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"Outils pédagogiques : « J’utilise le sketchnoting en classe »" (Le Monde)
- Loys
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01 Oct 2019 12:52 - 02 Oct 2019 11:09 #22330
par Loys
Nouvelle innovation de rentrée de Jean-Pierre Costille (du lycée pilote Jules-Haag de Besançon) dans "Le Monde" du 1/10/19 (après
"le numérique"
en septembre 2017 ou
"les groupes puzzle"
en septembre 2018) :
"Outils pédagogiques : « J’utilise le sketchnoting en classe »".
Dernière mode, avec "l'arpentage" en lettres, illustrant les progrès continus des pédagogies dispersives en France : le terme anglais ("sketchnote") signe l'innovation de cette pratique.
Si chaque dessin permet d'illustrer une idée ou un concept (un drapeau pour un pays, des obus pour la guerre etc.), cela représente beaucoup de temps perdu pour peu de choses mémorisées... De fait, cette technique est finalement présentée comme utile pour "synthétiser et souligner l’essentiel". Mais à vrai dire, l'essentiel est facile à mémoriser : ce qui est plus compliqué, c'est de mémoriser ce qui ne l'est pas...
Le sketchnote obligerait l'élève à hiérarchiser et clarifier les idées, mais chacun selon sa logique (ce qui peut sembler contradictoire). En réalité l'exemple donné dans l'article montre plutôt le contraire : le sketchnote horizontalise et se montre beaucoup moins clair qu'un plan hiérarchisé, d'où les représentations assez pauvres et indigentes que l'on peut voir fleurir un peu partout, et dont on a bien souvent du mal à déterminer à quel niveau de la scolarité elles correspondent :
Ici exemple d'horizontalisation par simple numérotation : les intentions (inexpliquées) sont mises sur le même plan que la mise en œuvre (très vague) et que les conséquences (inexpliquées). La conceptualisation grâce au dessin n'a pas grand chose à voir avec la conceptualisation historique à proprement parler : il s'agit de "conceptualiser" par exemple l'agriculture ou l'industrie en général. Dans ce sketchnote purement chronologique, il manque finalement l'essentiel : la logique. Accessoirement, le chiffre de "40 millions de morts" ne correspond pas à celui du "commentaire" ("30 millions") et des tombes chrétiennes semblent peu appropriées pour représenter ces morts chinoises.
Mais peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'innovation !
Du reste, si un élève a besoin de mémoriser des éléments aussi généraux en les dessinant, grand bien lui fasse mais quel intérêt d'imposer cette pratique à tous et surtout de le faire en classe ? C'est une perte de temps infinie. Le problème est d'ailleurs mentionné dans l'article : il ne s'agit finalement que de "commencer l’activité en classe".
Que fait l'enseignant pendant que les élèves dessinent ? Il "peut participer avec les élèves" (sic). Dans une perspective socio-constructiviste, Jean-Pierre Costille vante alors les vertus collaboratives et apaisantes du dessin en classe, avec une certaine contradiction sur le but de cette pratique : mémoriser pour soi-même ou "se faire comprendre par les autres" ?
On se demande comment une pratique si anecdotique peut ainsi trouver un écho national. Fascination pour l'innovation pédagogique ? Sans nul doute.
On retrouve à la fin de l'article la dimension (pseudo-)transgressive caractéristique de toute pédagogie innovante digne de ce nom : "Les élèves sont souvent surpris au départ, car durant toute leur scolarité dessiner a rimé avec distraction et aucun professeur ne leur a jamais permis de le faire".
Et à la fin de l'article, la clausule en forme de talisman pédagogique : "diversifier nos pratiques pédagogiques". Tant que les pratiques sont diversifiées, c'est qu'elles sont bonnes. Un grand bond en avant pédagogique, en somme !
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Si chaque dessin permet d'illustrer une idée ou un concept (un drapeau pour un pays, des obus pour la guerre etc.), cela représente beaucoup de temps perdu pour peu de choses mémorisées... De fait, cette technique est finalement présentée comme utile pour "synthétiser et souligner l’essentiel". Mais à vrai dire, l'essentiel est facile à mémoriser : ce qui est plus compliqué, c'est de mémoriser ce qui ne l'est pas...
Le sketchnote obligerait l'élève à hiérarchiser et clarifier les idées, mais chacun selon sa logique (ce qui peut sembler contradictoire). En réalité l'exemple donné dans l'article montre plutôt le contraire : le sketchnote horizontalise et se montre beaucoup moins clair qu'un plan hiérarchisé, d'où les représentations assez pauvres et indigentes que l'on peut voir fleurir un peu partout, et dont on a bien souvent du mal à déterminer à quel niveau de la scolarité elles correspondent :
Ici exemple d'horizontalisation par simple numérotation : les intentions (inexpliquées) sont mises sur le même plan que la mise en œuvre (très vague) et que les conséquences (inexpliquées). La conceptualisation grâce au dessin n'a pas grand chose à voir avec la conceptualisation historique à proprement parler : il s'agit de "conceptualiser" par exemple l'agriculture ou l'industrie en général. Dans ce sketchnote purement chronologique, il manque finalement l'essentiel : la logique. Accessoirement, le chiffre de "40 millions de morts" ne correspond pas à celui du "commentaire" ("30 millions") et des tombes chrétiennes semblent peu appropriées pour représenter ces morts chinoises.
Mais peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'innovation !
Du reste, si un élève a besoin de mémoriser des éléments aussi généraux en les dessinant, grand bien lui fasse mais quel intérêt d'imposer cette pratique à tous et surtout de le faire en classe ? C'est une perte de temps infinie. Le problème est d'ailleurs mentionné dans l'article : il ne s'agit finalement que de "commencer l’activité en classe".
Que fait l'enseignant pendant que les élèves dessinent ? Il "peut participer avec les élèves" (sic). Dans une perspective socio-constructiviste, Jean-Pierre Costille vante alors les vertus collaboratives et apaisantes du dessin en classe, avec une certaine contradiction sur le but de cette pratique : mémoriser pour soi-même ou "se faire comprendre par les autres" ?
On se demande comment une pratique si anecdotique peut ainsi trouver un écho national. Fascination pour l'innovation pédagogique ? Sans nul doute.
On retrouve à la fin de l'article la dimension (pseudo-)transgressive caractéristique de toute pédagogie innovante digne de ce nom : "Les élèves sont souvent surpris au départ, car durant toute leur scolarité dessiner a rimé avec distraction et aucun professeur ne leur a jamais permis de le faire".
Et à la fin de l'article, la clausule en forme de talisman pédagogique : "diversifier nos pratiques pédagogiques". Tant que les pratiques sont diversifiées, c'est qu'elles sont bonnes. Un grand bond en avant pédagogique, en somme !
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Dernière édition: 02 Oct 2019 11:09 par Loys.
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