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La littérature jeunesse
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Qu'on apprécie la littérature jeunesse, pourquoi pas. Mais en être "passionné", surtout quand on est professeur de lettres...Ce n’est pas s’appauvrir que de lire la littérature jeunesse aujourd’hui
Clémentine Vallée, enseignante de français au collège Pierre de la Ramée de Saint-Quentin, est passionnée de littérature jeunesse et partage sa passion sans compter heures et deniers.
Et même plus avec les BD & mangas !Souvent peu considérée, cette littérature embrasse pourtant tous les genres dans des styles qui n’ont rien à envier à la littérature pour adultes.
Pourquoi pas, effectivement. Mais il faut établir une distinction nette entre ce que les élèves sont invités à lire chez eux et ce qu'ils sont amenés à étudier en cours.Explorant ses richesses dans sa classe et dans un club lecture, Clémentine Vallée est allée plus loin encore en créant avec son mari le site « Des livres et vous ». Rencontre avec une passionnée pour qui donner le goût de lire est un moyen sûr de rendre le chemin de la réussite accessible.
Ils ont d'autant peu d'appétit qu'ils sont peu amenés à les lire et à les comprendre...Le site de Clémentine Vallée est le fruit de neuf ans d’expérience dans l’enseignement, de questionnements, de tâtonnements pour amener ses élèves à lire avec plaisir. Au lycée, enseigner la littérature classique posait peur de difficultés mais en arrivant au collège, elle n’a pu que constater le faible appétit de ses élèves pour les livres.
Rappelons que la littérature pour la jeunesse est officiellement entrée dans les programmes de collège en 1996.
La littérature a cet intérêt qu'elle ne s'adresse pas à une génération de lecteurs et qu'elle se démode bien moins vite que la "littérature jeunesse" (un concept finalement assez abusif). Il n'y a qu'à songer aux efforts que déploient les éditeurs pour actualiser sans cesse les ouvrages d'Enid Blyton et les remttre au goût du jour.Elle a puisé dans ses régals littéraires d’adolescente avide de lecture pour leur communiquer ce sain virus. « Ils ont détesté « Le Sagouin », ce livre qui a influencé ma vie. Il a même déplu à celui qui l’a lu en entier » a constaté Clémentine. « On n’a pas affaire à des élèves qui nous ressemblent ».
La littérature est un voyage vers l'altérité, et non vers le même.
"rencontrer les goûts" des élèves, c'est aller vers ce qu'ils connaissent et aiment déjà. Le rôle du professeur est de les emmener vers ce qu'ils ne connaissent pas. Et sa prétention n'est en aucun cas de leur faire aimer ce qu'il leur fait découvrir, même s'il peut l'espérer.Devant le faible engouement, suscité elle s’est interrogée pour trouver un moyen de rencontrer les goûts de ses élèves plutôt que de tenter d’imposer les siens.
Qu'un élève soit aussi un lecteur est effectivement souhaitable...Madame Duchamp, documentaliste dans son collège, lui fait découvrir la littérature jeunesse. Elle sent tenir là une clé pour que ses élèves soient aussi des lecteurs.
Et la pratique de la lecture en recul surtout.L’évolution des pratiques et goûts culturels est particulièrement forte avec l’émergence du numérique.
Tout ceci semble très appréciable.La littérature jeunesse a aussi changé, loin désormais des quelques séries incontournables des bibliothèques vertes comme « Le Club des Cinq » ou « Fantomette ». Clémentine Vallée laisse de côté ses a priori sur le genre, ou plutôt les genres de cette littérature, ses réserves souvent partagées par la majorité des enseignants de lettres. En rencontrant Madame Duchamp, c’est une immense bibliothèque qui s’est ouverte à elle, avec dans les rayonnages des pistes pédagogiques innombrables. Elle commence par intégrer les projets de la documentaliste en participant avec ses élèves au prix des Incorruptibles, Gr’Aisne de critique et à des défis lectures.
Effectivement mais c'est s'appauvrir si c'est ce qui est proposé à étudier en cours.Sa découverte incessante de nouveaux auteurs et les liens proposés par la diversité des thèmes avec les axes du programme en collège la mènent de la curiosité à la passion. Elle se dit « émerveillée par tout ce qui est publié aujourd’hui. Dans mon adolescence, je n’avais pas à accès à cette diversité ». Et puis rajoute-t-elle « ce n’est pas s’appauvrir que de lire la littérature jeunesse aujourd’hui. ».
Qu'est-ce à dire ? de quels "livres pour le public adulte" parle-t-on ?Au fil de ses lectures elle constate que celle-ci n’a rien à envier aux livres pour le public adulte, dans le style comme dans les sujets abordés.
Surtout quand ces budgets sont amoindris par les nouvelles technologies.Les livres sont là mais comment les rendre accessibles ? La littérature jeunesse est peu publiée en édition de poche, trop chère pour des familles au revenu modeste. Les bibliothèques sont un univers dans lequel les collégiens vont peu. Les rayons enfance sont souvent bien garnis mais pas ceux pour l’adolescence, comme si l’étape intermédiaire vers la littérature adulte était optionnelle. C’est dans les CDI des établissements scolaires que les ados auront le plus de chance de trouver des livres à leur goût. Là c’est la limite des budgets qui amoindrit la disponibilité.
Voilà qui me semble de bon aloi.Alors, parce qu’elle a constaté rapidement l’effet positif de la littérature jeunesse sur les pratiques de ses élèves, Clémentine Vallée met la main à la poche pour constituer un fonds propre à alimenter le club lecture qu’elle anime dans son collège. Aujourd’hui une quarantaine d’élèves sont inscrits au club. La fréquentation a nécessité de doubler les créneaux horaires et, pour l’enseignante, d’accorder des temps lors des interclasses ou à la pause déjeuner pour laisser naître des échanges hors du cadre de la classe. Ce sont parfois les jeunes lecteurs qui signalent à Clémentine, un auteur, un ouvrage. Elle se plonge alors dans des genres vers lesquels elle n’irait pas spontanément, pour partir à la rencontre de l’univers des élèves afin à son tour de les amener vers les lectures classiques du programme.
Non, d'en partir éventuellement.« C’est à l’enseignant d’aller au niveau de l’élève » explique Clémentine Vallée.
Je ne vois pas trop comment un "thème commun" permet de "découvrir Balzac".Imposer Balzac est vain. En revanche, faire découvrir Balzac en passant par un roman jeunesse qui aborde un thème commun s’avère efficace.
Voilà qui est parlant, en effet.Dans la classe, Clémentine dispose de multiples astuces pour transmettre sa passion de la lecture. Elle raconte juste le début de l’histoire pour aiguiser la curiosité ou émet de feints interdits pour affuter l’appétit « ce livre est intéressant mais vous êtes encore trop jeunes pour le lire ». Elle puise dans les thèmes du quotidien pour favoriser une identification. Pour leur présenter « Profil » de Jay Asher et Carolyne Mack, elle leur dit simplement « Imaginez que vous allez sur votre profil Facebook et que vous voyez comment vous serez quand vous aurez trente ans ».
La lecture cursive est en principe une lecture de l'élève. Et on observe bien que les ouvrages pour la jeunesse prenne la place d'autres œuvres en cours.En cours de lecture cursive, elle autorise des digressions et s’autorise à rompre le rituel de la classe. Elle éteint la lumière pour lire la nouvelle fantastique « le portable noir » issue du recueil « La revanche de l’ombre rouge » de Jean Molla.
Pas plus que la littérature classique quand elle est bien abordée.Ensuite, elle leur demande de raconter à leur tour par écrit la transformation d’un objet du quotidien en objet fantastique.
Ce passage par la littérature jeunesse favorise aussi la production d’écrits.
Ces thèmes ne sont pas des thèmes spécifiques au roman de jeunesse.Les élèves prennent plaisir à raconter des histoires et les notes s’en ressentent avec une moyenne de 12 en rédaction pour la classe la plus faible. Les récits demandés empruntent les thèmes du roman jeunesse présents également dans le programme. Le merveilleux, le fantastique, le récit d’aventure, les possibilités sont larges.
On se croirait dans la télé-réalité.Pour le récit d’aventure, Clémentine Vallée a proposé : « Imaginez qu’en course d’orientation vous vous retrouvez coincé dans un gouffre avec l’élève que vous détestez le plus ».
Il est bon de le rappeler, en effet.Elle se régale à son tour à la lecture des productions, constatant que les collégiens même les moins enclins au travail scolaire se piquent au jeu. Il est alors plus aisé pour elle d’aborder la littérature classique prévue par le programme.
Si on ne confond pas ce que les élèves peuvent faire chez eux et en classe.Prendre au sérieux la littérature jeunesse permet de replacer la lecture sur un chemin d’apprentissage progressif où chacun trouve sa place de lecteur.
C'est vrai qu'on a pu observer que, du point de vue de la pratique de la lecture, le numérique présente beaucoup d'avantages. Selon le psychologue Yann Leroux, les enfant de 8 à 18 ans sont exposés aux écrans en moyenne 7h30 par jour.Petit à petit, pour garder trace des échanges au club lecture et dans la classe et partager les enthousiasmes avec d’autres clubs de lecture, l’idée de créer un site s’impose. Clémentine Vallée met à contribution son mari, ingénieur informatique. A partir des pages qu’elle dessine, il réalise le site. Un nouvel apprentissage pour l’enseignante commence, celui de maîtriser les contraintes et les avantages du numérique.
Traduction : il y a eu des petits soucis avec les commentaires anonymes.Elle souhaite que les résumés de livres qu’elle propose puissent recueillir les avis de ses élèves. Au départ, les commentaires sont libres mais devant l’arrivée de contributions externes au collège peu compatibles avec l’exigence pédagogique, elle évolue vers une validation avant publication.
Autant de légendes qu'on peut découvrir en lisant les textes fondateurs, prévus au programme de sixième.Cela lui permet d’éliminer notamment les liens publicitaires et la contraint du même coup à augmenter le temps consacré au site. « Des livres et vous » est mis en ligne en septembre 2012 après un été à l’ouvrage pour Clémentine et son mari. Le résultat est remarquable par la qualité de la réalisation et le nombre de livres. Les commentaires des élèves laissent apparaître leur passion de lecteurs, leurs exigences et leur analyse sans complaisance.
A propos d’Œdipe de Yvan Pommeaux, un élève écrit « J’aime les légendes. Grâce à Yvan Pommeaux j’en ai découvert d’autres... (Troie, Ulysse, Thésée, Orphée).
Une littérature un peu cucul-la-praline...Les illustrations sont très réalistes... L’histoire est bien précisée, on rentre bien dans les détails, on s’y croirait ». Une autre commente « La fille du docteur Baudoin » de Marie-Aude Murail « J’ai lu ce livre l’année dernière et il m’a beaucoup plu ! Une histoire plutôt sympa et une fille voulant absolument éviter son père pour cacher sa grossesse. J’ai vraiment adoré ! J’ai trouvé aussi la fin facile... et un peu cucul la praline, mais elle est appréciable !! ». Cucul la praline, l’expression peut paraître surprenante. En fait, elle appartient aux expressions préférées du club lecture, une citation des exclamations de Madame Duchamp qui préfère les histoires sombres lorsque Clémentine Vallée vante une fin heureuse dans un roman sentimental. Le site « Des livres et vous » porte la trace de cette complicité tissée entre collégiens et adultes autour d’une passion commune, celle de la littérature jeunesse.
La réflexion peut aussi s'articuler sur de meilleures façons d'entrer dans les grands textes de la littérature, avec leurs mondes étranges, leur vocabulaire inconnu et leur style saisissant, qui fascinent souvent les élèves bien plus que des ouvrages simplistes et faits pour eux.Le goût de la lecture a conduit Clémentine Vallée vers le métier d’enseignante. Ce goût, à son tour elle le transmet, le partage au sein de son établissement et au-delà. La réussite de ce partage repose sur une réflexion et un engagement pédagogiques qui débordent les murs de la classe vers la sphère personnelle de l’enseignante.
Enfin, un peu quand même.Elle estime à 10% de son salaire, les sommes investies pour l’achat des ouvrages. Sur 264 livres, quatre lui ont été offerts. Elle ne compte plus les temps de loisirs consacrés avec son mari à l’alimentation et à la maintenance du site. Mais tout cela, Clémentine en parle peu.
Souhaitons aux élèves d'autres "passions dévorantes".L’enthousiasme est intact. La littérature jeunesse, comme les belles passions dévorantes, se partage sans compter. Derrière l’apparente légèreté, l’enjeu est d’importance pour les élèves, celui d’investir pleinement la lecture et l’écriture.
Enfin, les mots pour ados.Clémentine Vallée ne manque pas d’idées pour déployer son projet à la fois au sein du club lecture en invitant des auteurs et sur le site « des livres et vous ». Elle songe « à la possibilité de devenir une plateforme d’échange pour les clubs de lecture, les élèves, les lecteurs francophones » ouverte aussi aux documentalistes et aux enseignants en proposant des pistes pédagogiques. Sur la forme, le site devrait également évoluer pour personnaliser les pages des internautes inscrits. « Tout ce travail avait pour origine les élèves et ce sont eux qui me stimulent et me donnent envie d’étendre son impact au plus grand nombre grâce à internet. » confie Clémentine. Car le succès « Des livres et vous » avec ses mille visites mensuelles est avant tout le succès d’une belle histoire d’amour entre les ados et les mots.
Le résultat de tous ces enfantillages, c'est quand même des élèves qui arrivent de plus en plus au lycée avec une culture littéraire de plus en plus pauvre.
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Vous ne croyez pas si bien dire. Elle a bien compris qu'il valait mieux offrir à ses élèves un bagage culturel à la mesure de leur temps, qu'une passion bientôt devenue anachronique de la littérature incompatible avec les valeurs du moment. L'école n'est-elle pas censée, à terme, les rendre parfaitement adaptés à la société ? « Elle puise dans les thèmes du quotidien pour favoriser une identification » ; Profil, les enfants, c'est Facebook avant l'heure, le destin humain confiné à la manière dont on expose sa rondelle de vie en ligne. Celui qui condamne tragiquement le Père Goriot à crever misérablement dans sa mansarde est bien trop difficile à saisir, trop dur ; les descriptions fatiguent par leur richesse sémantique, — c'est en somme bien trop réel pour que ce soit simplifié, « vulgarisé », comme aiment à dire les pédagogues.Dr Brains écrit: J'attends avec impatience vos commentaires sur le sujet, mais pour moi, cette personne a tout compris.
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