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La réforme de l'évaluation
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Dans le "Café pédagogique" du 24/11/22 : "Cnesco : Sus aux notes !"
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Les « notes du bonheur », vous connaissez ? On a retrouvé cette expression dans quelques articles récents qui constataient que les notes données au bac (en contrôle continu ou même en examen terminal) n’étaient pas prises au sérieux par les établissements du supérieur pour ParcourSup, au prétexte qu’elles ne refléteraient pas le niveau « réel » des élèves.On retrouve là une réactivation de la très vieille polémique sur le niveau et sur la notation ainsi que sur les accusations de manipulation des notes. Y a-t-il une « surnotation » ? Existe-t-il des notes objectives ? À quoi servent les notes ? Et est-ce qu’évaluer et noter c’est la même chose ? Autant de questions sources d’inépuisables polémiques, ce qui donne l’occasion de faire quelques rappels.Commençons par la supposée « surnotation ». En Suède, on utilise le mot « glädjebetyg » pour désigner les « notes du bonheur ». Le phénomène aurait pris de l’ampleur selon plusieurs articles . Le directeur d’une prestigieuse école de commerce dénonce ainsi dans une tribune des notes gonflées artificiellement qui ne permettraient plus de connaître le niveau réel des candidats pour l’accès à l’enseignement supérieur.Des critiques similaires sont faites en France avec des responsables universitaires qui considèrent que les éléments donnés par ParcourSup ne suffisent pas à faire le tri des candidats . Que nous dit cette polémique ? Plusieurs phénomènes se conjuguent.Il y a d’abord la pression scolaire qui est devenue de plus en plus forte et qui trouve son apogée avec le curieux mélange que constituent le baccalauréat et ParcourSup. Comme cela a déjà été rappelé dans de précédentes chroniques , le bac est le produit d’une ambiguïté. Autrefois, le baccalauréat français, contrairement aux systèmes appliqués dans beaucoup d’autres pays, était à la fois un diplôme de fin d’études et le premier diplôme universitaire.Avec ParcourSup, les deux fonctions sont de plus en plus dissociées. Et on en vient à constater que la réussite au bac n’est plus suffisante pour accéder à l’enseignement supérieur, ou en tout cas aux formations souhaitées. Il n’est pas inutile de rappeler au passage que ce dispositif a été mis en place pour masquer la pénurie de places à l’université alors que la massification et la pression démographique auraient dû permettre de l’anticiper.
Drogués à la note
L’évaluation jugée trop complaisante serait donc le résultat de la pression scolaire qui se manifeste jusque dans la moindre salle de classe. Tout professeur enseignant au lycée se souvient d’élèves, avec le soutien de leurs parents, venant négocier une note ou un devoir de rattrapage. Dur de résister à cette « évaluationnite » qui est une des marques de fabrique de notre système éducatif. Au point qu’on peut se demander si fournir une note ne se fait pas au détriment des apprentissages.Cette tension n’est pas récente. Elle traverse toute l’école depuis sa création. Le sociologue de l’éducation, spécialiste de l’évaluation, Pierre Merle s’était fait historien pour s’intéresser à l’invention de la note dans le système français. Les premiers à avoir utilisé la note chiffrée sont les Chinois pour les concours des hauts fonctionnaires. Les écoles jésuites s’en inspirent ensuite. Puis, bien plus tard, vient la généralisation en France.Par un arrêté du 5 juin 1890, il est établi que « dans les compositions, chaque copie aura sa note chiffrée de 0 à 20 ». Alors que jusque-là, le baccalauréat (créé en 1808) fonctionnait avec un examen oral et un système acquis / non acquis (symbolisé par des boules blanches et noires), la généralisation de la note chiffrée se fait sous la pression des responsables des grandes écoles et des concours administratifs. Car la note a un avantage : elle permet de classer et de sélectionner. Et au temps du discours sur la méritocratie, c’est important.La note est pensée pour trier. Le système éducatif qui se met alors en place est construit pour sélectionner et pour créer de l’émulation. Aujourd’hui encore, notre modalité d’évaluation dominante en résulte, bien plus que dans d’autres pays.Nous sommes shootés à la note. Cette obsession fait oublier que l’évaluation est aussi un outil de régulation des apprentissages et de validation des acquis. Comme nous le rappellent les neurosciences après tous les grands pédagogues, l’élève, pour progresser, a besoin d’un retour d’information le plus rapide possible sur les éventuelles erreurs (ne parlons pas de « fautes »). La note est un bien piètre outil pour cela...
Qu’est-ce qu’une note juste ?
« Oui, mais la note a l’avantage d’être objective ! » répliqueront avec force ses partisans. Sauf que la docimologie, c’est-à-dire l’étude des biais de l’évaluation , bat en brèche cette idée. Il est bien dommage que la docimologie soit si peu étudiée dans la formation initiale et continue des enseignants, tant elle est instructive. Ainsi, dès les premières enquêtes réalisées, les résultats montrèrent une forte dispersion des notes attribuées à chaque copie par les correcteurs. Même les mathématiques et la physique, réputées des sciences exactes, ne sont pas épargnées par ces écarts.L’expérience la plus frappante est celle dite de la « note vraie ». On considère qu’elle mérite ce qualificatif quand la correction par une personne supplémentaire ne change plus la moyenne obtenue. Dans la première étude, réalisée dans les années 1930, il aurait fallu 128 correcteurs en philosophie, 78 en français, 16 en physique, 13 en mathématiques, etc.Un autre chercheur, Jean-Jacques Bonniol, a repris en 1976 l’expérience et a montré qu’il faudrait 78 correcteurs en mathématiques et 762 en philosophie pour neutraliser les erreurs de calcul, l’augmentation du nombre de correcteurs permettant d’améliorer l’objectivité de la notation.Ces disparités rappellent que l’évaluation est une pratique sociale, soumise à des normes (culture d’établissement, de la discipline, de la génération...) et sous-tendue par des valeurs. L’évaluation renvoie donc chacun à sa propre conception de la justice et à ses représentations du travail, du niveau, des apprentissages, du pouvoir… Comme le rappelait un des grands spécialistes de cette discipline, Henri Piéron, en 1963 : « Pour prédire la note d’un candidat à un examen, il vaut mieux connaître son examinateur que le candidat lui-même. »
Evaluer n’est pas noter
Les limites du système classique de notation devraient inviter à se demander : évalue-t-on pour trier ou pour favoriser les apprentissages ? D’autres pays que la France tiennent les notes à distance la majeure partie du temps et les réservent à la sélection universitaire. De quoi rappeler que les débats récurrents sur la note et le niveau sont bien le signe d’un problème culturel et même politique.Dans une société où la fiction de la méritocratie continue à servir d’idéologie scolaire, il est difficile de remettre en question cette modalité d’évaluation. D’autant plus que les « élites » et les enseignants eux-mêmes sont le produit des notes et des concours.Une école sans fausses notes, ce serait une école qui serait capable de bien dissocier les deux fonctions de l’évaluation : être un outil pour aider à apprendre et valider les apprentissages et sélectionner quand il le faut. Cette pression évaluatrice permanente engendre plus de malheur que de bonheur.
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Annonces ministérielles du 5/12/23 : www.laviemoderne.net/veille/les-grands-i...laire-le-monde#24850Je souhaite par ailleurs donner une véritable exigence au diplôme national du brevet. Au-delà de la suppression des consignes de correction académiques que j’appliquerai dès la session 2024, celui-ci évoluera plus profondément à partir de la session 2025. D’abord, la note du contrôle continu sera calculée à partir de la moyenne des notes disciplinaires que vous attribuez aux élèves, et non plus par les « compétences » converties en points. Ensuite, les épreuves terminales représenteront 60 % de la note finale, au lieu de 50 % aujourd’hui. Enfin, le diplôme du brevet conditionnera l’accès direct au lycée. Les élèves en difficulté et qui n'obtiendront pas leur brevet ne feront pas leur entrée en 2nde l’année suivante, mais rejoindront une classe « prépa-lycée » pour consolider leur niveau, rattraper leur retard et être mieux armés pour la suite.
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