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Rémi Mathis - "Éduquons à l’esprit critique, pas au mépris du travail des autres" (25/03/12)
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Comme ce monsieur m'interpelle avec virulence sur son blog, je lui réponds sur le mien.
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Dans le titre comme dans l'ensemble du billet, mon canular joyeux est réduit à Wikipédia, qui n'y occupe pourtant qu'une place marginale : M. Mathis exclut pudiquement d'évoquer la cible principale de mon billet, à savoir les sites commercialisant des corrigés d'exercices de français, dont il ne fait aucune mention. Faut-il considérer qu'ils offrent un "travail" qui n'est pas digne de "mépris" et que copier-coller est également un "travail" qui n'exprime aucun mépris "des autres".Éduquons à l’esprit critique, pas au mépris du travail des autres
Quant à l'esprit critique auquel il faut "éduquer", bien entendu mon expérience n'y invite pas les élèves, comme tout le monde l'aura compris...
On commence avec toujours la même erreur grossière : je n'ai fourni qu'une seule fausse information, sur Wikipédia. Le reste était constitué de questions-réponses sur des sites parascolaires et d'un corrigé parodique sur deux sites, Oboulo et Oodoc, sans rapport avec de "l'information" mais en rapport avec l'interprétation littéraire d'un texte.Un professeur se vante d’avoir trompé ses élèves en leur fournissant de mauvaises informations sur internet… reprises ensuite par ces derniers.
Précaution oratoire d'usage : l'estime pour les professeurs (enfin les vrais). C'est curieux car le milieu enseignant, notamment sur les réseaux sociaux, m'a témoigné à des dizaines de milliers de reprises sa sympathie...Je ne voulais pas réagir (d’autant que certains l’ont très bien fait) mais plusieurs amis m’ont demandé ce que j’en pensais : voici donc un court billet sur la question. Le sujet me touche d’autant plus que je suis issu de ce milieu de profs, que j’estime beaucoup pour sa curiosité, ses connaissances, son ouverture, son désintéressement. Je suis donc chagriné de constater un tel comportement, bien loin des valeurs de ce milieu.
Il faudrait savoir : si mon comportement est le "parangon d’un comportement malsain dans l’éducation actuelle", c'est donc qu'il est n'est pas "bien loin des valeurs de ce milieu". Bref l'estime pour les professeurs est déjà envolée.Non, cela ne m’amuse pas. Et cela me semble même indiquer de gros problèmes à divers niveaux de notre société. Je me borne à quelques remarques, mais ce comportement est pour moi le parangon d’un comportement malsain dans l’éducation actuelle, symbole d’un manque de confiance en eux, d’une ambiguïté dans le rôle des profs et leur rapport aux mutations actuelles.
L'obsolescence des exercices scolaires ne peut m'être reprochée, en bonne logique, car je suis un professeur soucieux de préparer ses élèves à ces exercices du baccalauréat. Ce procès n'est donc pas le mien.*Des profs obligés de prouver qu’ils sont plus compétents que leurs propres élèves ? Des exercices inchangés dans un monde en mutation ?
Le raisonnement est de toute façon curieux : à quoi rime de critiquer les exercices scolaires, si ce n'est à... justifier la fraude (cf infra) ?
Parce que l'expérience n'était pas pour moi, mais pour eux. Pour qu'ils comprennent d'eux-mêmes le renoncement à la pensée qui est le leur quand ils copient-collent un texte absurde sans comprendre son absurdité.La première réaction est d’être extrêmement surpris qu’un prof soit obligé de faire appel à de tels guet-appens…
On comprend donc que copier en "nuance" est autorisé pour un exercice qui exige un travail personnel.Soit les élèves repompent des sites de manière évidente et point n’est besoin de leur tendre des pièges. Soit ils font preuve de plus de nuance et, dans ce cas, pourquoi vouloir les humilier par un tel procédé ?
M. Mathis suppose donc que les élèves ne plagient jamais ?Surtout, le professeur en question dit « j’ai voulu démontrer aux élèves que les professeurs peuvent parfois maîtriser les nouvelles technologies aussi bien qu’eux, voire mieux qu’eux ». Si un prof pense que cela n’est pas naturel, il y a sans doute des questions à se poser.
*comment les élèves considèrent-ils leurs professeurs pour penser qu’ils ne se rendront pas compte d’un plagiat ?
En l'espèce, aucun puisque le commentaire de texte n'exige aucune recherche documentaire. M. Mathis ignore manifestement en quoi consiste cet exercice scolaire que par ailleurs il juge obsolète : le commentaire de texte.*quel usage font les profs d’internet pour en arriver là ?
*quels cours ce profs avait-il dispensés à ses élèves sur internet, l’usage et la critique des sources, la réutilisation des travaux existants ?
Idem.*quels cours a-t-il dispensé sur les ressources documentaires ? A-t-il proposé une visite de la BM, voire de la BU ? Quelles formations à la recherche documentaire sont proposés par le CDI ?
A noter qu'il s'agit d'ailleurs d'un procès d'intention, M. Mathis ne connaissant rien de mes pratiques pédagogiques en général.
On en revient aux exercices obsolètes.On peut également être surpris de la fixité des exercices proposés par certains professeurs.
C'est bien vrai, ça : exiger d'un élève qu'il comprenne ce qu'il lit est totalement dépassé en 2012 ! Avec le copier-coller, pourquoi lire et comprendre ?Les compétences à acquérir par un élève doivent-elles être les mêmes en 2012 et en 1990 ?
On voir bien qu'il s'agit renverser l'accusation : le problème n'est pas le copier-coller (idiot) des élèves, mais l'exercice scolaire...
Oui, la fragilisation de l'enseignement du français et la naissance d'un miroir aux alouettes de la pensée, internet.Ne s’est-il rien passé entre les deux ?
C'est pourtant ce que prétend un de vos collègues de Wikipédia , M. Langlais !Si l’on parle d’informations factuelles, comme les amours d’un poète du XVIIe, est-il vraiment pertinent de juger un élève sur sa capacité à rapporter ces éléments ?
Cet exercice n'est pas inintéressant mais ne prépare en rien au baccalauréat et n'aide pas beaucoup pour commenter un texte. Pour le reste, il me semble avoir montré une faiblesse remarquable de Wikipédia : l'absence de processus éditorial...Ne serait-il pas plus intéressant de lui enseigner à chercher et choisir des sources, par exemple en rédigeant l’article de Wikipédia, à partir de recherches faites en classe ou comme devoir ? D’où à la fois la capacité à mener une recherche pertinente et à utiliser Wikipédia, dont il aura compris le fonctionnement interne (donc les forces et les faiblesses) ?
L'argument relativiste de la triche perpétuelle ignore évidemment le degré de facilité du copier-coller rendu possible par Internet : "Ne s’est-il rien passé entre les deux ?", pour citer M. Mathis.Tu vois, tant qu'internet n'existait pas, il n'y avait pas de plagiat ! Hmmm, attends, laisse-moi réfléchir...
Parce que 51 élèves sur 65 sont allés recopié des éléments de corrigé sur internet ?Parle-t-on de numérique ou de diffusion de la connaissance en général ?
Il est un point que je ne comprends pas dans ce billet, c’est pourquoi ce professeur parle d’internet.
Tout le monde ? Voilà qui serait étonnant. Et ce n'était possible que pour les textes les plus connus, dont il fallait trouver dans une bibliothèque un éventuel corrigé. Aujourd'hui les élèves trouvent plusieurs corrigés pour le même texte en une seule requête sur Google, et peuvent même tricher en classe, avec un smartphone, là où il n'était, par définition, pas possible de consulter une traduction.J’étais personnellement au lycée au moment où l’internet grand-public s’est développé. Il était encore difficile d’utiliser internet pour ses devoirs mais tout le monde achetait (ou consultait en bibliothèque) les petits livres de commentaires (souvent assez mauvais, d’ailleurs).
Mes élèves ne s'en sont pas rendu compte...*1re remarque : je ne suis pas sûr que cela ait été mal. Cela donnait quelques idées mais on se rendait bien compte que ce n’était pas suffisant et poussait à aller plus loin.
Bref, encore du relativisme moral : la fraude est finalement formatrice.
Le petit latin n'a jamais été considéré comme de la "tricherie", il a même toujours été encouragé par les professeurs.De même qu’en latin, le premier réflexe était de passer à la bibliothèque municipale pour trouver une traduction. C’est a posteriori que je me suis rendu compte que le travail à la fois sur le texte et la traduction était en fait une très bonne méthode, bien qu’elle parût une tricherie (on appelait cela du « petit latin » en prépa).
Quand à comparer l'exercice de la traduction et l'exercice du commentaire, ça n'a guère de sens. Un commentaire est un travail d'interprétation personnelle d'un texte : on ne peut pas demander à quelqu'un d'interpréter un texte à votre place.
Un peu de narcissisme ne fait pas de mal. Compte tenu des aveux ci-dessus, il n'y a pourtant pas de quoi être fier. On comprend mieux votre apologie de la triche, en tout cas.C’est donc avec des scrupules que j’ai vécu mon lycée… avant d’avoir 18 au bac et de me retrouver major en khâgne.
Non, puisque aucune recherche documentaire n'est nécessaire... (fatigue)*2e remarque : quel rapport avec Internet ? Le même prof pouvait aussi demander au CDI du lycée de commander des mauvais livres.
Ah... le relativisme de la médiocrité éditoriale universelle.Trouvez-moi seul ouvrage imprimé qui présente un corrigé aussi calamiteux que celui validé par les comités de lecture de Oboulo et Oodoc ! J'attends avec impatience votre référence, M. Mathis.On en trouve en aussi grand nombre que des mauvais sites internet et les élèves auraient été tout aussi trompés.
Mais il s'agit peut-être là d'un point sensible : j'ai montré, brièvement mais de façon irréfutable, que l'absence de processus éditorial concernait autant les sites commerciaux de corrigés en ligne et... Wikipédia, l'encyclopédie libre ! Quel crime n'ai-je pas commis-là ?
Au lieu de réfléchir à ce problème, M. Mathis a préféré s'en prendre personnellement à celui qui le soulève ou à l'école en général.
En quoi la vie et l’œuvre de Vion d'Alibray permettent-ils de comprendre le sonnet ? J'attends également vos réponses.Le prof affirme que d’Alibray est presque absent sur le web ? Et qu’en est-il ailleurs ? Il n’est pas dans Universalis et Larousse propose 4 lignes qui échouent à voir l’enjeu de la vie et l’œuvre de ce poète.
A vrai dire c'est encore une erreur méthodologique grossière des élèves de penser que la littérature est nécessairement le reflet de la vie de l'auteur. Ce raisonnement est valable pour les œuvres à caractère autobiographique, et encore.
Chercher des éléments sur la vie de l'auteur, à part (à la marge) pour éventuellement introduire le commentaire, est une façon d'éviter de lire et de commenter le texte lui-même : c'est ce qu'on appelle généralement du remplissage de copie.
Mon corrigé calamiteux n'a pas été jugé ni meilleur ni pire qu'un autre sur Oboulo et Oodoc... sites qui en proposent des milliers d'autres ! Quant aux éléments trouvés sur les forums de discussion, ce n'est pas sujet à caution, bien sûr ?*3e remarque : le billet semble dire que ce qui est sur internet est sujet à caution alors que ce qui est sur papier est fiable.
Ce n'était pas du tout ce que je me proposais de leur enseigner...Quel bien mauvais point de départ pour enseigner aux élèves comment choisir ses sources !
Trouvez-moi un seul ouvrage imprimé qui présente un corrigé aussi calamiteux que celui validé par les comités de lecture de Oboulo et Oodoc ! J'attends avec impatience votre référence, M. Mathis. (Le copier-coller a des vertus )Il faut vraiment être naïf pour penser qu’un éditeur apporte une quelconque vérification intellectuelle à ce qui est publié.
Je serais curieux de découvrir ce qu'est la validation scientifique d'un commentaire de texte.La seule véritable validation qui existe se trouve dans les publications scientifiques… c’est à dire très largement sur Internet.
L'exercice du commentaire au bac se passe en trois heures. L'introduction prend au plus une vingtaine de minutes, et sans ressource documentaire.Finalement qu’a donc montré ce prof ? Que les élèves ne passent pas un après-midi entier à chercher des renseignements sur un auteur de 3e zone pour faire une intro de commentaire composé.
J'ai expressément dit dans mon article que ceux qui s'étaient contentés d'aller sur Wikipédia avaient à mes yeux commis une erreur vénielle en interprétant trop hâtivement une information qu'ils y trouvaient (la femme du poème = Melle de Beaunais). Le véritable problème concernait le copier-coller de forums ou de sites de corrigés.
Encore du relativisme, décidément. Mais au fait ? qui parlait de CDI tout à l'heure ?Ce n’est pas choquant s’ils sont dans une grande ville, plus que normal si la première bibliothèque digne de ce nom est à 50 km.
Non, ils ont fait un raccourci historique abusif (la fiabilité des sources n'est même pas en cause !). Il faudrait peut-être lire plus attentivement mon article.Il montre qu’ils reprennent des renseignements crédibles mais faux
Je suis surtout désolé que tout le monde comprenne à quel point Wikipédia peut permettre à n'importe qui de publier n'importe quoi.*Enseigner la malhonnêteté et l’égoïsme ?
Je me permets de glisser ici un échange entre un lycéen et un wikipédien : il se lit en cliquant ici.
En gros, le lycéen demande à modifier l’article qu’il a repompé pour un devoir, pour éviter que sa prof s’en rende compte. Le wikipédien : donc tu demandes que les 3500 lecteurs par semaines aient accès à un moins bon article parce que tu sais que tu as bâclé ton travail, te rends-tu compte de l’égoïsme de ton comportement ?
C’est ce qu’on a envie de dire à ce prof : pensez-vous que c’est en montrant aux élèves qu’il faut vandaliser internet, agir de la manière dont ça nous arrange en refusant toute responsabilité, toute prise en compte de l’autre, de ses besoins, de son travail, qu’on éduque un ado ?
Vous qui êtes bien informé, savez-vous combien de fois la page de cet "auteur de 3e zone" a été consultée pendant les deux petites semaines de mon expérience ? 152 fois , avec un pic de 93 consultations le week-end précédant la remise du devoir.
A titre de comparaison la page n'a même pas été consultée 300 fois dans les douze mois précédents mon expérience, soit moins d'une fois par jour...
Le bénévolat n'est pas une garantie de qualité...Un article de Wikipédia est rédigé par des bénévoles qui pensent qu’il est important et utile de partager leur savoir.
Vous pouvez être moins vague ?Les articles sont bons à partir du moment où il y a suffisamment de personnes qui désirent ce partage dans une discipline donnée.
Qu'ai-je détruit, concrètement ? J'ai glissé une petite phrase sur la page d'un auteur peu connu pendant quinze jours...Non seulement vous ne participez pas (et vous étonnez ensuite que les articles ne soient pas à la hauteur…) mais vous détruisez le travail des autres !
J'ai peut-être détruit la confiance aveugle qu'on peut avoir en Wikipédia... Et c'est là qu'est l'explication de votre article.
Vous oubliez de préciser que, la première fois, j'indiquais clairement le motif pédagogique de ma petite modification. Je note d'ailleurs que malgré mon premier "vandalisme" (pour reprendre la terminologie apocalyptique de Wikipédia), j'ai pu avec autant de facilité vandaliser à nouveau la même page peu après, suivi par un de mes élèves facétieux. Ce qui n'est guère rassurant sur l'efficacité de la modération de Wikipédia.Votre vandalisme a rapidement été supprimé une première fois (par un patrouilleur lui aussi bénévole, qui n’a pas que ça à faire de surveiller le comportement encore puéril de certains adultes) et vous êtes repassé une seconde fois.
En défendant bec et ongles Wikipédia, votre démarche est plus intéressée que la mienne, qui est simplement républicaine : je ne me soucie que de la formation intellectuelle et culturelle de mes élèves.Pensez-vous, Monsieur, que votre leçon d’égoïsme et de mépris du travail de l’autre, appartienne à vos missions d’éducateur et de professeur ?
Encore une peu de relativisme moral : où l'on retrouve celui de la triche universelle...*Une société a les problèmes scolaires qu’elle mérite
Des élèves de lycée recopient leurs devoirs ? Et pourquoi ne le feraient-ils pas ? On a vu en moins d’un an un journaliste culturel à succès, une ancienne ministre, un présentateur vedette de journal télévisé et celui qui est présenté comme le plus grand écrivain actuel se rendre coupable de plagiat ! Soit ils ont avoué, soit ils ont présenté des excuses tellement lamentables que personne n’a été dupe.
Quelles conséquences pour eux ? Aucune ! Le critique critique toujours dans les journaux à la mode ; la femme politique se présente aux législatives, le présentateur se présente à l’Académie française ; le romancier est tout excusé car c’est un geste « tellement trash, ma chère, le politiquement correct n’est pas pour lui ».
Dénoncer les agissements immoraux de ces élites au lieu d'inviter les élèves de les imiter comme vous le faites, voilà le rôle d'un professeur de la république.Pourquoi exiger d’ado de 15 ans ce que nos élites intellectuelles refusent de faire ?
Le président de Wikimédia France cautionne donc le plagiat : c'est officiel !Ils le respecteront quand, comme en Allemagne, un ministre qui plagie sa thèse de doctorat sera conchié et poussé à la démission. En attendant, on crie partout que le plagiat est, au mieux pas grave, au pire symbole de liberté intellectuelle, et on voudrait qu’ils n’en profitent pas ?
Edit : quelques jours après son billet, un autre billet de Rémi Mathis sur un autre blog (2/04/12) :
par RM
En tant que chercheur, la plupart des droits d’auteur que je détiens portent sur des textes dont l’intérêt repose sur le fond et non sur la forme. Je ne suis pas romancier ni poète : du moment que mes textes sont clairs, bien structurés et concis, mes lecteurs s’en contenteront, sans que je sois tenu de faire du style.
En revanche, la valeur des textes que je peux écrire (si valeur il y a – aux reviewers de le dire) tient dans les informations contenues dans le texte, c’est à dire dans les archives dépouillées, dans la mise en œuvre d’une culture historique, ainsi que dans la capacité à rapprocher des faits afin de leur donner une signification, dans la capacité à analyser des données, les contextualiser, les expliquer, faire des hypothèses puis tenter de les démontrer.
Or, le droit d’auteur repose sur la forme. Plagier consiste à copier les phrases dans leur termes exacts (ou très proches). En revanche, reprendre les informations contenues dans un article ou un livre pour les publier ailleurs n’est pas réprimé. Le fond n’est pas protégé. La seule protection contre cela est communautaire : cela ne se fait juste pas. Ceux qui le font sont très mal considérés, avec éventuellement des conséquences sur leur intégration dans la communauté scientifique – c’est pourquoi les seuls à le faire sont des journalistes ou historiens amateurs qui publient un livre par an, sans jamais faire de recherche (livres qui se vendent bien évidemment plus que tout ouvrage rédigé par un historien sérieux).
En tant que chercheur, la plupart des droits d’auteur que je détiens portent sur des textes dont l’intérêt repose sur le fond et non sur la forme. Je ne suis pas romancier ni poète : du moment que mes textes sont clairs, bien structurés et concis, mes lecteurs s’en contenteront, sans que je sois tenu de faire du style.
En revanche, la valeur des textes que je peux écrire (si valeur il y a – aux reviewers de le dire) tient dans les informations contenues dans le texte, c’est à dire dans les archives dépouillées, dans la mise en œuvre d’une culture historique, ainsi que dans la capacité à rapprocher des faits afin de leur donner une signification, dans la capacité à analyser des données, les contextualiser, les expliquer, faire des hypothèses puis tenter de les démontrer.
Or, le droit d’auteur repose sur la forme. Plagier consiste à copier les phrases dans leur termes exacts (ou très proches). En revanche, reprendre les informations contenues dans un article ou un livre pour les publier ailleurs n’est pas réprimé. Le fond n’est pas protégé. La seule protection contre cela est communautaire : cela ne se fait juste pas. Ceux qui le font sont très mal considérés, avec éventuellement des conséquences sur leur intégration dans la communauté scientifique – c’est pourquoi les seuls à le faire sont des journalistes ou historiens amateurs qui publient un livre par an, sans jamais faire de recherche (livres qui se vendent bien évidemment plus que tout ouvrage rédigé par un historien sérieux).
J'aime beaucoup cette anecdote.En ce qui concerne non pas le plagiat mais la reprise stupide d’informations, sans se poser de questions, rappelons le cas BHL-Botul. Bernard-Henri Lévy, dans un sien ouvrage, a cité le « philosophe » Jean-Baptiste Botul. Or, ce dernier est un philosophe certes à la pensée cohérente… mais fictif (bien qu’il ait des amis réunis en une société savante qui a eu la faiblesse de m’inviter à parler un soir devant eux : je les en remercie). Toute personne qui a lu un ou plusieurs Botul se doute de la supercherie (ça m’est arrivé quand j’étais en terminale). Botul est explicitement présenté comme fictif dans l’introduction de l’article de Wikipédia sur lui.
La compétence de recherche d'information n'est qu'une partie secondaire de la formation de l'esprit : elle en découle plus qu'elle n'y contribue.*Formons l’esprit critique, formons à la recherche d’information… y compris les profs !
Alors, oui, il est temps d’agir, grand temps. Certains profs ont déjà pris le problème à bras le corps. Wikimédia France emploie depuis près d’un an une chargée de mission qui travaille spécifiquement sur les questions d’éducation et de recherche et organise de très nombreuses formations (surtout des formations de formateurs) ; j’étais moi-même il y a une semaine au lycée d’Hénin-Beaumont pour parler de Wikipédia à une classe de seconde sur invitation de leur prof d’histoire.
Ni vous ce qu'est un commentaire de texte... ou même la lecture d'une œuvre littéraire : rappelons que Wikipédia propose aimablement des résumés qui permettent aux élèves de croire qu'ils peuvent se dispenser de lire les œuvres.Mais il faut agir de manière raisonnée, intelligente et globale. Le fait que ce monsieur pose une barrière franche entre numérique et papier m’inquiète au plus haut point car cela prouve qu’il n’a pas compris ce qu’est la recherche d’information, la validation scientifique, ni le numérique…
Ravi qu'il y ait des comportements moraux qui choquent M. Mathis, parce qu'on pourrait être choqué par le relativisme dans tout son billet....et son comportement est moralement choquant. Ce manque de maturité intellectuelle inquiète.
J'aimerais bien comprendre en quoi internet est "mon plus fidèle adjuvant" en lettres dans la mesure où mes élèves copient-collent des corrigés ou des résumés d’œuvres : mais sans doute ce n'est pas du "mépris" pour mon travail.Dieux merci, la plupart des profs ont compris qu’internet n’est pas un ennemi mais au contraire leur plus fidèle adjuvant…
En tout cas les dieux de la connaissance ne vous remercient pas d'être le plus fidèle adjuvant d'Oodoc et de Oboulo, dont les "documents" servent d'ailleurs parfois de sources... sur Wikipédia. En toute transparence.
On ne profite vraiment du numérique que quand on a formé son esprit sans lui. CQFD...à condition de l’utiliser de manière intelligente pour eux et leurs élèves.
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- Loys
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Extrait à 35:35 :
Rémi Mathis écrit: Ça me met en rogne parce qu'en fait c'est une incompréhension de ce qu'est la connaissance et de ce qui est la vérification d'une source, la critique d'une information, que si son but, c'est de montrer que tout ce qui est sur internet, c'est pas bien et que ce qui est sur papier c'est bien, ça veut dire qu'il a rien compris. En gros, s'il s'agit de dire que dès qu'on trouve une information il faut vérifier cette information, croiser ses sources, on est d'accord sur ça mais ça, Wikimédia France justement un très gros axe sur ça et on passe notre temps à former des gens à utiliser Wikipédia.
Wikimédia devrait applaudir à mon expérience, en ce cas.
Le problème est que mon expérience démontre les failles de Wikipédia : l'absence de surveillance experte. M. Mathis a beau jeu de se moquer de Charles de Vion d'Alibray, poète "de cinquième rang" comme il le dit en manière de raillerie de l'expertise, quand au début de l'émission on apprend qu'il a rédigé une thèse sur Simon Arnauld de Pomponne, un inconnu du même siècle. Railler la culture, c'est bon pour les incultes.
Et toujours cette confusion de langage entre des utilisateurs adultes ("des gens") et des élèves, comme si c'était la même chose.
Quant à opposer le papier et Internet, ça n'engage que M. Mathis, pas moi... puisque je suis blogueur.
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- Messages : 13
L'apparition du terme de "formation" [à la recherche documentaire] pour les étudiants montre bien ce que souhaite le monde moderne : "former" et non "éduquer". Pour ceux qui sont familiers du jargon de la grande entreprise privée, cela leur rappellera sans doute quelque chose. Quant à savoir si on veut reproduire les codes du monde de l'entreprise à l'école et dans l'éducation, je laisse cette magnifique perspective à l'appréciation de chacun.
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- Loys
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Et cette phrase.... cette simple petite phrase qui me fait perdre toute confiance dans les propos de cet homme...
Pourquoi exiger d’ado de 15 ans ce que nos élites intellectuelles refusent de faire ?
Parce que ces hommes et ces femmes n'ont vu aucune conséquence à leurs actes immoraux, alors pourquoi en priver nos élèves ? Parce que ça ne les a pas empêché d'avoir une vie professionnelle réussie, pourquoi en priver nos enfants et les obliger à suer sang et eau pour réussir ? Avec des mentalités comme ça, l'école républicaine n'est pas dans la mouise du tout ! C'est vrai ça, pas mal de stars ont consommé de la drogue, ça ne les a pas empêché d'être célèbre ! Pas mal d'hommes et de femmes politique ont un casier judiciaire, ça ne les a pas empêché de faire carrière ! Pourquoi enquiquiner nos enfants avec l'honnêteté, la morale, le respect de l'autre, des règles, la dicsipline. On le fera quand les « visibles » le feront.
J'ai peur, très peur pour l'avenir.
Mais non voyons ! Ce sont des « formations de formateurs » (sic). Donc pour former les gens qui éduquerons... ah ben non... qui formeront non enfants.PtitMed écrit: L'apparition du terme de "formation" [à la recherche documentaire] pour les étudiants montre bien ce que souhaite le monde moderne : "former" et non "éduquer".
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- Loys
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webtv.ac-versailles.fr/spip.php?article961
Merci WB.
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- Loys
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Merci à luce.(…) ce qui a caractérisé de façon frappante ces « polémiques », c’est l’intérêt généralisé pour des questions purement morales. Plus étonnant encore que cet intérêt fut peut-être l’incroyable confusion morale que ces débats ont révélée, ainsi que l’étrange tendance à prendre le parti du coupable, quel qu’il ait pu être à ce moment-là. Un concert de voix m’a assuré qu’ « un Eichmann réside en chacun de nous », de même qu’un chœur a dit à Hochhuth que ce n’était pas le pape Pie XII – qui n’était après tout qu’un homme et qu’un pape – qui était coupable, mais toute la chrétienté et même l’espèce humaine tout entière. Les seuls véritables coupables, a-t-on souvent estimé et même dit, c’étaient les gens comme Hochhuth et moi-même qui osions juger ; car personne ne peut juger s’il ne s’est pas retrouvé dans les circonstances dans lesquelles, suppose-t-on, on se serait comporté comme tous les autres. Cette position, incidemment, coïncide étrangement avec la conception d’Eichmann en ces matières.
En d’autres termes, alors même qu’on débattait avec force de questions morales, elles étaient mises de côté et éludées avec autant de hargne. Et ce n’était pas dû aux questions morales particulières qui étaient débattues, mais cela semblait arriver quel que soit le sujet moral discuté, pas en général mais dans chaque cas particulier.
Je me souviens ainsi d’un incident survenu il y a quelques années en liaison avec un célèbre quiz comique de la télévision. Un article du New York Time Magazine signé Hans Morgenthau (« Réaction à la réaction de VanToren », 22 novembre 1959) soulignait des évidences – à savoir qu’il est mal de tricher pour de l’argent, que c’est doublement mal en matière intellectuelle, et triplement pour un professeur. La réponse était insultante : un tel jugement contredisait la charité chrétienne et on ne pouvait attendre d’aucun homme, sauf d’un saint, qu’il résiste à la tentation de gagner tant d’argent. Ce n’était pas dit dans un esprit cynique pour ridiculiser la respectabilité hypocrite, et ce n’était pas censé être un raisonnement nihiliste. Personne ne disait – comme ce serait sans doute arrivé il y a trente ou quarante ans, du moins en Europe – que tricher est drôle, que la vertu est ennuyeuse et que les gens sont assommants. Personne n’a dit non plus que ce quiz était mal, que quelque chose comme une question à soixante-quatre mille dollars était presque une invitation à frauder, ni défendu la dignité du savoir et critiqué l’université pour ne pas avoir empêché l’un de ses membres de tomber dans une conduite à l’évidence non professionnelle, même s’il ne devait pas y avoir de tricherie. Les nombreuses lettres écrites en réponse à l’article ont montré que le public dans son ensemble, y compris beaucoup d’étudiants, pensait que seule une personne devait être blâmée sans équivoque : l’homme qui jugeait, et non l’homme qui avait mal agi, non l’institution, non la société en général ou les medias en particulier.
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