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Tribulations de la dictée
- Loys
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Ce petit paragraphe tranche avec le ton du reste du document. Il semblerait que le rédacteur a laissé courir la plume, adoptant un phrasé plus ample et un lexique plus imagé. Il est intéressant d'en examiner les connotations :Aussi le verdict tombe-t-il, estimant une « nullité » singulièrement répandue, que l’enseignant ne peut que constater, et le corps social déplorer à sa suite. Le souci de l’orthographe, et la difficulté à faire progresser les élèves, produisent alors autant de niches pour des initiatives privées, proposant des certifications (le plus souvent payantes) qui ne manquent pas de rencontrer de l’intérêt, aussi bien chez les parents d’élèves que chez certains employeurs.
- le "verdict tombe" : l'évaluation devrait être bienveillante. Avec ce verdict qui tombe, l'enseignant se voit attribué la fonction du juge, et dans la fonction du juge, l'aspect le moins plaisant. Il produit non une évaluation, mais une condamnation. Les élèves sont exécutés par la mauvaise note comme par le couperet de la guillotine. Et ce couperet, c'est évidemment le zéro en dictée, sous la forme de la "nullité".
- si le zéro prend la forme de cette "nullité", c'est que ce "nullité" prend lui-même des allures de jugement, et de jugement sur la personne même de l'élève. Cette confusion entre l'élève et son travail est d'ailleurs l'un des trucs courants des pédagogistes ; on en déduit assez facilement que la mauvaise note est une maltraitance contre l'enfant.
- les guillemets autour de nullité, sont là pour bien faire comprendre que pour l'auteur du texte, les élèves ne peuvent pas être nuls en orthographe.
- cette nullité factice est d'ailleurs "singulièrement répandue". On notera le rapprochement curieux entre les deux mots : selon l'étymologie, ce qui est singulier ne saurait être répandu. C'est qu'il faut bien-sûr comprendre cette singularité comme une anomalie, à mettre sur le dos des enseignants. Que quelques élèves soient nuls serait compréhensible. Mais si la nullité est massivement répandue, cela ne saurait être une vraie nullité. Il faut dire qu'une telle épidémie de nullité pourrait être reprochée aux pilotes de l'éducation nationale qui l'ont toujours niée.
- Non le pilote, donc, mais le rameur, l'enseignant. Tous les autres, "élèves", "parents", "certains employeurs", sont au pluriel. L'enseignant seul a droit à la solitude. C'est celle du juge, mais c'est celle aussi de l'accusé, accusé d'avoir constaté une nullité factice, produite par sa propre activité pédagogique.
- responsable, certes, mais pas coupable : "l'enseignant ne peut que constater", il n'est pas conscient du désordre qu'il a créé. Pas de mauvaise volonté de sa part, donc, mais seulement une incroyable absence de lucidité. Il lui manque sur son travail le recul qui lui permettrait de le gouverner mieux.
- le "souci de l'orthographe" participe de la même tendance à frapper d'inanité la nullité des élèves. Si les élèves étaient vraiment nuls, on aurait pu parler de leurs "problèmes d'orthographe". Avec le "souci", le désordre a son siège principal dans la tête des adultes.
- la "déploration du corps social" est elle aussi remarquable. renvoyant aux pleurs et aux pleureuses, les critiques de la "nullité", plongées dans le registre de l'émotion, sont ainsi exclus du domaine de la critique rationnelle. Il s'agit ainsi de mettre en scène le travail politique de l'administration : puisque la nullité n'est qu'apparence et émotion, cette déploration est un égarement du corps social. Le travail des corps d'encadrement devient une oeuvre de consolation de ce corps social, de l'ordre de la réparation.
- De même, avec la mise en cause des "initiatives privées", des "niches", et le caractère "payant" des certifications, l'administration met en scène son souci de lutter contre les discriminations par l'argent.
- tout ce bel agencement se heurte néanmoins à la réalité des faits : si les certifications privées ont tant de succès aujourd'hui, ce n'est pas parce que les certifications officielles sont trop sévères, trop malveillantes, négatives ou décourageantes.
Et voilà pourquoi on essaye de le faire passer par des sous-entendus : s'il fallait l'affirmer clairement, le propos aurait des airs de farces. S'il existe aujourd'hui des certifications privées, c'est bien parce que les diplômes, qui sont les certifications de service public, ne garantissent plus le niveau réel des élèves.
Les connotations, en proposant un propos moins direct, plus enrobé, entraîne plus facilement l'adhésion. Mais à quel prix ? Encore une fois, cette mise en accusation inconsidérée des pratiques des enseignants de terrain ne peut qu'élargir la faille avec les corps d'encadrement.
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- Loys
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Pour mémoire une circulaire stipule depuis 1999 que le "travail inexistant" d'un élève... n'existe pas.
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Une "réaction" d'"enseignants de français" à ce "nouvel outil proposé par l'inspection" d'autant plus spontanée que Monique Jurado est IA-IPR honoraire de lettres !La dictée serait-elle en train de changer de fonction ? L'orthographe pourrait-elle s'évaluer autrement qu'en retirant des points ? Monique Jurado et Viviane Youx de l'Association française des enseignants de français (AFEF) réagissent au nouvel outil proposé par l'inspection.
Il est évidemment bon de s'interroger sur la légitimité de l'AFEF à représenter les enseignants de français.
L’expérimentation sur des copies d'examen relève moins de la pédagogie à proprement parler que de la gestion des résultats.Le groupe Lettres de l'Inspection Générale avait souhaité, à l'occasion de la réforme des épreuves de français du Diplôme National du Brevet en 2013 (avec notamment un allongement de la dictée), engager une réflexion sur l'évaluation de cette épreuve. Dans l'académie de Poitiers une expérimentation a eu lieu avec des collégiens en 2012-2013 et, en juin 2013, cette évaluation a été expérimentée au DNB, sur 1500 copies des séries générale et professionnelle, dans les académies de Poitiers et de Créteil.
Au fait, quel a été le résultat précisément de cette expérimentation ?
Une usine à gaz, effectivement. Mais c'est utile pour produire du vent.Le dispositif élaboré pour cette expérimentation, et qui est présenté sur le site EDUSCOL, présente un barème graduel d'évaluation positive, fondé sur un rapport entre réussites et erreurs dans différentes catégories d'erreurs orthographiques, précisant les types d'erreurs grammaticales et lexicales..
Certes l'outil, que chacun peut découvrir grâce au tableur mis à disposition, peut paraitre complexe au premier abord.
Il faut dire que les enseignants ne sont pas très aidés.Et les premiers freins à se saisir de cette démarche pourraient bien venir de là. En effet, les enseignants risquent d'être déroutés par des catégorisations nouvelles des erreurs qu'ils n'ont pas toujours l'habitude de chercher dans les dictées.
Heureusement que certains "enseignants de français" comprennent mieux que d'autres.Et l'expertise que suppose l'analyse de chaque texte dicté pour dégager et catégoriser les difficultés orthographiques risque de susciter des craintes quant à la complexité de l'exercice. Enfin, le système de pourcentage dans les calculs parait compliqué, plus qu'il n'est réellement en fait.
Dans le cadre d'une expérimentation menée sur des copies anonymées et destinées à n'être pas rendues aux élèves, ça semble compliqué.Mais l'enjeu le plus important, derrière cette expérimentation pour l'épreuve du brevet, c'est de faire de cette évaluation positive une démarche d'enseignement positif de l'orthographe.
Terminologie qui explique sans nul doute l'effondrement actuel.L'intérêt pédagogique est de taille : disqualifier définitivement la terminologie traditionnelle de "faute"...
Le mot "erreur" me semble encore bien trop traditionnel. Je propose la "non-conformité créative"....et se saisir des erreurs, non plus comme d'un outil de sanction, mais comme d'un support d'enseignement-apprentissage de l'orthographe.
Surtout celle du Brevet à vrai dire...Si la dictée a toujours été considérée plus comme un instrument de contrôle que de formation...
C'est tout le problème : cette notation rend bien visibles les errements de l'école....la notation descendante traditionnellement pratiquée continue de décourager bon nombre d'élèves : les plus faibles réussissent juste à rester à la note plancher...
Eh bien non. Avec beaucoup d'efforts, des progrès sont possibles....quels que soient leurs efforts...
...sans jamais être valorisés...
J'ai hâte de voir comment, dans ce système, ils pourraient mieux comprendre....ni comprendre comment ils pourraient progresser.
Toujours invoquer la recherche, le plus vaguement possible, quand on promeut de nouvelles pédagogies.La démarche proposée, en cohérence avec les recherches sur l'orthographe, donne à l'évaluation de l'examen un rôle d'indicateur de compétences.
Les professeurs étant têtus, il faut leur imposer ce barème de façon indirecte. Quel machiavélisme !Le but visé n'est en effet pas seulement de modifier le diplôme national du brevet, mais de faire évoluer les pratiques en amont.
Un jargon pédagogiste d'une pureté exceptionnelle !Dans la mesure où l'examen sert aussi à piloter les stratégies pédagogiques, ce type d’évaluation pourrait permettre de dégager des lignes de force ouvrant à un enseignement raisonné plus en corrélation avec la capacité d’écriture et à comprendre et à construire le sens nécessaire en orthographe.
Ce qu'exclut tout à fait l'enseignement traditionnel. Les professeurs s'évertuent en permanence à ce que les élèves ne comprennent pas le fonctionnement de la langue.En effet, l'enseignement-apprentissage pourrait en être amélioré en retour, grâce à des démarches qui se structurent autour d'une compréhension du fonctionnement de la langue...
Eh oui. Quand l'orthographe n'est plus que partielle, tout est plus simple. Ce n'est pas comme si précisément l'orthographe faisait un tout....et permettent à l’élève de se focaliser sur un seul aspect de son orthographe à un moment donné de son apprentissage.
L'exemple du Brevet, en fin de premier cycle du secondaire, est un bon exemple de "moment donné" sans valeur particulière.
L'erreur prise comme un outil cognitif de repérage et de catégorisation devient un levier d'amélioration pour les élèves qui affinent leur observation.
Traduction depuis la langue de bois : les élèves auront des notes moins mauvaises, à condition que ces idiots de professeurs acceptent de les noter positivement.À condition qu'une pratique accompagnée aide les enseignants à acquérir l'expertise dont ils ont besoin et à expliciter les codes pour les élèves.
A toute fin utile rappelons que l' AFEF a été reçue au Conseil Supérieur des Programmes début 2014.
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- "Le Point" du 10/04/14 : « Les zéros pointés en dictée, une pédagogie pas très efficace »
- "Libération" du 10 avril 2014 « Dictée : comment éviter de décourager les élèves »
- "Le Figaro" du 10 avril 2014 « Dictée : la fin des zéros pointés pour les fautes d'orthographe »
- « Le Nouvel Observateur » du 14 avril 2014 « La fin de la dictée-punition à l'école ? »
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- « La Croix » du 14 avril 2014 « Un nouveau logiciel pour ne plus avoir zéro en dictée » ; « Le Monde » du 15 avril 2014 « La fin du zéro pointé « non mérité » en dictée »
- "Le Monde" du 15 avril 2014 : "La fin du zéro pointé « non mérité » en dictée".
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- "VousNousIls" du 17 avril 2014 : "Fin des notes en dictée : régression ou progrès ?"
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