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"Les jeunes et internet : Deux enquêtes instructives" (Le Café Pédagogique)
- Loys
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Nous avons eu l'occasion de mentionner ces deux enquêtes sur LVMLes jeunes et internet : Deux enquêtes instructives
Viennent de paraître deux enquêtes qui étudient les pratiques des adolescents sur internet : l’une porte sur les usages de Facebook par les collégiens et lycéens ; l’autre analyse le rapport des jeunes à la culture à l’ère du numérique.
- www.laviemoderne.net/veille/viewtopic.php?f=37&t=561&p=2211
- www.laviemoderne.net/veille/viewtopic.php?f=43&t=582&p=2463
On va le voir, effectivement.Les résultats de ces enquêtes s’avèrent particulièrement intéressants et édifiants dans la mesure où ils permettent de confronter le discours dominant et la réalité des pratiques.
Voilà qui risque d'être difficile puisque Internet n'est pas fabriqué par l'école...Ils peuvent ainsi éduquer notre regard sur les élèves en combattant certaines idées reçues. Ils constituent aussi une invitation à faire d’internet à l’école un véritable espace éducatif.
Voyons l'argumentation...Le Dictionnaire des Idées reçues version 2012
Plusieurs études internationales montrent la perte impressionnante de compétences de lectures des élèves français : "Alerte sur le niveau de la France en lecture" .Jeune : individu décérébré, c’est-à-dire illettré (il n’aime pas lire, il ne s’intéresse pas à la culture…) et irresponsable (sur internet, il se met en danger et met en danger autrui).
Une étude montre que les adolescents ne lisent plus : "Ados : zéro de lecture ?"
Mais tout ceci n'est qu'idées reçues...
Un exemple dans la presse aujourd'hui même : "Emeute adolescente autour d’un compte Instagram" . Encore une idée reçue...Réseaux sociaux : lieu de dérives diverses, de vains échanges et de mauvaises rencontres (à filtrer en priorité dans tous les établissements scolaires).
C'est vrai que le copier-coller n'existe pas : j'en sais quelque chose...Internet : symbole de l’acculturation moderne, invitant en particulier les élèves au copier-coller, à la passivité et à la stupidité (quel dommage qu’on ne puisse couper le robinet !).
Et puis de toute façon, comme dit si bien Michel Serres, on faisait pareil avant. Bref il n'est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.
Les "réseaux sociaux" sont souvent l'euphémisme pour "Facebook" : ça fait plus sérieux.En réalité : les jeunes et les réseaux sociaux
Une première enquête menée en février-mars 2012 par le Clemi de l'académie de Dijon auprès de collégiens et lycéens permet de tirer différents enseignements quant aux usages réels qu’ont les jeunes des réseaux sociaux, de Facebook en particulier. Plusieurs aspects sont analysés : la possession d'un compte, le temps consacré à l'outil, le nombre d'amis, le type d'informations publiées, les intérêts et les dangers …
Mais attention : un usage massif ne montre aucune addiction, même si la moitié seulement des collégiens ont l'âge nécessaire pour ouvrir un compte Facebook (13 ans).Il en ressort que nos élèves ont un usage massif du réseau : 65% des collégiens et 70% des lycéens questionnés disposent d'un compte Facebook...
Mais souvent ils lisent en même temps.ils y consacrent souvent plusieurs heures par semaine (par exemple : 15% des collégiens y passent plus de 14 heures par semaine, 26% entre 1 heure et 3 heures).
Ou l'illusion d'appartenance parce qu'avec des centaines d'amis, c'est quand même une appartenance un peu lâche...L’enquête démontre ainsi une fois de plus combien le réseau social joue un rôle essentiel chez les adolescents, qui goûtent le sentiment d’appartenance à un groupe...
Où l'on voit que la construction de l'identité passe avant tout par la construction de l'image projetée. A l'imitation de la société publicitaire qui nous environne : nous ne sommes que ce que les autres voient en nous, ou ce que nous croyons qu'ils voient en nous car la projection est le plus souvent vaine : c'est l'illusion narcissique qui nous fait croire que le monde pouvant accéder à notre mur Facebook, le monde y accède....qui utilisent internet pour construire une image d’eux-mêmes en la projetant, le réseau aidant ainsi à la structuration d’une identité en devenir.
Les nouvelles frontières du numérique sont donc résumées à des marques publicitaires et à des réseaux commersociaux : Facebook, MSN, Twitter etc.On remarque d’ailleurs que l’usage intensif de Facebook n’exclut pas d’autres territoires numériques : 78% des collégiens ont aussi recours à MSN, 18% déclarent avoir un compte Twitter, 23% un blog et 10% plusieurs.
Une belle qualité morale... surtout que ça ne coûte rien de partager un contenu numérique et c'est en fait un acte de valorisation individuel assez peu altruiste...Il en ressort aussi que sur le réseau les adolescents se montrent volontiers « partageurs »...
Une photo ou un film des copains dans une soirée, ce sont donc des "objets culturels"... On a les objets culturels qu'on peut.28 % des collégiens publient des photographies et 22% des vidéos extraites d'autres sites, 18% reconnaissant ne pas demander d'autorisation de publication de la part des personnes filmées ou photographiées. Le réseau social est un lieu essentiel de diffusion et de circulation d’objets « culturels », de liens, d’informations diverses.
Un bel apprentissage de la valeur des choses, en effet. Pourquoi un auteur serait-il rémunéré, après tout ?C’est aussi l’espace où se forge l’impression que sur le net tout est à tous, que la culture moderne est celle de la gratuité et de l’échange.
La fermeture de ces réseaux, si elle montre une prudence effectivement accrue des jeunes, n'est pas forcément un gage d'amélioration des usages : les vidéos ou les photos prises en classe circulent désormais incognito, les solutions des devoirs s'échangent discrètement.Il en ressort enfin que les adolescents se montrent plutôt prudents et lucides. La grande majorité d’entre eux ont paramétré leurs comptes pour assurer la confidentialité de leurs données personnelles : 74% des collégiens et 90% des lycéens l’ont fait, pas tous donc … Les plus gros dangers restent à leurs yeux la divulgation de la vie privée (76%), l'usurpation d'identité (64%), les publications d'images et/ou de vidéos compromettantes (66%). Il y a bien chez la plupart une claire conscience des risques, un usage réfléchi du réseau.
Progrès qu'il serait bien difficile d'évaluer puisque ces réseaux ne sont plus accessibles. L'utilisation est plus citoyenne au sens où l'élève prend davantage de précaution quant à lui-même : mais pour ce qui est des autres...La conclusion de l’étude est éloquente : elle constate « des progrès dans l'utilisation légale, citoyenne et responsable de Facebook en lycée par rapport au collège ».
L'"éducation aux médias", c'est donc le titre ronflant pour dire aux élèves de protéger leur compte Facebook... C'est vite fait en même temps et ils le comprennent souvent d'eux-mêmes.Ces progrès s’expliquent non seulement par la maturation des adolescents, mais aussi par une meilleure éducation aux médias distillée par les structures officielles, les associations, les enseignants, les personnels de vie scolaire et de direction, le Clemi lui-même.
Bah non... pas tellement, finalement.C’est dire la nécessité de cette éducation aux bons usages des réseaux sociaux ;
On dirait les parents qui créent un compte Facebook pour leur enfant avant treize ans pour éviter qu'ils ne le créent eux-mêmes...c’est dire aussi combien, pour que cette éducation puisse avoir lieu, ils doivent trouver leur place à l’intérieur même de l’école…
Lesquels ? On ne le saura pas... C'est ainsi que les élèves sans doute découvrent Les Lettres persanes ou Les Méditations métaphysiques. Je like Montesquieu et je retweete Descartes.En réalité : les jeunes et la culture
Une seconde enquête, menée dans le cadre du Forum d’Avignon 2012, a tenté d’évaluer la manière dont les jeunes générations utilisent les technologies numériques pour créer, s'approprier, partager et transmettre les contenus culturels. Plusieurs centaines de jeunes ont été sondées au niveau national (Région parisienne, Nord- Est, Nord- Ouest, Sud-Est, Sud-Ouest) et international (Allemagne, Etats-Unis, Inde, Corée du Sud).
Il en ressort qu’internet est bien devenu pour eux une voie d’accès essentielle à la culture, comme un prolongement du bouche-à-oreille : 87% déclarent utiliser Internet pour découvrir de nouveaux objets culturels...
A l'égard de quoi ?...83% ont plus particulièrement recours aux réseaux sociaux pour stimuler et nourrir leur curiosité...
Du partage qui ne coûte pas cher en effort : un clic suffit. Ou comment le lexique moral le plus valorisant est corrompu par les numérolâtres....des plug-ins comme les commandes « like » ou « j’aime » constituent même pour 77% une voie d’accès et de partage.
Ah ? Pas de littérature. Et la musique : il s'agit sans doute de musique baroque ou romantique puisque tout est accessible sur Internet, y compris le meilleur.Le contenu culturel le plus populaire est la musique pour 94% des jeunes interrogés, la vidéo et les films pour 92% et les photos et images pour 91%.
Perspective réjouissante pour les auteurs... C'est vrai, quoi, au nom de quoi seraient-ils propriétaires de ce qu'ils créent ?Cette seconde enquête confirme combien la culture à l’ère numérique cesse d’appartenir à quelques-uns, aux spécialistes en la matière, mais aussi sans doute aux auteurs eux-mêmes.
Par spécialistes de la culture, que faut-il entendre exactement ? On ne le saura pas...
La culture de la gratuité pour tout, c'est effectivement très éducatif.Les jeunes considèrent à 94% que sur Internet tout contenu culturel devrait être facilement accessible et pour 82% d'entre eux que ces contenus devraient être consultables gratuitement.
Ce ne serait pas un petit peu contradictoire avec ce qui a été dit plus haut ?Ils s’affirment sensibles à la question du respect des droits d’auteur...
On ne saurait dire mieux...... une majorité (60%) affirme être satisfaite des systèmes actuels de gestion des droits ; plus de 70% se sentent concernés (positivement ou négativement) par cette problématique. Les aspirations en la matière (exhaustivité, facilité et gratuité des biens culturels) paraissent cependant contradictoires…
Carrément !Enfin, l’enquête démontre combien internet n’est pas pour les jeunes un simple lieu de consommation, mais bien un espace de création à part entière.
Et ça, c'est de la création ! Andy Warhol avait tout compris...Environ 85% d’entre eux déclarent utiliser des applications qui permettent de créer des photos....
J'ignore d'où sort ce chiffre curieux mais j'aimerais bien savoir où trouver ces milliers de "livres"....plus de 58%, des applications qui permettent de créer des vidéos ; près de 53%, de la musique et plus de 40%, des livres.
Cliquer sur "Prendre une photo" n'est plus un acte passif, c'est un acte créatif, certes très rapide et exigeant bien peu d'efforts ou d'intention artistique mais renouvelé souvent, d'où cette "pratique régulière" de la culture...Cette intense activité est productive pour beaucoup : près de 59% des jeunes déclarent créer eux-mêmes des images et des photos ; plus de 37%, des films et des vidéos ; près de 37%, de la musique ; plus de 30% des jeux et près de 30% des livres ! La culture, sur internet, cesse d’être un simple objet qu’on consommerait passivement : elle devient une pratique régulière.
Certaines entreprises commerciales l'ont compris bien avant l'école, en tout cas.C’est dire combien le web favorise la créativité des adolescents et combien l’école aurait tout à gagner à s’inspirer de ce nouveau rapport au savoir et au monde qui en train de s’inventer.
Rien compris... Mais c'est "stimulant" !La conclusion de l’étude est aussi stimulante. Elle souligne en particulier que les pratiques numériques des jeunes sont susceptibles de bouleverser la géographie culturelle du monde : « des applications numériques adoptées à grande échelle par les jeunes favorisent le partage et la création de contenus dans des proportions qui pourraient à terme modifier de manière conséquente la volumétrie et la répartition des classes créatives entre les principaux continents ».
Une enquête avec des chiffres à l'appui est forcément déclinologue si elel montre un déclin de la lecture.Et les adultes ?
« Ados : zéro de lecture ? », titrait récemment Le Monde des Livres, véhiculant une fois de plus les stéréotypes de la doxa déclinologiste.
Ben voyons : lire les commentaires sous une photo postée sur Facebook, c'est pareil que lire une comédie de Molière. Le relativisme culturel du Café pédagogiste est effrayant.En réalité, pour peu qu’on accepte de ne plus confondre la lecture et le livre, l’acte et l’objet, on découvre avec bonheur combien les adolescents, grâce à internet en général, et même grâce aux réseaux sociaux, lisent plus que jamais...
Il faut quand même oser dire des choses pareilles...Twitter, rappelle volontiers Pierre Ménard, est un livre, un livre en perpétuelle actualisation, un livre dont on serait à la fois le lecteur et l’auteur.
Et comment les accompagner sans intervenir dans leur vie privée ?Dès lors encore, pour peu qu’on accepte d’envisager le web tel qu’il est, c’est-à-dire comme une invitation, saisie par beaucoup d’adolescents, à échanger et à créer, à se cultiver et à se construire, alors on peut les y accompagner pour encore mieux les former.
On a toujours pas compris ce qu'il fallait enseigner, mais bon...La leçon de ces enquêtes, c’est bien qu’internet a plus que jamais sa place à l’école, en tant qu’objet d’éducation...
Ces enquêtes n'en parlent absolument pas....et en tant que support d’activités pédagogiques.
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