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"Pratiquer l’écriture créative en classe" (EducaVox)
- Loys
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Il faut pour cela montrer que l'école n'ouvre jamais la porte à la créativité, d'où - en toute humilité - les oppositions "Écriture scolaire VS écriture créative" et "Écriture d’invention VS écriture créative".
N'y aurait-il pas ici une contradiction dans les termes ?Les élèves ont rarement l’occasion de se couler dans les pas des grands auteurs pour exercer leur style personnel, ils ont rarement l’occasion d’adopter la posture de l’écrivain eux-mêmes.
C'est loin d'être nécessairement le cas...Cependant l’écriture d’invention et l’écriture de création (celle pratiquée au cours des ateliers d’écriture) ne partent pas des mêmes présupposés et donnent l’occasion de productions très différentes. En effet, l’écriture d’invention de type bac est destinée à être évaluée par une note : cela implique donc la définition d’un certain nombre de critères de notation afin de pouvoir sanctionner dans quelle mesure l’élève a réussi ou non l’exercice. Ces critères vont souvent reposer sur l’identification dans le corpus des quatre textes donnés à l’étude du genres (théâtre, roman…), de registres et de procédés stylistiques, que l’élève sera invité à introduire dans son propre texte après les avoir clairement identifiés.
Par ailleurs on pourrait aussi bien soutenir que la contrainte est le meilleur auxiliaire de la création.
Le caractère littéraire d’un texte se trouve donc défini par un certain nombre de procédés considérés comme reproductibles. Or on sait bien que dans l’écriture, la « faute », « l’erreur » peuvent faire sens.
Que les ateliers d'écriture sortent du cadre de l'évaluation scolaire est un peu un truisme.
Finalement, dans chaque élève il y a un écrivain.On peut proposer aux participants de conclure l’exercice de création par un retour critique sur les textes : les élèves sont en fin de compte invités à mettre en regard leur propre production et celle des grands auteurs. La découverte à travers leur propre expérience de similitudes avec les auteurs (dans la démarche, les effets, les procédés), les conduits à prendre conscience par la pratique d’éléments d’écriture qui font la spécificité d’un style.
Par où faut-il entrer alors ?Le caractère pertinent de cette démarche inversée semble légitimé par la disparition de certaines questions d’élèves, du type : « est-ce que vous pensez vraiment que l’auteur a fait exprès d’utiliser une anaphore ici ? » L’existence-même d’un tel questionnement prouve que l’entrée dans le texte par l’analyse uniquement revient peut-être à commencer par ce qui devrait être la conclusion.
C'est surtout la spontanéité de l'écriture qui est un mythe, à vrai dire. Mais en conclure que le travail de l'écrivain est purement technique...Ce type de question semble indiquer que les élèves ont confusément l’intuition d’un auteur écrivant avec plus de spontanéité que nous, les professeurs, ne le laissons croire lorsque nous les initions à l’explication de texte, que la maîtrise des procédés n’est pas obligatoirement une condition préalable à l’entrée en écriture.
Si les élèves ne comprennent pas la logique et la rigueur de cet exercice en suivant le cours du professeur, il y a peu à espérer d'un atelier d'écriture.On sait bien que les élèves vivent souvent le commentaire littéraire comme une grille de lecture artificielle, arbitrairement appliquée aux textes.
Parce qu'un texte est toujours "bon" ?Écrire dans un autre lieu
L’acte d’écrire, dans cette perspective créative, semble bénéficier d’une délocalisation : en effet, l’école est par définition le lieu de l’écrit scolaire. Accompagner les élèves dans un autre lieu pour les faire écrire est un bon moyen de les émanciper ponctuellement de tout critère d’évaluation. Ils se permettent d’écrire plus librement lorsqu’ils savent que leur texte ne sera pas considéré comme « bon » ou « mauvais », « juste » ou « faux » par le professeur.
Il y a une certaine hypocrisie à le faire croire aux élèves, d'autant que l'exercice se termine symboliquement par une publication (comme pour les productions d'élèves de maternelle ou de primaire, et ce quelle que soit leur qualité). Tout mérite-t-il d'être publié ? C'est le laisser croire aux élèves et la "publication numérique" entretient cette illusion narcissique.
L'exercice est plutôt malin : on peut de cette manière comparer ce que l'on écrit avec ce qu'en écrit un écrivain. Mais cette entrée de l'analyse - pertinente ici - ne vaut que que pour ce cas de figure très précis : l'écriture descriptive à partir d'un même support, laquelle limite de facto la "créativité".Le texte de départ
Au cours d’une séquence sur les réécritures, les élèves ont abordé le mythe de Salomé. Un des textes qu’ils ont rencontré est l’extrait d’À Rebours (Huysmans), où le personnage principal, Des Esseintes, décrit le tableau de Gustave Moreau représentant la danse de Salomé devant Hérode. Le texte a été discuté librement en classe, sans que l’on cherche à en faire un commentaire organisé. Les élèves ont été ensuite invités à se rendre au Musée Gustave Moreau, à Paris, où ils ont pu découvrir ce même tableau. On leur a alors demandé de choisir une autre oeuvre de Gustave Moreau représentant un mythe, et d’écrire face au tableau, au sein même du musée. Aucune autre directive n’a été donnée : la consigne d’écriture était volontairement très vague, et à aucun moment il ne leur a été demandé explicitement de reproduire les procédés d’écriture mis en oeuvre par Huysmans dans l’extrait d’À Rebours.
C'est un peu l'école des fans, en somme. Comprendre donc qu'un écrit peut être intéressant, même sans talent.Les productions des élèves
Les textes obtenus ont été publiés ensuite en ligne, en regard d’une reproduction du tableau choisi. Tous les élèves ont joué le jeu, et les textes étaient tous intéressants. Certains écrivains en herbe ont même révélé de vrais talents de plume, même si cela n’était pas l’objet de l’exercice.
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