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"Le débat sur l’école : le camp progressiste doit se battre sur deux fronts" (Attac)
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Quelques observations néanmoins.
"Le retour du redoublement [...] des sanctions" : heureusement que les sanctions existent ! Il ne s'agit pas de transformer l'école en caserne mais simplement en lieu de travail calme et serein, puisqu'on sait que le climat de discipline en classe en France est l'un de pires de l'ensemble des pays évalués par PISA (le "bruit pédagogique" a même pu être théorisé comme vertueux par certains "progressistes"). Pour cela, pas besoin de rétablir les châtiments corporels, d'instaurer de nouvelles sanctions ou de durcir les sanctions existantes, mais faire en sorte que celles-ci soient bien appliquées, avec des chefs d'établissement et des conseillers d'éducation présents et réactifs, avec des surveillants plus nombreux dans les établissements les plus difficiles et, à terme, des établissements à taille plus humaine en éducation prioritaire. Cette "autorité"-là doit être restaurée.D’une part, un discours conservateur centré sur la restauration de l’ordre et de l’autorité, la nostalgie d’une école du passé (exemple classique d’illusion rétrospective) où les maîtres étaient respectés et où les élèves apprenaient les fables de la Fontaine, le roman national et les tables de multiplication. Cette perspective conservatrice conduit à proposer le retour de l’uniforme, des leçons de morale, des sanctions, du redoublement, etc. Assez logiquement, dans cette perspective on cherche à revenir en arrière sur la massification de l’enseignement en proposant de rétablir l’examen d’entrée en 6e, l’orientation vers l’apprentissage en fin de 5e et de mettre en place une sélection à l’entrée de l’université.
Pour le redoublement, sa suppression active depuis plusieurs décennies participe d'un projet libéral de diminution des coûts. Le redoublement est effectivement d'une efficacité relative, mais le passage automatique est désastreux et pour les élèves qui n'ont pas le niveau nécessaire et pour l'exemple qui est donné à tous les autres élèves : le niveau scolaire en principe requis n'est pas nécessaire pour accéder à la classe supérieur. A vrai dire, des taux d'encadrement à la Finlandaise (neuf professeurs pour cinq classes en primaire, au lieu de six professeurs en France) permettraient d'accompagner efficacement les élèves les plus en difficultés sans recourir au redoublement (co-enseignement, enseignement personnalisé tutorat) mais est-ce bien réaliste ? Il faudrait augmenter le nombre d'enseignants de primaire de 50%.
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Commentons.
...attaques auxquelles Philippe Watrelot lui-même a largement participé...Après les attaques radicales et sans nuances, pour ne pas dire injurieuses, subies en librairie ou sur les réseaux sociaux par un certain nombre de pédagogues...
Tout dépend ce qu'on entend par conservateur : s'il s'agit de conserver une école plus émancipatrice que celle qui est la nôtre aujourd'hui, par exemple...Ce qui va suivre est le produit d’une déception face aux ambitions annoncées de ce texte. Autant le dire tout de suite, je suis en opposition à ce texte qui, en se donnant l’apparence de la rigueur, repose sur un grand nombre d’hypothèses invérifiées et sur une rhétorique biaisée. Et comme, en plus, il est assez emblématique de tout un courant qui cherche en ce moment à théoriser et justifier une posture hostile aux réformes tout en refusant d’être considérés comme des conservateurs...
"posture", "hostile aux réformes" : on voit comment M. Watrelot caricature ses contradicteurs. Et si les convictions de ce "courant" étaient sincères et qu'il était partisan d'autres réformes ?
Hors sujet : on parle ici des réformes pédagogiques en cours, M. Watrelot répond en évoquant l'avancement des nouvelles pédagogies dans l'école. Oui, en effet, le triomphe des "progressistes" en pédagogie n'est pas encore total, mais ce triomphe est bien avancé à de nombreux points de vue : formation des enseignants, méthodes de lecture, réforme de l'évaluation dans le primaire et de plus en plus dans le secondaire, idéologie des compétences, suppression du redoublement, mise en place des cycles, réformes des programmes, pénétration du constructivisme (avec décloisonnement en français, observation réfléchie de la langue, dévalorisation de l'écrit), baisse des exigences aux examens, numérisme scolaire etc.1er présupposé : les « pédagos » auraient triomphé.
Si une certaine vulgate est en effet présente dans les discours officiels et les préconisations, cela est loin d’être le cas dans les pratiques enseignantes, qui restent trop souvent frontales et expositives. Le sociologue Olivier Galland le montrait bien dans un article récent sur le site Telos : Non l’école française n’a pas cédé aux sirènes du pédagogisme.
Quant à la réforme du collège, elle marque si bien le triomphe des "Cahiers" (enthousiasmés par elle et lui apportant tout leur soutien) que la ministre a remercié publiquement leur président, M. Watrelot, pour son action.
On a bien compris que les "Cahiers" voudraient aller encore plus loin.De plus, si je parle de vulgate, c’est bien parce qu’il y a un écart sensible entre ce que proposent les mouvements pédagogiques et les dispositifs mis en place et passés par les filtres de la bureaucratie et du contrôle hiérarchique.
Dans les faits, on observe bien, face à cette "doxa", une chute vertigineuse des compétences de lecture et de calcul en fin de primaire.2ème présupposé : la « doxa » pédagogique serait une pédagogie « invisible », cette pédagogie qui, selon le sociologue britannique Basil Bernstein, contribuerait à accentuer (involontairement) les inégalités en désorientant les élèves des milieux populaires.
Parce qu'accuser les autres professeurs de "pédagogie frontale et expositive où l’élève reste passif", c'est très respectueux.On retrouve aussi cette argumentation chez certains sociologues de l’éducation notamment ceux rassemblés au sein du GRDS. Outre que cette généralisation est un procédé très discutable, elle témoigne d’une méconnaissance et d’un mépris à l’égard des enseignants engagés dans ces pédagogies.
Il suffit d'observer les intitulés des compétences pour s'en convaincre, en effet...Ceux-ci accordent en effet beaucoup d’importance à la métacognition, c’est-à-dire la nécessité de faire prendre conscience aux élèves de ce qu’ils apprennent et de comment ils l’apprennent. Rien d’ « invisible » là-dedans et j’irais même jusqu’à dire qu’il n’y a rien de plus explicite qu’une pédagogie fondée sur les compétences et bien menée.
Bien d'accord.Il suffirait de conduire des observations pour s’en rendre compte et pour cela sortir des biais axiologiques qui consistent à chercher ce qu’on veut bien trouver.
On peut les appeler "dispersives"...3ème présupposé : les pédagogies « nouvelles » seraient un abandon des savoirs.
Voilà encore un présupposé qui dissimule mal à la fois le mépris et la caricature binaire. Le travail autonome, la classe inversée, la pédagogie de projet, le travail par compétences, les pédagogies actives...
Mais non : il importe surtout qu'elles se veuillent "innovantes"....n’ont de sens que parce que ces approches permettent de s’approprier effectivement et durablement des savoirs.
Quant à l'attachement des "Cahiers" aux savoirs, il suffit d'observer leur détestation du latin et du grec ancien pour le mesurer.
On croirait lire la présentation de la réforme par Najat Vallaud-Belkacem.Derrière tous ces dispositifs et ces démarches pédagogiques, il y a toujours un objectif d’appropriation d’une culture et la volonté de donner du sens aux savoirs et de créer de la motivation.
On a bien compris que les disciplines constituées étaient les ennemies du "sens" des savoirs.La référence à Jean-Pierre Astolfi (ancien président du CRAP-Cahiers pédagogiques) et à « la saveur des savoirs », outre qu’elle ressemble à un détournement d’héritage, montre surtout que le message de ce grand didacticien est mal compris, lui qui a montré que ce n’était pas forcément le cloisonnement disciplinaire et la répétition frontale qui permettaient de (re)trouver cette « saveur ».
Philippe Watrelot cherche encore à brouiller le débat : les deux auteurs de la tribune ne contestent pas le constat de l'OCDE, mais ses préconisations libérales : l'OCDE n'est pas tout à fait une institution républicaine, l'ignorerait-il ?4ème présupposé : il y a une congruence entre l’éducation nouvelle et le discours libéral ce qui contribue à la disqualifier.
Dans les critiques qui sont formulées il y a bien souvent une posture très idéologique. On s’intéresse plus à qui parle et d’où il parle qu’à ce qui est dit réellement. Ainsi, le constat fait par l’OCDE dans les enquêtes PISA d’une prégnance de l’origine sociale sur la réussite scolaire n’est rien d’autre que le prolongement des analyses développées dès les années soixante par Pierre Bourdieu. Mais selon que cela est dit par une icône de la gauche ou par un organisme honni parce que libéral, on passera de l’adhésion à la méfiance voire au déni...
L'amalgame est grossier autant qu'infantilisant : M. Watrelot est le seul à parler de "complot" ici. Pour savoir si une mesure est libérale, il suffit de l'étudier attentivement : et c'est bien le cas de "l'autonomie" mise en place par la réforme du collège (et applaudie par de nombreuses institutions libérales ). C'est également le cas de la polyvalence à laquelle conduit la réforme du collège (EPI, AP, globalisation des disciplines) ou la suppression définitive du redoublement (sans alternative). Sans même parler des économies de postes initialement prévues par la réforme avec la suppression des options de langues anciennes (suppression applaudie par les "Cahiers"), des milliers de professeurs de lettres classiques devant être convertis en professeurs de lettres modernes.On peut, bien sûr, voir un grand complot libéral derrière chaque dispositif et chaque réforme récente, c’est une attitude qui est paradoxale pour des personnes supposées par ailleurs, déconstruire chez leurs élèves, le « conspirationnisme ».
A l'argumentation de fond, M. Watrelot préfère les attaques personnelles (qu'il dénonce par ailleurs)...
Non, précisément, il ne leur est pas propre.S’il est vrai que quelquefois les termes utilisés sont les mêmes, nous ne résignons pas à abandonner à un « camp », l’usage exclusif de telle ou telle notion. Ce n’est pas parce que le monde de l’entreprise utilise les termes de projet ou compétences que les pédagogues doivent cesser de l’utiliser dans un sens qui leur est propre.
Tout est dans le "peut" de M. Watrelot. Car, avec les contraintes qu'elle impose et le pouvoir de décision qu'elle laisse au chef d'établissement, cette réforme porte gravement atteinte à la liberté pédagogique des enseignants.Et l’autonomie qui agit comme un repoussoir n’est pas condamnée à être celle des « managers » mais peut aussi être celle des équipes dans les établissements.
Le pouvoir de se plier à un horaire, à un thème, à une équipe, à une pédagogie subis ?Il est d’ailleurs curieux et paradoxal que ceux qui formulent cette critique aient si peu confiance dans le pouvoir du collectif.
Une vigilance qui reste à découvrir...Le développement d’un certain nombre de propositions (fondations, écoles privées hors contrat, secteur marchand) est en effet inquiétant et doit mériter toute notre attention. Le CRAP-Cahiers pédagogiques observe d’ailleurs cela avec beaucoup de vigilance.
Ou à être efficace. Car l'évolution a bien eu lieu : négativement...On peut crier à la « marchandisation » en se réfugiant dans une défense conservatrice de l’École publique telle qu’elle est. Mais on peut aussi voir ce qui se développe aux marges de l’école comme le symptôme d’une réelle difficulté de notre institution à se réformer et à évoluer.
Avec l'annonce de l'inepte réforme du collège, on observe une fuite vers le privée accrue.
Appeler des pédagogies "actives" n'est pas du tout méprisant pour les autres pédagogies...Biais
A mon sens, plus largement, c’est le procédé rhétorique qui traverse ce texte qui me semble biaisé. Il consiste à dénier à l’autre une qualité qu’on s’attribue exclusivement à soi-même. Ainsi, en appeler à l’ « exigence intellectuelle » relève de la caricature (plus encore que de la méconnaissance) des tenants des pédagogies actives. C’est même assimilable à une forme de mépris à l’égard des enseignants qu’on catalogue ainsi. Comme si les pédagogies actives n’étaient pas exigeantes !
On l'a vu en effet avec la question de l'OCDE plus haut.Il est toujours plus facile de combattre des ennemis qu’on se fabrique soi même.
La "doxa" pédagogique, c'est celle qui est promue par la hiérarchie pédagogique, en commençant par le ministère.C’est ce qui se produit ici. L’usage abusif dans le texte de l’expression de « doxa pédagogique » (version savante du politiquement correct) permet de se fabriquer à bon compte une posture de « rebelle » alors qu’on est essentiellement dans la défense de la pratique commune.
En dehors des invectives, pas de réponse argumentée sur la pédagogie explicite.Le discours emprunte les habits d’un discours radical voire gauchiste pour justifier en fait un positionnement très conservateur. La pédagogie « explicite » citée comme un nouveau modèle n’est que le faux nez de la « bonne » vieille pédagogie frontale et expositive où l’élève reste passif.
Qualifier ses contradicteurs de "conservateurs" opposés au progrès pédagogique n'est pas du tout binaire, en revanche. Une bonne vieille méthode des membres des "Cahiers". Mais où est-il ce progrès, à part dans l'idéologie ?On dit vouloir élever le débat et en fait on fonctionne sur une construction encore plus binaire.
On en appelle aussi à la « science » mais on a quand même l’impression qu’il s’agit surtout d’un habillage d’un malaise identitaire et d’une défense de l’existant.
Non, cette tribune postule que ce combat ne se limite pas à l'école mais s'inscrit également (et peut-être avant tout) dans des perspectives plus larges. Ce sont les "Cahiers" qui occultent ces perspectives, comme font ceux qui refusent des choix de société en faisant porter sur la pédagogie toute la responsabilité.On le retrouve aussi dans le déni du rôle négatif que peut jouer l’école dans la reproduction des inégalités.
Position d'autant plus étonnante que M. Watrelot est professeur de sciences économiques et sociales...
La finalité pour les auteurs de cette tribune comme pour bien d'autres, ce n'est pas de "changer l'école et ses pratiques" comme le voudrait M. Watrelot (et conformément à sa "doxa"), mais de rendre l'école tout simplement plus efficace qu'elle n'est devenue.Nier cela revient à remettre à plus tard, à un changement social lointain, ce qui finalement dispense de changer l’école (et ses pratiques). « Changer la société pour ne pas changer l’école » peut être une nouvelle version de « tout change pour que rien ne change »...
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