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Jean-Pierre Veran - "Plagiat, copié-collé, « pourrir le web » : quelle est la question ?" (02/04/12)
- Loys
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Le biais de M. Veran est donc très différents des autres articles que j'ai pu lire.Plagiat, copié-collé, « pourrir le web » : quelle est la question ? [/b]
Ces dernières semaines, la Toile éducative -et les médias généralistes s’en sont fait l’écho le temps d’un buzz- bruisse de l’affaire révélée par un professeur de lettres sur son blog[1] : à propos de son billet intitulé Comment j’ai pourri le web, il explique qu’il voulait « tirer un signal d'alarme. Car pour ce qui est de ma disciplines, les lettres, après avoir pesé le pour (peu d'avantages) et le contre (d'immenses inconvénients), c'est avec lucidité que je me suis forgé ma propre conviction : il faut entrer dans le web le plus tard possible. A mon sens l'éducation au web n'est pas nécessaire : nous en sommes, nous les autodidactes du numérique qui appartenons aux générations précédentes, les meilleurs exemples. »[2]
On ne reviendra pas ici sur les faits qui ont été largement exposés, mais sur la question de fond qui est posée : la culture humaniste, dont l’école transmet l’héritage à tous ceux qu’elle accueille, suffit-elle à permettre aux élèves de maîtriser la Toile, et toute éducation au web est-elle dépourvue d’utilité, voire de sens, et même dangereuse ?
Traduire n'est pas commenter un texte. Et je ne suis pas sûr que l'argument de la triche perpétuelle soit vraiment recevable intellectuellement pour défendre l'"éducation au web".On observera d’abord que, bien avant la Toile, des générations de lycéens ont recouru aux traductions disponibles dans les bibliothèques familiales ou les bibliothèques publiques pour proposer des versions latines ou grecques garantissant, au prix de quelques habiles retouches, une bonne note.
Oui. Mais d'une part le web n'est pas qu'une "multitude de sources d'informations", c'est davantage une multitude de sources d'erreurs. Et d'autre part un corrigé de commentaire, même de bonne qualité, ne peut être considéré comme de l'information puisque c'est un exercice personnel. Tout ne se réduit pas à de l'information, et heureusement d'ailleurs.Ce que l’on peut seulement constater, c’est que l’accès direct, de chez soi, à une multitude de sources d’information, en peut qu’amplifier le phénomène et rendre son contrôle quasi impossible.
Comme c'est beau ! L'internet que fréquente M. Veran est un monde merveilleux et utopique, où les élèves se cultivent sur le web.On notera ensuite l’aspect irréaliste de l’assertion « il faut entrer dans le web le plus tard possible ». Peut-on faire, à l’école, au collège et au lycée, comme si le web n’existait pas, comme si nous mêmes et nos élèves n’y recourrions pas couramment pour nous informer, nous distraire, nous cultiver ?
Je n'ai nulle part parlé de proscrire internet : les élèves peuvent bien se distraire comme bon leur semble. Je dis simplement qu'ils n'en tirent pas profit en lettres, et que c'est même tout le contraire.Faut-il proscrire dans les foyers l’usage du web avant l’âge de la majorité, puisque d’après l’auteur, « les élèves au lycée n'ont pas la maturité nécessaire pour tirer un quelconque profit du numérique en lettres. Leur servitude à l'égard d'internet va même à l'encontre de l'autonomie de pensée et de la culture personnelle que l'école est supposée leur donner. En voulant faire entrer le numérique à l'école, on oublie qu'il y est déjà entré depuis longtemps et que, sous sa forme sauvage, il creuse la tombe de l'école républicaine» ?
... à tort bien sûr, car avec 2h18 en moyenne par jour devant la télévision les enfants entre 4 et 14 ans se cultivent beaucoup plus rapidement, comme chacun sait.Le numérique fossoyeur de l’école républicaine, vers mortel insinué dans le fruit par le jardinier lui même ? Cela mérite quelque examen.
Ce procès intenté aujourd’hui au numérique, on l’a instruit, au siècle dernier, contre la télévision...
On a intenté un procès contre les médias imprimés au siècle dernier ?...contre les médias imprimés...
Merci pour cette très belle citation de R. Debray, à laquelle je souscris sans réserve. Et corrigeons avec M. Veran l'expression fautive en parlant de parents d'enfants....mais aussi contre la littérature de jeunesse, la bande dessinée, bref tout ce qui n’a pas valeur patrimoniale et n’est pas reconnu comme digne d’une transmission académique. Régis Debray, dans son dernier opus politique[3], s’alarme de « l’évidage de l’école républicaine, peu à peu envahie par tout ce qui la nie », citant « l’école sans estrade ni distribution de prix, sans inspection disciplinaire, sans note et bientôt sans examen (…) ouverte aux marques, aux modes, aux « parents d’élèves » (expression fautive : les parents font des enfants, seule l’école fait des élèves) ».
Je vous laisse juger des qualités humoristiques...On peut répondre, comme l’a fait Bruno Duvauchelle sur son blog , par l’humour.
Vous devriez lire un certain nombre d'articles recensés ici à ce sujet...On peut également répondre en montrant que l’école républicaine, justement, n’a pas renoncé à la mission que Condorcet a prévu de lui confier, celle de faire partager aux futurs citoyens les lumières indispensables à la formation de leur jugement. Elle n’a pas proposé d’introduire le web comme autorité nouvelle...
Le web comme "objet d'étude" ? Qu'est-ce à dire ?...mais d’en faire un objet d’étude et d’apprentissage, d’exercice de la pensée critique des élèves.
Tout cela est bien beau et même moral, mais après ? Une fois "l'attitude de responsabilité développée", les élèves renonceront naturellement au copier-coller à partir d'internet ?Relisons ce que le socle commun de connaissances et de compétences qui concerne la scolarité obligatoire préconise à ce sujet en termes de compétences pour les élèves depuis 2006 : « développer une attitude critique et réfléchie vis-à-vis de l’information disponible ; développer une attitude de responsabilité dans l’utilisation des outils interactifs ; mobiliser ses connaissances pour donner du sens à l’actualité ; cultiver une attitude de curiosité ; apprendre à identifier, classer, hiérarchiser, soumettre à critique l’information et la mettre à distance ; être éduqué aux médias et avoir conscience de leur place et de leur influence dans la société ». Critique, distance, responsabilité sont des maîtres mots en parfaite cohérence avec une compétence essentielle, la culture humaniste.
Même si je ne nie pas que toutes ces compétences peuvent l'être aussi par le web, elles n'ont absolument pas besoin du web en tant que tel pour être développées. D'autant qu'au numérique institutionnel se superpose le numérique sauvage, par définition incontrôlable et anti-pédagogique. Savoir lire et avoir une attitude critique ne s'appliquent pas qu'au web, mais à tous les types d'écrits et notamment aux œuvres littéraires, mais avec l'immense profit d'apporter progressivement aux élèves une vraie culture. Étudier la lettre mensongère de Valmont malheureux à Mme de Tourvel, voilà qui est plus passionnant que beaucoup de pages web.
Vu la dépendance aux géants de l'informatique (Facebook, Microsoft, Twitter, Google etc.), c'est quand même l'impression que donne l'école.Ce n’est pas par on ne sait quelle dévotion aveugle à une modernité marchande que l’école prend aujourd’hui à bas le corps dans sa mission d’éducation celle de la formation au numérique.
Le glissement sémantique est inquiétant : la documentation et l'information sont considérés comme la connaissance et la culture.C’est parce qu’il en va de la liberté de tous les citoyens, comme de leur égalité.
L’évolution progressive des centres de documentation et d’information en centres de connaissances et de culture[5] s’inscrit dans cet objectif[6].
Avec « l’utilisation éthique de l’information » on croirait revenir aux leçons de morale du XIXème siècle : et je serais rétrograde et réactionnaire !Professeurs, documentalistes et de toutes les disciplines, conseillers principaux d’éducation, sont appelés à construire pour les élèves dont ils ont la responsabilité un parcours de formation à la culture de l’information (PaCIFI), parcours pour lequel ont été publiés des Repères[7]. Du « besoin d’information » à « l’utilisation éthique de l’information », à travers dix fiches thématiques, il s’agit de faire acquérir aux élèves des connaissances et compétences indispensables pour échapper aux facilités trompeuses du copié-collé comme aux mirages de la facilité de s’informer et de l’inutilité d’apprendre.
La morale n'est pas une compétence qu'on acquiert.
Je rejoins M. Veran.Plus que jamais, l’école se doit de promouvoir l’effort, le travail, la réflexion critique, dans le domaine du numérique comme partout ailleurs.
Mon expérience a été inspirée en grande partie par une expérience similaire d'un professeur-documentaliste !Le travail en collaboration entre professeurs documentalistes et professeurs disciplinaires paraît le meilleur atout pour y parvenir.
M. Veran, vous vous appuyez sur les textes officiels pour défendre l'utilisation du numérique, or c'est précisément l'objet de ma contestation : la capitulation généralisée de l'école devant l'injonction numérique.Compte tenu, d’une part, de leur formation désormais centrée sur les sciences de l’information, d’autre part, de leur positionnement dans l’établissement, les professeurs documentalistes ont une responsabilité particulière en matière de culture de l’information. Ils veillent à ce que l’ensemble des élèves sorte du système scolaire en maîtrisant les compétences informationnelles leur permettant de jouer leur rôle de citoyens, de s’insérer dans le monde professionnel et d’entrer dans un processus de formation tout au long de la vie.
Le parcours de formation à la culture de l’information (PaCIFI) est concerté avec les autres professeurs. En sciences physiques, par exemple, le préambule du programme de collège précise que « La physique-chimie coopère à la maîtrise des techniques de l’information et de la communication (...) » et que « l’utilisation d’Internet est également sollicitée lors de recherches documentaires et les échanges d’informations entre élèves ».
Pour me convaincre, préférez donc votre réflexion personnelle.
Le littératie n'est pas du tout la "maîtrise réfléchie des médias numériques", mais renvoie beaucoup généralement aux compétences de lecture et d'écriture dans une perspective fonctionnelle et utilitariste. Mais c'est un autre débat.En lycée (LGT ou LP), l’ECJS (éducation civique, juridique et sociale) appuie sa démarche sur le débat argumenté lui-même nourri par un dossier documentaire. Le programme pose l’ambition de permettre à l’élève de « se construire une culture de l’information » et définit celle-ci comme « l’aptitude à identifier quelle information est nécessaire et l’aptitude à localiser, évaluer et utiliser l’information dans une démarche de résolution des problèmes, en vue d’aboutir à la communication de la synthèse des informations trouvées».
En lettres, discipline qu’enseigne l’auteur du blog La vie moderne, l’inspection générale de la discipline observe « l’inscription significative dans les nouveaux programmes de français pour le collège et le lycée de compétences orientées vers la « littératie » (maîtrise réfléchie des médias numériques)
Et comment le seraient-ils mieux qu'en apprenant à lire, en enrichissant leur lexique, en comprenant les liens logiques ? Toutes choses qui peuvent se faire à partir des livres.(Elle) implique que les élèves soient formés à des compétences spécifiques sans lesquelles le risque serait grand d’une nouvelle forme d’illettrisme…
Car le numérique sauvage, en dispensant de lire des œuvres (résumés, corrigés etc.), est la voie la plus rapide vers l'illettrisme et l'inculture.
Un élève qui a appris à commenter un texte peut apprécier ensuite à sa juste valeur ce qu'il trouve sur internet.Les professeurs de lettres sont particulièrement concernés. Lorsque les élèves, par exemple, utilisent des informations en ligne, trouvées grâce à un moteur de recherche, ils manquent pour la plupart de repères pour une recherche efficace et une sélection critique des informations... Tout ceci rend nécessaire un apport de compétences nouvelles qui doit se faire très tôt à l’école, et qui incombe pour une grande part au professeur de français »[8].
Effectivement car en vérité c'est bien lui qui pourrit l'éducation de nos élèves.« Pourrir le web » ? Là n’est pas la question.
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