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L'épopée du "référentiel bondissant"
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Luc Cédelle du "Monde" a en effet longuement enquêté sur cette expression (depuis 2010 : "Claude Allègre a-t-il jamais rencontré le "référentiel bondissant ?" dans "Le Monde de l'éducation" d'octobre 2000) pour conclure à l'intox. Sa conclusion de 2008 a longtemps fait référence : education.blog.lemonde.fr/2008/03/31/le-...et-surtout-medisant/Luc Cédelle écrit: Aimable plaisanterie pour les uns, le ''référentiel bondissant'' a donc été hissé par les autres au rang de pièce à conviction dans un procès sans fin. De ce point de vue, il pose l'éternel et assez rebondissant problème de l'usage du faux dans un but propagandiste
Hélas, l'usage de cette expression a bien été attesté récemment par "Libération" du 26/05/15 : www.liberation.fr/societe/2015/05/26/ref...ire-rebondit_1316547
Ce qui était dénoncé comme une caricature du pédagogisme s'est bien révélé une caricature du pédagogisme... mais pas par ses opposants.Dans un document datant de 2002 figure bien, en lieu et place du mot «ballon» cette expression un peu ridicule. Ce texte de l’académie de Grenoble explicite les règles du jeu de plusieurs activités sportives pour les élèves de primaire, et propose à propos de la thèque (un ersatz de base-ball) comme possible variante de changer la «nature du référentiel bondissant en fonction de l’âge des enfants (qui tient dans une main)». Ce qui, en français, se traduit ainsi : on peut changer la taille du ballon (ou de la balle). Une version proche de ce texte se retrouve, toujours à propos de la thèque, dans un autre texte de l’académie de Rouen.
De toute façon, les excès de jargon dans les nouveaux programmes proposé par le CSP en 2015 ont largement dépassé par leur ridicule le "référentiel bondissant" : www.vousnousils.fr/2015/04/22/milieu-aqu...mmes-de-sport-567513
A relire avec le recul :
www.lexpress.fr/education/en-plein-mundi...ebondit_1553670.html
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La plus drolatique est le « référentiel bondissant ». L’expression est censée avoir été couramment utilisée dans les ex-instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) pour désigner… un ballon. Le grand propagateur de cette affirmation a été l’ancien ministre de l’éducation Claude Allègre, dans un livre d’entretiens avec le journaliste Laurent Joffrin paru en 2000 (Toute vérité est bonne à dire, Fayard-R. Laffont).
Une enquête du Monde de l’éducation avait à l’époque établi que les responsables des milieux scolaires et universitaires du sport jugeaient unanimement l’expression absurde. La seule utilisation – sur un mode livresque – d’un vocabulaire approchant était le fait d’un ouvrage édité par l’Institut national de recherche pédagogique et publiquement dénoncé en 1987 par le député FN Jean-Claude Martinez. Deux experts des sports de balle y évoquaient la construction par le joueur d’un « référentiel exocentré », qui ne désignait donc pas le ballon.
Introuvable « référentiel bondissant »
Cette mise à l’index a inauguré un modèle de déclenchement de polémique : des éléments réels de jargon, un effet comique renforcé par leur mise hors contexte, puis leur exploitation pour dévaloriser tout ce qui peut être étiqueté « pédagogues ». Cela n’a pas beaucoup changé depuis, même si la contestation virulente de la pédagogie – rebaptisée « pédagogisme » – a fait florès et ne saurait à elle seule être un marqueur d’extrême droite.
En quinze ans, depuis cette enquête, certaines personnes ont affirmé sur les réseaux sociaux avoir « vraiment » entendu parler du « référentiel bondissant ». Mais malgré de nombreuses résurgences médiatiques, aucun document, enregistrement, trace écrite ou témoignage suffisamment circonstancié pour procéder à une vérification n’a pu être produit pour attester de l’usage « sérieux » de ces termes dont l’écho reste phénoménal.
L'actualité est cruelle, parfois.
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Jean-Michel Zakhartchouk écrit: Quant au jargon, faisons la différence entre ce qui peut l’être et que je combats depuis toujours dans les Cahiers pédagogiques par exemple et ce qui est langage technique de professionnel. C’est vrai qu’en EPS, il en existe trop et déjà j’avais contribué à en éliminer pas mal dans nos discussions collectives au sein du groupe de travail (j’ai laissé passer l ‘histoire de la piscine, mais c’est un tellement petit détail !). mais quand un Bayrou considère que « production orale » c’est du jargon, alors les bras m’en tombent… Et encore une fois en quoi « déterminant » en grammaire serait plus jargonneux que « article » (dont la polysémie peut dérouter) ou « complément d’objet direct » (quel charabia !) Mais face à la démagogie populiste et le mythe de la « langue claire », on a du mal à se faire entendre…
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Ce qui se cache derrière le «bloc mucilagineux à effet soustractif»
Luc Bentz, publié le 12/10/2017 à 00:50 , mis à jour à 10:55:42
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Avatar d’une longue série créative visant à dénoncer le jargon «Ednat», le bloc mucilagineux à effet soustratif, promis à un brillant avenir dans les dîners en ville, vient de sortir. Il m’est apparu à travers un de ces courriels qui se diffusent par cet œil-à-clavier qui remplace chez les internautes l’antique bouche à oreille, cet instrument de propagation d’une rumeur incontrôlée dans tous les sens du terme. Mais que cache, au-delà même son appellation bloc mucilagineux à effet soustractif notre objet du jour… en recherchant, au-delà de son appellation fuligineuse, ce «bloc mucilagineux» et quelles soustractions symboliques vise-t-il à effectuer?
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Chacun dans sa famille ou ses relations connaît un fana de la chose qui vous inonde de messages repris et transférés, transférés et repris. Ça va des diaporamas de paysages de rêve aux séries d’attendrissantes photos de mignons petits chats. Mais le tonton Alphonse ou l’amie Molette ne rechigne pas à vous faire part d’informations réputées confidentielles qui relèvent souvent du hoax.
C’est typiquement la demande de «don du sang en urgence absolue (pour un groupe ultra-rare, bien sûr) demandé pour le petit X, 7 ans, par le Dr Untel de l’hôpital Trucmuche.» Ces messages tournent en boucle sur Internet. Il m’est arrivé d’en recevoir de sources différentes à deux trois ans d’intervalle à chaque fois. Dans la réalité si prosaïque des choses, parfois le Dr Untel est inexistant — ou l’hôpital Trucmuche a été fermé depuis dix ans, ou encore le petit X de 7 ans, ayant été transfusé il y a vingt ans de cela, coule depuis une vie familiale et professionnelle tranquille (heureusement, les hôpitaux ont des moyens plus efficaces pour traiter ce type de demande). Il y a des indices de circulations, notamment le nombre de chevrons cumulés (>>>>) qui s’ajoutent (ou pas selon la configuration du courrielleur) à chaque transfert. (Puisque nous avons parlé de hoax, profitons-en pour signaler l’existence de l’excellent site hoaxbuster.com.)
La version Facebook de la chose en est — dans ses divers avatars — N’acceptez jamais la demande d’amitié [«contact» en français réel] de X***. Il piratera vos données [de ce simple fait], videra vos comptes, vous transmettra la peste noire et le choléra [Oui, j’extrapole peut-être un peu]. On notera d’ailleurs que les mêmes n’ont jamais lu attentivement les CGU (conditions générales d’utilisation) et ne sont pas davantage allés vérifier (et renforcer) les paramètres de confidentialité de leur propre compte.
Mais revenons aux contacts par courriel émanant du tonton Alphonse ou de cette chère amie Molette (qu’on ne gourmande pas pour ne pas la vexer).
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Dans le cas précis qui nous concerne, le courriel que j’ai reçu concernait la prétendue dernière invention «des énarques de l’Éducation nationale»: le «bloc mucilagineux à effet soustractif». En matière jargonneuse, on ne prête qu’aux riches. L’expression a sans nul doute été forgée par un contempteur «antipédagogiste» du sérail, mais enrichie par quelque autre réaction n’y appartenant pas. Car quelqu’un du sérail n’aurait jamais imputé à un énarque la fabrication d’un terme pédagogique: les gens du sérail savent que les terminologies de ce type sont chasse gardée: enseignants et universitaires, membres de l’inspection générale de l’Éducation nationale issus des corps précédents.
Ce message que j’ai reçu reprend quelques poncifs, parfois très anciens. On y évoque «l’outil scripteur», comme si c’était une invention récente, comme si, surtout, on était incapable d’écrire simplement «crayon». Si l’appellation figure dans des documents pédagogiques des années 2000, les instructions officielles pour l’école maternelle de 2002 ne l’emploient pas:
Qu’il soit droitier ou gaucher, [l’élève de maternelle] doit apprendre à tenir ses instruments sans crisper la main (en utilisant la pince du pouce et de l’index et le support du majeur), à disposer la surface qu’il utilise dans le prolongement de l’avant-bras (correctement placé) tout en adoptant une posture adéquate. [Bulletin officiel du ministère de l’Éducation nationale et du ministère de la Recherche, hors série n°1 «Horaires et Programmes d’enseignement de l’école primaire», 1er février 2002, p. 22 [PDF en ligne].
Or, l’emploi technique d’outil scripteur s’explique parce que, justement, il ne désigne pas seulement un crayon, mais tout outil graphique: crayon certes, mais aussi stylo, feutre et même (il m’est arrivé de faire un peu de calligraphie) porte-plume à l’ancienne. Il y a bien, en maternelle et au-delà, notamment au CP, un travail sur la gestuelle du tracé des lettres pour éviter les O et les A tracés à l’envers; en la matière, l’automatisation qui ne va pas de soi, et assurément pas au même rythme (c’est l’ancien enseignant de grande section et de CP qui parle)…
Mais naturellement, tant qu’à évoquer le jargon, on ne saurait manquer d’évoquer le… le… LE…
rugby-1054277_640
Pixabay/«edwardpye» licence CC0 domaine public)
… Eh oui ! le «célèbre» référentiel bondissant (le ballon),
ici dans sa version référentiel bondissant aléatoire (ballon de rugby).
Car bien entendu, il s’invitait dans le courriel reçu du tonton Alphonse ou de ma chère amie Molette. Or, avant que vous ne m’interpelliez sur ce mythe, je vous affirme énergiquement, formellement, absolument et tout ce que vous voudrez adverbialement qu’il n’y a nulle trace de «référentiel bondissant» dans des textes officiels.
Cette trace hypothétique, le journaliste du Monde Luc Cédelle l’a recherchée avec une systématique insistance sans la trouver, tout comme la regrettée Nina Catach avait épluché tous les JO du XIXe siècle pour contrebattre le mythe du prétendu «décret» obligeant à suivre l’orthographe de l’Académie française. Pour l’enquête de M. Sherlock Cédelle, je vous renvoie précisément à son blog :
education.blog.lemonde.fr/2008/03/31/le-...et-surtout-medisant/ . (Moi, je n’aurais pas eu la patience).
Bien évidemment, dans ce florilège, on ne pouvait manquer le rappel du «milieu aquatique standardisé» qui apparaissait dans les projets de nouveaux programmes. L’intention (comme pour l’outil scripteur) n’était pas de trouver une formulation amphigourique pour désigner une piscine, mais d’évoquer tous les espaces d’enseignement de la natation (y compris des zones sécurisées en mer ou en rivière). La polémique a été savamment entretenue bien que la version finale du texte concerté avec le terrain ne l’eût pas maintenue.
On ne saurait manquer de rappeler à quel point cette formulation — qui n’était pas des plus heureuses, nous en convenons volontiers — a été surabondamment utilisée pour dénigrer le travail considérable (et, encore une fois, concerté) du Conseil supérieur des programmes dont on trouvera la composition initiale ici. Dommage pour tonton Alphone et ma mie Molette, il ne s’y trouve point d’énarque.
La composition affichée au Bulletin officiel ne mentionnait pas le président. Dans la période agitée qui fut celle de la préparation des nouveaux programmes et de la réforme du collège engagée par Najat Vallaud-Belkacem, le président du Conseil supérieur des programmes ne fut pas épargné par les désinformations et des insultes d’autant plus virulentes qu’elles provenaient de courageux anonymes aux pseudos exotiques. La vie d’un twittos comme lui ne fut pas que luxe, calme et volupté.
Michel Lussault en 2009
(Crédit photo Wikimedia Commons/Ji-elle, licence Creative Commons CC BY-SA 3.0)
C’est l’occasion pour moi de rendre hommage à celui qui, jusqu’à sa démission il y a quelques jours, assuma cette tâche ô combien difficile: Michel Lussault. La chère amie Molette et tonton Alphonse seront encore déçus: Michel Lussault n’est pas énarque mais géographe avec un intérêt marqué pour la géographie urbaine. Agrégé de géographie puis enseignant-chercheur, il est actuellement professeur des universités à l’école normale supérieure (ENS) de Lyon où il avait déjà dirigé l’IFÉ (institut français d’éducation), outil utile et préservé après le démantèlement de l’INRP sous la droite triomphante.
Je veux ici, disais-je, lui rendre hommage: hommage à son ouverture, son souci du dialogue (même quand il paraissait impossible) et de l’explication (même quand elle semblait devoir glisser à l’avance). Il se trouve que j’ai rencontré Michel Lussault en d’autres temps, en 2007 alors que se préparait la loi «libertés et responsabilités des universités» (loi Pécresse ou LRU).
Il était vice-président de la CPU (Conférence des présidents d’université), j’étais en responsabilité syndicale active. Dans la configuration de l’époque, nos positions respectives n’étaient pas tout à fait alignées (on va le dire comme ça). Et pourtant, nous avons eu alors un dialogue sans faux-semblants, mais sans animosité personnelle. Qui n’accepte le dialogue qu’avec ses clones est condamné à le poursuivre en chambre d’écho. Mais j’en ai tiré plus tard cette conviction — parce que les étiquettes institutionnelles sont incarnées par des êtres de chair et de conviction — qu’il avait le profil et les qualités requises pour animer efficacement ce collège que doit être le le CSP en 2014.
Mais que d’injustes coups a-t-il reçus! (J’y reviendrai, parce que ce n’est pas ici de morale qu’il s’agit d’abord). Michel Lussault, pour ce qui le concerne, ne manque heureusement pas d’humour (qui est la capacité à prendre de la distance en riant sur soi, et non, quoiqu’en pensent certains gougnafiers, la manière sans art de ricaner d’autrui). De cet humour, attestait, peu après sa démission du CSP, ce gazouillis:
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Mais revenons donc au courriel (je laisse l’émail aux dentistes ou aux carreleurs) de tonton Alphonse ou le l’amie Molette. On y retrouve des poncifs chers à ceux qui cultivent la nostalgie de la craie, de l’encre violette et du porte-plume (pas moi: les taches nuisaient à mes tâches d’écolier) et des blouses grises poussiéreuses. C’est la nostalgie d’une jeunesse enfuie qu’on voudrait retrouver (pas moi qui n’ai, mais alors pas du tout, la nostalgie des 6e d’avant 1968), le rêve d’un âge d’or (pas moi: j’appartiens à une génération où nous n’étions que 20% de bacheliers dont on disait pourtant que, par rapport aux anciens, na-ni na-na étoussa) et finalement l’image reconstruite a posteriori d’un monde qui pouvait paraître, par sa stabilité même, plus sûr (ce qui n’est pas faux, mais là n’est pas le problème).
Si l’École est un enjeu de luttes, c’est aussi un enjeu de luttes symboliques qui mobilisent des concepts, des symboles, des discours. Je gage que dans trente ans on pérorera encore sur les ravages contemporains (dans trente ans) de la «méthode globale» et le «c’était mieux avant». Dans un bulletin de la section de la Seine du Syndicat national des instituteurs des années 1930, j’avais trouvé jadis un article évoquant quelque journal réactionnaire qui pérorait sur le thème «Ah! au moins les instituteurs d’avant 1914 étaient bons, eux.» Et j’imagine que dans trente ans on expliquera qu’«au moins les enseignants d’avant 2014 connaissaient leur boulot, eux».
Jadis, lors d’une audience auprès d’un⋅e parlementaire chargé⋅e du rapport sur le budget, le responsable de la délégation de ma fédératon syndicale (qui m’a narré la chose) fut surpris d’entendre: «Je connais l’Éducation nationale, j’ai deux enfants.» Pour se mettre à niveau, il répliqua: : «Je connais la mécanique, j’ai une voiture.» Nous en sommes là, et il n’est de pire situation que pour le malheureux sélectionneur de l’équipe de France de foot-ball confronté à l’acrimonie de ses quelque soixante millions de rivaux (dont je ne suis pas).
Il ne faut donc pas s’étonner si l’amie Molette ou tonton Alphone nous font suivre régulièrement des courriels du genre de celui que j’ai reçu (pour un plus mauvais genre, voir les amis de Mme Ludivine de la Rochère). Mais au départ, malgré les ajouts contre-productifs sur l’énarchie, il y a eu des mises en relief volontaires, des insistances non dénuées d’arrière-pensées, des émules de Reboux et Muller qui, le jargon jargonnant ne suffisant pas, éprouvent le besoin d’en rajouter comme c’est la cas (désolé chère amie Molette et cher tonton Alphonse) du «bloc mucilagineux à effet soustractif».
Derrière l’écume du sarcasme…
… la volonté que rien ne change
Les accumulations d’expressions mises en évidence ne relèvent pas du hasard. Ces évidences sont à la réalité ce que le sens commun est pour un sociologue digne de ce nom: un voile chargé de masquer le vrai des choses, en l’occurrence le projet que promeuvent les «antipédagogistes» se gargarisant de leur logique rhétorique cumulative. La novation est assimilée au jargon, le jargon au rien sinon à la négation de ce qu’il faudrait faire (c’est-à-dire rien, sinon le retour à une «tradition» réputée bonne «en soi», un modèle d’école chosifiée, immobiliste et, surtout, ne remettant pas en cause le droit des élites à se reproduire sereinement.
C’est le même courant qui au nom de la tradition applaudissait Hippolyte Ducos — député radical-socialiste comme Jean Zay et René Billères —, mais surtout fidèle lobbyiste de la Société des agrégés et du modèle des études classiques. Il fut à l’œuvre et à la manœuvre pour bloquer la loi Zay (Jean Zay dut user de décrets) puis pour faire obstruction en 1956-1957 au projet de loi Billères. Ce sont les mêmes qui clament depuis toujours qu’il faut une «autre» réforme du collège sans dire laquelle… sinon en rêvant, à plus ou moins haute voix, du rétablissement du concours d’entrée en 6e (sans se préoccuper du devenir des recalés et des conséquences économiques et sociales, désastreuses à long terme, d’un tel malthusianisme. Ce sont les mêmes qui ont vilipendé, sous le ministère d’Alain Savary, Louis Legrand.
Il leur suffit qu’on ne bouge pas ou que, comme cela semble se dessiner hélas! on détricote le plus vite possible ce qui avait été emmaillé à grand peine. On connaît leur discours: la solution est le retour à l’apprentissage (sauf pour leurs propres rejetons). Mais cette posture idéologique méconnaît le fait que l’apprentissage junior décidé sous le ministre Robien a échoué parce que les employeurs n’en voulaient pas et que, dans les CFA, les formations de niveau V sont négligées par les employeurs hormis quelques filières bien spécifiques comme les métiers de bouche. Mais peu importe, pour reprendre l’excellente formule d’Antoine Prost, ils restent — qu’ils se l’avouent ou pas — des partisans de la distillation sociale scolaire fractionnée (avec les quelques alibis prolétaires qui viendront méritocratiquement légitimer l’ensemble).
Quand l’humour pachydermique sur ce qu’ils qualifient de novlangue (ces gens-là ont-il jamais lu 1984?), c’est l’insulte qui jaillit. Les déferlements de haine dont ont été victimes Najat Vallaud-Belkacem (femme, issue de l’immigration: celle qu’on appelle «Najat» quand on dit «Monsieur Blanquer» ou «Jean-Michel Blanquer»: cherchez l’erreur) ou Michel Lussault, c’est qu’on ne leur a pas pardonné de vouloir cette continuité pédagogique de l’école et du collège, école pour tous et collège pour tous; c’est qu’on ne leur a pas pardonné de s’attaquer aux filières déguisées, plus hypocrites parce que masquées que celles de feu les CES des années 1960.
Voilà le fond du problème. Mais, puisque nous mettons tout sur la table, parlons du jargon.
«ÉNARQUES DE L’EDNAT CHASSÉS DE BABEL EN RAISON DE LEUR JARGON EXCESSIF»
avec le concours de Pierre Bruegel l’Ancien, La tour de Babel (1563)
(Crédit photo: Wikimedia Commons, domaine public, licence CC0.)
Dernier point, donc: le jargon. Il existe, il peut énerver même les professionnels de la profession. Mais l’existence même du jargon — au sens neutre de langage technique ou professionnel — est un enjeu de lutte dans le champ éducatif. Si l’on veut considérer qu’enseigner n’est qu’instruire en soumettant la parole du maître à de passifs apprenants (qui ne sont pas tous élèves, mais aussi étudiants, adultes en formation…), alors, on n’a point besoin de langage professionnel puisqu’il s’agit de transmettre du haut en bas le sacro-saint savoir. Si l’on considère que l’exposition passive au savoir n’est pas en soi un gage d’apprentissage, qu’il y a des outils, des méthodes, des techniques, des enjeux sociaux aussi, alors on a besoin d’une approche pertinente pour nommer les choses, les procédures, les concepts.
Il y a sur ce point un excellent billet de mon ami Philippe Wattrelot (ex-président du CRAP-Cahiers pédagogiques qui finira donc sur le bûcher): philippe-watrelot.blogspot.fr/2017/10/a-...gon-pedagogique.html . Nous, qui nous occupons (ou nous occupâmes) de mécanique éducative avons besoin de notre langage technique
À propos, Philippe Watrelot évoque le prédicat, cette innovation au goût étrange venu d’ailleurs. J’en ai touché deux mots. Pas à mon amie Molette et à tonton Alphonse, mais à un vieux copain, Maurice, sur qui je peux toujours compter. Et voici ce qu’il écrit, le Grand Maurice :
Considérée dans ses éléments essentiels, la proposition comprend deux termes: un sujet et un verbe; La terre tourne; — ou trois termes: un sujet, un verbe et un attribut: Le vice est odieux.
Certains grammairiens distinguent dans la proposition: 1º le sujet, c’est-à-dire l’objet ou l’être dont on parle; 2º le prédicat, c’est-à-dire tout ce qu’on dit du sujet.
(Maurice Grevisse, Le Bon Usage;
4e édition, 1949, § 182;
11e édition, 1980, § 274).
Ah oui, au fait! le bloc mucilagineux à effet soustractif
est tout simplement… une gomme.
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