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Réforme du collège 2024 : les groupes/classes de niveau
- Loys
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Au demeurant, ces groupes correspondent à des tailles de classe (sauf pour le groupe faible, à l'effectif allégé) et la "flexibilité", comme on va le voir, est plus théorique que concrète. Bref, même si le vademecum s'en défend, les "groupes de besoins" sont bien, en français et en mathématiques, des "classes de niveau". Mais il ne faut pas le dire !
Quelques commentaires :
Le problème se situe donc, en bonne logique, au collège.[...] près d’un élève sur trois entre en 6e en n’ayant pas une maîtrise satisfaisante en français, et près d’un sur quatre en mathématiques.
Par la suite (p. 27), le vademecum insiste sur la fluidité (fluence, compréhension) de la lecture en 6e et 5e : six et sept ans après le début de son apprentissage. Le niveau monte, en effet !
Curieux car ces résultats ne sont pas publiés et les résultats généraux au brevet témoignent, eux, d'une exceptionnelle réussite et de de progrès saisissants depuis quinze ans, comme nous l'avons étudié dans un billet récent .Ces constats [d'échec], corroborés par les évaluations nationales à l’école primaire et au collège et les résultats aux épreuves terminales du diplôme national du brevet [...]
Le lien logique est ici de l'ordre du postulat.Il s’agit à la fois d’améliorer la réussite des élèves en permettant à chacun de porter ses aptitudes au plus haut, et de réduire les écarts et inégalités scolaires. Pour cela, il est indispensable de différencier les pédagogies. La différenciation est de deux ordres, organisationnelle d’une part, pédagogique et didactique d’autre part.
On voit mal - vieux débat - comment différencier ("adapter les enseignements afin d’optimiser la progression" avec les mêmes programmes, mêmes horaires et mêmes attendus) peut parvenir au même résultat avec des élèves de niveau différent. Le mantra culpabilisant de "l'adaptation aux besoins de l'élève" montre ici toute son hypocrisie. Par la suite (p. 25), le vademecum oppose bien les "notions simples" pour les élèves "les plus en difficulté" et les "activités plus complexes" pour les "élèves plus à l'aise".
Mais il est amusant de noter qu'ici différencier revient précisément à ne pas différencier, puisqu'il s'agit de constituer des groupes de niveau homogène. La principale "différenciation" est maintenant... entre les classes de différents niveaux.
Les cadres cherchent ici - maladroitement - à justifier une nouvelle lubie pédagogique (les classes de niveau) par une ancienne (la différenciation dans la classe). Et tant pis si les deux s'opposent plutôt qu'elles ne se conjuguent.
Une remarquable préservation, en effet, puisque la réforme fait précisément exploser le groupe classe.[...] avec la possibilité de regroupements en classe entière sur une durée cumulée de une à dix semaines par année scolaire afin de préserver le « groupe classe ».
Ce socle concernant toutes les disciplines on a du mal à comprendre pourquoi les groupes de niveau ne concernent que deux disciplines.L’objectif est de redonner de la force d’agir aux équipes éducatives pour que chaque élève maîtrise le socle commun de connaissances [...]
Grâce à ce paragraphe, on sait déjà à l'avance quels seront les responsables de l'échec à venir : les enseignants qui auront mal appliqué une réforme bien pensée.Cette nouvelle organisation repose sur le travail collectif du chef d’établissement et de l’équipe éducative, dimension essentielle pour élever le niveau des élèves et renforcer le travail de chaque professeur : regards croisés sur les élèves, travail en commun sur des progressions harmonisées, réflexion sur l’évaluation, réflexion sur les enjeux pédagogiques des éventuels temps de regroupement en classe entière...
Aucune mention n'est faite dans cette introduction sur la quasi absence de moyens accordés pour mettre en place la réforme.
Mais le meilleur est à venir dans ce vademecum.
Une faible efficacité : voilà donc ce sur quoi serait fondée la réforme proposée pour 2024 !Ce que dit la recherche
La conférence de consensus du CNESCO, Différenciation pédagogique : comment adapter l’enseignement pour la réussite de tous les élèves ?2 de mars 2017 dresse un bilan de la recherche sur les différentes organisations qui permettent de limiter l’hétérogénéité des classes et d’augmenter l’efficacité de l’action du professeur. Les études consacrées aux classes de niveau, c’est-à-dire le regroupement des élèves d’une manière permanente sans distinction de parcours et de programme, montrent la faiblesse de leur efficacité.
En réalité, c'est même pire : la conférence de consensus du CNESCO en 2017 ne parle pas de faible efficacité : "La différenciation, par classes ou groupes de niveaux ou par options - pour le second degré -, effectuée de manière permanente, amplifie les écarts de performances entre élèves et creuse les inégalités, notamment celles liées à l’origine sociale. Les établissements et les écoles doivent privilégier les classes hétérogènes". Le CNESCO n'envisage que des regroupements ponctuels et temporaires d'élèves.
Le vademecum d'"Eduscol" poursuit malgré tout sans ciller. Il est même demandé par la suite (p. 23) de bien expliquer aux familles "l'intérêt de travailler en groupes pour le progrès des élèves"...
Du point de vue organisationnel, il propose, si le cas le permet, de constituer des "groupes" d'une part moins nombreux, d'autre part plus nombreux que l'effectif moyen des classes. L'exemple en REP (effectif moyen 21 élèves par classe) débouche sur un "groupe 1" (15 élèves), un "groupe 2" (22 élèves) et un "groupe 3" (26 élèves) (on notera l'hypocrisie des intitulés des groupes). Donc, deux groupes (ou classes) sur trois avec un effectif plus nombreux que l'effectif actuel. Quant à imaginer qu'en REP seuls 15 élèves sur 63 seraient en difficulté...
Un exemple est quand même donné avec un groupe supplémentaire (+3,5h en mathématiques dans la DHG) mais ce cas n'est pas présenté comme le principe de la réforme. Dans un collège moyen, avec cinq ou six classes par niveau, les besoins supplémentaires peuvent donc s'élever... à +28h.
Un troisième et curieux exemple est donné où il ne s'agit plus de constituer des "groupes" mais de conserver les classes en en extrayant chaque trimestre les élèves en difficulté pour les envoyer dans un "groupe à effectif réduit".
Le vademecum explique ensuite les contraintes d'emplois du temps créées par la réforme. L'organisation "flexible" désynchronise les "périodes" des trimestres et envisage d'étranges et brefs retours en classe entière à la fin de chaque période ("cette organisation facilite le suivi du professeur principal, quand ce dernier est professeur de mathématiques ou de français", suivi de classe qui est effectivement totalement mis à mal par la réforme alors que les professeurs de mathématiques et de français font partie de ceux qui connaissent le mieux les élèves du fait de leurs horaires).
De façon amusante, le vademecum insiste sur la nécessité de "renforcer le rôle du conseil de classe" dans une réforme qui le vide de son sens.
De nouveau, on sait déjà à l'avance quels seront les responsables de l'échec à venir, qui n'ont qu'à contredire par leur engagement "ce que dit la recherche".Enseigner en groupes de besoins en français et en mathématiques repose sur un travail collectif des équipes pédagogiques, condition indispensable au progrès des élèves et au renforcement de l’action de chaque professeur
La "flexibilité" est envisagée du seul point de vue théorique, mais pas pratique : si trois élèves progressent dans le "groupe 2" de niveau moyen, comment peuvent-ils entrer dans le "groupe 3" de meilleur niveau s'ils ne prennent pas la place de trois autres élèves ?
S'agissant des "élèves à besoins éducatifs particuliers" (tous les élèves, dans la perspective de groupes "de besoins", n'ont pas des besoins éducatifs particuliers ?), le vademecum botte en touche en ne faisant aucune recommandation : "une vigilance particulière est nécessaire pour organiser leur répartition"...
Le vademecum donne ensuite pour instruction aux enseignants de "partager avec tous [familles, élèves] les ambitions de cette nouvelle organisation", bref de se faire le relais idéologique d'une réforme qui leur est imposée.
Pour "mieux suivre les élèves", les enseignants doivent bâtir "une pédagogie concertée" : il est vrai que suivre un élève pendant une année ne permet pas de le bien suivre...
Après l'usine à gaz des emploi du temps, celle de progressions communes, des évaluations communes ou même des "outils communs" (matériel scolaire, organisation de ce matériel) en contradiction totale avec la liberté pédagogique des enseignants.
Autre usine à gaz dans le collège : des enseignants supplémentaires, professeurs des écoles intervenant dans "Devoirs faits" ou même en co-intervention en classe (!), rendent le suivi des élèves plus sûr, n'en doutons pas.
Sur le contenu de l'enseignement, la contradiction apparaît encore entre idéologie et réalité de la différenciation :
On voit pourtant mal en quoi il serait nécessaire de "porter une attention particulière à la lecture" pour ceux des élèves qui n'ont pas de difficulté de lecture, et a fortiori dans un établissement favorisé socialement et scolairement.La part de l’enseignement de français dédié à chacun des grands domaines (oral, écriture, lecture, étude de la langue, culture littéraire et artistique) n’a pas de raison de varier en fonction des groupes.
Le retour (très réduit, voire hypothétique avec de 1 à 10 semaines par an) en "groupe classe" sonne comme un aveu et une conclusion désarmante :
Notre conclusion : une réforme idéologique, conçue loin du terrain, par ailleurs sans moyens qui, face à l'échec insupportable de notre école et aux écarts criants entre les établissements (notamment privés et publics), offre une illusion d'action politique en renvoyant toute responsabilité à l'échelon local, comme si tous les collèges étaient les mêmes en France...Le retour en classe entière permet aussi d’éviter le sentiment d’enfermement de l’élève dans un groupe et d’ainsi lutter contre toute forme de déterminisme.
Par son ineptie bureaucratique et sa précipitation folle, la réforme de 2024 n'est pas sans rappeler la réforme précédente de 2016.
De façon amusante, cette réforme heurte de plein fouet toutes les politiques (prétendument) de mixité menées jusque là*. Les mêmes qui ont défendu les unes défendront celle-ci sans dignité.
* Exemple dans "Le Monde" du 2/07/24 : "A Toulouse, les espoirs et les fragilités de la mixité sociale au collège"
L’annonce de la mise en place des « groupes de besoins », à la rentrée 2024 pour les classes de 6e et 5e en français et en mathématiques, a également agité la communauté éducative au printemps. « On ne peut pas faire un bus des enfants du Mirail, les amener dans notre établissement et les remettre entre eux », souligne le chef d’établissement, qui travaille à d’autres scénarios, les élèves de ces quartiers étant souvent dans son établissement les élèves les plus en difficulté.
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- Loys
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Et dans "Alternatives économiques" du 2/10/24 : "Groupes de niveau au collège : une rentrée en ordre dispersé"
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- Loys
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- Loys
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Je vous ai parlé de stabilité, de continuité et de cohérence. Je maintiens donc les groupes de besoins en 6e et 5e. Ils sont un outil de plus au service de pédagogies différenciées pour faire progresser tous les élèves. À ma demande, une mission de l’Inspection générale et de la Direction de l’évaluation évaluera leur impact tout au long de l’année.
Mais ce soutien ne saurait s’arrêter en fin de 5e. Nous déploierons donc un soutien renforcé en 4e et en 3e, avec un accompagnement sur-mesure pour que chaque élève puisse progresser. Nous adopterons pour cela une approche globale et cohérente :
- d’une part, en classe, une heure par semaine se déroulera en groupes de besoins, au sein du volume horaire actuel, en alternance entre mathématiques et français ;
- d'autre part, hors de la classe, je donnerai deux fois plus de moyens pour les « Devoirs faits » et les stages de réussite en 4e et 3e. J’ai débloqué les budgets nécessaires pour que cette ambition se concrétise dès la rentrée 2025.
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- Loys
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Des réformes transformant fondamentalement l'école, mais prises par simple arrêté.PS On ne le répétera jamais assez : par leurs effectifs, les "groupes de besoins" ne sont rien d'autre que des classes de niveau.Plusieurs syndicats ont contesté devant la justice administrative la mesure phare du « choc des savoirs » voulu par Gabriel Attal quand il était ministre de l’éducation, et que le gouvernement entend aujourd’hui renforcer. Selon le rapporteur public, qui demande son annulation, le texte aurait dû faire l’objet d’un décret et non d’un simple arrêté.
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