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"Education : demain, les profs seront tous complètement Mooc"
- Loys
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A "Libé" on n'a même plus l'énergie de faire de mauvais jeux de mots.Education : demain, les profs seront tous complètement Mooc
Sûr que les enseignants se désolent de l'implosion des "télés généralistes".C’est un dîner de copains - copines avec, au menu, un poulet savoyard aux tomates, le tout arrosé de rioja grasseyant. Il y a là pas mal d’enseignants bien installés dans leur activité. Ils se désolent en attendris compatissants de l’état de la presse, de la fin des journaux papiers et de l’implosion des télés généralistes.
Si les moocs ont le même avenir que celui qu'on prédisait à la télévision éducative, cet article sera à conserver précieusement pour les temps futurs.
Diantre ! Non seulement Luc Le Vaillant est journaliste, mais c'est un écrivain, et un grand.J’ai beau faire le faraud autodérisoire, je ne peux que confirmer leur constat alarmiste.
Et le téléchargement, c'est l'apprentissage, bien sûr. Surtout qu'en général les téléchargements illégaux ont une haute valeur culturelle.L’information comme la culture sont devenues des denrées qu’on télécharge avec une telle facilité qu’il est compliqué de ne pas se contrefoutre de la rémunération des journalistes, musiciens et autres artistes. Sans parler des geeks robespierristes qui estiment que la notion de créateur est une usurpation bourgeoise. Pour ces éradicateurs incapables de voir comme leur compulsion de pie voleuse fait la fortune des fournisseurs d’accès et des moteurs de recherche, il serait révolutionnaire de suriner Marivaux et de supprimer les droits d’auteur…
Enfin, il y a des articles en édition abonnés.Au fromage, reblochon, comté et pain aux noix de chez Kayser, je commence à fatiguer de débiner les logiques suicidaires d’une profession, la mienne, qui donne sur écran ce qu’elle vend en kiosque.
Et donc, en toute logique, Luc Le Vaillant s'en prend aux enseignants.Et je n’en peux plus de déplorer la voracité numérique doublée d’irresponsabilité démocratique de mes concitoyens.
Et ce sera bien fait pour elle.Cédant à un goût bien ancré pour la provocation, je décide d’aller chercher des poux dans la tonsure de cette corporation éducative qui se croit préservée quand elle va vite se prendre le scud Internet dans la gueule de son statut.
Tiens, du Michel Serres recyclé.Je fais valoir que, bientôt, ils n’auront plus à ânonner leurs cours devant des élèves ligotés à leurs bancs de galère, ni à faire régner l’ordre au sein de peuplades distraites et bavassantes.
C'est effectivement ce que nous promettent les moocs. Mais les promesses n'engagent que ceux qui y croient.Bientôt, ils ne ressentiront plus cette satisfaction ineffable de voir leur auditoire évoluer, s’intéresser, progresser. Bientôt, ils ne recevront plus ces SMS de remerciements qui font chaud au cœur après les succès aux examens. Demain, les rares enseignants survivants ne seront plus que les ouvriers spécialisés d’un système taylorisé.
La rancœur de Luc Le Vaillant contre l'école grande plume autoproclamée de "Libération", on l'avait remarquée depuis longtemps et elle fait plaisir à voir dans un journal dit de gauche.En prophète revanchard, je dresse un panorama du champ de ruines que sera leur domaine de compétences.
L'écrivain-journaliste se fait de plus visionnaire : lui qui comprend si bien l'acte pédagogique entrevoit mieux que quiconque ce qu'il deviendra dans un futur proche.
Allez, confondons ensemble le supérieur et tout le reste de l'école. Notons que la prédiction... en reste à la prédiction : aucune explication ne sera donnée.Les Mooc (1) vont dévaster le sanctuaire des salles de classe et mettre à nu la relation enseignant - enseigné.
Ils ne sont pas accessibles, ils sont disponibles : c'est toute la différence. Un cours complexe d'économie n'est accessible qu'à un étudiant qui a les prérequis nécessaires pour l'aborder.Les massive open online courses sont des cours gratuits accessibles sur le Net, imaginés et interprétés par les meilleurs pédagogues du secteur.
Et c'est leur accès qui est gratuit, car les certifications (pour ce qu'elles valent) sont payantes chez Coursera par exemple.
Il ne s'agit pas vraiment de cours, comme les cours auxquels on peut assister à l'université : les vidéos durent quelques minutes seulement, limitant par là-même leur intérêt. La raison : éviter - autant que possible - le décrochage des internautes.
Venant de quelqu'un qui y a intérêt, le contraire eût été étonnant.Pour l’instant, ces Mooc diffusent des connaissances de haute volée. Mais, il n’y a aucune raison que ce dispositif reste cantoné aux sphères universitaires. Salman Kahn, pionnier de ce business, prédit la fin des cours magistraux et le déclin de l’autorité des maîtres.
Le même discours prophétique sur l'avenir numérique de l'école avait été tenu à propos de "Second Life" en 2007...
Au doigt mouillé.Surtout, il estime qu’au collège l’acquisition des connaissances prendra demain 20% du temps nécessaire aujourd’hui.
Et comment ça se passera exactement ?
Comme c'est beau.Les heures libérées seront affectées au travail personnel, au soutien en réseau et à des activités sportives, artistiques, etc.
Pas sûr que Barthes, Foucault ou Lacan aurait accepté de réduire leurs cours à un format publicitaire.Au lieu de faire le pied de grue au Collège de France dans l’espoir d’accéder aux amphis bondés, je n’aurais pas détesté visionner les cours de Barthes, de Foucault ou de Lacan.
On peut aussi lire leurs livres, dans le genre technologie d'enseignement à distance.
Pourquoi lire un pavé quand on peut regarder une vidéo de quelques minutes, avec du mouvement et des images pour distraire le télétudiant ?Les étudiants de demain pourront voir les soliloques des Nietzsche du futur, au risque que la vidéo formate la saveur du vécu et que l’écrit soit démonétisé…
Effectivement l'issue est réjouissante.Au-delà de l’impossible gratuité des Mooc qui durera le temps que cela soit soldé aux recruteurs privés et à la publicité, il y a du réjouissant dans cette évolution.
Bah oui parce que les connaissances, jusqu'ici, on ne pouvait pas y accéder : elles étaient dans des endroits inaccessibles des universités, les bibliothèques publiques d'information. Et en plus il fallait faire l'effort de lire des livres.L’utopie d’une accessibilité généralisée aux savoirs les plus flambants fait battre les cœurs.
Et si cette dématérialisation ne profitait qu'à ceux qui peuvent en profiter ? Et si cette université était plus élitiste que jamais, puisque offrant des succédanés aux prolétaires de l'Internet tandis que l'élite continuerait à jouir de vrais cours dans de vraies universités ? Et si cette démocratisation n'était pour l’État que l'occasion de faire des économies et pour les entreprises du business ?Vive l’université populaire ! Vive l’école hors les murs ! Vive l’auto-instruction !
"Libération" qui célèbre des autodafés, il fallait attendre 2013 pour voir ça !Les cahiers au feu et les anciens maîtres au milieu!
Bien sûr.L’ennui, c’est que les Mooc vont aussi sonner la fin de l’Education nationale, premier employeur français.
Quel avenir radieux, sans babilleurs et avec Luc Le Vaillant (qui ne doit pas savoir ce qu'est un énonciateur) !Les économies salariales qui se dessinent à l’horizon sont astronomiques et Bercy doit déjà aiguiser ses ciseaux. Pourquoi rémunérer des babilleurs de second ordre quand il suffira d’appuyer sur le bouton de l’enregistrement du plus brillant des énonciateurs ?
Vivement qu'un mooc enseigne le pluriel des adjectifs en -al aux cancres de "Libération" !D’accord, il faudra ensuite quelques répétiteurs compréhensifs et patients pour les cancres les plus rétifs. Mais la génération des digitals natifs se passera de ces médiateurs en surnombre.
Au passage, on notera que "Libération" est le seul journal de gauche à partager le constat libéral de la Cour des comptes sur le "surnombre" supposé des professeurs.
On se demande quels "profs" peuvent être des "amis" de Luc Le Vaillant. Serait-ce une simple clause de rhétorique ?Pelant leurs mandarines, mes amis profs se récrient que jamais cela n’arrivera, que la relation pédagogique est au cœur du système d’apprentissage humaniste, que je joue les Cassandre de malheur et les prospectivistes d’Apocalypse.
Chouette !Les regardant touiller leur Nespresso décaféiné, je me tais enfin, les soulageant d’autant. Ce qui ne m’empêche pas de leur souhaiter in petto la bienvenue dans le monde merveilleux de la destruction numérique de valeurs.
J'ai hâte de relire ce merveilleux article dans dix ou vingt ans.
Bah, comme dirait un journaliste et prophète approximatif : "Et après ? Après, on verra."Valeurs que cette nouvelle société recréera certainement. Oui, mais lesquelles ?
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