un vétéran de l’éducation, avec trente-deux années passées à faire cours un peu partout dans Manhattan, où il enseignait à l’origine le graphisme et l’infographie. Dans cette école, baptisée Quest to Learn [Soif d’apprendre], il donne un cours, Sports for the Mind [Sports pour l’esprit], que tous les élèves suivent trois fois par semaine.
S'agissant des sciences de l'éducation, il y a une règle universelle : plus un intitulé est ronflant et vague, plus le contenu est creux et vide.Sur le site Internet de l’établissement, il est décrit dans un jargon fleuri comme “un espace privilégié de pratique, ouvert aux nouvelles connaissances médiatiques, qui sont multimodales et multiculturelles, fonctionnant dans des contextes particuliers selon des objectifs particuliers”.
C'est tout de suite moins valorisant.En réalité, il s’agit d’un cours de technologie et de conception de jeux vidéo.
La leçon du jour porte sur le mouvement de l’ennemi...
"turbulents" ? Dans leur "espace privilégié de pratique" ?... en l’occurrence une ignoble troupe de robots hérissés de piquants errant dans un jeu vidéo. Les étudiants – une vingtaine de collégiens turbulents – doivent observer les déplacements des robots, puis tracer tous les schémas qu’ils repèrent sur du papier millimétré.
En fait c'est l'école où le professeur est le héros. Voilà une façon de faire cours assez plaisante...Plus tard, ils créeront leurs propres jeux en travaillant sur des ordinateurs portables. Doyle est assis à un bureau au centre de la salle et tape frénétiquement sur le clavier d’un MacBook connecté à un tableau blanc interactif fixé au mur, donnant aux élèves assis sur le sol face à lui une excellente vue de son écran. Doyle dispose de soixante secondes pour faire sortir une petite bulle – un avatar chancelant habillé d’une cape bleue et d’un casque assorti – d’un labyrinthe en deux dimensions sans rencontrer les robots qui se multiplient. Pour gagner, il devra engloutir un certain nombre de points de récompense jaunes, façon Pacman. “A droite ! A droite ! A droite !” crient les élèves. Quelques-uns sont à genoux et tapent sur des claviers invisibles devant eux.
“Combien de temps il me reste ?”
“Treize secondes !”
Doyle sourit. “J’ai tout mon temps.”
“Droit au but ! Droit au but ! Al, cours droit au but !”
Et tandis que le compte à rebours arrive à sa fin et que les élèves hurlent, le petit personnage bleu de Doyle dépasse un dernier angle, laisse passer un robot se rue vers la sortie du labyrinthe alors qu’il lui reste moins de deux secondes. Un chalut enthousiaste soulève alors la salle. Des acclamations se font entendre. Des poings se lèvent. Plusieurs prennent des notes sur leurs feuilles. Doyle se laisse aller contre sa chaise.
Évidemment, pas un seul instant l'article n'envisage d'expliquer précisément ce qu'ils auraient appris. Mais peu importe, on l'aura compris : la seule chose qui compte ici, c'est la façon d'enseigner, présentée comme innovante et forcément dérangeante. La forme prime sur le fond.A-t-il enseigné quelque chose ? Ont-ils appris quelque chose ? Cela dépend vraiment de la manière dont on envisage l’enseignement et l’apprentissage.
Ils l'ont déjà fait en grande partie et le résultat n'est pas beau à voir. Encore un journaliste qui ne connaît pas vraiment le sujet de l'éducation mais va malgré tout délivrer des brevets de bonne éducation, la bonne éducation étant forcément moderne et supérieur. Le lexique axiologique en témoigne ("les vestiges de leur passé").Que se passerait-il si les enseignants abandonnaient les vestiges de leur passé pédagogique ?
Quel rapport entre un jeu vidéo et le "haut débit" ? La journaliste a visiblement une notion très vague de ce dont elle parle... Pour elle la "connexion permanente qui alimente notre monde" (a contrario sans connexion on n'est pas "alimenté") se concrétise par un jeu vidéo.Si le haut débit et cette connexion permanente qui alimentent notre monde devenaient la base, le fondement même de l’apprentissage de nos enfants ?
Rien ne prouve que les élève rêvent d'une école jeu-vidéo, à part dans l'esprit de notre journaliste. Tout tend même à montrer que le le jeu vidéo n'est captivant que parce qu'il n'est précisément pas l'école.Et si, au lieu d’envisager l’école comme nous l’avons toujours fait, nous la voyions comme nos enfants la rêvent, comme un grand jeu vidéo captivant ?
Susceptible de faire un bon papier dans un journal. Un cours traditionnel brillant intéressera beaucoup moins les journalistes, ravis de voir - paradoxe de la modernité - un professeur jouer comme un enfant devant d'autres enfants.C’est une proposition radicale.
Mais où tout ne se télécharge pas à égalité : on voit rarement les jeunes se ruer sur les derniers eBooks publiés, sauf peut-être des bandes-dessinées.Mais à une époque où tout ou presque se télécharge et se remixe...
...où les enfants sont souvent plus doués que les adultes autour d’eux dans le domaine du numérique...
Le degré de connaissance de son sujet par notre journaliste atteint ici le point zéro. Non seulement elle ne connaît pas l'éducation ou le numérique, mais elle n'en connaît pas la réalité des usages.
Intéresser et instruire sont deux choses distinctes. Ce n'est pas nécessairement parce qu'on intéresse qu'on instruit et réciproquement....il n’est peut-être pas si fou de penser que les écoles puissent essayer de changer nos certitudes sur la manière d’intéresser et d’instruire ces enfants.
Comme c'est intéressant. Et bien sûr Katie Sälen est une professionnelle de l'enseignement.Si Quest to Learn est unique, ce n’est pas tant parce que l’école est remplie d’ordinateurs ni même parce qu’elle se présente expressément comme un foyer pour “les enfants de l’ère numérique”, mais plutôt parce que l’idée est venue de Katie Sälen, une créatrice professionnelle de jeux vidéo.
Toujours ce même raisonnement de l'adéquation de l'école au reste du monde. Les écrans ayant envahi l'environnement des élèves en dehors de l'école (sans qu'aucune réflexion ne soit conduite à ce sujet), il est nécessaire qu'ils envahissent le monde de l'école. Mais d'une part l'école appartient pleinement au monde et d'autre part elle n'a précisément pas à ressembler au reste du monde puisqu'elle contribue à confronter les élèves à l'altérité sous toutes ses formes (la collectivité, la culture, l'exigence et l'effort, les règles de vie etc.).Comme de nombreuses personnes qui s’intéressent à l’éducation, elle a passé beaucoup de temps à se demander s’il existait un moyen de rendre l’enseignement à la fois plus pertinent pour les élèves et mieux adapté au monde au-delà de l’école.
Comme beaucoup d'autres choses qui néanmoins n'ont pas leur place à l'école.Et selon elle, la réponse se trouve dans les jeux.
Quest to Learn s’articule plus particulièrement autour de l’idée selon laquelle les jeux vidéo font partie intégrante de la vie des enfants d’aujourd’hui...
Affirmation gratuite. On en attend toujours la démonstration, pour l'instant et au vu du cours raconté plus haut on peut même éprouver quelques doutes. Notons que l'expression "exploration intellectuelle" est bien vague mais fleure bon le constructivisme tout ce qu'il y a de plus traditionnel....et que, à mesure que leur vitesse et leur potentiel se développent, ils constituent des outils de plus en plus puissants pour l’exploration intellectuelle.
On en tirera profit quand on aura fini de les "étudier", non ? Encore un bel exemple de numérisme : la certitude acquise que les usages numériques constituent nécessairement un progrès.Katie Sälen, professeur de design et de technologie à Parsons the New School for Design, dirige également un organisme de recherche, Institute of Play, qui étudie les liens entre le jeu et l’apprentissage.
Des personnes très intéressantes et très intéressées.En collaborant avec Robert Torres, spécialiste de l’apprentissage, ainsi qu’avec une petite équipe de concepteurs de jeux et de programmes éducatifs...
Katie Sälen pourrait aussi travailler avec de vrais professionnels de l'enseignement.
On étudie, on recherche, on explore, on expérimente... Et dans la presse on s'extasie....Sälen a passé deux années à préparer Quest to Learn, avec le concours de l’association de réforme de l’éducation New Visions for Public Schools. Son travail est financé par une bourse de recherche accordée par la fondation MacArthur, qui a investi 50 millions de dollars [35,6 millions d’euros] dans des initiatives menées dans tous les Etats-Unis et destinées à explorer les possibilités offertes par les outils numériques dans l’enseignement.
Noter que le numérique n'offre que des "outils" avec plein de "possibilités". Jamais n'est évoquée l'idée que les objets numériques puissent être - dans la réalité des pratiques - une source de problèmes ou de difficultés scolaires pour les élèves.
Aucune considération sociologique dans cet article.Des cours interdisciplinaires
Quest to Learn entame désormais sa deuxième année, avec environ 145 élèves répartis en deux niveaux [équivalents de la 6e et de la 5e], tous admis par tirage au sort dans le district.
Quelle générosité désintéressée !L’établissement fonctionne avec un budget d’école publique, mais reçoit également des aides supplémentaires, notamment de la part de la fondation MacArthur et de la fondation Bill and Melinda Gates.
Comme la vie, quoi.C’est donc une expérience éducative bien financée et attentivement surveillée. Sälen et Torres sont à l’avant-garde d’un petit groupe de plus en plus influent de spécialistes de l’éducation qui estiment que l’école pourrait et devrait être plus participative, plus captivante, mais aussi plus amusante, bref ressembler davantage à un jeu.
En réalité il existe de nombreux jeux qui ne sont pas particulièrement "participatifs" ou "amusants" mais exigent au contraire la plus grande rigueur intellectuelle, de l'isolement et de la concentration. C'est donc à un type de jeu à la fois limité et caricatural que se réfère cette "expérience éducative".
On a pu le constater.De fait, une fois que les concepteurs de jeux y ont travaillé, un cours ne ressemble plus du tout à un cours.
Rires.Il devient une quête.
Ah ! le lyrisme du mauvais journaliste...
Comme d'habitude les nouvelles technologies réactivent les bonnes vieilles nouvelles pédagogies. Le salut viendra de l'interdisciplinarité et c'est en superposant les maths et l'anglais artificiellement qu'on créera de l'intérêt pour l'un et l'autre.Même si les élèves de l’école sont soumis aux exigences habituelles de l’étude des bases de l’algèbre, de la physique élémentaire, des anciennes civilisations et de l’écriture, ils y travaillent dans le cadre de cours interdisciplinaires avec des intitulés comme Codeworlds [Mondes codés] – un mélange de maths et d’anglais –, où les quêtes requièrent des aptitudes liées à différents domaines.
Voilà qui est bien vague mais ronflant : "établir un budget", "concevoir des projets architecturaux"... Il faudrait détailler exactement quel part de conception par exemple est celle de l'élève et quelle est celle des outils mis à sa disposition.Les élèves ont, par exemple, été invités à établir un budget et à proposer des concepts commerciaux pour Creepytown, une communauté virtuelle, ou encore à concevoir des projets architecturaux pour un village peuplé de petites créatures maladroites appelées les Troggles.
Des activités d'une complexité ébouriffante !Certains aspects du programme de l’école sont familiers – lecture obligatoire tous les soirs, séries hebdomadaires de lecture-compréhension, quantité de travaux avec papier et crayons – tandis que d’autres sont loin de l’être. Les élèves de Quest to Learn enregistrent des podcasts, filment et montent des vidéos, jouent aux jeux vidéo, écrivent des blogs prolifiques et reçoivent, à l’occasion, des messages vidéo d’extraterrestres.
De vrais programmateurs, donc.Ils passent également un temps considérable à créer leurs propres jeux. Ils conçoivent parfois des jeux de société avec des cartons, des feutres et un volume inimaginable de ruban adhésif mais, le plus souvent, ils inventent des jeux sur ordinateur.
On est dans la pédagogie de projet. Dans cette conception supposée intelligente, les enseignement ne sont conçus que comme périphériques et utilitaires.La théorie de Sälen est la suivante : concevoir un jeu – même le type de jeux simples que peut concevoir un enfant de 11 ans – équivaut à construire un minimonde, un système dynamique gouverné par une série de règles, plein de défis, d’obstacles et d’objectifs. La conception de jeux, dans ce qu’elle a de meilleur, peut être un exercice interdisciplinaire faisant appel à de multiples aptitudes, comme les mathématiques, la rédaction, l’art, la programmation informatique, le raisonnement déductif et la pensée critique.
Étrange raisonnement, reposant sur un hypothétique "il est possible" et sur une analogie très nébuleuse entre des jeux vidéos et des "systèmes" dont on se demande bien de quoi il s'agit.Si les enfants sont capables de concevoir et de comprendre des jeux qui fonctionnent, il est possible qu’un jour ils comprennent et conçoivent des systèmes qui fonctionnent.
Qui ne "fonctionnent" pas toujours, malheureusement...Et le monde regorge de systèmes compliqués.
Mais non : la vie est un jeu !
Ah... Il y a donc des "prophètes" en matière d'éducation ?Sälen a 43 ans, des cheveux roux, un sens de l’organisation à toute épreuve et des vêtements excentriques. Peu de gens verraient en elle un prophète en matière d’éducation.
Voilà qui suffit à lui donner une crédibilité pédagogique incontestable.Mais les élèves de Quest to Learn l’adorent.
Et ça, ça mérite le respect, plus que la rigueur d'un professeur dans l'analyse logique de la phrase par exemple.Contrairement à la plupart des représentants de l’autorité qu’ils connaissent, elle fait des merveilles avec Guitar Hero [un jeu musical] on l’a même vue jouer sur sa console Nintendo DSi dans le métro.
A la vérité le jeu "Guitar hero" résume asse bien l'illusion de compétences numériques qui est à l’œuvre dans cette école. Les élèves de sixième "conçoivent des projets architecturaux" et sont des "héros" comme Katie Sälen joue de la guitare électrique : de manière factice, techniquement assistée et simplifiée et surtout platement mimétique.
Certes.Dans l’esprit de Sälen, un jeu n’est rien d’autre qu’une “expérience conçue”, dans laquelle un participant est incité à parvenir à un but en évoluant dans un système imposé, avec ses limites et ses règles.
Pourquoi y changer quoi que ce soit, alors ?En ce sens, l’école elle-même n’est qu’une gigantesque expérience conçue.
Et où on gagne à tous les coups, comme dans les jeux vidéos.Elle peut donc être regardée comme le plus grand jeu, le jeu le plus important, auxquels les enfants auront à jouer.
C'est vrai que le travail de certains enseignants et des élèves y semble quelque peu virtuels.A cette fin, Quest to Learn emploie trois concepteurs de jeux, à plein-temps, qui aident les onze enseignants de l’école. Sälen a donc tendance à parler de l’école moins comme “école” que comme un “espace d’apprentissage”, un “espace de découverte” ou parfois un “espace de virtualités”.
Confusion sur ce qu'est la technologie : c'est le numérique unifie les différentes technologies qui ne sont pas - elles - nécessairement numériques. La technologie numérique dépend elle-même d'une technologie qui n'est pas numérique : l'électricité.Elle et ses collègues sont pénétrés de l’idée selon laquelle la technologie influence l’apprentissage de la même manière qu’elle a influencé presque tous les aspects de notre vie : elle fait tomber les murs entre les différents espaces.
On pourrait même jouer à des jeux vidéos ou faire classe dans les toilettes.Quiconque a déjà lu ses mails aux toilettes peut en prendre conscience, ce qui ne se passait auparavant que dans un espace dédié se produit désormais presque partout.
Trêve de plaisanterie : qu'est-ce que cela peut bien changer ? On pouvait très bien lire son courrier aux toilettes auparavant. La seule évolution concerne la facilité, la profusion et l'immédiateté, lesquelles constituent pour les élèves une source de confusion.
Vision naïvement numériste : le web n'est pas un réservoir, mais un capharnaüm. Et les élèves y puisent spontanément des choses bien différentes que des connaissances.C’est ce qui a révolutionné le design, la communication, la plupart des lieux de travail et particulièrement la vie des enfants, qui se plongent quotidiennement dans de vastes réseaux sociaux et dans des réservoirs d’informations en dehors de l’école.
Pour la raison simple qu'elles n'apportent finalement pas grand chose à l'acte d'apprendre et même qu'elle peuvent s'y opposer.Pourtant, de manière générale, les nouvelles technologies ont à peine atteint l’éducation publique.
Eh oui fondamentalement l'école ne ressemble à rien d'autre. C'est ce qui fait sa singularité.Sälen trouve que la structure traditionnelle de l’école est “bizarre”.
Parce qu'un apprentissage exige un effort de cohérence et de structuration dans un domaine donné : ce n'est pas un saupoudrage d'enseignements disparates, sans cohérence et sans lisibilité.“Vous allez en cours de maths, c’est le seul lieu où il y a des maths, et vous êtes censé apprendre les maths uniquement dans ce seul lieu, s’étonne-t-elle.
Et notamment le raisonnement mathématique !Mais le fait est que les enfants apprennent beaucoup de choses intéressantes en dehors de l’école.
Pourquoi l'apporter puisque les élèves apprennent tout seuls ?Nous sommes conscients de ce point, nous essayons donc d’apporter ici ce savoir dans leur apprentissage.”
Première nouvelle. Les résultats des États-Unis à PISA n'ont guère progressé en dix ans.Bien que les dépenses de technologie pour l’éducation publique obligatoire aient augmenté régulièrement au cours des vingt dernières années, les performances des élèves – telles qu’elles sont mesurées par les tests – se sont améliorées beaucoup plus rapidement.
Toutes ces tâches n'exigent pas de compétences très complexes puisque les objets numériques mis à disposition des élèves sont conçus pour être le plus ergonomiques possibles. Pour le dire autrement ce ne sont pas les élèves qui s'adaptent aux technologies mais les technologies qui s'adaptent aux élèves. Pour s'en convaincre il suffirait de confronter les élèves à des outils numériques d'il y a une dizaines d'années...Dans le même temps, les enfants font montre de capacités d’adaptation exceptionnelles lorsqu’ils utilisent ces outils en dehors de l’école. Ils créent des vidéos sur Youtube, dirigent des avatars à travers des scénarios de jeux complexes, mixent de la musique, développent des réseaux sociaux…
Si ce n'est pas honteux !...tout cela pour arriver à l’école et trouver les téléphones portables interdits, l’accès à Internet limité et les ordinateurs à l’écart de la salle de classe.
Et le fait que les élèves ne portent pas de signes religieux dans les écoles, c'est aussi une "incohérence " ? Comme si la séparation de l'école avec le dehors n'avait pas de sens et était "bizarre".Michael H. Levine, qui dirige le Joan Ganz Cooney Center [ONG américaine qui promeut l’éducation des enfants à l’aide des médias numériques], souligne cette incohérence.
Sans rire ?Même s’il existe des raisons valables de limiter la navigation sur Internet à l’école...
Et comment vivons-nous nous-mêmes, les générations antérieures ?... il considère que ce n’est pas ainsi que les élèves vont apprendre à vivre au XXIe siècle.
On franchitn un degré supplémentaire : l'enseignement n'est plus périphérique, il est purement et simplement supprimé. Ce qui est pertinent, ce sont les jeux vidéos et Internet. Le reste...Cela pourrait même créer un problème plus important, celui de la pertinence de l’enseignement.
Et si l'on développait un peu dans cet article quel regard critique on peut porter sur ces "outils" conçus pour atteindre des objectifs commerciaux et non pédagogiques, voire non conçus : Internet, dans son développement imprévisible, n'obéit à aucune finalité précise, et par conséquent à aucune rationalisation, si ce n'est en partie commerciale.D’après Levine, il faudrait cesser de porter un regard aussi critique sur la manière dont les enfants utilisent ces outils et commencer à réfléchir sur le meilleur moyen d’exploiter cette énergie afin de les aider à progresser sur le plan scolaire.
Sans que cela ait été pensé par personne. On réfléchit à faire entrer ces objets dans l'école sans même savoir quelle incidence ils ont sur le développement des enfants. Tout va bien.“Les enfants sont littéralement imprégnés des outils numériques, qui sont présents partout dans leurs vies, à l’exception de leur environnement d’apprentissage”, remarque-t-il.
Toujours proposer aux élèves ce qu'ils connaissent déjà.Pour lui, une approche fondée sur les jeux comme celle de Quest to Learn est prometteuse, en partie parce qu’elle se fonde sur quelque chose que les enfants aiment déjà.
Sans rire. Évidemment, le "défi" est uniquement financier.Mais il est prudent et pense tout de même qu’il faudra relever de “grands défis” avant que l’idée ne soit adoptée dans toutes les écoles du pays.
Une priorité pour l'école, les consoles PlayStation. Effectivement les fonds risquent de manquer surtout que ce matériel devient très vite obsolète : la PlayStation n'est plus produite industriellement depuis 2006.Il est évident que toutes n’auront pas les fonds nécessaires pour se procurer des tableaux interactifs, des ordinateurs portables et des consoles PlayStation.
Ces "outils" n'étant pas utiles pour atteindre les objectifs de l'école, il faut non seulement s'équiper de ces outils mais adapter l'enseignement à ces "outils" en changeant les programmes et les évaluations ! Bref c'est l'"outil" qui devient l'objectif.Il faudra aussi résoudre le problème de la formation des enseignants, de la mise au point des programmes, de la détermination des méthodes d’évaluation, et décider dans quelle mesure l’importance accordée à la pensée systémique et aux facultés de conception utilisées dans l’apprentissage par les jeux s’adapte aux normes habituelles.
Évidemment parler de "pensée systématique" ou de "faculté de conception" rend la chose beaucoup plus attrayante.
Il y en a pourtant. Il est symptomatique que rhétorique démissionnaire des technopédagogues acte l'entrée du numérique dans l'école comme une capitulation de la pensée. L'entrée du numérique dans l'environnement extérieur des enfants est déjà présenté lui-même comme une sorte de fatalité impossible à réguler et qui doit ensuite devenir un modèle pour inspirer l'école...Et il faudra encore convaincre les parents. “Cela va probablement prendre un certain temps, admet Levine. Mais je ne vois pas d’autre choix possible.
Et pourquoi les élèves sont-ils moins impliqués ?Ma vision, c’est que nous n’arriverons jamais à des performances éducatives satisfaisantes si nous ne faisons rien pour améliorer l’implication des élèves.”
Des broutilles que ces vulgaires questions matérielles.L’intensité d’une start-up
En observant les élèves et les enseignants à Quest to Learn, j’ai souvent été frappée par la situation financière enviable de l’école, avec ses concepteurs de jeux, ses spécialistes des programmes et son technicien à plein-temps qui pousse des chariots entiers d’ordinateurs portables dans les couloirs. L’école fonctionne avec l’intensité d’une start-up sous pression.
Sur quel élément de l'enquête s'appuie précisément cette affirmation ?Il est clair que l’équipe ne compte pas ses heures.
Principe de réalité, quand même.Pourtant, même si Quest to Learn est un “espace de possibilités” – une sorte de laboratoire pour l’avenir de l’enseignement –, on comprend bien que ces possibilités semblent hors d’atteinte pour un éducateur qui travaille dans une école plus classique, manquant de moyens et en sous-effectif.
"L'intérêt grandissant des fondations d'entreprises" : en toute philanthropie, bien sûr.Néanmoins, grâce à l’intérêt grandissant du gouvernement fédéral et des fondations d’entreprises pour l’innovation, il pourrait être envisageable de mettre en place l’enseignement par les jeux, même modestement, dans davantage d’écoles.
C'est effectivement sage.Mais pas avant que son efficacité n’ait été avérée.
Compte tenu de la débauche de moyens c'est un résultat très encourageant, en effet.D’après Elisa Aragon, la directrice exécutive de l’école, les élèves de Quest to Learn qui ont passé les tests standardisés requis au niveau fédéral au printemps dernier ont obtenu des résultats en moyenne identiques à ceux des autres enfants du district.
Changer l'évaluation pour améliorer les résultats : quelle bonne idée !Valerie Shute, spécialiste de l’évaluation dans le département des systèmes éducatifs d’apprentissage et de psychologie à l’université d’Etat de Floride, travaille sur un projet financé par la fondation MacArthur pour développer et tester de nouvelles méthodes d’évaluation adaptées à Quest to Learn, afin d’observer les progrès dans des domaines comme la pensée systémique, le travail en équipe et la gestion du temps.
Eh oui car les jeux vidéos dans lesquels on suit le mouvement de robots hérissés de piquants pendant une heure font appelle à des "processus mentaux d'ordre plus élevé".Le gouvernement fédéral finance également une révision des tests standardisés, qui entreraient en vigueur pour l’année scolaire 2014-2015 et mettraient davantage l’accent sur les processus mentaux “d’ordre plus élevé” et les capacités à résoudre les problèmes.
Une paille.Actuellement, la technologie la plus innovante de Quest to Learn est installée dans le coin d’une salle de classe et ressemble à un décor de théâtre avec beaucoup de câbles. C’est le Smallab (“laboratoire d’apprentissage en situation par l’art multimédia”), système aujourd’hui utilisé dans une poignée d’établissements et de musées aux Etats-Unis. Créé par une équipe dirigée par David Birchfield, artiste des médias de l’université d’Etat de l’Arizona, c’est un environnement d’apprentissage en 3D ou, pour parler comme les designers, un “espace hybride entre réel et virtuel”. Coût d’acquisition pour l’école : 18 000 dollars.
Présenté ainsi, on en saisit tout de suite l'intérêt.Une idée qui fait des adeptes
Lors des sessions Smallab, les élèves tiennent des baguettes et des globes ressemblant à des spoutniks dont les mouvements sont enregistrés par 12 caméras montées sur des échafaudages et qui ont un effet immédiat sur l’espace de jeu. Celui-ci est délimité sur le sol par un ordinateur via un projecteur installé au plafond. Les élèves peuvent ainsi apprendre la chimie en poussant d’énormes molécules dans cet espace virtuel. Ils peuvent étudier la géologie en construisant et en déplaçant des couches sédimentaires numériques ou des fossiles sur le sol de la classe.
Le contraire nous aurait étonné, venant de l'inventeur du concept.Quoique récent, le concept de Smallab est déjà prometteur en ce qui concerne l’amélioration de l’apprentissage. Birchfield et ses collègues expliquent qu’une étude à petite échelle de 2009 a démontré que les enfants de 14-15 ans en difficulté en sciences naturelles obtenaient des notes significativement plus élevées quand ils avaient également travaillé sur Smallab.
Mais suffisamment pour y consacrer 18.000 dollars.Comme souvent avec les jeux, les éléments cognitifs à l’œuvre ne sont pas entièrement connus...
Le virtuel, c'est concret !...mais intéressent beaucoup un nombre croissant de spécialistes de l’apprentissage. Les élèves ont-ils appris davantage en mêlant réel et virtuel parce que le procédé était plus concret qu’un cours classique...
On note au passage qu'il est admis que les "élèves apprennent davantage". L'inconnu, c'est qu'on ne sait pas pourquoi.
Dans ce dernier cas, l'effet risque malheureusement d'être de brève durée....ou qu’une expérience de laboratoire ? Parce que c’était plus convivial ou plus visuel ? Ou simplement parce que c’était nouveau et plus amusant pour eux ?
Vive "Call of duty" en classe, un jeu interdit à des enfants de moins de quinze ans ou plus dans certaines de ses versions récentes !Des spécialistes du cerveau ont découvert que le fait de jouer à des jeux de tir subjectif comme Call of Duty semble bien avoir des effets bénéfiques sur le plan neurologique, comme l’amélioration de la vision périphérique et la capacité à se concentrer. Il a également été démontré que ce type de jeux améliore ce que l’on appelle l’intelligence visuospatiale – la capacité à faire tourner un objet dans sa tête par exemple –, qui s’avère être un élément cognitif de base pour la compréhension des concepts de la science et de l’ingénierie.
C'est encore "sujet à controverse" mais par contre l'effet est "si puissant sur nous" et les jeux de tirs sont "essentiels à la formation des futurs chercheurs et ingénieurs".Il n’est cependant guère surprenant que les personnes travaillant dans le domaine des jeux et de l’apprentissage n’aient jamais eu l’idée de suggérer que les jeux de tir étaient essentiels à la formation des futurs chercheurs et ingénieurs. La question plus large du “transfert” est encore sujette à controverse : une aptitude développée par le jeu peut-elle réellement aboutir à l’amélioration d’aptitudes dans d’autres domaines ? Nous commençons à peine à démêler les mécanismes grâce auxquels les jeux vidéo peuvent avoir un effet si puissant sur nous.
On ne notera aucune mention d'éventuels problèmes posés par les jeux vidéos : c'est un article très neutre.
Faire progresser les élèves est un objectif en soi.Et, parmi ces mécanismes, certains sont plus susceptibles que d’autres de faire progresser les objectifs éducatifs nationaux.
De "problèmes" d'une complexité relative et qu'il est possible de résoudre par essai-erreur. On est loin d'un "effet si puissant" sur l'intellect.Lorsqu’il s’agit d’attirer et de retenir l’attention des enfants, les concepteurs de jeux vidéo semblent être dans le vrai. James Paul Gee, professeur qui étudie l’alphabétisation à l’université d’Etat de l’Arizona, s’est mis à s’intéresser aux jeux vidéo quand son fils a commencé à y jouer il y a quelques années. Il a depuis écrit plusieurs livres déterminants sur le potentiel des jeux vidéo à favoriser l’apprentissage. “Un jeu n’est rien d’autre qu’une série de problèmes à résoudre”, affirme Gee.
Dans un univers totalement standardisé...Sa conception pousse souvent les joueurs à explorer, à prendre des risques, à jouer un rôle et à élaborer des stratégies – en d’autres termes, à utiliser le contenu informatif du jeu.
En éducation, c'est important de "suivre l'air du temps".Gee répète depuis des années que notre définition de l’alphabétisation doit être élargie pour suivre l’air du temps.
Et en plus un livre n'améliore même pas "l'intelligence visuospatiale" (sic) !Là où un livre apporte des connaissances, un bon jeu peut non seulement fournir des connaissances, mais aussi une expérience pour résoudre des problèmes à l’aide de ces connaissances.
Avec "Call of Duty" et ses scènes de brutalité, c'est gagné !Doucement, cette idée fait des adeptes, parfois inattendus. Sandra Day O’Connor, ancienne juge de la Cour suprême, aujourd’hui retraitée, a récemment lancé un site Internet baptisé iCivics qui propose une série de jeux interactifs conçus pour animer et remettre au goût du jour l’art perdu de l’instruction civique.
C'est vrai que le sang est une "couleur vive".E. O. Wilson, biologiste de l’évolution renommé à Harvard, apprécie les jeux vidéo pour leur aptitude à immerger et à défier les joueurs dans des univers virtuels aux couleurs vives.
Les prophètes se bousculent au portillon, décidément.“Je pense que les jeux vidéo sont l’avenir de l’éducation”, a-t-il déclaré l’année dernière, lors d’un entretien avec le concepteur de jeux Will Wright [créateur surtout célèbre à l’échelle mondiale pour sa série de ludiciels Les Sims, il est également auteur de Spore, un jeu fondé sur le principe de l’évolution du vivant].
Et la boucle est bouclée !Dans un discours prononcé en 2009, à la veille de l’ouverture du sommet du G20, Eric Schmidt, directeur général de Google, a fait part de son approbation tacite, suggérant que le fait de jouer à des jeux vidéo, et plus particulièrement aux jeux multijoueurs en ligne, encourageait la collaboration, et que cette collaboration encourageait à son tour l’innovation – ce qui en fait un bon entraînement pour une carrière dans la technologie.
Comme c'est étonnant : après celle de Microsoft, l'école numérifiée recevrait donc l'onction de Google ?
A bien y réfléchir j'ai du mal à comprendre comment jouer à des jeux vidéos standardisés et uniformisés peut bien encourager à l'innovation.
Bon, je cesse de compter les prophètes.“A l’avenir, tout ce qui est en ligne ressemblera à un jeu multijoueur, affirme Schmidt. Si j’avais 15 ans, c’est ce que je ferais en ce moment même.”
Chouette !Plus besoin d’apprendre
Des aptitudes obsolètes et dépassées, comme savoir lire et analyser un texte par exemple.On en revient donc au débat sur ce que sont les “aptitudes du XXIe siècle”.
Comment les écoles peuvent-elles parvenir à enseigner les nouvelles technologies sans oublier les médias plus anciens ?
Ah... parce que maintenant il faut "enseigner les nouvelles technologies" ?
Mais quand on a inventé l'électricité, on ne l'a pas enseignée, pourtant. Une technologie est conçue pour être utilisée, pas enseignée.
C'est vrai que les enseignement traditionnels ne sont en aucun cas des "sports for mind".Un après-midi, à Quest for Learn, je me suis assise avec Al Doyle dans un bureau vide. Doyle n’a donné le cours Sports for Mind que pendant quelques mois, mais cette expérience l’a conduit à penser différemment l’enseignement que devrait proposer l’école.
On peut toujours leur demander où sont stockés les fichiers de "GarageBand".Ses élèves étaient alors en train de concevoir des jeux sur ordinateur en 3D et finissaient à peine une unité sur les podcasts. “Il y a dix ans, il aurait fallu une semaine pour que les enfants comprennent la différence entre ‘enregistrer’ et ‘enregistrer sous’. Aujourd’hui, je leur montre GarageBand – un séquenceur audionumérique produit par Apple – et, cinq minutes plus tard, ils enregistrent et mixent des sons.”
Un bon exemple de conception sans le moindre commencement de début d'initiation à la programmation, donc. Un utilisateur de "GarageBand" est un concepteur !
Pour une raison simple : les objets numériques ne demandent par définition aucune habileté, et c'est bien là leur perversité.Doyle est arrivé à la même conclusion que d’autres avant lui : quelle que soit l’habileté de ses étudiants dans le monde numérique, elle ne leur a pas été enseignée, du moins pas par les adultes.
On l'avait constaté.C’est peut-être là qu’est la révolution. Comme Doyle s’en est aperçu, son rôle évolue : il n’enseigne plus...
Du constructivisme pur jus....il facilite, il construit sur des bases qui ont été acquises hors de l’école.
Pour les savoir ?Il évoque toute cette énergie gaspillée à apprendre des choses dont les élèves n’ont plus vraiment besoin aujourd’hui. Pourquoi retenir les noms des 50 Etats américains et de leurs capitales ?
A quoi bon, à l’ère de Google et des ordinateurs de poche, retenir quoi que ce soit ?
Parce qu'on ne sait que ce qu'on a appris. A ce sujet lire notre article : "Je google donc je sais" .
Qui sait écrire sait utiliser un clavier. La réciproque n'est pas vraie.“Ecrire à la main ? C’est une aptitude du XXe siècle”, assène Doyle. Réalisant que ses propos semblent très radicaux, il les nuance : les enfants doivent apprendre à écrire, mais savoir utiliser un clavier est bien plus important [voir p. 56].
Sans doute mais s'il est "aussi valable", pourquoi devrait-il remplacer un exercice n'exigeant aucun matériel technologique ?Il en revient aux podcasts, expliquant que, l’élève devant écrire, relire, préparer et enregistrer son podcast, “c’est un exercice aussi valable que d’écrire une rédaction”.
Aucun véritable intellectuel dans cette liste très hype, c'est dire l'ambition pour l'école du futur.Du labyrinthe à l’architecture
“Nous avons le sentiment de préparer ces enfants à être des producteurs de médias – qu’ils deviennent graphistes, ingénieurs vidéo, journalistes, éditeurs, responsables de la communication, blogueurs, ou autre chose.
C'est vrai que les générations pré-numériques n'ont pas su produire "graphistes, ingénieurs vidéo, journalistes, éditeurs, responsables de la communication, blogueurs" etc.L’objectif, c’est qu’ils soient à l’aise pour s’exprimer avec n’importe quel outil, que ce soit la vidéo, l’audio, les podcasts, l’écriture, la parole ou les animations.
Un rock 'n' roll bien commercialisé.La conception de jeux vidéo est une plate-forme sur laquelle nous pouvons les attirer parce que c’est le monde dans lequel ils vivent. Les jeux vidéo comptent plus pour eux que les films, la télévision classique ou le journalisme. C’est leur média. Les jeux sont le rock’n’ roll de cette génération.”
Ah ? Il ne faudrait pas non plus faire preuve d'autorité pour travailler dans des conditions sereines.Dès qu’on passe du temps dans un collège – même dans un établissement très innovant comme Quest to Learn –, une évidence apparaît immédiatement : avoir 11 ans est un art éternel. Il y a peu de choses que l’on aime faire calmement à cet âge.
Une école de la modernité qui donne envie. Mais ce sont des créatifs, vous comprenez. Le "vacarme", c'est l'expression de leur génie et de leur créativité. A ce sujet relire "L'acculture en Serres" .Un matin, au début de son cours, un Doyle passablement énervé essaie de se faire entendre au milieu du vacarme...
"grotte", "architecture antique", "labyrinthe" ?“Je ne voudrais vraiment pas vous déranger en vous demandant de vous asseoir sur vos chaises.” Dans le bref silence qui suit, il annonce que chaque élève devra concevoir un jeu qui se déroule soit dans un labyrinthe, soit dans une pyramide, soit dans une grotte, en lien avec son travail sur l’architecture antique.
Comme ça tombe bien !Pour cela, ils utiliseront Gamestar Mechanic, une plate-forme de création de jeux en ligne qui a été développée par Katie Sälen et son équipe, et qui devrait bientôt être commercialisée.
Bref de la conception de jeux entièrement automatisée. Un peu comme si on formait à la cuisine en utilisant des plats préparés à réchauffer au micro-onde : une vraie façon de devenir créatif, en effet.
Voilà...La plate-forme permet à ses utilisateurs d’apprendre à concevoir un jeu sans avoir besoin de connaître un langage de programmation.
Les possibilités laissées à la créativité semblent en effet infinies.“L’apprentissage par l’échec”
Assis face à leurs ordinateurs, les enfants commencent à créer leurs jeux à partir d’une page blanche. Ils créent les limites, les chemins et les obstacles en faisant glisser et en déposant de petits cubes à partir du menu. Ils optent pour un petit personnage animé comme protagoniste du jeu.
Quelle complexité !Ils choisissent les ennemis et définissent les schémas selon lesquels ils vont parcourir l’écran. Ils écrivent le texte qui présente le jeu et celui qui apparaîtra quand un joueur atteindra un nouveau niveau.
Non, non, il ne semble pas simple.Ils ajoutent une série de récompenses et de handicaps. Si le jeu leur semble trop facile, ils le compliquent. S’il leur semble trop difficile, ils le simplifient. C’est un exercice qui paraît simple, mais le défi est évident.
Un exercice qui doit être enthousiasmant.Ce soir, en guise de devoirs, ils devront jouer aux jeux des autres et rédiger des critiques constructives.
Dans la classe, presque tous les élèves ont le même objectif suprême : créer un jeu difficile qu’on a du mal à réussir mais qu’on a encore plus de mal à quitter. Lorsque l’on commence à le déchiffrer, le langage des joueurs est celui des battants.
Voilà en effet des compétences relevant d'une intelligence complexe.Les personnes qui jouent aux jeux vidéo parlent avec enthousiasme de “passer au niveau supérieur” et visent toujours le coup parfait.
Bien sûr. Il faut faire la même chose avec des équations : au lieu d'apprendre bêtement à les résoudre, il faut procéder par essais-erreurs. C'est très constructif et en même temps beaucoup plus efficace.Le simple fait de finir un jeu, même supposé simple, peut prendre quinze heures ou plus, et implique presque toujours des échecs – beaucoup d’échecs. C’est un concept que Will Wright a baptisé “l’apprentissage par l’échec”, au cours duquel l’échec est court, surmontable, souvent motivant et donc pas décourageant. Un jeu bien conçu n’est, par essence, qu’une succession de retours d’expérience sur le court terme, fournissant fréquemment de petites évaluations. Ce qui, au final, est peut-être plus acceptable et plus instructif pour quelqu’un qui essaie d’apprendre.
L'échec est ludique parce que ce n'est pas un vrai échec puisque - ne nécessitant pas de préparation ou d'investissement particulier - il est sans conséquence et que la tentative suivante offre toujours la possibilité de l'effacer. Mais malheureusement ce processus ressemble assez peu à la vraie vie. Et ce sont les mêmes qui affirment qu'il faudrait que l'école ressemble au monde du dehors de l'école...D’après Ntiedo Etuk, directeur général de Tabula Digita, qui conçoit des jeux sur ordinateur aujourd’hui utilisés dans près de 1 200 écoles dans tout le pays, les enfants qui s’obstinent à jouer à un jeu appliquent un idéal éducatif précieux. “Ils jouent cinq minutes et perdent, explique-t-il. Ils jouent dix minutes de plus et perdent à nouveau. Ils y retournent et essaient une centaine de fois. Ils échoueront jusqu’à ce qu’ils gagnent. L’échec dans un environnement scolaire est déprimant. L’échec dans un environnement ludique est plaisant. C’est extrêmement stimulant.”
"hypnotiques" sonne mieux qu'addictifs.Au printemps dernier, je me trouvais dans une salle de classe du Urban Assembly Institute of Math and Science for Young Women, collège public de Brooklyn réservé aux filles, en compagnie de Jann Plass, professeur de communication et de technologie éducatives à l’université de New York, qui menait là des recherches avec quelques étudiants de troisième cycle. Plass travaille au Games for Learning Institute, organisme dirigé par Ken Perlin, professeur d’informatique à l’université de New York, qui se consacre à la recherche des particularités qui rendent les jeux si hypnotiques et efficaces pour l’apprentissage.
Il faut donc renoncer à comprendre et penser par soi-même : quel progrès pour l'Humanité !Nous regardions des jeunes filles âgées de 11 à 14 ans jouer à un jeu de maths relativement simple sur des ordinateurs. Elles jouaient par deux et résolvaient des équations pour marquer des points. Pendant tout ce temps, les caméras intégrées aux ordinateurs filmaient leurs conversations et leurs visages tandis qu’un logiciel suivait leurs mouvements dans le jeu. Plass et son équipe de recherche espéraient découvrir – grâce à ces données collectées dans 12 établissements de New York – si les enfants apprenaient mieux en jouant seul ou à plusieurs. Deux jeunes filles parlaient et montraient l’écran. “Elles passent du temps à discuter pour savoir comment résoudre le problème, dit Plass à voix basse. Il est possible qu’elles en résolvent moins de cette manière. Mais la question pour nous est de savoir si la conversation les aide à apprendre ou si elles progresseraient davantage en pratiquant plus.
Et au fait : quel est le résultat de l'expérience ?
Un question surtout très confuse...Le discours permet-il un meilleur traitement de l’information ?” Une telle question est évidemment aussi vieille que Socrate et absolument pas limitée à l’apprentissage par les jeux.
Mais il n'est jamais trop tôt pour en parler dans un journal !Mais dans la mesure où les jeux vidéo conçus par Plass et son équipe permettent d’enregistrer et d’étudier la prise de décision des élèves seconde par seconde, ils proposent ce qui semble être une possibilité unique de scruter le processus cognitif. Plass explique que ce qu’ils étudient, c’est le fondement scientifique de la concentration – un phénomène physiologique connu sous le nom d’“expérience optimale”.
Ces travaux n’en sont, pour la plupart, qu’à leurs balbutiements.
Mince... Bref transmettre par les jeux vidéos, c'est traiter le cerveau de manière primitive. Radieuse perspective.Certes, les neurologues ont lié le fait de jouer aux jeux vidéo à la production de dopamine, puissant neurotransmetteur essentiel au mécanisme cérébral de récompense et dont on pense qu’il favorise la motivation et la mémorisation (ainsi que les comportements addictifs, malheureusement).
"Call of duty" ne donne pas suffisamment satisfaction ?Tous ces éléments pourraient permettre de déterminer quel type de jeu utiliser, à quel moment et comment pour améliorer l’apprentissage des enfants.
Tout un programme.Imaginer le futur
Un jour, l’hiver dernier, je regardais les élèves de Quest to Learn jouer avec un outil technologique un peu différent – le réseau social en ligne de l’école. Récemment conçu par Sälen et son équipe, il est ouvert aux élèves, à l’équipe enseignante et aux parents. Le réseau, baptisé Being Me [Etre moi]...
sachant que Facebook est interdit aux moins de treize ans.... ressemble à un Facebook pour débutants.
Dans les semaines à venir, essentiellement dans les cours de bien-être de l’école...
Nul doute que quand ils auront appris à "commenter intelligemment", ils conserveront cette magnifique compétence très civique tout au long de leur vie. C'est beau, cet apprentissage précoce et à l'école de l'exposition narcissique sur les réseaux sociaux....les élèves apprendront à marquer des photos, à mettre à jour leur statut, à reconnaître le travail des autres, à commenter intelligemment les billets postés sur les blogs et à naviguer dans les eaux troubles de l’amitié virtuelle.
Parce que permettre d'afficher leurs activités témoigne d'un intérêt particulier de l'école pour ces activités ?C’est là un autre effort de l’école pour s’intéresser aux activités...
...que les enfants pratiquent déjà à l’extérieur et les aider à les mener de manière plus réfléchie et plus volontaire...
...à reconnaître à la fois leur rôle et leur influence au sein d’un système plus large.
Pour des 6e et des 5e ?J’observe Akahr, un enfant aux cheveux longs, en train de compléter son profil sur Being Me et de réfléchir un moment à la première mise à jour de son profil. Le réseau est conçu pour que chaque mise à jour commence par les mots “Actuellement, je…”, après quoi les élèves peuvent choisir parmi une série de verbes et de compléments dans des menus déroulants.
Voilà une façon de rédiger de façon spontanée et créative qui n'est pas sans rappeler le jeu sur "AirGuitar"...
Le lyrisme du mauvais journaliste, quoique peu inventif, a cette vertu de renouveler sans cesse le sens du ridicule.Akahr clique sur le menu et réfléchit à ses choix. Dans la classe, certains disent observer des œufs, d’autres concevoir une sauce au soja, “lire des paillettes” ou chercher Paris. Est-ce de l’apprentissage ou de l’amusement ? Est-ce sérieux ou non ? Ou est-il possible que, d’une certaine manière, ce soit les deux à la fois ? Mot à mot, Akahr fait son choix : “Actuellement je… m’imagine… l’avenir.”
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