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"Les racines de notre intolérance aux fautes de français" (Le Monde)
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Le terme est violent : vouloir qu'un élève sache écrire, c'est donc être "intolérant".Les racines de notre intolérance aux fautes de français
Curieux car - sans même parler d'écrire - les Français ont même élu un président s'exprimant régulièrement dans un français très fautif ...Un ministre qui ne sait pas résoudre une règle de trois, ça s'est déjà vu et ça prête à sourire. Mais passe encore. S'il avait fait une faute d'orthographe en revanche, on aurait crié au cancre...
J'ai connu des élèves qui n'avaient pas ces préventions...La France est ultrasensible aux fautes d'orthographe. C'est culturel, c'est dans son ADN. Dans les cours d'école, les élèves se vantent volontiers d'être "nuls en maths", mais ne font guère les fiers devant leurs lacunes en orthographe.
Vulgate d'IUFM... On ne parle pas de péchés d'orthographe, que je sache. "faute" est de la même racine que "falloir" est indique une absence, un manque : vouloir ajouter une connotation morale est un très mauvais procès.Et d'ailleurs, pourquoi parle-t-on de "fautes" d'orthographe comme si celles-ci relevaient du péché originel ?
On parle couramment de "faute de calcul" ou de "faute de raisonnement"...Ne dit-on pas "erreurs" de calcul ?
Caricature du débat. Les défenseurs de l'orthographe sont forcément des intégristes intolérants de la "perfection orthographique". Or cette accusation est ridicule quand on constate les lacunes sidérantes d'élèves au sortir de leur scolarité obligatoire. Je renvoie au clapotis "Copies non conformes" pour juger sur pièces à quel point nous sommes bien, bien loin de cette recherche de la perfection..Notre attachement à la "perfection orthographique" remonte à la seconde moitié du XIXe siècle.
Eh bien ça ne l'est plus.Il ne vient pas des élites, mais de l'école primaire supérieure, qui formait les enfants du peuple. "Le fait de bien savoir écrire était important pour assurer la promotion de ces enfants, pour en faire des petits cadres. C'était l'identité du primaire supérieur, son excellence", explique Claude Lelièvre, historien de l'éducation.
Ne plus savoir écrire ne permet plus d'assurer la promotion sociale : curieux également car jamais la certification Voltaire ou le coaching orthographique (voir l'autre article d'Aurélie Collas ) ne s'est si bien porté.
On en est loin. Aujourd'hui on ne peut pas perdre plus de deux points au bac de français, comme en témoigne ce document de l'académie d'Aix-Marseille ... même si l'on ne sait pas écrire. La tolérance est imposée par la voie hiérarchique, une tolérance qui évoque plutôt une forme de laxisme généralisé.A l'époque, poursuit l'historien, "le ministre de l'instruction publique, Jules Ferry, s'insurgeait de l'importance de l'orthographe à l'école, en particulier au brevet, où les candidats étaient éliminés dès trois fautes".
L'orthographe lexicale de l'anglais est bien plus complexe que la nôtre.Aujourd'hui encore, ne pas savoir bien écrire - alors même que notre orthographe est réputée l'une des plus difficiles au monde - est considéré comme intolérable.
Comment peut-on affirmer une chose pareille ?Depuis le XIXe siècle, les méthodes d'apprentissage de l'écrit ont peu changé.
De librairie, car il y a longtemps qu'ils ne sont plus utilisés à l'école.On apprend par coeur les règles et leurs exceptions, on les applique par des exercices et des dictées, et les bons vieux Bled et Bescherelle sont toujours des succès de librairie.
Ne pas s'étonner ensuite des difficultés actuelles.En revanche, l'école s'est mise à enseigner autre chose que le "lire-écrire-compter". "Les enfants de l'école élémentaire aujourd'hui ont moitié moins d'heures de français qu'il y a un siècle", précise Claude Lelièvre.
En toute logique apprendre une langue étrangère avant même de maîtriser sa propre langue...A la place, ils étudient l'histoire et la géographie, les sciences, l'instruction civique, l'informatique, l'anglais...
Elle ne l'assure plus depuis longtemps : comment le pourrait-elle ?PLUSIEURS MANIÈRES D'ÉCRIRE
L'heure des choix serait-elle venue ? Car l'école ne peut satisfaire toutes les exigences : assurer, en un temps restreint, un même niveau d'orthographe aux citoyens de demain, tout en répondant à de nouvelles missions.
C'est tellement ringard de vouloir que les élèves connaissent leur propre langue quand ils peuvent apprendre une langue étrangère autrement plus cool.A cette équation, les solutions proposées divergent. Certains prônent le grand bond en arrière, et souhaiteraient que l'école se cantonne à un enseignement traditionnel.
Il y a déjà eu une simplification décidée en 1990, dans le but d'aider les élèves, avec les résultats qu'on constate aujourd'hui. Pour les réformes orthographiques, je renvoie à notre article "Demin dè l'ôbe" .D'autres militent pour une grande simplification de l'orthographe, qui substituerait aux "x" des "s", supprimerait les doubles consonnes inutiles et les accents circonflexes.
Qui ont d'ores et déjà gagné depuis longtemps : voir la notation au brevet ( "Miri est contente" ) ou au baccalauréat. Avec l'effet qu'on peut imaginer sur les élèves : un renoncement à l'exigence, que l'on constate même dans les établissements les plus favorisés.Restent les partisans de la "tolérance" à l'égard des fautes d'orthographe.
Et de se faire comprendre, il y en a plusieurs aussi ?C'est le cas du linguiste Jean-Pierre Jaffré, pour qui "l'informatique, Internet ont révolutionné la pratique de l'écrit. Il y a désormais plusieurs manières d'écrire ". Celle des courriels, des textos, des réseaux sociaux...
Et d'un moyen de communication unique ?"La société, et aussi les enseignants, selon lui, devraient être moins rigides, moins convaincus d'une norme orthographique unique."
Et qui ne peuvent pas lire une copie d'un camarade tant l'orthographe la rend indéchiffrable... Essayez de lire les "copies non conformes" : des professeurs aguerris peuvent seuls y parvenir rapidement.On peut en effet aisément imaginer qu'il sera de plus en plus difficile, pour les enseignants, d'être convaincants auprès d'élèves qui ont sous leurs yeux, chaque jour, le spectacle de la diversité des orthographes...
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Les partisans d'une simplification drastique de l'orthographe semblent oublier que c'est une partie de notre Histoire qui est inclue dans l'orthographe, et que comme vous le disiez si justement dans votre article Demin dè l'ôbe (mais pourquoi avoir conservé un accent circonflexe ? quelle énorme pêché d'orthographe !), une modification brutale de nos règles d'écritures accentuerait le clivage.
Ceux de la « tolérance » à l'orthographe semblent également oublier que l'écriture, et a fortiori l'orthographe, est souvent la première impression que l'on donne de soi à quelqu'un d'autre. Alors même si je ne vais pas tomber à bras raccourcis sur quelqu'un ayant échappé un s en fin de mot ou mis deux p à apercevoir, je vais avoir tendance à être plus sceptique sur un texte dont les erreurs sont de l'ordre de la compréhension même du mécanisme de la langue. Je lisais ce matin un article d'un soit disant physicien, qui était truffé de fautes d'orthographe parmi les plus grosses. J'avoue être sceptique quant à la véracité du statut de l'auteur, et à prendre ses propos avec un recul certain - d'autant plus que les propos en eux mêmes étaient... étranges.
Quoiqu'il en soit, tout ça pour dire que bien sûr, l'orthographe évolue, et heureusement car le français est une langue vivante ! L'orthographe latine, elle, n'a pas évoluée depuis des siècles, et pour cause... Cela dit il ne faut pas prendre ce prétexte - que de toute façon une langue est faite pour évoluer - pour se déculpabiliser et justifier l'incompétence de l'école actuelle et des parents d'élèves à apprendre l'orthographe aux élèves (sans offense envers vous ni tous ceux qui s'efforcent tant bien que mal d'épargner cette déchéance à leurs enfants ).
J'ai lu il y a un temps sur le blog d'un américain domicilié en France un article que j'ai trouvé beau, et montrant à quel point cet homme, dont le français n'est pas la langue maternelle, a su comprendre et apprécier notre langue de Molière bien plus que beaucoup de français : relationsfranco-americaines.blogspot.fr/...angue-francaise.html
Il y a d'autres articles sur son blog parlant du français, entre autres choses plus ou moins diverses, et qui sont intéressants, ou du moins « flatteurs » .
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- Loys
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C'est vrai ça... J'ai vérifié en plus : le o ouvert ne se distingue pas du o fermé. C'est corrigé mais quel gros péché capital : mea culpa, mea maxima culpa...Bug Neurone écrit: mais pourquoi avoir conservé un accent circonflexe ? quelle énorme pêché d'orthographe !
Merci Bug Neurone. Vous ne voulez pas faire de la relecture sur mes articles ?
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L'histoire grecque de ce mot semble être la même que chez nous.
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- Loys
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"Ortografia" également en italien, sans accent non plus. Mais l'italien a simplifié aussi "orticoltura", sans que l'on ne puisse plus distinguer l'adjectif "orthos" grec du nom "hortus" latin. Or l'espagnol a, lui, curieusement gardé "horticultura".
L'anglais a gardé - comme nous - "orthography" d'une part (ainsi que "orthogonal", "orthopedist", "orthodoxy" etc.) et "horticulture" d'autre part. Ce qui ne l'empêche pas d'être la première langue étrangère enseignée en France.
On le voit, toute "simplification" entraîne son lot d'arbitraire ou de confusion et l'histoire d'un même mot d'origine grec n'est pas la même selon les pays. Le français a le mérite de rendre les racines parlantes, pour peu qu'on les enseigne.
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