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"Projet Star Wars” en 3e : faire de la saga “un support” pour toutes les matières" (VousNousIls)
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17 Jan 2016 16:35 #15689
par Loys
"Projet Star Wars” en 3e : faire de la saga “un support” pour toutes les matières" (VousNousIls) a été créé par Loys
Dans "VousNousIls" du 12/01/16 :
"Projet Star Wars” en 3e : faire de la saga “un support” pour toutes les matières"
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21 Jan 2016 00:52 #15716
par Hervé
Réponse de Hervé sur le sujet "Projet Star Wars” en 3e : faire de la saga “un support” pour toutes les matières" (VousNousIls)
C'est proprement atterrant ! Qu'un professeur d'histoire-géographie ait eu une idée pareille me laisse pantois...
L'utilisation d'une oeuvre de fiction est une vieille habitude en histoire-géo, vu la difficulté de trouver des images d'époques reculées ou des textes facilement accessibles (en attendant le génial EPI "chroniques latines du Moyen-Age" )... Néanmoins ca pose classiquement des problèmes vite insolubles. Utiliser Gladiator pour évoque l'empire romain, ca sert à meubler une séance avant les vacances mais pas grand chose d'autres Je me souviens que dans ma jeunesse j'utilisais le Ivanhoé de Richard Thorpe pour illustrer le Moyen-Age jusqu'à ce que je m'aperçoive que mes distinguos savants entre situations historiques réelles et représentations hollywoodiennes d'un Moyen-Age de pacotille passait complètement à côté de la compréhension des élèves qui finissaient par croire que les chevaliers étaient tous gominés comme Robert Taylor et que leurs écus étaient vraiment en métal (c'est très rigolo si on y réfléchit). Le poids des images par rapport aux commentaires...
Mais l'utilisation de la science-fiction, c'est--dire d'un avenir imaginaire, pour expliquer un passé réel, c'est plus déroutant...
D'autant plus, et c'est beaucoup moins rigolo, que le choix est incroyable.
Le professeur entend comparer l'un des méchants de SW (le chancelier et futur Empereur Palpatine) et Hitler. Il a pour “Objectif [de] montrer que leurs arrivées au pouvoir étaient similaires” et ensuite entend permettre aux élèves, à l'aide d'une "carte mentale” , de “visualiser” les “caractéristiques d’un régime totalitaire” Le raisonnement de base est effarant : d'abord l'oeuvre est marqué par un grand syncrétisme, mélangeant des inspirations très diverses. S'il y a sans doute de l'Hitler dans Palpatine, il y a aussi du Napoléon ou du Jules Cesar (de l'aveu de Georges Lucas lui-même) et il est vain de rechercher des clés de lecture et des références subtiles. Surtout, si, lorsqu'on connait hitler, on peut deviner des points communs, comment des élèves qui ne connaissent pas Hitler (puisque le but du cours est justement de leur enseigner) pourront-ils voir ces analogies ? Le seul moyen sera de leur dire : bon, on a expliqué comment Palpatine a pris le pouvoir, et bien Hitler, c'est pareil.
Parce que là est le problème "didactique" : ce n'est pas pareil. SW n'est pas une fresque politique (à la différence par exemple de Dune de Frank Herbert) mais morale : elle montre l'opposition du bien et du mal à l'échelle des individus (les personnages sont gentils ou méchants et rien d'autre) et passe totalement sous silence les aspects politiques (les institutions de la République ne sont pas réellement creusées) et sociaux (l'histoire est entièrement mû par la volonté des individus, les peuples, les corps intermédiaires n'existent pas comme acteurs autonomes). Hitler n'est pas réductible à Palpatine parce que justement sa prise de pouvoir et sa politique ne s'expliquent pas par sa méchanceté intrinsèque et qu'il est du devoir de l'enseignant de ne pas réduire un personnage historique aussi important à sa personnalité. Chaque année, il y a au moins un élève qui me demande "mais alors Hitler, il était fou ?" et que je dois justement lui répondre que si sa psychopathie ne fait guère de doutes, ce n'est pas l'essentiel.
Classiquement on insiste, pour l'arrivée au pouvoir de Hitler, sur le poids de la défaite de 1918 et celui de la crise économique de 1929 pour expliquer les succès électoraux du parti nazi et son accès au pouvoir de façon "para-légale". En quoi ces éléments sont-ils, même transposés, présents dans SW ? Et les éléments de la dictature totalitaire : le culte du chef, le mélange Etat/Parti, le contrôle des masses, où sont-ils ?
Alors certes, on voit bien que le professeur, qui enseigne dans un collège REP, insiste sur la volonté de faire quelque chose de “plus ludique et attrayant" permettant ”une meilleure compréhension des choses, car la saga est proche d’eux". Mais, tout de même, la volonté (contestable) "de rendre les élèves plus autonomes et actifs" ne peut aboutir à faire fi des problèmes éthiques. Que le prof de Physique calcule la puissance d'un sabre-laser, c'est rigolo et ça ne pose pas de problèmes moraux. En revanche, en histoire, c'est plus compliqué. Parce que tout de même, on parle d'un sujet sérieux qui véhicule des charges émotionnelles importantes et on ne peut pas l'évoquer à travers une oeuvre qui est fondamentalement un divertissement. Les analogies sont non seulement absurdes mais dérangeantes parce que la vraie histoire, particulièrement celle du XXe siècle, n'est ni "ludique" ni "attrayante".
Lui conseillerait-on d'utiliser d'autres oeuvres, comme le dictateur de Chaplin, dont les analogies avec le nazisme sont revendiquées, pensées, et bien plus riches (où sont les juifs dans SW ?) tout en conservant une force dramatique et comique parfaitement accessibles à nos élèves.
Ma dernière réflexion est la suivante : il est déjà surprenant que qqn ait pensé à un projet pareil; il est encore plus surprenant que l'on puisse le montrer en exemple...
L'utilisation d'une oeuvre de fiction est une vieille habitude en histoire-géo, vu la difficulté de trouver des images d'époques reculées ou des textes facilement accessibles (en attendant le génial EPI "chroniques latines du Moyen-Age" )... Néanmoins ca pose classiquement des problèmes vite insolubles. Utiliser Gladiator pour évoque l'empire romain, ca sert à meubler une séance avant les vacances mais pas grand chose d'autres Je me souviens que dans ma jeunesse j'utilisais le Ivanhoé de Richard Thorpe pour illustrer le Moyen-Age jusqu'à ce que je m'aperçoive que mes distinguos savants entre situations historiques réelles et représentations hollywoodiennes d'un Moyen-Age de pacotille passait complètement à côté de la compréhension des élèves qui finissaient par croire que les chevaliers étaient tous gominés comme Robert Taylor et que leurs écus étaient vraiment en métal (c'est très rigolo si on y réfléchit). Le poids des images par rapport aux commentaires...
Mais l'utilisation de la science-fiction, c'est--dire d'un avenir imaginaire, pour expliquer un passé réel, c'est plus déroutant...
D'autant plus, et c'est beaucoup moins rigolo, que le choix est incroyable.
Le professeur entend comparer l'un des méchants de SW (le chancelier et futur Empereur Palpatine) et Hitler. Il a pour “Objectif [de] montrer que leurs arrivées au pouvoir étaient similaires” et ensuite entend permettre aux élèves, à l'aide d'une "carte mentale” , de “visualiser” les “caractéristiques d’un régime totalitaire” Le raisonnement de base est effarant : d'abord l'oeuvre est marqué par un grand syncrétisme, mélangeant des inspirations très diverses. S'il y a sans doute de l'Hitler dans Palpatine, il y a aussi du Napoléon ou du Jules Cesar (de l'aveu de Georges Lucas lui-même) et il est vain de rechercher des clés de lecture et des références subtiles. Surtout, si, lorsqu'on connait hitler, on peut deviner des points communs, comment des élèves qui ne connaissent pas Hitler (puisque le but du cours est justement de leur enseigner) pourront-ils voir ces analogies ? Le seul moyen sera de leur dire : bon, on a expliqué comment Palpatine a pris le pouvoir, et bien Hitler, c'est pareil.
Parce que là est le problème "didactique" : ce n'est pas pareil. SW n'est pas une fresque politique (à la différence par exemple de Dune de Frank Herbert) mais morale : elle montre l'opposition du bien et du mal à l'échelle des individus (les personnages sont gentils ou méchants et rien d'autre) et passe totalement sous silence les aspects politiques (les institutions de la République ne sont pas réellement creusées) et sociaux (l'histoire est entièrement mû par la volonté des individus, les peuples, les corps intermédiaires n'existent pas comme acteurs autonomes). Hitler n'est pas réductible à Palpatine parce que justement sa prise de pouvoir et sa politique ne s'expliquent pas par sa méchanceté intrinsèque et qu'il est du devoir de l'enseignant de ne pas réduire un personnage historique aussi important à sa personnalité. Chaque année, il y a au moins un élève qui me demande "mais alors Hitler, il était fou ?" et que je dois justement lui répondre que si sa psychopathie ne fait guère de doutes, ce n'est pas l'essentiel.
Classiquement on insiste, pour l'arrivée au pouvoir de Hitler, sur le poids de la défaite de 1918 et celui de la crise économique de 1929 pour expliquer les succès électoraux du parti nazi et son accès au pouvoir de façon "para-légale". En quoi ces éléments sont-ils, même transposés, présents dans SW ? Et les éléments de la dictature totalitaire : le culte du chef, le mélange Etat/Parti, le contrôle des masses, où sont-ils ?
Alors certes, on voit bien que le professeur, qui enseigne dans un collège REP, insiste sur la volonté de faire quelque chose de “plus ludique et attrayant" permettant ”une meilleure compréhension des choses, car la saga est proche d’eux". Mais, tout de même, la volonté (contestable) "de rendre les élèves plus autonomes et actifs" ne peut aboutir à faire fi des problèmes éthiques. Que le prof de Physique calcule la puissance d'un sabre-laser, c'est rigolo et ça ne pose pas de problèmes moraux. En revanche, en histoire, c'est plus compliqué. Parce que tout de même, on parle d'un sujet sérieux qui véhicule des charges émotionnelles importantes et on ne peut pas l'évoquer à travers une oeuvre qui est fondamentalement un divertissement. Les analogies sont non seulement absurdes mais dérangeantes parce que la vraie histoire, particulièrement celle du XXe siècle, n'est ni "ludique" ni "attrayante".
Lui conseillerait-on d'utiliser d'autres oeuvres, comme le dictateur de Chaplin, dont les analogies avec le nazisme sont revendiquées, pensées, et bien plus riches (où sont les juifs dans SW ?) tout en conservant une force dramatique et comique parfaitement accessibles à nos élèves.
Ma dernière réflexion est la suivante : il est déjà surprenant que qqn ait pensé à un projet pareil; il est encore plus surprenant que l'on puisse le montrer en exemple...
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- Loys
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21 Jan 2016 07:51 #15717
par Loys
Réponse de Loys sur le sujet "Projet Star Wars” en 3e : faire de la saga “un support” pour toutes les matières" (VousNousIls)
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21 Jan 2016 14:30 #15726
par Kustolovic
Par contre l'utilisation de Palpatine pour illustrer l'histoire participe à l'inverse: Elle valide la fiction vu que le «réel» ressemble à la fiction.
En plus de vos parfaites explications sur la multitude de personnages qui ont inspiré Palpatine et le problème de la vision manichéenne de Star Wars, je me pose la question des générations futures: Prendra-t-on un personnage fictif ou d'actualité pour présenter Palpatine, lui-même nécessaire à présenter Hitler? Quant à Hitler, il est déjà suffisamment caricaturé pour ne pas caricaturer la caricature…
Et finalement, un autre point me gêne: J'ai eu une éducation très stricte quant à la télévision: choix et visionnage en famille, selon des principes assez anti hollywoodiens. Du coup j'ai vécu ma scolarité en n'ayant jamais vu les films que les autres avaient tous vu (des bronzés à Star Wars,). Ce n'était pas toujours facile et toujours discutable, mais du coup ça me laisse un arrière-goût étrange que l'école demande de se mettre à jour sur le visionnage de ce film pour pouvoir suivre le programme. Et à la fin du cours, on peut commander les produits dérivés chez Disney?
Réponse de Kustolovic sur le sujet "Projet Star Wars” en 3e : faire de la saga “un support” pour toutes les matières" (VousNousIls)
ça peut même être intéressant dans le sens où cela démonte parfois certaines incohérences scénaristiques. Histoire de ne pas tout prendre pour argent comptant.Que le prof de Physique calcule la puissance d'un sabre-laser, c'est rigolo et ça ne pose pas de problèmes moraux.
Par contre l'utilisation de Palpatine pour illustrer l'histoire participe à l'inverse: Elle valide la fiction vu que le «réel» ressemble à la fiction.
En plus de vos parfaites explications sur la multitude de personnages qui ont inspiré Palpatine et le problème de la vision manichéenne de Star Wars, je me pose la question des générations futures: Prendra-t-on un personnage fictif ou d'actualité pour présenter Palpatine, lui-même nécessaire à présenter Hitler? Quant à Hitler, il est déjà suffisamment caricaturé pour ne pas caricaturer la caricature…
Et finalement, un autre point me gêne: J'ai eu une éducation très stricte quant à la télévision: choix et visionnage en famille, selon des principes assez anti hollywoodiens. Du coup j'ai vécu ma scolarité en n'ayant jamais vu les films que les autres avaient tous vu (des bronzés à Star Wars,). Ce n'était pas toujours facile et toujours discutable, mais du coup ça me laisse un arrière-goût étrange que l'école demande de se mettre à jour sur le visionnage de ce film pour pouvoir suivre le programme. Et à la fin du cours, on peut commander les produits dérivés chez Disney?
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17 Fév 2016 12:00 #15917
par Shane_Fenton
Réponse de Shane_Fenton sur le sujet "Projet Star Wars” en 3e : faire de la saga “un support” pour toutes les matières" (VousNousIls)
Quand j'étais en seconde, en 1993 dans un lycée public rennais, notre professeur d'histoire-géo nous a fait voir, dans le cadre du cours sur la Révolution française, le téléfilm en deux parties que Robert Enrico avait réalisé pour le bicentenaire. Il était effectivement bien réalisé, historiquement crédible avec de bons acteurs (j'ai quand même confondu François Cluzet, qui interprétait Camille Desmoulins, avec Bernard-Henri Lévy... ce souvenir me cuit encore). Le problème était qu'à 15 ans, j'avais trop tendance à faire confiance à l'image et à croire dur comme fer que si une séquence avait été filmée, c'est qu'elle avait eu lieu dans la réalité (il est vrai que je n'étais pas une flèche à cette âge-là).
Tout ça pour dire que je n'ai rien contre l'usage de documents audiovisuels en classe, si ça peut permettre de rendre l'enseignement plus "sexy" et susciter des vocations (il me semble que Jacques le Goff a voulu devenir médiéviste après avoir vu la scène de siège d'Ivanhoe). A condition bien entendu qu'on choisisse avec soin les documents audiovisuels. Par exemple, pour avoir vu Gladiator et 300, je suis assez consterné qu'on s'en serve pour illustrer l'antiquité romaine ou grecque. A ce compte-là, autant diffuser Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ, qui a l'avantage de ne pas se prendre au sérieux et d'être volontairement drôle.
Mais Star Wars... pour moi, c'est pire que de la démagogie : on essaie de singer les élèves, ou ce qu'on croit qu'ils sont (avec leurs "codes" et leurs "références" supposés) en espérant les intéresser. C'est pathétique, et ça se voit à des kilomètres.
Tout ça pour dire que je n'ai rien contre l'usage de documents audiovisuels en classe, si ça peut permettre de rendre l'enseignement plus "sexy" et susciter des vocations (il me semble que Jacques le Goff a voulu devenir médiéviste après avoir vu la scène de siège d'Ivanhoe). A condition bien entendu qu'on choisisse avec soin les documents audiovisuels. Par exemple, pour avoir vu Gladiator et 300, je suis assez consterné qu'on s'en serve pour illustrer l'antiquité romaine ou grecque. A ce compte-là, autant diffuser Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ, qui a l'avantage de ne pas se prendre au sérieux et d'être volontairement drôle.
Mais Star Wars... pour moi, c'est pire que de la démagogie : on essaie de singer les élèves, ou ce qu'on croit qu'ils sont (avec leurs "codes" et leurs "références" supposés) en espérant les intéresser. C'est pathétique, et ça se voit à des kilomètres.
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