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Éon de Beaumont - "Pourrir le web pour piéger ses élèves : quelques réflexions" (26/03/12)
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Quelques recherches permettent de savoir que l'auteur était en 2009 doctorant en histoire moderne et qu'il est contributeur de Wikipédia.
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Rappelons quand même que mes élèves se sont piégés eux-mêmes sur le web. Je leur avais recommandé un travail ne nécessitant qu'un stylo et une feuille de brouillon...Pourrir le web pour piéger ses élèves : quelques réflexions
Le clergé pédagogique vous salue bien, M. le chevalier anonyme.Depuis plus d’une semaine, le clergé pédagogique, de l’enseignement secondaire est frappé d’indignation par l’initiative d’un jeune enseignant en Lettres d’un lycée parisien.
Heu... Pas la polémique, le succès plutôt.La polémique a pris des dimensions gigantesques puisque de nombreux médias ont relayé cette initiative, et le billet publié par l’enseignant a reçu plus de 440 000 visites (consulté à 13h 30)
A deux classes, si on lit l'article attentivement. Et je n'ai modifié aucune "information" sur le sonnet proprement dit : le concept même d'information sur un poème m'étonne quelque peu.Le procédé est le suivant : donner un commentaire composé à une classe sur un sonnet du poète du XVIIe siècle, Charles de Vion dAlbray et un sonnet de sa composition ; après avoir préalablement modifié et falsifié les informations concernant le poème et son auteur sur le Web : Wikipedia et forums spécialisé ; en lâchant un corrigé falsifié à des sites spécialisés et payants…
Heu... "les erreurs factuelles et biographiques" seulement ? Rien sur le copier-coller de corrigé ?Deux semaines plus tard, l’enseignant récupère les copies et peut remarquer que sur 65 copies, 51 comportent les erreurs factuelles et biographiques qu’il avait introduit sur le Web.
Car pour Wikipédia, si on lit l'article attentivement, j'ai déjà dit qu'il s'agissait d'une "erreur vénielle", qui n'était d'ailleurs pas liée à la fausse information ("Son amour célèbre et malheureux pour Mademoiselle de Beaunais") mais à une erreur méthodologique, le raccourci historique abusif.
C'est dommage car le dénouement montre que mes élèves ont apprécié mon effort pour les mettre en garde contre la servitude à Google.Je passe sur le dénouement pour arriver à la “morale de l’histoire”.
Ah... mon procès en technophobie, instruit sur un préjugé bien sûr. C'est vrai qu'un blogueur, avec sa tablette graphique et son blog fait maison, a tout du profil d'un technophobe. Pourtant, si on lit l'article attentivement, je dis à la fin "On ne profite vraiment du numérique que..." : c'est donc qu'il y a un vrai profit à tirer du numérique !Selon l’enseignant, les élèves au lycée n’ont pas "la maturité nécessaire pour tirer un quelconque profit du numérique en lettres. Leur servitude à l’égard d’internet va même à l’encontre de l’autonomie de pensée et de la culture personnelle que l’école, on oublie qu’il y est déjà entré depuis longtemps et que, sous sa forme sauvage, il creuse la tombe de l’école républicaine". Autre extrait : “j’ai voulu démontrer aux élèves que les professeurs peuvent parfois maîtriser les nouvelles technologies aussi bien qu’eux, voire mieux qu’eux”
Je n’ai cité que quelques passages, où l’on voit que cet enseignant est quelque peu technophobe, en tout cas que pour lui, les outils numériques sont l’esprit du Mal incarné.
Passons, je suis technophobe, c'est plus simple pour mes détracteurs les moins inspirés...
Au sens strict, je ne peux qu'être d'accord. Le numérique, c'est la programmation informatique par exemple. Pas des objets de mode - commerciaux qui plus est - comme Twitter ou Facebook.Convenons d’abord que les lycéens et collégiens ne sont pas formés aux outils informatiques. Ils n’ont que pour bagage une utilisation “grand public” des applications web et bureautique.
De facto, creuser “la tombe de l’école républicaine” parait excessif. Les élèves n’apprendront pas demain avec des outils informatiques puisqu’ils n’en connaissent que des fonctions superficielles dans l’immense majorité des cas.
Lorsque l’enseignant, Loys, conclut par ces mots on ne profite vraiment du numérique que quand on a formé son esprit sans lui. Je m’étrangle. C’est d’abord prématuré de se prononcer tant que la génération Web 2.0 n’est pas arrivée à l’âge adulte.
Pourquoi "prématuré" ? C'est bien maintenant, pendant leurs années de formation et de préparation à un examen national, que les élèves ne profitent pas du numérique. Et qu'ils ne lisent plus les œuvres littéraires par exemple.
Bon, la technologie ne facilite pas toujours tout, en vérité, mais c'est un autre débat. Mais même si c'était le cas, est-ce toujours souhaitable ? Il est en effet plus facile de lire un résumé d'une œuvre que l’œuvre elle-même. Il est plus facile de copier-coller un corrigé de commentaire de texte que de commenter par soi-même.Ensuite, c’est réduire l’humain à des préjugés technologiques. Bien évidemment, les nouvelles technologies ne sont pas l’unique moyen d’épanouissement humain à l’heure actuelle : mais un facilitateur, un intermédiaire.
Bien d'accord. Le problème est donc celui d'une moralisation du numérique, à laquelle pour ma part je ne crois pas.Le problème vient de l’utilisation que nous en faisons, pas de la technologie elle même.
Peu importe, dans mon cas. Je les prépare au baccalauréat de français, qui n'exige aucune recherche documentaire, mais une réflexion personnelle.Si cet enseignant s’était intéressé à plusieurs études (voir notamment celles citées par Perrine Brotcorne dans ce Prezi), il se serait aperçu qu’un étudiant, ou un élève n’a qu’une culture superficielle du web. Nous l’avons déjà dit, mais insistons dessus : son approche est empirique et opportuniste et aucunement fondée sur une technique de recherche avec une méthode. Les élèves ne sont pas sensibilisés dans le Secondaire aux bons usages du Web dans une optique de recherche documentaire.
Je n'ai jamais dit que c'était étonnant : je n'aurais pas pris la peine de monter mon stratagème si je n'avais pas été certain qu'il serait efficace. Le but de l'expérience n'était pas de prouver au monde que mes élèves trichent, mais de leur montrer à eux-mêmes les ravages de leur servitude au web.Dès lors, il n’est pas étonnant que ses élèves se soient basés sur des sites “grand public” et “scolaires” comme Wikipedia et des sites de corrigés en ligne pour piquer quelques idées pour leurs commentaires composés.
On retrouve l'argument déjà utilisé de nombreuses fois du manque d'intérêt des élèves pour la poésie, cette chose ancienne : c'est une façon de légitimer la fraude.D’autre part, il est certain que pour un lycéen, l’intérêt d’étudier et de commenter un poète du XVIIe siècle n’est que limité.
Tout à fait. L'exercice du commentaire ne consiste pas à donner son avis sur un texte, mais à construire une interprétation.Il n’a d’ailleurs pas à donner son opinion.
Le déplorer... ou s'en alarmer.On peut certes déplorer un manque d’implication pour une culture classique...
J'ajoute que l'expression "culture classique" laisse entendre que les élèves pourraient s'impliquer pour une culture plus moderne et plus proche d'eux. Par expérience, et je pense que de nombreux collègues de lettres pourront le confirmer, la littérature contemporaine est beaucoup plus déconcertante pour les élèves.
Le fait d'imposer un plan en deux ou trois parties laisse beaucoup de liberté dans le choix de ces parties. Les contraintes sont des contraintes de forme puisque le commentaire ou la dissertation sont avant tout des exercices d'expression écrite.il ne faut pas oublier que l’école doit former des esprits critiques alors que paradoxalement elle impose à ses élèves de répondre selon des normes à des exercices imposé…
Belle prétérition... D'autant que ce ne sont pas des "informations" même "falsifiées" que les élèves ont recopiées sur les sites de corrigé : un corrigé de commentaire de texte, exercice personnel s'il en est, ne peut et ne pourra jamais revêtir un caractère informatif.Je ne veux pas dédouaner les lycéens de leur plagiat sans recul d’informations falsifiées...
Un exemple : une dissertation littéraire s'élabore à partir d'une culture littéraire personnelle, propre et unique à chacun, à partir des œuvres qu'on a lues ou qu'on a étudiées. Le résultat, unique, peut-il avoir une caractère informatif ?
Lorsqu'on demande à un enfant de maternelle de dessiner le château de ses rêves, attend-on qu'il imprime un quelconque dessin de château trouvé sur internet ?
Si ce n'est que ça, je le pardonne à mes élèves, comme je le dis dans l'article. Mais la dimension documentaire sur la biographie d'un auteur n'est que très secondaire dans l'exercice du commentaire. D'ailleurs ici ces informations, vraies ou fausses, n'apportent rien à la compréhension du texte même. Savoir que l'"ingrate" du poème s'appelle ou non mademoiselle de Beaunais n'apporte strictement rien à sa compréhension littérale ou à son interprétation.... mais il me semble difficile de trouver facilement des informations sur format papier sur le poète d’Albray et une édition critique accessible à moindre prix dans toute bonne librairie.
Cela ne les forçait à rien... Aucune recherche n'est nécessaire !C’était déjà piéger les élèves que de donner un texte sur un poète peu connu, puisque cela les forçait à piocher sur le Web plutôt que de trouver des informations supplémentaires dans des livres présentés comme plus fiables.
En juin de la même année, le texte à commenter au bac était de Fénelon, dont bien peu d'élèves savaient qui il était. Et peu importe, puisque c'est un texte, un ensemble de mots, qu'il faut commenter.
Il faut oser... sauf à croire que consulter internet, c'est consulter sa culture personnelle et ses connaissances ! La "mémoire externe" qu'a théorisée Bernard Stiegler.En somme pour cet enseignant comme pour le Ministère, l’important n’est pas la culture personnelle de l’élève ni les connaissances...
En vérité, c'est tout le contraire, il suffit de lire les textes officiels : "pour développer son argumentation, le candidat s'appuie sur les textes dont il dispose, sur les "objets d'étude" de la classe de première, ainsi que sur ses lectures et sa culture personnelle".
Laissons les élèves inventer leur propre articulation.... mais l’articulation des connaissances selon les règles définies par des programmes et des corrigés.
J'ai remarqué que mon expérience réveillait bien des aigreurs personnelles...Petite digression : au CAPES, on demande exactement la même chose aux futurs enseignants : répondre docilement selon les formes adéquates. Bourdieu l’a montré dans La noblesse d’Etat, et j’en ai moi même fait l’expérience…
Beaucoup de choses !Le billet a au moins le mérite de poser une question : que peut-on faire sans les TICE ?
Bien sûr et c'est encore heureux...Peut-on (encore) construire un cours sans passer par ces outils ?
Beaucoup, puisqu'une certification C2i2e est désormais demandée aux lauréats des concours depuis 2012 .Que risque-t-on à ne pas le faire ?
Elles peuvent naturellement s'inviter dans certaines disciplines ou certains cours. Mais, encore une fois, c'est oublier que le numérique institutionnel n'est rien par rapport au numérique sauvage.Quelles places doivent-elles avoir dans un scénario pédagogique ?
Bien sûr que j'y ai pensé. C'est pourquoi j'ai restreint avec précaution ma réflexion aux lettres. Contrairement au procès d'intention que me fait notre courageux anonyme, j'ai expérimenté profondément et depuis des années le web comme outil pédagogique et mon opinion est aujourd'hui faite : le web est davantage une source de dévastation qu'autre chose. Et pas seulement dans ma matière, à en croire mes collègues.Le discrédit jeté sur les nouvelles technologies est à mon sens réactionnaire (osons le mot) et ne manifeste pas de véritable réflexion de l’enseignant sur les TICE, sinon de façon négative : l’enseignant a voulu (dé)montrer les mauvais usages de Web, qui existent, mais a-t-il aussi pensé que ce web sert aussi comme outil pédagogique pour de nombreux enseignants ?
Pas le numérique sauvage : les sites de résumés, les sites de triche recensant toutes les solutions aux problèmes des manuels, pas les sites de corrigés...Ce n’est pas en soi une fin, mais plutôt un moyen technologique commode facilitant l’apprentissage.
Et comment changer cet usage ? Voilà qui m'intéresse diablement.Les nouvelles technologies ne sont pas le Diable que l’on se complaît à divulguer, tout dépend de l’usage qui en est fait. Il s’agit là d’un enjeu crucial.
"Accompagner" le copier-coller des corrigés ?Plutôt que de sanctionner des pratiques, mieux vaut les accompagner et donner aux élèves les notions d’un usage responsable dans le cadre de travaux scolaires.
Quant aux belles phrases comme "donner aux élèves les notions d’un usage responsable", quelle naïveté... On croirait le domaine 2 du B2i : "adopter une attitude responsable". Une fois les élèves "responsabilisés", ils ne tricheront plus !
Voilà qui risque d'être aussi efficace que la prévention contre le tabac... D'où le sens de ma phrase : "Pour ma part je ne crois pas du tout à une moralisation possible du numérique à l'école."
Mais le B2i existe depuis 2001 et mes élèves ont validé le domaine 2 du B2i, avec le résultat que l'on constate...Cet enseignement pourrait se faire dans le cadre du B2i (Brevet informatque et internet) si L’Education nationale avait plus d’ambition et de moyens.
Heureusement les Ticiens les plus idéologues apportent la bonne parole numérique à l'école...L’impulsion doit venir du corps professoral, divisé sur l’utilisation des outils informatiques et web 2.0.
Je ne vous le fait pas dire... Et c'est difficile quand les élèves renoncent à comprendre par eux-mêmes pour recopier ce que Google a compris pour eux.Enfin, se pose la question de l’éthique : le rôle de l’enseignant n’est pas de piéger ses élèves, mais de leur donner une culture disciplinaire, et de les aider à progresser dans leur compréhension.
C'est votre discours, pas le mien. Je me cite : "j'ai voulu leur prouver que, davantage que la paresse, c'est un manque cruel de confiance en eux qui les pousse à recopier ce qu'ils trouvent ailleurs, et qu'en endossant les pensées des autres ils se mettent à ne plus exister par eux-mêmes et à disparaître".Après cette histoire, il est facile de dire que les lycéens ne sont bons à rien et ne sont que des machines à plagier.
Rien sur le copier-coller des élèves ? Ah, ce n'est pas malsain, c'est compréhensible, c'est vrai...Ce n’est pas toujours le cas et ici, le professeur ne s’honore pas à utiliser des procédés malsains...
Les TICE non, il suffit de lire l'article : "En voulant faire entrer le numérique à l'école, on oublie qu'il y est déjà entré depuis longtemps et que, sous sa forme sauvage, il creuse la tombe de l'école républicaine."...pour démontrer de façon réactionnaire que les TICE sont les fossoyeurs de l’Ecole.
Un commentaire de texte n'a rien à voir avec "des informations"......falsification de données fiables sur Wikipedia, divulgation de fausses informations pour enfumer les élèves.
Rémi Mathis, contributeur à Wikipédia comme vous, non ? Ou au moins administrateur de Wikimédia. D'ailleurs le mot vandalisme est ici employé dans une acception... toute wikipédienne.Je ne suis pas loin de penser comme Rémy Mathis, que le professeur donne aux élèves des leçons de malhonnêteté et de vandalisme sur le Web.
Si l'on veut, mais ça ne suffira pas... car les TICE ne résument pas le numérique.Mais les élèves, eux, ne s’encombrent pas de ces scrupules lorsqu’ils pompent des notices entières de Wikipedia. Il convient donc d’inclure toutes les problématiques de l’intégration des TICE, de la question du plagiat qui lui est liée, aux questions sur l’Enseignement aujourd’hui, des moyens qui lui sont alloués ; et, au-delà, d’une modification de ses missions par l’usage des TIC dans le champ pédagogique.
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