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"Notre école est un crime" par Richard David Precht
- Shane_Fenton
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Il faudra que je retrouve le magazine qui contient un entretien avec lui. Je crois qu'il s'agit de "Clés", mais je ne suis pas sûr. En attendant, on peut retrouver d'autres interviews en français ou en anglais sur le Net. Voici ce que j'ai trouvé par ordre chronologique :
D'abord, une vidéo de son intervention au Forum d'Avignon en 2012 (sous-titres en angliche) : www.labkultur.tv/en/video/forum-d-avigno...s-reinvention-school
Ensuite, cet article sur lui paru en 2013 dans le magazine Books (mais le contenu intégral est payant) : www.books.fr/best-seller/changer-lecole/
Et enfin, cet entretien au bulletin du Crédit Suisse (?) : www.credit-suisse.com/fr/en/news-and-exp...ng-doesn-t-work.html
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Dans l'article de "Books" ( "Changer l'école" en septembre 2013, pour les abonnés), M. Precht décrit l'école allemande comme "une usine à savoir qui tue la créativité". Expression copiée-collée de Ken Robinson en 2006. On note aussi l'apologie de l'interdisciplinarité, avec l'exemple d'un projet sur le temps de Goethe : "Le professeur d'allemand enseigne Faust, le professeur d'histoire la situation de l'Allemagne à la fin du XVIIIe siècle et le professeur de chimie les expériences scientifiques faites à l'époque".
Où est le "projet" ici ? La cohérence est uniquement chronologique...
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- Shane_Fenton
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J'ai retrouvé le dossier "SPÉCIAL “RENTRÉE Apprendre à apprendre, une nouvelle vision de l'école" de "Clés" (août-septembre) avec cet article : "Grand Entretien avec Richard David Precht - "Notre école est un crime"" par Patrice van Eersel.
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J'ai renommé le fil, du coup. J'espère que vous ne m'en voudrez pas.
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Seul un authentique génie peut connaître à l'avance la nullité d'un enseignement universitaire.A vous lire, vous auriez pu aussi bien devenir scientifique que philosophe. Le cerveau, l’embryon, l’évolution : les sciences naturelles vous passionnent…
Oui, depuis l’enfance ! Paradoxalement, je les aimais tant que je n’ai jamais voulu les mêler à la chose scolaire. Je ne les ai pas étudiées à l’université, par peur d’être déçu par le commentaire desséchant qu’on m’en ferait.
Pour faire son propre éloge, M. Precht a bien raison de compter sur lui-même !J’ai donc étudié la philosophie, tout en me tenant informé par moi-même des avancées des sciences du vivant. Si nous nous trouvions devant un aquarium tropical, je pourrais vous en décrire tous les habitants, leur physiologie, leurs mœurs. Je passe des heures avec des biologistes ou des éthologues qui sont souvent surpris de tomber sur un philosophe si épris de leurs travaux.
Curieux de critiquer "le modèle de la société industrielle" et de donner comme modèle "le monde des grandes entreprises".Votre dernier livre, « Anna, l’école et le bon Dieu » (pas encore traduit en français), utilise les récentes découvertes sur le cerveau pour s’attaquer férocement au système scolaire occidental dont vous dites qu’il « trahit nos enfants »…
Absolument. Pourquoi diable l’école resterait-elle obstinément étanche à toutes les découvertes des neurocognitivistes, des psychologues du développement, des évolutionnistes, des linguistes, des anthropologues ? Le monde des grandes entreprises est souvent plus éclairé que nos écoles qui continuent à fonctionner, au fond, sur le modèle de la société industrielle, vieux de plus d’un siècle.
A vrai dire, on se demande bien quel rapport il peut bien y avoir entre l'école actuelle et la société industrielle. Comparaison "progressiste" éculée, trahissant un manque de pensée personnelle...
Tous "créateurs de projets de vie" !Cet archaïsme est conforté par la majorité des parents qui rêvent que leurs enfants soient coachés vers une spécialité pointue, rare et rémunératrice. Comme si le monde n’avait pas changé ! Comme si, au fond, il fallait toujours s’adapter au système pyramidal tayloriste qui fabrique des chefs impeccables au sommet et de bons chevaux de trait à la base, alors qu’il s’agit désormais d’inviter tous les enfants à devenir des « créateurs de projets de vie » imaginatifs et autonomes, conviviaux et polyvalents.
Retour donc à une conception utilitaire de l'école, bien loin de l'idéal de la Bildung à laquelle aspirait Humboldt (voir plus loin).
En vérité, les parents cherchent surtout à ce que leurs enfants ne s'enferment pas dans "une spécialité pointue, rare et rémunératrice", mais plutôt qu'ils poursuivent le plus loin possible des études générales. Par ailleurs, l'horizontalité bienheureuse du monde du travail actuel tel que décrit par M. Precht peine quelque peu à apparaître.
Admirons la précision du chiffre, dont on peut évidemment sourire, et admettons : en ce cas, vive une formation générale, qui est dispensée en France jusqu'à 14 ans... contrairement à l'Allemagne...Pourquoi dites-vous qu’il faut, non pas réformer, mais révolutionner l’école ?
Pour au moins deux raisons. Primo, parce que 70 % des métiers qu’exerceront les enfants qui entrent aujourd’hui à l’école n’existent pas encore...
Bref,ces 70% de métiers n'existent pas encore mais on sait déjà ce qu'ils exigent...– d’où la nécessité d’une éducation très différente, beaucoup plus ouverte à l’imagination et à l’intelligence relationnelle, conduisant à épanouir une curiosité polyvalente plutôt qu’une spécialisation de type industriel.
Encore les mêmes clichés éculés (le "monopole" de l'école qui n'a pourtant... jamais existé). Curieusement, comme Michel Serres, le "philosophe" ne distingue pas l'information et la connaissance. La distinction est pourtant essentielle. Et M. Precht ne fait nulle part la preuve que l'élève est bien "nourri par mille autres biais". De fait, si tel était le cas, pourquoi continuer à aller à l'école ?Secundo, parce que l’école a perdu son monopole. Jadis, c’était l’endroit où l’enfant apprenait à connaître le monde. Aujourd’hui, nourri d’informations par mille autres biais, le digital native ne voit plus du tout l’intérêt d’aller s’enfermer dans ce lieu si peu excitant, qui ne suscite en lui qu’un mortel ennui.
Les études sur "l'ennui" à l'école montrent qu'il est très relatif...Vous insistez beaucoup sur l’ennui des élèves d’aujourd’hui…
C’est une aberration.
Résumons : cet "athlète synaptique" aux "capacités d'apprentissage impressionnantes" qu'est l'enfant ne dispose d'une capacité d'attention que de "20 ou 30 minutes". Et sa "curiosité inouïe" ne lui permet pas de s'intéresser à "des matières éloignées de sa vie". C'est quand même bête !L’enfant est naturellement d’une curiosité inouïe. La structuration de ses réseaux neuronaux fait de lui un « athlète synaptique », comparé à l’adulte. Son enthousiasme pour la nouveauté est considérable et ses capacités d’apprentissage impressionnantes. Or, que lui proposons-nous pour épanouir cette potentialité formidable ? De se forcer à s’intéresser à des matières éloignées de sa vie, qui le motivent de moins en moins et qu’il voit infiniment mieux traitées ailleurs. A partir de 12 ans, cela devient dramatique. La transmission est censée se dérouler lors de séances appelées « cours » qui durent un peu moins d’une heure (durée décidée par les moines du Moyen Age) et auxquelles il doit assister sans bouger. Double absurdité : on sait aujourd’hui que la capacité d’attention d’un enfant (et de beaucoup d’adultes) chute au bout de 20 à 30 minutes ; d’autre part, l’immobilité physique du jeune humain est nocive à son fonctionnement cortical si elle dépasse un quart d’heure. Bouger est pour lui vital, la psycho-neuro-immuno-endocrinologie l’explique bien.
Plus intéressant encore : l'immobilité en classe est "nocive". Comment a-t-on pu commettre le crime de demander à des générations d'élèves de s'asseoir en classe ?
L'iconoclasme de M. Precht ne semble qu'un décalque de la Petite Poucette de Michel Serres et de ses "petits transis" (sic). Son seul apport, assez nébuleux il est vrai, est celui des neurosciences, qui donne à son discours un semblant de scientificité.
Voilà donc une réflexion étayée sur une étude très précise.Les Français citent pourtant volontiers l’école allemande, supposée très ouverte aux activités physiques quotidiennes…
Je suis marié avec une francophone, une Luxembourgeoise déjà mère de trois enfants que j’ai vus grandir dans le système français.
Les "Scandinaves" : s'agit-il de la Norvège aux résultats décevants dans PISA, de la Suède dont les résultats ont connu la plus grosse chute dans PISA en douze ans, de la Finlande dont le taux de suicide des adolescents est trois fois supérieur aux taux de suicide des adolescents français ?Il est clair que c’est le pire de tous, le plus archaïque parce que le plus « mental ». Mais le système allemand ne vaut guère mieux – surtout comparé à celui des Scandinaves, beaucoup plus ouvert sur le ressenti, l’émotionnel, le relationnel.
C'est-à-dire relativement peu ?Les enfants allemands s’ennuient autant que les français à l’école.
Le mot "crime" est choisi en toute modération : il offre à l'article de "Clés" son titre racoleur et sympathique : "Notre école est un crime"....C’est subjectivement un crime et objectivement un gaspillage que nous n’allons plus pouvoir nous permettre longtemps.
Rengaine pédagogiste. Quant à l'idéal de Wilhelm von Humboldt, il s'agit d'un idéal philosophique, sur le modèle kantien des Lumières, et non pédagogique...Pourquoi ?
Les générations à venir vont devoir relever des défis que seule une éducation entièrement repensée leur permettra de relever. Comme le disait déjà le pédagogue visionnaire Wilhelm von Humboldt, fondateur de l’Université de Berlin il y a deux siècles : « Il s’agit surtout d’apprendre à apprendre. »
M. Precht a été mal inspiré par son exemple : nec plus ultra du hi-tech en 2012, les Google glass ont été un échec commercial retentissant. Il est toujours hasardeux de prédire l'avenir technologique, même à très court terme...De toute façon, les technologies de l’information vont tout révolutionner. Prenez les nouvelles « lunettes Google » qui permettent de se brancher sur le Web tout en faisant autre chose. Une fois miniaturisées et rendues quasi invisibles, ce qui sera bientôt le cas, elles métamorphoseront les examens. Il sera impossible d’empêcher un élève de tricher.
Le mot « triche » n’aura d’ailleurs plus de sens. Ni celui d’« examen ».
En quoi vouloir obtenir un diplôme serait contradictoire avec l'intérêt pour une matière ?Examens et notes participent de ce que les psychopédagogues de Stanford – Mark Lepper, David Greene et Richard Nisbett – appellent l’« effet corrupteur de la récompense ». Les recherches montrent que le fait d’étudier pour obtenir de bonnes notes et un diplôme, plutôt que par véritable intérêt pour la matière, engendre à long terme des individus à motivation plus fragile. Or, la motivation devient essentielle.
Quel rapport entre le postulat de départ et son corollaire ? Le raisonnement de M. Precht devient très confus.L’autre maître mot est la relation. Ayant accès à la connaissance universelle où qu’ils se trouvent, élèves et étudiants devront développer des qualités relationnelles : savoir naviguer dans la jungle du savoir, se relier à d’autres, monter une équipe, faire preuve de convivialité et de tempérance émotionnelle.
Pas d'exemples de cette nébuleuse "intelligence connectée". Quel rapport d'ailleurs entre "jeu vidéo" et "connexion" ?Des qualités auxquelles ni l’école française, ni l’école allemande ne les préparent actuellement – alors que l’« intelligence connectée » se développe ailleurs, notamment grâce aux jeux vidéo auxquels des millions de jeunes s’adonnent avec frénésie, sans aucun cadre.
On peut conclure de l'emphase iconoclaste de M. Precht que l'école est donc dispensable.
Rien ne peut être pire que le "crime" de l'école, non ?D’après vous, l’avenir se joue-t-il du côté des Moocs et de l’e-learning ?
J’ai bien observé ces réseaux, en particulier la Khan Academy qui a mis en ligne des milliers de cours fort intéressants. C’est surtout excellent pour des matières comme les maths ou la physique. Moins pour l’histoire, la littérature ou la philosophie qui exigent un débat interactif. Mais le gros défaut des Moocs est que, contrairement à ce que s’imaginent certains, ils sont moins démocratiques que l’école.
Intéressant d'apprendre que l'histoire ou la littérature ne peuvent s'enseigner que par des "débats interactifs".
Lui montrer la différence entre l'accès aux "infos" et le processus d'acquisition du raisonnement et des connaissances. Bref, faire le contraire de M. Precht...A quoi ressemblera l’école de demain ?
Sans motivation, rien n’est possible. Schopenhauer disait : « Vous pouvez faire tout ce que vous voulez, mais vous ne pouvez pas décider de désirer. » Les élèves d’aujourd’hui n’ont plus de désir. L’école de l’avenir doit avant tout rallumer leur adhésion, et même leur enthousiasme. Rappelons que ce fut le cas jadis – ça l’est encore dans les pays très pauvres où l’école est la seule chance de s’en sortir… et aussi chez nos propres enfants, à la maternelle et à la rigueur à l’école primaire. Mais la motivation chute ensuite dramatiquement. En quelques clics d’ordinateur, un ado reçoit plus d’infos que nos ancêtres pendant toute une vie ! L’école lui semble frustrante et inutile. Que faire ?
En toute humilité.Explorant systématiquement toutes les recherches en pédagogie dans le monde, j’ai abouti au système suivant…
Attention : M. Precht redessine le monde de l'école !
La pédagogie de "contrat"...D’abord, quelques rares matières fondamentales, peut-être les maths et les langues, pourraient continuer à faire l’objet d’un enseignement classique, mais pris au sein d’un système de « contrats » individuels...
Mais pourquoi diable conserver un "enseignement classique" ? Et pourquoi pour ces matières ?
Pour les plus lents, la perspective d'être en retard disparaît quand on laisse les plus rapides avancer à leur rythme ?dans ces matières, l’élève s’engagerait devant l’école à atteindre un certain niveau à certaines étapes de son parcours sur plusieurs années, libre à lui de le faire au rythme qui lui convient, en accord avec ses accompagnateurs. Vouloir faire avancer tout le monde à la même vitesse est considéré par la plupart des pédagogues comme l’un des gros défauts du système actuel : les enfants plus rapides se trouvent freinés par les plus lents qui, eux, sont humiliés et dégoûtés.
La pédagogie de projet...L’essentiel de l’éducation s’organiserait autour de « projets »...
M. Precht ne semble pas avoir lu Harry Potter : Poudlard est au contraire un modèle d'enseignement très traditionnel......conçus sur plusieurs mois, voire plusieurs années, regroupant les enfants par goûts, affinités, centres d’intérêt. De petits groupes d’une quinzaine d’élèves s’organiseraient autour de thèmes qui les passionnent. Comme les classes du fameux collège d’Harry Potter !
Car on est meilleur pédagogue quand on n'est pas spécialiste d'une matière !On pense aux visions de Montessori, Steiner, Freinet…
De nombreuses pédagogies convergent dans ce sens. Elles supposent toutes des enseignants d’un nouveau genre, davantage pédagogues que spécialistes d’une matière.
Passons sur l'impossible mise en pratique d'une telle "révolution". La diversité des enseignants est une des vertus du secondaire, que les élèves apprécient d'ailleurs beaucoup. En réalité, M. Precht veut créer de l'ennui à l'école !Car une autre caractéristique de cette révolution serait que les professeurs suivraient leurs élèves pendant plusieurs années. Au lieu de se retrouver toutes les heures face à un enseignant différent qui n’a souvent pas le temps de les connaître, les enfants seraient accompagnés de près par des maîtres s’intéressant à leur parcours personnel à long terme.
C'est vrai que les élèves sortis de l'école au XXe siècle ne se sont guère montrés créatifs...L’école doit redevenir un lieu de bon temps, qui stimule l’esprit créatif et le bonheur d’exister.
Quand à espérer le "bonheur d'exister" de l'école, voilà une prétention quelque peu effrayante pour l'école et auquel notre "philosophe" ferait bien de songer.
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- Shane_Fenton
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Absolument pas. Je viens d'ailleurs d'acheter le numéro de Clés en kiosque. Dès que j'ai une minute, je retranscris l'intégralité de l'interview (spoiler : au prix de la revue, j'aurais mieux fait de me ruiner les artères au McDo).Loys écrit: J'ai renommé le fil, du coup. J'espère que vous ne m'en voudrez pas.
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- Shane_Fenton
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Pas de rapport direct avec l'éducation, toutefois. Mais ça donne une idée de la manière dont il peut traiter la contradiction.
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