- Messages : 18214
"Internet, la nouvelle façon d’apprendre ?" (Viva)
- Loys
- Auteur du sujet
Quelque chose est masqué pour les invités. Veuillez vous connecter ou vous enregistrer pour le visualiser.
Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.
- Messages : 13
De la distanciation initiale de ces obscurantistes dénonçant les effets néfastes d'internet sur la concentration (américains, en plus : non contents d'être des fous sanguinaires déclarant la guerre partout dans le monde, loin de se contenter d'une diététique approximative, il faut en plus qu'ils nous aspergent de leur pensée rétrograde, frustrée et tellement anti-moderne !) aux "Ent : le numérique c'est la classe !" en passant par la mutation de l'enseignant en "passeur" via la dichotomie exclusive du "passeur" opposé au "détenteur de savoir", ou encore par le placement de l'élève au centre de son propre système d'apprentissage : tout y est, c'est magnifique, tout s'enchaîne dans un fourre-tout de la nouvelle pédagogie auto-référente.
Je voudrais juste revenir sur les perles de cet exposé, qui m'ont littéralement cloué à mon siège.
1/ "Nos enfants aiment travailler en équipe et possèdent une culture numérique transversale intuitive. Ils ont compris la force du groupe, de l’entraide et du travail collaboratif" : face à cette notion de "culture numérique intuitive", ma question est : où va un monde où chacun opère selon son intuition sans jamais s'astreindre au moindre effort ? Et quand peut-on mieux l'apprendre sinon dès le plus jeune âge ? L'intuition n'est-elle pas plus forte lorsqu'elle est assistée d'un esprit qui a travaillé, de références, d'une (véritable) culture ? A trop vouloir suivre les descentes sans jamais grimper de côtes, on finit par se retrouver coincé dans une cuvette. C'est mécanique.
2/ "Les ordinateurs nous ont libérés de l’écrasante obligation de nous souvenir. Du coup, nos neurones se trouvent disponibles pour des tâches supérieures et plus humaines : la création par exemple" dit M. le philosophe Michel Serres, que je remercie au passage pour m'économiser du temps de lecture. J'ignore ce que représente pour lui une création sans culture, sans références, sans apprentissage d'une pratique. Pour moi c'est une vision d'horreur, un massacre, mais je vais revenir dessus car ma dernière perle l'énonce le laisse figurer bien plus clairement encore. Je rappellerai humblement à ce monsieur qui ne fait visiblement que peu de cas de la grande création littéraire ou musicale par exemple, que même les plus "rebelles" des compositeurs, comme Debussy ou Messiaen, se sont intensivement imprégnés d'un apprentissage traditionnel de la musique, de la composition et du répertoire de l'époque avant de savoir s'en affranchir pour créer leur langage. Monsieur Serres, c'est tout un orchestre de grands et vrais créateurs qui se retourne dans sa tombe à l'écoute de ces mots.
3/ la plus belle : "c’est là qu’on découvrira les Baudelaire et Rimbaud de demain !" ajoute le psychologue Yann Leroux à propos des blogs. Pour moi, on a là l'énonciation d'un massacre, d'une hécatombe parmi les esprits de nos chers bambins. Pour combien de skyblogs "laché vo komm" compte-t-on un embryon d'ébauche de Proust ? Sans trop m'avancer, on peut facilement imaginer l'ampleur du désastre. Ici, l'auteur de cette phrase voudrait nous faire croire que l'accès au génie est la généralité, le fait du plus grand nombre, que "le blog c'est bien car on y trouvera, comme par magie, les Baudelaire et Rimbaud de demain" par conséquent laissons faire, les talents sortiront tous seuls. Cet argument relève au mieux de la pure fantaisie et pourrait donner matière à un spectacle comique, au pire de la plus crasse des malhonnêtetés intellectuelles. Ce que préconise cet homme c'est la démission de l'école en tant qu'organe d'instruction publique et l'amplification des inégalités a priori.
Enfin, sur l'argument de fond "la tablette numérique va-t-elle remplacer les cahiers et livres et soulager enfin le dos des élèves ?" énoncé par "Ent", je n'ai rien à dire : je m'incline.
Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.
- Loys
- Auteur du sujet
- Messages : 18214
Pour Michel Serres, si vous avez quelques minutes à perdre : www.laviemoderne.net/veille/viewtopic.php?f=43&t=268
Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.
- Loys
- Auteur du sujet
- Messages : 18214
Avez-vous remarqué cette propension des promoteurs du numérique à poser systématiquement des questions ingénues qui en réalité n'en sont pas ?Internet, la nouvelle façon d’apprendre ?
Suspense insoutenable dans la question posée...Le numérique et Internet changent-ils le rapport des jeunes au savoir, à l’école et aux autres ? Faut-il avoir peur de ces nouvelles technologies ou, au contraire, les intégrer dans l’enseignement ?
Sans aucune raison valable, bien sûr.Quand on parle d’Internet et des technologies de l’information et de la communication (Tic) et de leur influence sur les enfants et les ados, c’est souvent en termes négatifs.
Des broutilles. Inutile même d'en parler.Cyber-harcèlement sur les réseaux sociaux, accès à la pornographie, passivité, enfermement dans un monde virtuel…
Voilà peut-être des aspects à approfondir... mais non !Certains, tels les Américains Maryanne Wolf, psychologue du développement, ou le romancier Nicholas Carr, estiment que l’usage intensif d’Internet nuit à la concentration. Selon eux, Internet promeut une forme de lecture superficielle au détriment d’une lecture approfondie.
L’universitaire américaine Patricia Greenfield, spécialisée en psychologie, a écrit qu’Internet développe nos capacités visuelles et spatiales mais affaiblit notre pensée critique et notre imagination.
Notre tarte à la crème habituelle sur le progrès continu de l'humanité. L'Histoire est pensée sur le mode iPad 1, iPad 2 et iPad 3.La mémoire libérée
Pour d’autres chercheurs, le numérique nous fait basculer dans une nouvelle civilisation, après celle de l’oral puis celle de l’écriture, du livre et de l’imprimerie.
Dans l'école, on est loin des vingt ans de recul.Mais vingt ans de recul ne suffisent pas pour en mesurer les effets !
Litanie des pédagogistes quand on dénonce des savoirs que les enfants n'ont plus : ils savent d'autres choses. Mais quoi ? Qu'est-ce qui peut bien être plus important que savoir lire et écrire ?Jean-Michel Fourgous*, auteur d’un rapport parlementaire, « Réussir l’école numérique », estime que l’intelligence n’est pas moins sollicitée, mais qu’elle l’est différemment.
C'est beau comme un hymne soviétique, avec des enfants visionnaires et moralement supérieurs aux générations précédentes.Vous noterez que la négation du travail personnel est toujours présentée sous les atours merveilleux du travail "en équipe" et "collaboratif".« Nos enfants aiment travailler en équipe et possèdent une culture numérique transversale intuitive. Ils ont compris la force du groupe, de l’entraide et du travail collaboratif. »
On devrait construire les futurs réacteurs nucléaires sur ce modèle rousseauiste. A noter que Rousseau, qui, dans L'Emile, prône une telle éducation, a tout appris dans les livres. Et que son système inventif et innovant pour réformer la notation musicale en est resté au tâtonnement.Leur raisonnement n’est peut-être pas déductif, mais ils procèdent par un tâtonnement, essais-erreurs, qui privilégie l’inventivité et l’innovation.
La culture numérique laisse pour sa part la lecture du livre en friche. Mais tout va bien.Et Serge Tisseron d’aller plus loin : « La culture numérique cultive des processus cognitifs et des stratégies d’apprentissage que la culture du livre laissait en friche.
La pensée circulaire, ce n'est pas une pensée qui tourne en rond ?Elle favorise la pensée en réseau, circulaire, par opposition à celle du livre, qui est linéaire.
Un spécialiste de l'éducation qui confond donc les connaissances et les informations.A l’apprentissage par cœur, on substitue un travail avec diverses sources que l’on croise, compare, afin d’en tirer une information pour un usage précis », écrit le psychiatre et psychanalyste, directeur de recherche à l’université Paris Ouest-Nanterre.
Une vision bien naïve du fonctionnement neurologique, façon vase communicants. Et on dirait que la possibilité de création vient seulement d'apparaître !« Les ordinateurs nous ont libérés de l’écrasante obligation de nous souvenir. Du coup, nos neurones se trouvent disponibles pour des tâches supérieures et plus humaines : la création par exemple », affirme le philosophe Michel Serres.
Quant à affirmer que "se souvenir" est moins "humain", je laisse à Michel Serres la responsabilité morale d'une telle affirmation.
Il est évident qu'on analyse mieux quand on ne sait rien.Le numérique nous fournirait même des assistants externes qui, comme un disque dur, libèrent notre mémoire des informations inutiles : numéros de téléphone, dates de naissance… « La culture numérique nous aide à mieux structurer notre analyse.
On verra bien après coup. Après tout ça ne concerne que l'éducation de générations entières.Ça compense peut-être l’amnésie qui nous gagne ? » s’interroge pour sa part le psychologue Howard Gardner.
Comment se perdraient-ils avec leur "culture numérique transversale intuitive" ?Mais attention, prévient Serge Tisseron : à l’instar de la culture du livre, celle des écrans nécessite une éducation pour que les enfants ne se perdent pas dans le cyberespace.
Pourquoi cela ne les dispenserait pas ?Et ça ne les dispense pas d’apprendre à réfléchir, à analyser. Cela passe par les enseignants et les parents.
... et du lien commercial ! Il faudra un jour réfléchir à cette dimension publicitaire que Facebook réussit à donner à nos vies. Quant à créer du lien social par l'intermédiaire d'écrans...Quant aux réseaux sociaux, comme Facebook, ils donnent aux adolescents la possibilité de se présenter de façon valorisante et créent du lien social.
...où il y a beaucoup d'écho !« Cela peut permettre aux ados d’exprimer une souffrance dans le cyberespace.
Et pourquoi pas d'aujourd'hui ? Après tout Rimbaud dont les premiers vers ont été publiés quand il avait seize ans. A noter que Baudelaire et Rimbaud savaient le grec et le latin, ce qui ne les a pas empêchés d'être "créatifs" : un mystère pour Michel Serres.Il faut arrêter de ne voir dans la cyberculture qu’une menace ! » constate le psychologue Yann Leroux lors d’un colloque sur les cybercultures, organisé à Paris en juin dernier par l’association Enfance&Psy, avant d’ajouter, à propos des blogs, « c’est là qu’on découvrira les Baudelaire et Rimbaud de demain ! ».
Bien sûr, cela ne peut pas procéder d'une conscience critique et lucide des enseignants, cette corporation qui n'a plus lieu d'être.Au niveau scolaire, « les enseignants deviennent passeurs plutôt que détenteurs de savoir. L’enseignement, comme le travail, est de moins en moins “vertical” mais de plus en plus “horizontal”, collaboratif, mais cela suscite la peur que ça change le rapport au savoir », explique, toujours lors de ce colloque, Benoît Virole, docteur en psychopathologie. Cela implique une perte de pouvoir des enseignants, d’où sans doute la lenteur avec laquelle les choses évoluent !
Une honte ! Comment peut-on enseigner ainsi ?Aujourd’hui, selon une étude de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) de 2010, seuls 5 % d’entre eux utilisent ces outils quotidiennement en cours, essentiellement en langues, technologie, Svt et mathématiques.
Donc les jeux pour enfants à problèmes... ou pour tous ? Il faudrait savoir.« Le numérique peut aussi raccrocher des enfants déscolarisés. Face à des troubles de l’apprentissage, les jeux vidéo sont des médiateurs », reprend Benoît Virole.
"Gérer une situation de crise" ?L’apprentissage par le jeu – learning game ou serious game* – permet à l’enfant de gérer une situation de crise, d’être reconnu par les autres, etc.
"Être reconnu par les autres" ?
L'élève est donc valorisé en n'étant pas lui-même...Pour Serge Tisseron, « cela le valorise et, s’il se trompe…, ce n’est pas lui mais son avatar !
On va vite le savoir.L’erreur n’est plus une angoisse, mais un moyen de progresser ». Certains pensent même que le numérique peut contribuer à l’égalité des chances…
Les pédagogies nouvelles, responsables en grande partie de la crise de l'école aujourd'hui, applaudissent à deux mains à l'école numérique. On peut donc être rassurés.Pas la peine d’inventer des pédagogies pour intégrer le numérique : elles existent déjà !
Curieux que ces fantastiques dispositifs n'aient pas été généralisés à l'heure de la massification de l'école, non ?Ce sont celles de type Freinet et Bloom, qui, dans la première moitié du xxe siècle, créaient des dispositifs permettant à chaque enfant d’avancer à son rythme.
Ben voyons, la pédagogie différenciée à distance et derrière un écran, une vraie plus-value pour l'élève. Même l'Inspection générale, dans son dernier rapport, doutent du bien-fondé de l'utilisation des ENT.Grâce aux environnements numériques de travail (Ent) à l’école, les pédagogies différenciées sont plus faciles à mettre en place.
Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.