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Thibaut Charron - "Franchement, Loys, GG" (26/03/12)
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La référence, avec sa traduction, signifie surtout : moi aussi, j'ai ma culture, et elle est jeune et moderne...Franchement, Loys, GG
(« GG » signifie « good game », rituel récurrent pour dire « bien joué » dans l’univers de nombreux jeux, dont vidéo)
C'est sûr que ceux des élèves dont j'ai montré les copies n'ont pas besoin d'aide et sont très indépendants...Vous avez forcément entendu parler de Loys Bonod. Mais si, c’est ce prof de français qui a fait parler de lui jusqu’au JT de France 2, parce qu’il avait eu l’idée de piéger ses élèves avec un faux corrigé qu’il avait lui-même dispersé sur le Web. Élèves qui ont bien entendu en grande majorité (plus des trois quarts) recopié les corrigés à leur disposition sans tellement chercher à comprendre ce qu’ils faisaient. Lisez son article. M. Bonod a voulu démontrer que :
« les professeurs peuvent parfois maîtriser les nouvelles technologies aussi bien [que leurs élèves], voire mieux qu’eux ».
« tout contenu publié sur le web n’est pas nécessairement un contenu validé ».
« c’est un manque cruel de confiance qui pousse [ses élèves] à recopier ce qu’ils trouvent ailleurs, et qu’en endossant les pensées des autres ils se mettent à ne plus exister par eux-mêmes et à disparaître ».
Ce sont ses conclusions. Voici les miennes. Sans aucune prétention.
Avec cet exemple je crois que tout est dit... La conclusion - immorale - procède donc d'un renoncement, d'une abdication en rase campagne.Vous avez prouvé qu’une mauvaise utilisation du numérique par un pénalisait tous. La consigne de l’exercice était « commenter le poème de manière exclusivement personnelle ». À l’heure des Internets, autant demander à un cycliste de faire le Tour de France sans pikouze...
Où on retrouve un autre argument que la triche universelle, celui de la triche perpétuelle. A noter qu'un commentaire ne suppose pas de donner un "avis personnel"......et DE TOUTE FAÇON, a-t-il vraiment déjà existé une génération d’élève à qui on a demandé un avis personnel qui a rendu un travail sans se tuyauter d’une manière ou d’une autre ?
La "sagesse des foules" est un concept séduisant, comme on peut le constater à de nombreuses reprises dans l'Histoire... Socrate condamné à mort par l'assemblée démocratique d'Athènes, par exemple : je vous mets un lien vers une source historique , et non une compilation anonyme.Il y a une chose formidable qui s’est considérablement développée ces derniers temps, M. Bonod, c’est la sagesse des foules (je vous ai mis le lien Wikipédia, mais méfiez-vous, quelqu’un y a peut-être mis des bêtises).
Le forum, c'est fait depuis un moment. Et pour l'usage réfléchi, oui c'est possible pour certains exercices exigeant une recherche documentaire. Mais allez savoir pourquoi, l'usage réfléchi n'intéresse pas beaucoup les élèves. La preuve, c'est qu'ils en font un usage même quand ce n'est pas nécessaire.L’enjeu de votre expérience n’est pas moindre : il s’agit d’expliquer à des adolescents qui vivent baignés dans le numérique depuis leur plus fendre entance qu’il est possible de faire un usage réfléchi de l’outil. Putain, Loys, monte un Wiki dédié, un forum, incite-les à s’entraider sur Twitter.
Parce que dans tous les cas, travail personnel ou usage réfléchi, il faut fournir... un effort ! Et vivre dans le numérique, c'est rechercher le moindre effort. Quitte à ne pas comprendre un texte de quatorze vers.
L'argument n'est donc pas rationnel, mais pragmatique : il faut renoncer parce qu'on ne peut pas faire autrement. A ce compte, on peut aussi dire que les élèves ne liront plus de livres poussiéreux, de toute façon. Bref, un avenir sans culture et sans compréhension nous nous sourit.Ils n’iront PLUS emprunter des livres dans la bibliothèque poussiéreuse, de toute façon.
A voir, le film médiocre mais amusant de Joe Bowers, Idiocracy (2006)
Raison de plus pour qu'ils sachent s'en servir.Le numérique, c’est leurs vies, c’est un peu la vôtre bien sûr, mais il y a de nombreuses chances (no offense, vous m’avez l’air plutôt frais, en plus) pour qu’ils s’en servent plus longtemps que vous.
La différence, c'est que je n'ai rien à vendre. Contrairement à Oodoc et Oboulo. Ou même Wikipédia qui cherche à s'imposer au détriment de toutes les autres sources documentaires.La caricature grossière qui ressort, c’est un peu celle de l’industrie du disque frustrée qui punit ses propres consommateurs parce qu’ils ont un temps d’avance. Ne punissez pas vos propres élèves par frustration, M. Bonod (je répète, ceci est une caricature grossière).
Le web, dans ses usages actuels, n'a pas été "inventé" à proprement parler. Il n'a pas fait l'objet d'une réflexion, d'une intention. il s'est imposé à nous, et il veut maintenant s'imposer à l'école. Certains philosophes portent un regard critique (dans le sens le plus objectif du terme) sur cette mutation technologique et épistémologique que nous ne contrôlons pas, et c'est bien la moindre des choses.Et donc, finalement, si je qualifierais l’expérience d’amusante, je ne suis pas sûr que le fait de claironner « J’ai pourri le Web » soit une bonne méthode pour prouver quoi que ce soit, tant ce n’est pas l’idée globale de cette formidable invention.
Non... J'ai prouvé à mes élèves qu'ils avaient renoncé à penser par eux-même. Ce que j'appelle la servitude au web, ce qui est très différent.Vous avez prouvé que vos élèves n’avaient aucune conscience journalistique. Les sources, bordel, vérifiez vos SOURCES, les mecs.
Une belle prétérition... Où l'on voit que la critique n'est pas celle de mon expérience, mais celle de l'école et du principe même de la transmission de la culture.Vous avez prouvé que l’école se tire une balle dans le pied à vouloir faire comprendre à des jeunes gens de 16 ans des poèmes vieux de 300 ans. Un poème… ? D’amour ? Qui utilise des… ? Images métaphoriques ? Et qu’il faut… ? Relire trois fois pour entrevoir un sens ? Ce n’est ni ce qui les intéresse maintenant, ni ce qui leur servira plus tard. Loin de moi l’idée de tirer la culture des lycéens français vers le bas.
Vous, vous ne savez peut-être pas, mais moi je le sais. Le mouvement baroque est fascinant, mais forcément quand on vit dans un univers de jeux vidéos (cf le titre de l'article)...Mais franchement, le plus objectivement possible : ne pensez-vous pas qu’il n’existe aucun autre moyen de faire découvrir la beauté de la rhétorique française qu’en usant d’un vague poème pas très youplaboum ? Même en sortant du cliché, je suis persuadé que l’analyse de la ténébreuse complexité de notre langue peut passer par autre chose que la sanction de la lecture de textes rébarbatifs et glorifiés depuis des générations pour on ne sait plus quelles raisons.
Enfin, je veux bien écouter vos suggestions pour mieux faire découvrir "la beauté de la rhétorique française".
On en vient toujours, dans cette discussion, à son expérience personnelle de l'école en général, et de l'enseignement du français en particulier. Bizarre que vous n'ayez pas apprécié L’Étranger puisque ce n'est pas un "poème vieux de 300 ans".Et j’écris en toute connaissance de cause : j’ai lu « L’étranger » en 1ère. J’ai aujourd’hui 23 ans, et je ne suis toujours pas sûr, si je le relis, de pouvoir ni l’apprécier ni d’en tirer une quelconque morale ou finalité.
Le goût de la culture ou des œuvres ne s'impose pas, nuance. Mais ce goût ne peut pas exister si les élèves ne sont pas confrontés aux textes.La culture, à mon sens, ça ne s’impose pas.
Pour une partie, oui. Vous n'en parlez pas d'ailleurs. Pour le reste, non, je suis un adepte d'internet. Simplement je dis que les élèves, pour en profiter vraiment, doivent atteindre une certaine maturité intellectuelle.Vous avez prouvé que les médias « traditionnels » raffolent encore et toujours des expériences prouvant peu ou prou qu’Internet, dans le fond, c’est caca.
En l'occurrence, c'est vous qui faites un raccourci.Fallait pas leur offrir ça sur un plateau. Nous, peuple des Internets dont vous faites pourtant visiblement partie au vu de votre expérience, nous luttons depuis des années contre ce genre de raccourcis. Je n’ai même plus envie de faire de la pédagogie là-dessus.
Génial, non, vu toutes les erreurs manquées ou celles inventées...Vous n’avez rien prouvé concernant les correcteurs orthographiques de nos logiciels modernes, mais dans le fond, qu’en pensez-vous ? Mais oui, M. Bonod. Car finalement, qu’est ce qu’un correcteur orthographique sinon une béquille numérique pour avoir à connaitre par cœur tous les mots de la langue française. Oh, un correcteur orthographique ne permet pas de ne pas connaitre sa conjugaison ou sa grammaire. C’est une béquille. Une fois qu’on sait s’en servir, elle n’est pas dangereuse. C’est même une putain d’invention géniale. C’est beau, le numérique.
A la vérité vous êtes aveuglé par votre propre niveau, qui, malgré quelques erreurs, montre que vous n'avez pas fait partie des publics scolaires défavorisés. Car pour eux, j'ai fait la démonstration de l'inutilité du correcteur orthographique : www.laviemoderne.net/mirabilia/12-un-manque-de-correction
Quant au rêve d'une humanité avec des béquilles...
C'est vrai qu'on voit que je débute.Vous avez prouvé que votre niveau en dessin était bien, mais pas top.
Finalement vous êtes plus pessimiste que moi.Pour ma part je ne crois pas du tout à une moralisation possible de l’humanité, de toute façon, mais autant ne pas tendre le bâton.
C'est exactement ce que je dis : et pour savoir s'en servir, il faut apprendre à penser sans lui.Et je défends ce paradoxe : on ne profite vraiment du numérique que quand on sait s’en servir.
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Merci pour cette réponse de réponse très intéressante, et bravo pour avoir fait la démarche pour BEAUCOUP de ces articles critiques.
Là dessus, je retourne jouer aux jeux (de rôles, sur papier, cette fois)
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