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Le niveau de recrutement des concours enseignants
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des concours enseignants
Voir également ce fil sur la réforme des concours de l'enseignement
Septembre 2013
Démission du jury de l'agrégation d'histoire : www.cafepedagogique.net/2013/09/24/le-ju...istoire-demissionne/
Derrière ce micro-fait il y a le sentiment chez ces universitaires que la part laissée au disciplinaire dans la formation des futurs enseignants est insuffisante. Le gouvernement a décidé de renforcer la formation professionnelle sabrée sous Darcos.« Aujourd’hui, ce qui menace, c’est la poursuite, comme pour le CAPES et les Masters MEEF, de l’entreprise visant à écarter l’Université de la formation des enseignants », écrivent les démissionnaires
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L’examen, permettant de devenir professeurs dans le second degré, est-il devenu plus simple pour pallier la pénurie d’enseignants ?
Par Sophie Hienard
Les premières questions, c'est du niveau collège », lâche Laura*. Ancienne professeure de mathématiques, elle a passé au crible la première épreuve écrite du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (capes) 2024. Et énumère, au téléphone : « Là, c'est niveau lycée », « cet énoncé, c'est faisable pour un bon terminale », « la proportionnalité, c'est une notion de 3e ». William* aussi, professeur au collège, a consulté ces exercices. Et affirme : « C'est d'une facilité
déconcertante. J'ai halluciné quand j'ai vu le sujet. »
Comme eux, beaucoup ont réagi sur X (ex-Twitter) à certains exercices du capes externe, dont les épreuves d'admissibilité se sont déroulées mi-mars. « Mes meilleurs élèves de terminale sont aptes à [les] réussir », estime une internaute. Quand un autre écrit : « Je pense que mon sujet de bac C était plus compliqué, et de loin. » Un autre encore l'a comparé avec un énoncé datant d'il y a trente ans, jugé plus difficile .
Des exercices plus simples, vraiment ?
Les critiques portant sur l'examen de mathématiques fleurissent depuis plusieurs années. Sont-elles pour autant justifiées ? Le capes est-il vraiment « bradé » ? « Il faut regarder les écrits dans leur entièreté, commente Claire Piolti-Lamorthe, présidente de l'Association des professeurs de mathématiques de l'enseignement public (APMEP). La seconde épreuve est déjà plus difficile, et tout dépendra de l'exigence des correcteurs sur ces écrits. Mais il est vrai que certains exercices ne sont pas du même niveau qu'il y a dix ou vingt ans, et c'est quelque chose qu'on peut déplorer. »
Xavier Sorbe, président du jury du capes externe de mathématiques, estime que « compte tenu de l'évolution des épreuves, cela n'a pas beaucoup de sens de comparer leur difficulté dans le temps ». Tout en admettant que « parmi les exercices proposés, certains sont assurément plus abordables qu'il y a une vingtaine d'années ».
Lors de la session 2023, la moyenne du dernier admissible était égale à 5,15/20, d'après le rapport du jury. C'est-à-dire que les candidats pouvaient passer les oraux dès lors que leur note aux écrits était supérieure à ce seuil. « C'est effrayant, lance William. Avoir une barre d'admissibilité si basse aux écrits est une dévastation. » Et, pour cet enseignant, une
preuve de plus du « problème de recrutement au sein de l'Éducation nationale ».
Une « baisse de sélectivité » ?
Faut-il en effet y voir une manière de pallier la pénurie d'enseignants ? Si la place des mathématiques a été renforcée dans le « choc des savoirs » promis par Gabriel Attal, notamment à travers la mise en place de groupes de niveau au collège, il s'agit aussi d'une des disciplines qui peinent le plus à embaucher des professeurs. En 2023, seules 790 personnes ont été recrutées sur les 1 040 places disponibles – un quart d'entre elles sont donc restées vacantes. Cette année, malgré un « léger rebond des inscriptions », nul ne sait donc si les 1 040 postes trouveront preneurs.
Pour la présidente de l'APMEP, « la baisse de la sélectivité vient du faible nombre de candidats qui se présentent au concours, car il faut bien avoir des enseignants en face des élèves. » L'enseignante souligne que « cette chute des effectifs n'est pas nouvelle, ce qui n'en est pas moins inquiétant ».
Une logique que Xavier Sorbe récuse : « On ne peut pas dire qu'on a cédé sur le niveau puisque c'est la raison pour laquelle on ne pourvoit pas les postes depuis plus de dix ans dans notre discipline. » Pour l'inspecteur général de mathématiques, si les énoncés peuvent « paraître simples », c'est aussi « par souci de ménager à l'épreuve une certaine progressivité ».
« Certaines questions plus élémentaires sont très précieuses, en ce qu'elles permettent d'écarter des candidats qui n'ont pas le niveau scientifique requis », explique-t-il. Et les épreuves d'aujourd'hui n'auraient rien à envier à celles d'hier, car elles sont désormais « doublées d'une exigence d'une autre nature – il y a des dimensions plus relationnelles et pédagogiques, lors des oraux par exemple. Cela permet d'avoir de nouveaux profils de candidats, de diversifier le recrutement. » À l'oral, en effet, outre l'épreuve classique de démonstration mathématique, un entretien de parcours et de mise en situation est aussi requis.
Une profession peu attractive
Pour autant, c'est bien le faible nombre d'inscrits au concours qui inquiète Claire Piolti-Lamorthe. La professeure de collège y voit, entre autres, l'effet de la « mastérisation du capes » et questionne ainsi la place du concours dans la scolarité. « Passer le capes en M2, soit la réforme pensée par Jean-Michel Blanquer, aggravait une situation qui était déjà difficile, considère-t-elle. En fin de parcours, si les candidats ratent l'épreuve, alors ils n'ont rien. Donc certains préfèrent ne pas prendre le risque de la passer. » Lors de la session 2022, soit juste après la mise en place de la mesure, il y avait, par exemple, moins de
candidats présents aux écrits que de postes ouverts.
Ainsi, un concours en 3 année de licence, comme l'envisage Emmanuel Macron dans ses écoles normales du XXI siècle, semble être une « bonne stratégie » pour Xavier Sorbe. « C'est une mesure prometteuse, dont on peut penser qu'elle attirera des candidats, estime-t-il. La perspective d'être rémunéré pendant leur formation doit aussi permettre de
convaincre certains étudiants en prenant en compte les difficultés financières qu'ils rencontrent. »
Pour la présidente de l'APMEP, le débat de l'attractivité se place aussi du côté de la revalorisation. « À tout niveau », précise la professeure de collège. « D'un point de vue social, les professeurs sont souvent perçus négativement : c'est une profession difficile à exercer, qui souffre aussi d'une mauvaise image dans les médias et la société en général, abonde-t-elle. Et d'un point de vue salarial, même si les rémunérations ont été améliorées pour les premières années, il y a une stagnation des salaires pour les milieux de carrière. Certains étudiants peuvent ainsi être tentés par l'ingénierie financière ou l'informatique, beaucoup plus rémunératrices que l'Éducation nationale. »
* Les personnes interrogées ont souhaité rester anonymes.
Certains raisonnements relativistes méritent examen.
"abordables" = de niveau collège au lycée pour des étudiants de niveau master.Xavier Sorbe, président du jury du capes externe de mathématiques, estime que « compte tenu de l'évolution des épreuves, cela n'a pas beaucoup de sens de comparer leur difficulté dans le temps ». Tout en admettant que « parmi les exercices proposés, certains sont assurément plus abordables qu'il y a une vingtaine d'années ».
Pour le reste, M. Sorbe récuse la comparaison en raison de "l'évolution des épreuves", c'est-à-dire de nature différente, alors qu'il est ici question de niveau. La comparaison permet précisément de montrer l'évolution des épreuves disciplinaires (il n'y en a plus qu'une à proprement parler), ou plutôt la dégradation du niveau d'exigence en mathématiques.
Malgré la baisse de niveau des épreuves, le niveau de recrutement reste très faible.Lors de la session 2023, la moyenne du dernier admissible était égale à 5,15/20, d'après le rapport du jury. C'est-à-dire que les candidats pouvaient passer les oraux dès lors que leur note aux écrits était supérieure à ce seuil.
Prenons l'exemple de 2023 : capes-math.org/data/uploads/rapports/rapport_2023.pdf
En 2023, 3000 inscrits mais moins de la moitié se sont présentés : 1495 présents pour 1040 postes.
En 2023, plus d'un tiers des candidats obtenaient entre 5 et 8 à "l'épreuve disciplinaire" (moyenne 8,28/20, coefficient 2/12). Un quart, avec moins de 5/20, étaient éliminés : on voit d'ailleurs un effet de seuil à 5/20.
Curieusement, l'ensemble des candidats réussissent bien "l'épreuve disciplinaire appliquée" (moyenne 10,4) - très peu sont éliminés (de l'ordre de 6 ou 7%) -, preuve étonnante qu'en mathématiques on peut appliquer sans savoir !
La question est la suivante : quelle est la note à l'épreuve disciplinaire des admis ? Le rapport du jury ne le précise pas, mais il donne ce tableau (avec une échelle minorant l'importance de l'oral), que nous avons augmenté avec les couleurs indiquant la réussite (vert) ou l'échec (violet) du fait de l'oral (malheureusement le graphique ne permet pas d'isoler l'épreuve disciplinaire) :
On peut donner raison à Xavier Sorbe sur le premier point, mais en ce cas, pourquoi instaurer de la progressivité constituerait-il un progrès ?"On ne peut pas dire qu'on a cédé sur le niveau puisque c'est la raison pour laquelle on ne pourvoit pas les postes depuis plus de dix ans dans notre discipline." Pour l'inspecteur général de mathématiques, si les énoncés peuvent « paraître simples », c'est aussi « par souci de ménager à l'épreuve une certaine progressivité ».
En réalité, une seule explication est possible : remonter - en apparence - le niveau des admis (certains ont obtenu à peine plus de 5/20 à l'écrit, la note éliminatoire).
Le niveau lycée ou collège, pour être précis. On se demande comment de tels candidats de niveau master peuvent d'ailleurs exister.« Certaines questions plus élémentaires sont très précieuses, en ce qu'elles permettent d'écarter des candidats qui n'ont pas le niveau scientifique requis », explique-t-il.
Mais le raisonnement est étrange, pour ne pas dire sophistique : des questions moins "élémentaires" ne permettraient pas de les écarter ?
Comprendre : les candidats qui ne réussiraient pas des épreuves disciplinaires de mathématiques peuvent compenser avec des compétences relationnelles et pédagogiques, en réalité, factices ou idéologiques : à l'oral (coefficient 8/12), "l'épreuve de leçon" (conception et animation d'une séance d'enseignement) est artificielle et les qualités pédagogiques sont surtout un test de conformité idéologique. L'"épreuve d'entretien" (coefficient 3), sans AUCUN rapport avec les mathématiques, est même un test de conformité administrative : elle est par ailleurs la mieux notée (12,08/20 en 2023) : on voit d'ailleurs, sur le graphique supra, qu'un nombre important d'admis (de l'ordre de 20%) l'ont été malgré une note inférieure à 10/20 à l'écrit malgré des sujets "progressifs" et "abordables".Et les épreuves d'aujourd'hui n'auraient rien à envier à celles d'hier, car elles sont désormais « doublées d'une exigence d'une autre nature – il y a des dimensions plus relationnelles et pédagogiques, lors des oraux par exemple. Cela permet d'avoir de nouveaux profils de candidats, de diversifier le recrutement. »
De fait, l'épreuve disciplinaire à l'écrit a un coefficient... de 2/12 seulement ! Une note égale ou inférieure à 5 éliminatoire serait rassurante si précisément les nouveau sujets n'étaient pas si "progressifs" et "abordables".
Nous avions dénoncé ici cette "professionnalisation" en trompe-l'oeil des concours.
Ce qui est donc une baisse des exigences est présenté ici comme un accroissement des exigences. La président du jury a décidément le sens du paradoxe !
Il est vrai qu'il approuve également le déplacement du concours en fin de licence (pour des candidats n'ayant donc pas encore le niveau licence !). Dommage qu'il n'ait pas désapprouvé son déplacement en fin de master par la même majorité !
On pourrait même penser que les seuls étudiants en mathématiques se portant candidats aux concours ne font pas un très bon calcul !Pour la présidente de l'APMEP, le débat de l'attractivité se place aussi du côté de la revalorisation. « À tout niveau », précise la professeure de collège. « D'un point de vue social, les professeurs sont souvent perçus négativement : c'est une profession difficile à exercer, qui souffre aussi d'une mauvaise image dans les médias et la société en général, abonde-t-elle. Et d'un point de vue salarial, même si les rémunérations ont été améliorées pour les premières années, il y a une stagnation des salaires pour les milieux de carrière. Certains étudiants peuvent ainsi être tentés par l'ingénierie financière ou l'informatique, beaucoup plus rémunératrices que l'Éducation nationale. »
Résumons : des épreuves conçues pour rendre très accessible le Capes de mathématiques aux étudiants n'ayant pas toujours le niveau nécessaire en mathématiques tout en maintenant la fiction de l'exigence.
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www.vousnousils.fr/2024/05/06/capes-hist...ion-excessive-684303
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