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Quand un principal-adjoint s'interroge sur la faiblesse des notes...
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13 Jui 2016 19:25 - 13 Jui 2016 23:58 #16662
par Bérénice
Expérience de terrain a été créé par Bérénice
À l'attention de Monsieur A., Principal-adjoint du collège XXX
(Copies de la présente sont adressées pour information au principal du collège, à l'IPR et au recteur d'académie concernés, au ministère de l'Education Nationale)
P. , le 10 Juin 2016
Monsieur le Principal-adjoint,
Je vous écris ce courrier à l'issue du conseil de classe de 4e5 que vous avez présidé ce vendredi 10 juin, et auquel j'ai assisté en qualité de professeur de mathématiques, avec 3 autres professeurs et les 2 élèves délégués.
Lors de ce conseil, vous avez clairement exprimé votre "interrogation" quant à la faiblesse des notes obtenues par les élèves de la classe en mathématiques. Si votre interrogation est parfaitement légitime, il n'en va pas de même de la façon très nette dont vous avez publiquement remis en cause tant mon niveau d'exigence, qualifié a priori d'excessif, que ma notation, jugée a priori inepte, sans accepter à aucun moment ne serait-ce que d'examiner la plausibilité de l'hypothèse d'une réelle faiblesse du niveau des élèves. Or, comme l'a pourtant fait remarquer ma collègue de technologie, que je remercie pour son intervention, il vous suffisait, pour répondre à vos "interrogations", d'étudier un tant soit peu les conditions du contrôle commun de mathématiques auquel ont été soumis tous les élèves de 4e du collège le jeudi 26 mai dernier. J'ai bien essayé de vous les expliquer, mais devant la faible attention que vous m'avez manifestée, je me permets de vous les rappeler par écrit:
1) Je n'ai participé ni au choix des exercices, ni à la rédaction des énoncés, ni à la définition du barème du contrôle commun (cependant, toutes les parties du programme nécessaires avaient bien été traitées à la date prévue);
2) Les copies de la classe de 4e5 ont été corrigées par une de mes collègues, enseignante au collège depuis plusieurs années et chargée par M. l'IPR d'assurer mon tutorat cette année;
3) La simple comparaison des notes obtenues par les élèves à ce contrôle commun avec celles qui leur ont été attribuées durant l'année aux contrôles que je corrigeais personnellement après avoir choisi et/ou rédigé les énoncés vous aurait permis de faire le constat d'une très nette similitude.
(Je ne vous ferai pas l'injure de vous préciser ici la conclusion qui s'impose.)
Alors que, devant votre insistance à rappeler que les élèves de la classe n'avaient de si mauvais résultats qu'en mathématiques, je mentionnais le fait que la correction des copies révélait également d'importantes lacunes en orthographe, en grammaire et en conjugaison, ma jeune collègue de français, professeur principal de la classe, s'est montrée offusquée, alors même que ma remarque ne la visait aucunement, ce que je lui ai expressément dit. Vous vous êtes aussitôt empressé de lui assurer qu'il n'était absolument pas question de remettre quoi que ce soit en cause dans son travail et son investissement. Je regrette que cette véhémence dont vous avez alors fait preuve se soit exercée d'une toute autre manière à mon encontre, sans plus de motif. Ma collègue, manifestement dans le souci de justifier les bonnes notes attribuées aux élèves en français, a jugé utile de me rappeler que le français ne se limitait pas à l'orthographe, à la grammaire, ou à la conjugaison. Encore une fois, je n'ai à aucun moment eu la prétention de remettre en cause son travail ou ses critères de notation, mais il me semble toutefois que, même si j'entends son argument, l'orthographe, la conjugaison ou la grammaire sont néanmoins utiles à l'expression française, de même que le calcul est utile aux mathématiques. Ainsi, j'évite autant que possible de faire des erreurs de calcul ou des fautes de français ou d'allemand lorsque je m'exprime, a fortiori devant les élèves, comme je m'efforce de relever et de corriger celles qu'ils commettent, dans le seul but de les faire progresser et sans nécessairement en tenir compte dans l'attribution de leur note. À ce propos, il ne m'a pas semblé opportun de faire remarquer à ma collègue professeur de français, que l'expression "je me suis permise" dont je l'ai entendue faire usage à plusieurs reprises en votre présence lors des conseils de classe, est incorrecte (cf pages 165-166 de l'édition 2012 du Bescherelle "La conjugaison pour tous" - pour tous, donc a priori non réservée à une quelconque élite). Il me semble néanmoins souhaitable que quelqu'un s'en charge un jour, avec toutes les précautions d'usage afin qu'elle ne s'en sente pas outragée.
Lorsqu'il devient moins respectable de tenter d'élever les esprits des élèves que de les flatter en toutes circonstances sous prétexte de leur éviter le "traumatisme" d'une mauvaise note, lorsqu'on dénie à la note son rôle d'indicateur pour la transformer en une norme que tout professeur se voit sommé par sa hiérarchie de respecter, alors l'éducation part à vau-l'eau, et tous les personnels qui cautionnent un tel système, à plus forte raison les cadres de l'institution, portent une part de responsabilité.
Comme je l'ai dit à M. l'IPR (en copie de ce courrier) lors de sa visite d'inspection en mars dernier, je ne cautionne pas ces choix pour plusieurs raisons. D'une part, car mon expérience professionnelle m'a permis de constater à quel point il se révèle néfaste pour les élèves qui s'engagent dans les études supérieures après l'obtention du baccalauréat. D'autre part, car des discussions personnelles que j'ai pu avoir avec des professionnels de divers domaines de l'artisanat (notamment en restauration et en boulangerie-pâtisserie), ont révélé que le manque d'apprentis ayant le goût de l'effort, le sens des responsabilités et la fierté du travail réellement bien fait s'accentue d'année en année. Or, bien avant de chercher à en faire de futurs médaillés Fields, ce sont précisément ce goût de l'effort, ce sens des responsabilités et cette fierté du travail réellement bien fait que je me suis évertuée à tenter de transmettre à tous les élèves qui m'ont été confiés, et ce, malheureusement, en dépit des injonctions trop souvent contraires de l'institution.
Non, M. le principal-adjoint, contrairement à ce que vous prétendez, je ne travaille pas pour la seule "élite" du collège. Si tel était le cas, je n'aurais pas proposé aux élèves en difficulté de les prendre en soutien non rémunéré une heure supplémentaire par semaine, comme vous le savez parfaitement. Je ne travaille pas pour la seule élite, mais je m'efforce cependant de ne pas l'oublier pour autant, en m'appliquant à une exigence bienveillante envers tous les élèves, destinée à pousser chacun d'entre eux, quel que soit son niveau, à donner le meilleur de lui-même, à repousser ce qu'il croit être ses limites, et à concevoir une légitime fierté des progrès accomplis et des bons résultats mérités. Remettre publiquement en cause ma légitimité comme vous vous êtes permis de le faire lors du conseil de classe en présence des deux élèves délégués, ne va certes pas me faciliter la tâche tout au long d'un mois de juin déjà difficile compte tenu du contexte. Mais j'ai également la faiblesse de penser que votre attitude à mon égard ne rendra à terme aucun service aux élèves, pas plus qu'elle ne rendra service aux enseignants qui en auront la charge dans les prochaines années.
Je prends donc la décision de demander, non sans amertume, la fin anticipée de mon détachement dans l'Education Nationale, à l'issue du délai de 3 mois auquel je suis soumise, soit au 1er octobre 2016. Ce faisant, je vais retrouver mes collègues enseignants-chercheurs, unanimes à déplorer la baisse régulière et inquiétante du niveau des étudiants à l'université, qui pour la plupart ne maîtrisent plus ni les bases du calcul ni celles de la grammaire française, sont en grande difficulté dès qu'il s'agit de construire, voire simplement de suivre un raisonnement logique élémentaire, ont perdu toute réelle capacité de travail, et qui au lieu de s'attacher à combler leurs lacunes et à surmonter leurs difficultés, s'attendent de surcroît à ce qu'on les excuse de tout en permanence. (À ce sujet, je vous invite à consulter notamment le rapport de la Société Mathématique de France paru en Octobre 2015, que j'ai déjà mentionné à M. l'IPR lors de notre entretien à l'issue de son inspection.)
Veuillez agréer, M. le principal-adjoint, l'expression de mes salutations aussi respectueuses que désabusées.
Bérénice, PhD
Professeur de mathématiques certifiée, 9ème échelon.
(Copies de la présente sont adressées pour information au principal du collège, à l'IPR et au recteur d'académie concernés, au ministère de l'Education Nationale)
P. , le 10 Juin 2016
Monsieur le Principal-adjoint,
Je vous écris ce courrier à l'issue du conseil de classe de 4e5 que vous avez présidé ce vendredi 10 juin, et auquel j'ai assisté en qualité de professeur de mathématiques, avec 3 autres professeurs et les 2 élèves délégués.
Lors de ce conseil, vous avez clairement exprimé votre "interrogation" quant à la faiblesse des notes obtenues par les élèves de la classe en mathématiques. Si votre interrogation est parfaitement légitime, il n'en va pas de même de la façon très nette dont vous avez publiquement remis en cause tant mon niveau d'exigence, qualifié a priori d'excessif, que ma notation, jugée a priori inepte, sans accepter à aucun moment ne serait-ce que d'examiner la plausibilité de l'hypothèse d'une réelle faiblesse du niveau des élèves. Or, comme l'a pourtant fait remarquer ma collègue de technologie, que je remercie pour son intervention, il vous suffisait, pour répondre à vos "interrogations", d'étudier un tant soit peu les conditions du contrôle commun de mathématiques auquel ont été soumis tous les élèves de 4e du collège le jeudi 26 mai dernier. J'ai bien essayé de vous les expliquer, mais devant la faible attention que vous m'avez manifestée, je me permets de vous les rappeler par écrit:
1) Je n'ai participé ni au choix des exercices, ni à la rédaction des énoncés, ni à la définition du barème du contrôle commun (cependant, toutes les parties du programme nécessaires avaient bien été traitées à la date prévue);
2) Les copies de la classe de 4e5 ont été corrigées par une de mes collègues, enseignante au collège depuis plusieurs années et chargée par M. l'IPR d'assurer mon tutorat cette année;
3) La simple comparaison des notes obtenues par les élèves à ce contrôle commun avec celles qui leur ont été attribuées durant l'année aux contrôles que je corrigeais personnellement après avoir choisi et/ou rédigé les énoncés vous aurait permis de faire le constat d'une très nette similitude.
(Je ne vous ferai pas l'injure de vous préciser ici la conclusion qui s'impose.)
Alors que, devant votre insistance à rappeler que les élèves de la classe n'avaient de si mauvais résultats qu'en mathématiques, je mentionnais le fait que la correction des copies révélait également d'importantes lacunes en orthographe, en grammaire et en conjugaison, ma jeune collègue de français, professeur principal de la classe, s'est montrée offusquée, alors même que ma remarque ne la visait aucunement, ce que je lui ai expressément dit. Vous vous êtes aussitôt empressé de lui assurer qu'il n'était absolument pas question de remettre quoi que ce soit en cause dans son travail et son investissement. Je regrette que cette véhémence dont vous avez alors fait preuve se soit exercée d'une toute autre manière à mon encontre, sans plus de motif. Ma collègue, manifestement dans le souci de justifier les bonnes notes attribuées aux élèves en français, a jugé utile de me rappeler que le français ne se limitait pas à l'orthographe, à la grammaire, ou à la conjugaison. Encore une fois, je n'ai à aucun moment eu la prétention de remettre en cause son travail ou ses critères de notation, mais il me semble toutefois que, même si j'entends son argument, l'orthographe, la conjugaison ou la grammaire sont néanmoins utiles à l'expression française, de même que le calcul est utile aux mathématiques. Ainsi, j'évite autant que possible de faire des erreurs de calcul ou des fautes de français ou d'allemand lorsque je m'exprime, a fortiori devant les élèves, comme je m'efforce de relever et de corriger celles qu'ils commettent, dans le seul but de les faire progresser et sans nécessairement en tenir compte dans l'attribution de leur note. À ce propos, il ne m'a pas semblé opportun de faire remarquer à ma collègue professeur de français, que l'expression "je me suis permise" dont je l'ai entendue faire usage à plusieurs reprises en votre présence lors des conseils de classe, est incorrecte (cf pages 165-166 de l'édition 2012 du Bescherelle "La conjugaison pour tous" - pour tous, donc a priori non réservée à une quelconque élite). Il me semble néanmoins souhaitable que quelqu'un s'en charge un jour, avec toutes les précautions d'usage afin qu'elle ne s'en sente pas outragée.
Lorsqu'il devient moins respectable de tenter d'élever les esprits des élèves que de les flatter en toutes circonstances sous prétexte de leur éviter le "traumatisme" d'une mauvaise note, lorsqu'on dénie à la note son rôle d'indicateur pour la transformer en une norme que tout professeur se voit sommé par sa hiérarchie de respecter, alors l'éducation part à vau-l'eau, et tous les personnels qui cautionnent un tel système, à plus forte raison les cadres de l'institution, portent une part de responsabilité.
Comme je l'ai dit à M. l'IPR (en copie de ce courrier) lors de sa visite d'inspection en mars dernier, je ne cautionne pas ces choix pour plusieurs raisons. D'une part, car mon expérience professionnelle m'a permis de constater à quel point il se révèle néfaste pour les élèves qui s'engagent dans les études supérieures après l'obtention du baccalauréat. D'autre part, car des discussions personnelles que j'ai pu avoir avec des professionnels de divers domaines de l'artisanat (notamment en restauration et en boulangerie-pâtisserie), ont révélé que le manque d'apprentis ayant le goût de l'effort, le sens des responsabilités et la fierté du travail réellement bien fait s'accentue d'année en année. Or, bien avant de chercher à en faire de futurs médaillés Fields, ce sont précisément ce goût de l'effort, ce sens des responsabilités et cette fierté du travail réellement bien fait que je me suis évertuée à tenter de transmettre à tous les élèves qui m'ont été confiés, et ce, malheureusement, en dépit des injonctions trop souvent contraires de l'institution.
Non, M. le principal-adjoint, contrairement à ce que vous prétendez, je ne travaille pas pour la seule "élite" du collège. Si tel était le cas, je n'aurais pas proposé aux élèves en difficulté de les prendre en soutien non rémunéré une heure supplémentaire par semaine, comme vous le savez parfaitement. Je ne travaille pas pour la seule élite, mais je m'efforce cependant de ne pas l'oublier pour autant, en m'appliquant à une exigence bienveillante envers tous les élèves, destinée à pousser chacun d'entre eux, quel que soit son niveau, à donner le meilleur de lui-même, à repousser ce qu'il croit être ses limites, et à concevoir une légitime fierté des progrès accomplis et des bons résultats mérités. Remettre publiquement en cause ma légitimité comme vous vous êtes permis de le faire lors du conseil de classe en présence des deux élèves délégués, ne va certes pas me faciliter la tâche tout au long d'un mois de juin déjà difficile compte tenu du contexte. Mais j'ai également la faiblesse de penser que votre attitude à mon égard ne rendra à terme aucun service aux élèves, pas plus qu'elle ne rendra service aux enseignants qui en auront la charge dans les prochaines années.
Je prends donc la décision de demander, non sans amertume, la fin anticipée de mon détachement dans l'Education Nationale, à l'issue du délai de 3 mois auquel je suis soumise, soit au 1er octobre 2016. Ce faisant, je vais retrouver mes collègues enseignants-chercheurs, unanimes à déplorer la baisse régulière et inquiétante du niveau des étudiants à l'université, qui pour la plupart ne maîtrisent plus ni les bases du calcul ni celles de la grammaire française, sont en grande difficulté dès qu'il s'agit de construire, voire simplement de suivre un raisonnement logique élémentaire, ont perdu toute réelle capacité de travail, et qui au lieu de s'attacher à combler leurs lacunes et à surmonter leurs difficultés, s'attendent de surcroît à ce qu'on les excuse de tout en permanence. (À ce sujet, je vous invite à consulter notamment le rapport de la Société Mathématique de France paru en Octobre 2015, que j'ai déjà mentionné à M. l'IPR lors de notre entretien à l'issue de son inspection.)
Veuillez agréer, M. le principal-adjoint, l'expression de mes salutations aussi respectueuses que désabusées.
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Dernière édition: 13 Jui 2016 23:58 par Loys.
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13 Jui 2016 23:56 #16664
par Loys
Réponse de Loys sur le sujet Quand un principal-adjoint s'interroge sur la faiblesse des notes...
C'est atterrant.
Je pourrais vous donner l'exemple d'un collègue de mathématiques qui s'est fait notifier le même reproche dans son rapport d'inspection.
Je pourrais vous donner l'exemple d'un collègue de mathématiques qui s'est fait notifier le même reproche dans son rapport d'inspection.
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