"Les MOOC déshumanisent-ils l’enseignement ?" (EducPros)

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30 Mai 2013 18:21 #6078 par Loys
Grave question sur le blog "La révolution Mooc" hébergé par "EducPros" : "Les MOOC déshumanisent-ils l’enseignement ?" (30/05/13) par Matthieu Cisel.

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30 Mai 2013 18:59 - 30 Mai 2013 19:33 #6079 par Loys
Bon, évidemment poser cette question sur un blog intitulé "La révolution mooc", c'est déjà y répondre. :mrgreen:

« Le numérique déshumanise l’enseignement ». C’est peut-être la critique la plus récurrente contre l’enseignement en ligne, et les MOOC n’y échappent pas.

Mais non. Il y en a plein d'autres possibles : www.laviemoderne.net/grandes-autopsies/41-gober-les-moocs :xx:

Quelle est la part de réalité et celle de fantasme dans cette affirmation ? Les MOOC sont-ils si pauvres en interactions ? Ne peut-on pas intégrer le numérique dans des formations en présentiel, à travers la pédagogie inversée par exemple ?

C'est sûr que le online "en présentiel", ça prend tout son sens.

Enfin, on constate que les institutions ne sont plus les seuls lieux de rencontre entre apprenants. N’est-on pas en train de voir émerger un modèle d’apprentissage parallèle au système institutionnel, peut-être même concurrent ?

Parallèle au système institutionnel, mais tout contre lui...

Quelques éléments de réponse.
Les MOOC sont-ils moins interactifs que les cours en face-à-face? Si l’on adopte une approche purement quantitative, et que l’on considère au même niveau une question posée à l’oral et une question postée sur un forum ou sur un réseau social, il y a plusieurs ordres de grandeur en termes d’interaction entre les deux type de cours. Pour un cours magistral universitaire de cinq heures, quelques dizaines de questions à l’enseignant et d’interactions entre élèves, et c’est est un grand maximum. En pratique il y en a beaucoup moins et les interactions entre étudiants sont quasi-inexistantes durant les CM (en principe du moins).

En même temps un cours magistral n'a pas vocation a être interactif. Pour ça, il y a les TD.
Au passage, les cours des moocs en vidéo durent rarement plus d'un quart d'heure. :twisted:

Pour le MOOC Gestion de Projet, il y a eu 1440 posts sur les forums pour 5 heures de cours magistral, et plus de 1000 posts sur les réseaux sociaux Google + et Facebook. Les questions portaient sur le contenu des cours, les devoirs, etc. Dans les MOOC américains, ce sont des dizaines voire des centaines de milliers de posts.

Donc des milliers de questions, et combien de réponses d'enseignant ?

A tel point que de nouveaux types de forums sont en train d’être mis au point pour s’adapter à de telles communautés. Il est possible de poser une question à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit et d’obtenir une réponse, souvent de la part d’un participant, en 22 minutes en moyenne (sur Coursera, selon Daphne Koller): c’est l’avantage d’avoir des dizaines de milliers de participants.

Et l'autre avantage, c'est qu'il n'y a plus besoin d'enseignant ! Un participant fait l'affaire. :mrgreen:

Quand ceux-ci ne sont pas compétents ou légitimes pour répondre, un système de votes permet de faire émerger les questions les plus importantes pour les porter à l’attention de l’équipe pédagogique.

Petit problème : comment sait-on si l'on est compétent ou pas ? :scratch:

Les MOOC ne sont pas simplement des vidéos postées sur Youtube; cela fait bien longtemps que nous n’en sommes plus là. Le fait que les interactions soient numériques ne signifie pas qu’elles soient déshumanisées. En ce qui me concerne, je trouve beaucoup plus déshumanisant le fait de devoir écouter un cours sans pouvoir m’exprimer dessus.

C'est vrai, quoi : écouter quelqu'un qui vous enseigne quelque chose, c'est inhumain. Ce qui est humain, c'est de s'exprimer. De ce point de vue, il y a encore plus inhumain qu'un cours : le livre.

L’intérêt de mettre les étudiants dans une même pièce, c’est de pouvoir interagir avec eux ou de les faire interagir entre eux.

Ce sont deux choses très différentes, car il est très difficile pour un enseignant d'interagir avec chacun de ses étudiant. Si l'interaction en tant que telle est si vertueuse, que n'a-t-elle pas été mise en place bien avant dans les universités, ce qui aurait permis d'économiser de nombreux postes d'enseignants ? :D

Le cours magistral peut-être facilement numérisé et suivi hors de la salle de classe, pour réserver le temps d’enseignement à l’encadrement et à l’interaction.

Non car le cours est une valeur ajoutée en même temps qu'une contrainte vertueuse : il oblige à une concentration à un moment fixe et pendant un temps donné. D'où le taux effarant d'abandon dans les moocs.

C’est le principe de la pédagogie inversée, particulièrement plébiscitée depuis l’émergence des MOOC. Coursera et edX ne remettent pas en cause l’université, mais davantage les cours magistraux en face à face.

Malgré tout ce que peut en dire Daphne Koller, les moocs n'ont aucune espèce de rapport avec la pédagogie inversée, qui suppose que les élèves peuvent mettre en pratique avec le professeur les cours travaillés en autonomie. Les moocs sont online.

La pédagogie inversée permet de mettre l’accent sur les activités au lieu de le mettre sur la transmission de connaissances.

Comme dirait Michel Serres, avec Internet la transmission n'a plus lieu d'être.

Les premières expériences à la San Jose State University ont produit des résultats concluants. Les étudiants suivaient les cours magistraux d’électronique sur edX (MITx 6.002x Circuits and Electronics) et réservaient le temps de classe pour résoudre des problèmes et poser des questions aux enseignants. Les taux de réussite aux examens ont augmenté considérablement (de 55 à 91%), à tel point que la SJSU a fondé un Center for Excellence in Adaptative and Blended Learning (cf. cet article).

Voilà qui n'a donc rien à voir avec les moocs.

Nous n’entrerons pas dans le débat sur les dangers et les inconvénients de la pédagogie inversée, et notamment de la dérive hégémonique qui peut exister si les cours magistraux numérisés sont imposés aux enseignants par leur hiérarchie (cf. le billet Les profs vont-ils perdre leur job?).

Mais non, ça ne peut pas arriver, voyons.

Comme pour toute pratique, il peut y avoir de la bonne et de la mauvaise pédagogie inversée. Je suis convaincu que l’université doit être un lieu d’échange, de création, de collaboration et d’innovation; les MOOC peuvent y contribuer en déchargeant l’enseignant de son temps de cours magistral.

Autant dire la partie la plus essentielle de son métier : de professeur il devient animateur.

A entendre les critiques contre la pédagogie inversée, on croirait qu’elle rabaisse les professeurs au rang de chargé de TD.

Mais non, voyons.

Enseignants, si vous trouvez cette interaction trop pauvre, dans ce cas allez plus loin, rien ne vous en empêche. Devenez de véritables mentors pour vos étudiants, faites leur dépasser leurs limites, innovez avec eux, faites de la recherche avec eux, montrez leur l’exemple.

Voilà qui va résoudre tous les problèmes : il fallait y penser ! :cheers:

Et là je pense que vous établirez des relations plus « humaines » que si vous les obligez simplement à rester assis en écoutant votre cours.

C'est vrai qu'avec les moocs on peut écouter le cours allongé sur son lit. Et la relation est tellement plus humaine quand elle est dématérialisée.

Si vous ne le faites pas, d’autres le feront.

Un argument propre à convaincre du bien fondé des moocs, effectivement ! :mrgreen:
There is no alternative.

Car il faut garder à l’esprit que les institutions ne sont pas les seules à pouvoir organiser des rencontres. Dans le cas de Coursera, il y a tellement de participants que ceux-ci s’organisent en groupes de travail et se réunissent spontanément, et ce dans dans de nombreuses villes du monde. Des communautés Meet Up Coursera se créent un peu partout, et même à Paris.

C'est le printemps Coursera.

En France, le mouvement est encore un peu timide. Aux Etats-Unis, certains étudiants se mettent en collocation et montent des entreprises sur la base des cours organisés par Udacity. Les rencontres se font de manière spontanée en général, à Beaubourg, à la Cité Universitaire à Paris, et bientôt à Dakar, à Libreville ou à Marrakech.

En sociologie ou en mathématiques on monte des entreprises ? :doc:

Deux rencontres ont été organisées à Paris dans le cadre du MOOC Gestion de Projet, et j’ai eu l’occasion de participer à l’une d’entre elles. Maintenant ce sont les professeurs qui se font inviter par leurs étudiants à leurs propres cours. Nous avions alors bavardé de l’organisation du cours autour d’un café. Des retours intéressants pour l’équipe enseignante. Puis, je me suis rendu à Lyon, à Bordeaux et à Grenoble pour des colloques, et là aussi j’ai pu rencontrer des gens qui avaient suivi le cours. Il est possible pour un enseignant de faire un tour de France et de rencontrer des participants qui suivent le MOOC dans chaque ville. Pour les américains, cela va beaucoup plus loin. Les cours étant dispensés en anglais, l’audience est mondiale. Certains professeurs de MOOC font des tours du monde comme des rockstars, pour aller à la rencontre de leurs participants (et essayer de leurs vendre leur dernier livre, ne perdons pas le Nord).

Vive la starification de l'enseignement !

Je pense que les rencontres dans les cafés sont intéressantes avant tout pour la socialisation; pour ce qui est du travail collaboratif, il y a mieux.

Ah... Mais bon, ce qui compte quand même, c'est la "socialisation", une des premières vocations de l'université. :cool:

Où trouver des endroits pour se réunir et travailler de manière sérieuse autour d’un cours ?

Eh oui, pour ça, l'enseignement matériel présente quelques avantages. :transpi:
Bientôt les moocs vont inventer : la salle de classe ! :cheers:

Il existe un certain nombre d’endroits qui pourraient convenir, à Paris comme dans n’importe quelle ville. Nous pouvons louer des salles, des espaces de co-working. C’est l’université hors les murs.

Tellement plus simple ! Et qui va organiser et payer ces "locations" ?

On peut imaginer un système de tutorat associé (des experts de la gestion de projet viendraient encadrer ceux qui le souhaitent) et peut-être un modèle économique associé (on a beau être utopistes, même un mooquificateur doit remplir son frigo).

Le problème étant que le succès (relatif) des moocs est lié surtout à leur gratuité. Et comment s'organise le tutorat pour des étudiants séparés par des milliers de kilomètres ? :santa:

Ces rencontres peuvent être spontannées ou organisées par l’équipe pédagogique. Nous avons notre petite idée là-dessus, et nous y réflechissons avec Leeaarn, une start-up parisienne spécialisée dans l’éducation hors les murs.

Ah... On commence à y voir plus clair et à comprendre l'enthousiasme de notre apologiste des moocs.

C’est ce qu’on appelle le hacking de l’éducation.

:lol:

Qui sait, la prochaine session du Gestion de Projet incluera peut-être une version en présentiel, hors les murs et délocalisée à travers le monde.

C'est conceptuel : le online "présentiel" "hors les murs" et "délocalisé"... :shock:

Ce qu’il y a de beau dans cette approche, c’est qu’on peut l’appliquer un peu partout. Le moindre cybercafé peut devenir une sorte de Stanford miniature.

Où Indiens, Pakistanais, Namibiens et Colombiens peuvent facilement se réunir !
C'est drôle comme le mépris de l'institution universitaire élitiste trahit en réalité une terrible envie d'en faire partie.

Même dans le Tiers-monde; je dirais même plus, surtout dans le Tiers-Monde. Il suffit d’avoir les structures, les personnes pour animer et encadrer, et c’est parti…

Il suffit de... Simple comme bonjour.

...je suis certain que ces modèles vont se développer de manière croissante.

Wait and see.

Ce mythe de l’enseignement en ligne déshumanisé est à mon avis hérité des anciennes pratiques du e-learning, où chacun apprenait de manière solitaire. Cette approche existe toujours dans beaucoup de formations en ligne et même dans certains MOOC, mais les choses évoluent rapidement. J’espère que nous aurons bientôt à Paris ou ailleurs une véritable université hors-les-murs, basée sur des cours comme les MOOC.

Mais pourquoi vouloir à tout prix trouver un lieu ? Ce n'est pas un peu old school ? :xx:

Les gens se rencontreront pour apprendre ensemble, innover ensemble, travailler ensemble.

Car apprendre, c'est innover. :doc:

Une université décentralisée, ou non, basée sur les meilleurs cours mondiaux. Un rêve utopiste ? Allez prévenir les américains alors, car ils ont déjà commencé…

Pas besoin : ils sont déjà en train d'occuper le terrain en France. Demandez à l'école Polytechnique.
Pour résumer, si l'on suit la pensée de l'auteur, les moocs ne sont pas inhumains quand ils ne sont plus des moocs. Quod demonstrandum erat. ;)
Dernière édition: 30 Mai 2013 19:33 par Loys.

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03 Jui 2013 14:44 - 20 Jui 2013 16:10 #6166 par Loys
Et sur le même blog, un nouvel article pour voler au secours des Moocs : "MOOC: ce que les taux d’abandon signifient" (03/06/13)

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Dernière édition: 20 Jui 2013 16:10 par Loys.

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20 Jui 2013 14:51 - 20 Jui 2013 16:11 #6477 par Loys

MOOC: ce que les taux d’abandon signifient
Sur Coursera, environ 10% des participants inscrits à un cours vont jusqu’au bout. Le record y est détenu par le cours de programmation Functional Programming in Scala: 20% des 50.000 participants avaient obtenu la certification l’hiver dernier. Le MOOC Gestion de Projet a « doublé » le record du monde, 37% des inscrits ayant obtenu le certificat basique. Les raisons en sont multiples: taille réduite, durée courte, pédagogie différenciée et recrutement qualitatif sont les principales à mes yeux. Au-delà de la bataille de chiffres autour du nombre d’inscrits et des taux de certification, cherchons à comprendre ce qui sous-tend les taux d’abandon observés.

Aller "jusqu'au bout" chez Coursera, ce n'est pas "obtenir une certification".
Quant au mooc "gestion de projet", beaucoup plus confidentiel, 30% des points s'obtient simplement en rendant des devoirs ou par des mini-quiz que l'on peut recommencer trois fois...

Les critiques sur les taux d’abandon élevés relèvent à mon sens d’une erreur d’interprétation. L’erreur consiste à plaquer sur les MOOC des raisonnements adaptés à l’université ou a des formations payantes, et qui n’ont que peu de sens dans le contexte actuel.

Effectivement, d'où le ridicule d'afficher des nombres d'inscrits extraordinaires et dont la presse s'extasie...

Dans ce billet, nous discuterons de ce qui se cache derrière les taux d’abandon en proposant deux points de vue, celui de Rémi Bachelet, enseignant à l’origine du MOOC Gestion de Projet, et le mien.

Un regard extérieur, en somme...

Rémi Bachelet:
Le chiffre le plus souvent cité dans un MOOC est celui des inscrits totaux : c’est le plus gros, le plus impressionnant, le plus « Massif ». 160.000, 230.000, et même 3600 ça en jette !

C'est le principal argument publicitaire. Coursera approche des 4 millions de "courserians".

Mais en fait, ses défauts sont rédhibitoires : calculé sur cette base, le taux final de réussite apparaît minuscule.. et surtout faux puisque la majorité des « inscrits » n’ont en fait jamais accompli d’acte « engageant » (au mieux donné leur mél, mais quand on est enregistré sur Coursera c’est en fait un clic sur un bouton).

Alors que répondre à un mini-quiz, c'est un "acte engageant". :doc:

Pour moi il faut calculer au moins deux ratios
1/ le « no-show », terme utilisé en hôtellerie pour désigner un client qui ne se présente pas à sa réservation. Sur les gros MOOC, ce taux est énorme, couramment plus de 70%, et ces derniers temps, il tend à croître avec l’augmentation de l’offre.

Évidemment, il est inutile de s'interroger sur ce pourcentage impressionnant...

2/ une fois que l’étudiant est effectivement présent (par un acte à définir : se connecter à l’aide de son mot de passe, regarder une vidéo, répondre à un questionnaire) on peut mesurer le taux de réussite, par rapport à un objectif donné (rendre un devoir, réussir le certificat).

Finalement le "présentiel" revient en force ! :transpi:

Le taux de réussite final peut être calculé comme le produit de taux de réussite intermédiaires (à l’issue de chaque semaine, par exemple). C’est là leur coeur des analytics qui permettent une compréhension fine des difficultés des étudiants afin de piloter et d’améliorer un MOOC.

Le "produit" ou "la somme" ? :scratch:
C'est sûr que des QCM permettent de la "compréhension fine" des difficultés...

En attendant et à titre préliminaire, voici une feuille de calcul avec une estimation des taux de réussite du MOOC Gestion de Projet.
34% pour le taux de « no-show »
57% pour le taux réussite réél du certificat basique
78% pour le taux réussite réél du certificat avancé


Nombre de participants aux devoirs 1 à 24 du certificat basique et à l’examen final du MOOC GdP
Les indicateurs mesurables utilisés sont à chaque fois la base de départ la plus large possible des participants à un certificat, qui font un acte « engageant » à ce sujet, que l’on compare au taux final de réussite : celui des certifiés.

Ce que ce graphique montre, c'est que la certification finale est du même niveau que les devoirs intermédiaires.

Par rapport aux autres MOOC ces taux sont très bons, tout comme les taux de satisfaction relevés par notre questionnaire de mi-parcours.

Il est évidemment d'une grande facilité de comparer des moocs en faisant abstraction de leur contenu, de leur public et de leur niveau d'exigence.

Aux questions comme « évaluez la qualité des supports de ce MOOC », ou bien « celle de la plate-forme » ou « du prof », on obtient d’excellents résultats : sur 1300 réponses on a respectivement 4, 2 et 1% des répondants qui disent qu’ils sont « moyens » et 0% « mauvais » ou « très mauvais »… des taux de satisfaction supérieurs à 95% donc .. Soviétique !

Façon "Like" sur Facebook. :transpi:

Cependant avec un peu de recul, il est normal d’avoir un taux de satisfaction important, puisque les étudiants qui ne sont pas satisfaits du cours vont « voter avec leurs pieds » et s’en aller. Pour eux c’est tout l’intérêt d’un MOOC : entrée libre et gratuite, sortie tout aussi libre et gratuite.

Effectivement.

Autre paramètre à prendre en compte, il faudrait segmenter les différents publics : le taux d’abandon ne sera bien sûr pas le même avec des étudiants de notre université/grande école que l’on « incite fortement à s’inscrire » et dont les notes compteront pour leurs études … et des apprenants « libres d’aller et de venir »… et le taux de satisfaction non plus, d’ailleurs, mais cette fois-ci en sens inverse : avec des « apprenants contraints » on aura un taux de satisfaction plus bas.

Mais non, ça ne change rien, voyons.

Dans le cas du MOOC GdP #1 nous n’avions que des participants « libres », mais nous espérons bien que la prochaine édition, en plus d’être ouverte à tous, pourra également être intégrée à des cursus (l’essai avec les étudiants des mines de Douai a été positif goo.gl/WQNbd )

Comme ça, ce qui est l'essence du mooc, la liberté, disparaît totalement. :spider:

Quelle conclusion en tirer ? Le MOOC GdP a été bien apprécié, au prix d’un gros travail de l’équipe et d’une solidarité de nos apprenants qui n’ont souvent pas hésité à “donner un coup de main”.

On ne serait pas un peu éloignés du sujet de départ ?

Mais ces taux seront-ils reproductibles une fois l’effet de nouveauté passé ? S’il y a plus d’inscrits ? Sans doute pas, mais nous ferons notre possible pour qu’ils restent élevés, en pilotant l’organisation et en améliorant le programme !

Et en obligeant les étudiants à s'incrire. :doc:

Matthieu Cisel:
Beaucoup d’analyses tendent à considérer les inscrits au même titre que des étudiants, et donc une non-certification au même titre qu’un abandon. Elles ignorent sciemment ou non que nous ne sommes pas dans le contexte d’une université. Les participants aux MOOC ne sont pas des étudiants inscrits dans un cursus et qui abandonnent le cours. En effet, les motivations qui poussent à s’inscrire sont diverses: certains viennent certes avec l’intention de passer le certificat, mais beaucoup plus nombreux sont ceux qui utilisent le MOOC en tant qu’auditeurs libres et qui n’ont absolument pas la moindre intention d’obtenir une certification. L’équipe de Coursera insiste d’ailleurs régulièrement sur ce point.
Le cours de Princeton World History since 1300 est presque devenu un cas d’école: 0.8% des 83.000 participants inscrits avaient rendu les quatre ou cinq dissertations demandées.

Il faut dire qu'une dissertation, c'est d'un autre niveau que de répondre à un mini-quiz...

En revanche, nous étions probablement beaucoup plus nombreux à avoir regardé toutes les vidéos. J’étais moi-même allé au bout de ces plus de vingt-cinq heures de cours passionnantes. En revanche, je n’avais eu ni le temps ni l’envie de passer plusieurs heures par semaine à rédiger les dissertations demandées, d’autant qu’il n’y avait pas de certificat à la clef.

La passion s'arrête donc avec le travail demandé.

Il est possible d’aller plus loin dans la classification des utilisateurs. Plusieurs catégories de participants ont été définies sur la base des comportements observés au sein des MOOC. Les lurkers sont les participants qui s’inscrivent sans jamais suivre le cours (ou seulement une ou deux vidéos), et correspondent peu ou prou au no-show. Les auditeurs libres sont ceux qui visionnent le contenu des vidéos sans rendre les devoirs, et passent éventuellement un peu de temps à lire les forums mais y sans participer eux-mêmes. A la différence des auditeurs libres, les participants passifs rendent les devoirs, mais sans être actifs sur les forums, tandis que les participants actifs correspondent au niveau maximal d’engagement; ils passent les examens, rendent la majorité des devoirs, et participent sur les forums. Certains auteurs proposent également la catégorie Drop-in, qui correspond aux participants qui ne sont actifs que pour certains sujets.

Peu importe l''engagement" ou la manière de travailler : ce qui compte, c'est le résultat.

Sur Coursera, le taux de no-show est particulièrement élevé. Christine Vauffray avait un jour utilisé une métaphore qui m’avait beaucoup plu. Coursera est un peu comme un hypermarché, avec des centaines de cours dans les rayons. Face à une telle abondance de cours gratuits, beaucoup (dont je fais partie) succombent à la tentation de mettre dans leur caddie tous ceux qui les intéressent (jusqu’à devoir visionner plus 24 h de cours par jour).

Effectivement ça risque d'être difficile... La comparaison avec un supermarché est assez intéressante, mais pour une autre raison. :devil:

Mais au moment de passer à la caisse, ils réalisent qu’ils ont eu les yeux plus gros que le ventre, et doivent aller remettre les cours dans leurs rayons. C’est mon à mon sens ce qui explique l’extraordinaire taux de no-show observé au sein de Coursera, et c’est ce qui fait la distinction entre un recrutement quantitatif, et un recrutement plus qualitatif (cf. Où trouver 10.000 étudiants?).

Peu importe : le but de Coursera est ailleurs.

A mon sens, il est utile de garder à l’esprit la diversité des motivations qui sous-tendent l’inscription à un MOOC lorsque l’on parle des taux d’abandon. Les 90% de personnes qui ne passent pas la certification ne correspondent pas uniquement à de l’abandon. Beaucoup sont des auditeurs libres qui utilisent le cours à la manière d’une émission de télé, ou d’une série. Les auditeurs libres peuvent représenter la majorité des participants dans certains cours. Bien sûr certains abandonnent, mais cela ne signifie pas nécessairement que la pédagogie des MOOC soit mauvaise.

Bref, pas d'humilité ou au moins de précaution : l'échec est inhérent au système lui-même. On ne devrait d'ailleurs même pas parler d'échec : il y a ceux qui ont réussi et ceux qui n'étaient pas vraiment là. :doc:

D’autres facteurs sont à prendre en compte, comme le niveau de difficulté du cours ou la disponibilité. Lorsqu’un cours nécessite plus de 5h de travail personnel par semaine, il est difficile de maintenir une régularité dans son travail pendant parfois plusieurs mois d’affilée, d’autant que la grande majorité des participants suivent les MOOC sur leur temps libre.

Bref la liberté est plus un obstacle pédagogique qu'autre chose. Grande découverte ! :devil:

La pédagogie et la qualité du cours en général ont un impact sur le taux d’abandon, cela va sans dire. Mais mieux vaut chercher à comprendre la dynamique du phénomène avant de jeter les MOOC aux orties sous prétexte qu’ils ne certifient « que » quelques milliers de personnes sur les dizaines de milliers qui y participent.

A vrai dire c'est surtout qu'ils ne certifient rien, parce que la certification est limitée dans sa forme et n'offre aucune garantie. Ajoutons qu'en cette période de nouveauté des moocs, chaque institution a intérêt à bien certifier ses propres "apprenants". C'est ce qui fait d'ailleurs la différence avec un diplôme évalué objectivement.
Dernière édition: 20 Jui 2013 16:11 par Loys.

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20 Jui 2013 15:34 #6480 par Loys
A lire sur "EducaVox" du 20/06/13 : "MOOC : quelle stratégie pour les établissements ?" , toujours par Matthieu Cisel.

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23 Jui 2013 02:52 - 23 Jui 2013 02:55 #6517 par N°6
Quelques précisions "vu de l'intérieur"
Je suis des cours (sciences biologique et astronomie) sur coursera et edx depuis un an environ.
J'ai validé totalement 7 cours / 8 sur coursera (le 8eme s'adressait en fait à des médecins, et m'aurait réclamé un temps bien trop conséquent pour y participer activement) et celui que j'ai suivi sur edx. D'ici un an, j'ai prévu de suivre en tout 35 cours, que je compte bien tous valider... pour le fun :mrgreen: (et pour relever quelques défis personnels :doc: )
Le niveau des cours varie du "facile" (elearning.... tiens tiens, les sciences de l'éducation) au "pas si facile" (neurosciences, Biologie du MIT) et au "pas facile du tout" (génétique, astrophysique) en passant par le "franchement chiant" (physiologie animale).
Dans tous les cas, on a environ 9 % de reçus, et 50% des "inscrits" environ qui se présentent sur le site pour le premier cours. Les exos vont, le plus souvent, bien plus loin que de mini quizz.
Le public des cours n'a souvent rien à voir avec des "jeunes étudiants": la plupart de ceux qui se présentent dans les forums sont déjà diplômés de second et troisième cycle universitaire. Ils viennent plus diversifier leurs connaissances, explorer de nouvelles disciplines ou de nouveaux développements qu'apprendre du nouveau. On y trouve aussi des retraités, et d'anciennes étudiantes devenues mère au foyer et retrouvant leur jeunesse en suivant les cours. Les nationalités sont (très) variées, mais je dois reconnaitre que les français y sont excessivement rares (du genre moins d'une dizaine sur 30000 ...)
La pédagogie employée a de quoi faire frémir nos modernes pédagogues: frontale et transmissive, matinée de collaboration sur les forums. Les cours d'une heure sont fractionnés en morceaux de 15 à 20 min. Il y a entre 2 et 4 h de cours / semaine.
Au point de vue pédagogie des profs (c'est aussi pour cela que j'y vais, en plus de mon désir ardent de perfectionner mon anglais en situation), on trouve de tout:
- des cours monstrueusement soporifiques, à coté desquels un épisode de "Derrick" prendrait les accents d'une épopée homérique
- des merveilles de compétences et d'équilibre, avec des cours construits comme une série à rebondissements, et extrêmement efficaces, réalisés et présentés par des "pontes" charismatiques (E Lander en biologie au MIT, par exemple, a marqué tous ceux qui ont suivi son cours EDX)
- des cours où un travail immense a été réalisé au niveau du travail demandé: je citerai un cours d'astronomie ou les notions les plus actuelles et les plus complexes ont été, a force de travail de présentation et de construction des exos, rendu accessibles au moyen des mathématiques connues d'un élève de troisième. Je ne l'aurait pas cru possible, si je ne l'avais vu moi même.
- des cours qui ressemblent plus a des conférences hâtivement bricolées sur un coin de table, avec des "rappels" condensant en 5 min des siècles de découvertes et désorientant les novices.
A la fin des certains cours, des universités nous demandent de répondre a des enquêtes. Dernièrement, l'une d'elle (université de Pennsylvanie, Upen pour les intimes) a posé une question qui jette un nuage noir sur l'avenir des MOOC: "accepteriez vous de payer 5 $ pour les prochains cours de l'UPen"... Cela veux tout dire!
Au niveau efficacité, je renverrai à une étude-bilan que l'on peut gratuitement télécharger sur le site de la national academy press ( www.nap.edu ) intitulé "evaluation of evidence based practices in online learning. Elle fait le bilan de plus d'une centaine d'études dans ce domaine. Ses conclusions ne sont pas de nature a réjouir le Guillou:
"students in online learning conditions performed modestly better than those receiving face-to-face instruction", soit " les étudiants en formation online réussissent un petit peu mieux que ceux recevant un enseignement présentiel". De plus, le rapport précise honnêtement qu'il existe très peu d'études rigoureuses concernant les collégiens et lycéens, et donc "qu'il faut être prudent en généralisant les résultats obtenus pour la plupart sur d'autres publics à cette tranche d'âge"....
Dernière édition: 23 Jui 2013 02:55 par N°6. Raison: fôtes

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23 Jui 2013 09:01 - 23 Jui 2013 09:07 #6518 par Loys
Merci pour ce nouveau retour, N°6. Vous nous aviez déjà bien éclairés sur cet autre fil de discussion : www.laviemoderne.net/veille/l-ecole-en-l...tart=0&start=20#3755
Votre soif de connaissance tous azimuts force mon admiration et à vous lire on constate à quels points les moocs sont des moyens d'apprendre intéressants pour ceux qui ont la curiosité et la motivation chevillées au corps. Pour les autres (c'est-à-dire... l'essentiel du système scolaire) les moocs sont-ils à même de créer cette motivation ? Le taux d'abandon ne le laisse pas penser.
D'autant que les esprits curieux comme le vôtre ne recherchent pas nécessairement la certification à titre professionnel ou un cursus long orienté vers un diplôme : on retrouve presque là la dimension libérale de l'enseignement.
Mais pour la plupart des étudiants, le diplôme qui les sanctionne compte autant - si ce n'est plus - que les connaissances acquises : de ce point de vue le modèle des moocs est éminemment problématique et les discours les promouvant comme nouvelles universités du XXIe siècle risquent de rejoindre ceux tenus sur "Second Life" en 2007.
elearningtech.blogspot.fr/2007/08/second...s-learning-tool.html
Dernière édition: 23 Jui 2013 09:07 par Loys.

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