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Isabelle Mimouni - "Du bon usage du copier-coller sur Internet" (03/04/12)
- Loys
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La perspective est celle du contre-pied, voilà qui est original et brillant.Du bon usage du copier-coller sur Internet
Malheureusement, ce n'était pas le but.Un professeur piège ses élèves et démontre qu'ils « pompent » sur Internet. La belle affaire !
Il suffit de relire "la morale de l'histoire". La démonstration n'était pas destinée au reste du monde mais à mes élèves : "j'ai voulu leur prouver que, davantage que la paresse, c'est un manque cruel de confiance en eux qui les pousse à recopier ce qu'ils trouvent ailleurs, et qu'en endossant les pensées des autres ils se mettent à ne plus exister par eux-mêmes et à disparaître."
Très peu de temps... Quant "au type de rapport que cela suppose", il était facile de le savoir, puisque Mme Mimouni et moi nous croisons régulièrement dans la salle des professeurs de Chaptal.Passons sur le type de rapport aux élèves que cela suppose, passons sur le temps perdu, pour le professeur, pour ses élèves...
Quel talent ! Mais chercher sur le web, ce n'est pas seulement "vérifier", c'est aussi trouver la source......et venons-en à l'essentiel. N'importe quel enseignant a constaté que ses élèves coupent et copient, il n'est pas même besoin de le vérifier scrupuleusement en recopiant une expression suspecte dans le moteur de recherche qui révèle la source exploitée, il suffit de savoir lire.
Les profils ou les encyclopédies ne fournissent pas de corrigés de commentaires de texte.Et les professeurs de l'ancien temps savaient déjà lire et reconnaître un emprunt au « profil d'une œuvre » ou à l'encyclopédie Universalis.
Et comme tout le monde le sait, il n'y a sur le web que des ouvrages de "référence".Pourquoi ? parce que le style d'un élève n'a rien à voir avec le style d'un ouvrage de « référence ».
L'expression "Il est nécessaire" apporte une belle caution morale au copier-coller. On se demande bien comment les élèves souscrivent à cette nécessité quand ils doivent affronter seuls un commentaire de texte au baccalauréat : en l'empruntant à leur voisin ?La question que pose le copier-coller n'est pas celle de l'emprunt : le savoir n'étant pas inné, il est bien nécessaire de l'emprunter.
Plus grave : cette confusion qui assimile la lecture, la compréhension littéraire, l'observation, l'analyse, la synthèse et l'expression de la pensée, bref autant d'actes personnels, à un "savoir" en quelque sorte externe est assez déroutante. On peut donc lire un texte par "emprunt" ?
Enfin le terme d'"emprunt" est par ailleurs très beau, très noble, généreux et collaboratif. Il est vrai que le mot plagiat est si vulgaire et malséant. Or un "emprunt", ce n'est ni le vol de la pensée d'un autre (qu'on ne cite évidemment pas) ni l'imposture d'une pensée qui n'a donc rien à voir avec la sienne propre mais que l'on présente comme telle.
S'approprier ce qu'on emprunte, n'y aurait-il pas une contradiction dans les termes ?Mieux, il est nécessaire de se l'approprier définitivement.
Non, de lire et de comprendre littéralement le texte à commenter avant toute chose.Et c'est bien là la difficulté : que demande-t-on à un élève ? De s'emparer d'un certain nombre de connaissances qui vont servir de cadre à sa réflexion, qui vont définir les marges de son interprétation personnelle.
La recherche de connaissances (esthétique, biographie, bibliographie de l'auteur) n'est que très secondaire : un commentaire de texte n'est pas un commentaire de connaissances paratextuelles, sauf à commettre un hors-sujet.
Un exemple : en 2010, le sujet de commentaire au baccalauréat (série générale ES/S) était un extrait de Télémaque de Fénelon. Les élèves de Première n'avaient, dans leur immense majorité aucune connaissance ni de cet auteur ni de son œuvre. C'était sans grande importance pour commenter le texte.
Les limites pour des élèves de Première sont celles du texte, et rien que du texte : ne commenter que ce qui fait l'objet d'observations dans le texte.C'est la première difficulté : apprendre à discerner ce qui borne l'analyse, les limites au-delà desquelles on est dans l'extrapolation.
La deuxième difficulté n'existe que si l'on considère qu'il y a une première difficulté...La deuxième difficulté relève de la capacité d'homogénéisation du discours que l'on va tenir et qui doit être perçu comme cohérent, de texture uniforme et continue.
Cette difficulté dit - en termes choisis - qu'il faut déguiser autant que possible ces emprunts. "Homogénéiser", c'est par exemple oublier d’utiliser des guillemets, de citer la pensée qu'on emprunte. La citation est une insupportable rupture de la "texture uniforme et continue du texte".
C'est là qu'on voit que Mme Mimouni n'a pas affaire à des élèves du secondaire, qui pour la plupart d'entre eux, n'ont pas encore les capacités pour reformuler ce qu'ils empruntent. Ni même tout simplement les capacités pour comprendre ce qu'ils empruntent. Or comment reformuler ce qu'on n'a pas compris ?
"Hausser son style jusqu'à ce style académique" pour des élèves du secondaire ?Il ne s'agit pas simplement d'apprendre à faire des transitions qui opéreront une couture maladroite entre le savoir auquel on se réfère et un propos personnel, il faut apprendre à hausser son style jusqu'à ce style académique dont les qualités tiennent à un lexique et une syntaxe qui paraissent encore étrangers...
Même en classe préparatoire littéraire, une telle exigence est bien prématurée. Les conseils formulés semblent surtout s'adresser à des lettrés experts, à des universitaires. A qui Mme Mimouni peut-elle bien songer ?
Il faudrait savoir......ou encore à reformuler plus simplement ce qui ne provient visiblement pas de soi.
Comment formuler en termes simples une pensée complexe ? C'est un exercice qui semble beaucoup plus difficile qu'il n'y paraît puisque les auteurs académiques n'y sont pas parvenu...
Autant d'opérations de camouflage...Autant d'opérations complexes : perception des variations stylistiques en fonction de celui qui émet le discours, mise en cohérence de deux propos...
L'inscription dans le cadre est assez cavalière puisqu'elle consiste surtout à en effacer les traces....inscription d'une perception personnelle dans un cadre de référence universel.
Que mes élèves aient copié-collé un corrigé multipliant les contresens grossiers sur le texte qu'ils avaient à lire et commenter est donc "incontournable" ?On le voit, plutôt que de condamner le copier-coller, mieux vaut s'interroger sur les raisons pour lesquelles il est absolument incontournable...
Mme Mimouni ne semble même pas pouvoir imaginer que des élèves puissent copier-coller ce qu'ils ne comprennent pas. Le "bon usage du copier-coller" suppose une expertise littéraire que bien peu de personnes possèdent : de ce point de vue; comprendre et reformuler une pensée n'est plus, à proprement parler, du copier-coller.
Oodoc, Oboulo et les sites de corrigés peuvent remercier Mme Mimouni.... et sur la manière de le faire entrer dans une logique de formation.
La confiance a-t-elle encore cours quand on lit les mêmes expressions complexes et incomprises dans différentes copies ?Mais cette démarche est peut-être déjà dépassée. Quel est le rôle de l'enseignant face à ses élèves qui lui font, par principe, confiance ?
Au delà de ce seuil, il faut laisser les élèves psychopomper ?Dans l'Antiquité, les personnages psychopompes aidaient les âmes des morts à passer dans l'autre monde. Aujourd'hui, le professeur a une mission digne des psychopompes : il s'agit pour lui d'élever les âmes dont il a la charge, bien vivantes celles-là, au-delà d'un seuil que lui-même ne sera pas amené à franchir.
Un monde sans lecture ni compréhension, un monde sans culture donc.Il s'agit de former ceux que la société lui a confiés au monde tel qu'il sera demain à partir des repères qui sont les siens et qui sont d'un autre temps.
La force d'accepter le copier-coller, donc...Cela nécessite une très grande force, une assise solide que n'ébranlent pas les aléas du quotidien...
Sauf pour quelques rares penseurs avant-gardistes des nouvelles littératies....cela nécessite une hauteur de vue qu'on ne peut exiger d'enseignants solitaires dont l'institution ne garantit pas la formation continue.
Encore un bel euphémisme puisque les modes de lectures deviennent surtout parcellaires et lacunaires. Lire et comprendre un texte est donc un exercice d'un temps révolu. Vivent les digital humanities !C'est l'institution qui doit penser les grands changements et s'interroger sur les exercices qu'elle fait pratiquer aux générations nouvelles dont les modes de lecture et d'écriture ne seront sans doute plus linéaires.
Il faut simplement l'étudier et la commenter sans la lire. Après tout, d'autres l'ont lue pour vous, et, comme dit Mme Mimouni, il faut savoir leur faire confiance.Et cela ne veut pas dire qu'il faut arrêter d'étudier la littérature et de la commenter. Bien au contraire.
Quel monde beau et merveilleux où tout se partage, tout se donne, tout se reçoit ! Le copier-coller est par essence un mode de partage très orwellien : tout le monde partage, mais certains partagent plus que d'autres...Cela signifie simplement qu'il faut trouver de nouveaux modes de commentaires : gloses marginales telles que celles proposées par certaines applications (telle Commentpress) qui permettent d'annoter les textes et de faire partager les commentaires à la communauté des lecteurs, ou encore arborescence de pages articulées entre elles par des hyperliens ?
Je renvoie à ce sujet au site de Jean-Noël Darde : Archéologie du copier-coller.
Car, sages et obéissants, les élèves se contentent toujours des références que le professeur leur indique. Le manuel de français, en Première, est leur seule référence d'ailleurs.Quels seront alors concrètement les aspects de la formation que l'enseignant devra envisager en toute sérénité : apprendre à choisir avec pertinence le site vers lequel on renverra pour les cadres de la connaissance, qu'il ne sera dès lors plus utile de « pomper » ?
Effectivement le bac est obsolète car il est encore assez difficile de créer des hyperliens au crayon à papier sur une feuille.apprendre à repérer dans son propre discours à quel moment l'hyperlien est judicieux et quel mot-clef doit y renvoyer...
C'est valable pour le concours de l'E.N.S. ?...à quel moment l'hyperlien doit mener vers une autre page que l'élève a rédigée mais qu'il fallait distinguer de la première, voire, à quel moment il semble utile de renvoyer sur une page rédigée par un de ses camarades ?
Merci pour la psychologie de bazar. Refuser le copier-coller, c'est être angoissé, frileux, rétrograde.Face à des classes qui pratiquent le copier-coller, il n'est donc pas raisonnable de se replier avec angoisse sur le passé...
Alors que renoncer à faire lire et à faire comprendre, c'est être innovant, ouvert et avant-gardiste !
Quelles transformations ? Il serait intéressant d'en parler...on ne peut former les élèves d'aujourd'hui en faisant abstraction d'Internet et des transformations cognitives que le fonctionnement en réseau engage.
Et où on retrouve pour la énième fois l'argument du défaitisme pédagogique : adaptons l'enseignement et la transmission, non pas parce que nous le voulons, mais parce que nous le subissons.
Le copier-coller est donc "un mode feuilleté et polyphonique" : les euphémismes sont également très orwelliens.C'est donc la manière de lire et de composer un texte sur un mode feuilleté et polyphonique qui mérite à présent l'attention de ceux qui s'intéressent à l'enseignement en général, et à l'enseignement des lettres en particulier.
Quand je vois mes élèves avoir d'immenses difficultés pour comprendre littéralement un texte simple, j'ai peur que le "feuilleté" ne soit pour eux totalement indigeste.
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