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"Un chantier prioritaire : former au numérique" (Michel Guillou)
- Loys
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M. Guillou n'étant pas enseignant depuis longtemps (s'il l'a jamais été), il sait naturellement ce qui est prioritaire dans l'éducation nationale aujourd'hui : le numérique, qu'il promet sans ménagement.Un chantier prioritaire : former au numérique
"bannis et honnis du monde de l'école" et en même temps "une grande ambition pour le numérique" ministérielle : M. Guillou n'a pas peur de la contradiction....Ainsi commence le juste constat fait, sur le site du ministère consacré à la refondation à venir, qui engage à donner à l’école « une grande ambition pour le numérique ». Force est d’observer pourtant que, si les tablettes tactiles commencent maintenant à trouver peu à peu place dans les salles de classe, plus rarement dans les cartables, si de rares élèves ont pu utiliser Twitter en classe, de ci, de là, dans le cadre de certaines activités ou de certains apprentissages fondamentaux, si encore certains professeurs documentalistes ont pu, parfois, accompagner certains élèves à utiliser Wikipédia, encore plus rarement à y contribuer, les autres outils, massivement utilisées par les élèves, sont généralement honnis et bannis — une bonne censure technique permet d’éviter d’y réfléchir — pour de bon du monde de l’école.
Allez, un petit film pour observer à quel point le numérique est banni et honni du monde de l'école :
www.dailymotion.com/video/xtlzyo_marronniers-numeriques_tech
Quant à l'entrée du numérique ) l'école et à ses implications non désirées, a-t-on bien pris le temps d'y réfléchir ?
Pourtant - de tout temps - l'école s'est adapté aux usages personnels des jeunes. Souvenez-vous de l'époque où les programmes tournaient autour des billes, des chansons des 2B3 ou des collections de cartes Panini.L’école, les enseignements, les apprentissages, les programmes, les disciplines, les professeurs sont déjà largement à la traîne de la société, à la remorque aussi des usages personnels des jeunes.
Cette mission numérique n'est écrite nulle part.L’école est pourtant, c’est sa mission, censée préparer, ce qui nécessite une anticipation, ses élèves à trouver leur place dans une société résolument engagée dans le numérique.
Toute critique ne peut procéder que de l'incompréhension, pas d'une réflexion ou d'une expérience.De toute façon, le temps que les élèves y soient préparés et cette société numérique aura déjà changé plusieurs fois.
Comment faire ? Les enjeux sont considérables, à cause du temps perdu, certes, mais aussi à cause du décalage et de l’incompréhension qui ne cessent de grandir.
Le slogan est beau mais le problème est que personne ne sait à quoi quoi ressemblera la société dans laquelle les jeunes vont vivre.Vincent Peillon déclarait à Ludovia, fin août dernier :
[Il faut] « préparer les jeunes, travailleurs de demain, citoyens de demain, hommes et femmes complets de demain, à la société dans laquelle ils vont vivre, qui est considérablement modifiée et qui peut être considérablement améliorée, du point de vue même des valeurs républicaines, par le numérique et par l’internet »
A titre d'exemple, il y a quatre ans, presque aucun jeune n'était inscrit sur des réseaux sociaux.
M. Guillou a tellement envie de tout casser qu'il insulte même ceux qui lui portent la contradiction.Il est donc nécessaire, je l’ai déjà dit, de changer — j’ai utilisé le mot « casser » dans un autre billet, mot qui m’a été reproché mais me paraissait plus adéquat — un grand nombre de choses : l’architecture et le mobilier, les temps d’enseignement, les modalités de ce dernier, les programmes, les champs interdisciplinaires et transdisciplinaires, l’évaluation, les examens, les postures…
Ce serait dommage de s'attarder en effet sur un véritable problème. L'absence de ressources a été reconnue même par le Ministre lui-même le 13/12/12. Je cite : ""Il manque en France une production pédagogique de logiciels numériques".Quand il s’agit de s’interroger sur l’échec patent du numérique et les retards accumulés, on avance souvent trois raisons :
l’absence de matériel ;
l’absence de ressources ;
l’absence de formation.
Je ne vais pas m’attarder aujourd’hui à expliquer ici pourquoi les deux premiers points sont faux pour l’essentiel, différemment l’un de l’autre d’ailleurs.
Parce qu'ils en voient moyennement l'utilité ?Mais l’enjeu majeur est, sans aucun doute, de réussir la formation au numérique.
Les professeurs sont, selon l’enquête Profetic, 97 % à penser que le numérique est un facteur d’amélioration de leur enseignement. Pourquoi n’utilisent-ils pas alors plus souvent les outils ou démarches numériques en classe ?
Heu...La formation des professeurs est-elle insuffisante ?
Ces derniers constituent un des groupes socio-professionnels les plus outillés, à domicile, en matériel numérique et les plus avertis sur leurs usages. Leurs pratiques personnelles sont variées et souvent excellentes. Ils sont très nombreux à préparer leurs cours en utilisant des outils numériques et Internet. Ils savent se servir des sites professionnels d’échange et d’entraide et utilisent les moteurs de recherche et Wikipédia plus et mieux que leurs élèves.
Elle a pourtant bien changé et impose une certification C2i2e.La formation initiale qui a été fournie, depuis des années, aux jeunes professeurs est très insuffisante de ce point de vue.
Des contraintes futiles et sans intérêt...Il suffit de demander à ceux d’entre eux qui entraient dans le métier pour en être convaincus. Pressés par les programmes et les contingences pédagogiques générales, coincés dans les carcans disciplinaires...
Si Michel Guillou reconnaît lui-même que cette validation est d'un ridicule achevé, à l'image du B2i pour les élèves... Un bon exemple du décalage entre l’Éducation Nationale et les pratiques des jeunes qui les font bien rire....les formateurs universitaires n’ont que très rarement abordé l’intégration du numérique en classe, reproduisant en cela la formation qu’il avaient eux-mêmes subie quelques années auparavant. Pire, ils ont validé à la volée de supposées compétences acquises à travers la délivrance complaisante d’un C2i bâclé !
C'est vrai que compte tenu des problèmes actuels de l'école ces formations doivent être prioritaires.La formation académique continue qui leur a été proposée ensuite a manqué, ces dernières années, à la fois de bras et de moyens financiers et d’adéquation aux besoins. Si la situation est très différente d’une académie à l’autre du point de vue des moyens engagés pour accompagner l’effort des collectivités à déployer du matériel, il est possible pourtant d’observer des constantes :
une formation transversale à l’usage des outils trop technique et pas assez pédagogique (il est vrai que la tâche n’est guère aisée quand il s’agit de transversal) ;
une formation disciplinaire dépassée par les enjeux, conduite par des formateurs exclusivement technophiles (j’avais déjà évoqué le clientélisme de ces stages et la fascination pour la technique dans ce billet) ;
La formation en ligne, nouveau modèle, qu'il faudrait d'ailleurs appliquer aux élèves.une absence quasi généralisée de massification de la formation en ligne, pourtant la seule à même de répondre à la demande (les raisons sont très nombreuses qui vont de la rigidité de la tutelle d’encadrement à l’absence d’expérience de certains formateurs académiques).
Parce qu'il ne sert pas à grand chose.Je reviens donc à ma question initiale : pourquoi ces professeurs, si mal et peu formés mais pourtant si bien avertis, n’intègrent-ils pas plus le numérique dans leur enseignement ?
Ce n'est plus la même question...Qui peut les y inciter ?
Quel rapport avec l'utilité de l'intégration du numérique dans l'enseignement ?Sans doute, les premiers à le faire sont leurs propres élèves qui les incitent à utiliser les téléphones, à écrire en ligne, à utiliser Wikipédia, à publier… Il n’est pas un projet de conseil de la vie lycéenne, par exemple, qui n’intègre un volet numérique. Les collègues peuvent être aussi un fort levier d’encouragement aux usages numériques dans le cadre de projets collaboratifs ou simplement collectifs. Les parents, parfois, peuvent être aussi porteurs d’innovation numérique partagée.
A vrai dire ils le constatent et moi avec. J'ai beaucoup d'exemples à donner à ce sujet.De manière assez générale, les chefs d’établissement ont eux, par rapport au numérique, une attitude plutôt neutre. Plongés dans les contingences d’une informatique administrative sclérosante, ils sont nombreux à penser que le numérique pose plus de problèmes qu’il n’en résout.
C'est exactement ça : le "facteur valorisant", la vitrine... Il est plus facile de montrer un classe avec des tablettes qu'un bon cours.Mais, conscients du facteur innovant et valorisant du numérique pédagogique, ils se laissent aller parfois à accompagner voir favoriser l’émergence des projets.
Mais en général l'équipement numérique ne procède pas d'une demande des enseignants : il est imposé par le haut, la direction ou le Conseil général ou régional, sans lien aucun avec les besoins des enseignants. Un magnifique gâchis dont les collectivités locales commencent à prendre conscience.
Bref, ce qui fait l'échec de l'intégration du numérique à l'école, son imposition aux enseignants, M. Guillou veut le voir renforcé. Le numérique doit devenir obligatoire.Où sont alors les freins ?
Là encore, je ne fais que répéter et préciser des observations déjà faites par d’autres et des arguments avancés dans certains de mes billets ici-même. Les principales causes de l’échec du numérique pédagogique sont, à mon avis, à chercher du côté de l’encadrement, non seulement frileux et désengagé mais aussi souvent franchement hostile ou réfractaire. Sans impulsion de la hiérarchie, sans incitation ou encouragement à avancer, pourquoi se risquer ?
Il faut récompenser les professeurs innovants qui créent des projets extraordinaires comme acheter des tablettes ou ouvrir des comptes Twitter pour leur classe.Tant que faire une leçon avec des tablettes numériques ou un tableau interactif sera mal vu en inspection, on ne risque pas d’avancer.
Pourtant le Ministre ne s'est-il pas invité au Forum des enseignants innovants l'an passé ?Je tiens à la disposition de ceux qui croient que j’exagère ou caricature les témoignages de collègues à qui c’est arrivé.
Il faut virer tous ces rétrogrades !Les exemples sont foison d’inspecteurs du second degré qui freinent des quatre fers pour intégrer la compétence 4, la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication, comme d’autres compétences transversales d’ailleurs, aux enseignements disciplinaires du collège, qui tardent aussi à mettre en place les dispositifs de formation en ligne des nouveaux et jeunes professeurs, leur préférant des réunions en grands groupes inutiles et ennuyeuses, qui s’avèrent incapables enfin d’animer en ligne un groupe d’enseignants comme une réflexion sur le sujet du numérique.
Ah... la "stratégie numérique globale" de Vincent Peillon, ce n'est pas une "politique numérique institutionnelle volontariste" ?À la décharge des corps d’inspection, il est vrai qu’ils n’ont jamais reçu eux-mêmes des injonctions à mettre en œuvre une quelconque politique numérique institutionnelle volontariste.
Pour être formé par un Michel Guillou, non merci...De même, ils n’ont que rarement, et encore cela concernait-il peu d’entre eux, pu être conviés à des moments de formation initiale ou continue sur le thème du numérique, à l’ESEN ou en académie.
Si l'"acte pédagogique traditionnel" (quel mépris pour la tradition scolaire de nos prédécesseurs à l'école) est plus efficace, qui les en blâmerait ?Pourquoi les professeurs feraient-ils des efforts si personne, du haut en bas de la hiérarchie, ne les incite à les faire ? Pourquoi innoveraient-ils quand se conformer à l’acte pédagogique traditionnel est toujours valorisé ?
Le numérique doit rentrer dans l'école à la schlag. Quant à la liberté pédagogique, Michel Guillou s'assoit dessus.Il va de soi que ce que je décris là souffre de nombreuses exceptions. Mais justement, ce sont des exceptions…
La priorité est donc, dans un premier temps, à la formation massive et systématique de l’encadrement, à tous les niveaux, des formateurs des masters universitaires, des chefs d’établissement et des inspecteurs du premier degré à l’inspection générale.
Même s'il n'a rien à apporter à une discipline, à part une dévastation comme en lettres...Le numérique doit être, comme il l’est déjà dans de nombreux pays du nord de l’Europe, une constante de l’acte pédagogique, toutes disciplines confondues.
Des gens prêts à occuper toutes les responsabilités qu'il faudra.Il y a maintenant, en France, dans les académies et les Universités, suffisamment d’experts et de spécialistes de l’enseignement, de la formation, de l’accompagnement et de l’animation d’apprenants en ligne — je peux donner des noms, si besoin — pour prendre en charge la responsabilité partagée d’une plateforme complète, de répondre au cahier des charges de la formation en scénarisant des parcours adaptés, des premiers pas à l’évaluation.
La notion de "connaissances" étant dépassée.Et puis il faut aussi diversifier et élargir l’offre de formation et former de nouveaux tuteurs…
Peut-être convient-il alors d’alterner les moments de formation théorique en ligne et les séances en présence d’un formateur, où il est possible de faire des exercices pratiques. Peut-être convient-il aussi, dans ces parcours, d’encourager les apprenants à la co-production et à la co-construction des savoirs à partager… Mais il convient assurément de travailler davantage au changement des attitudes et des postures qu’à l’acquisition de connaissances.
... que préconise pourtant Michel Guillou, qui n'est pas à une contradiction près.Pour l’encadrement, l’enjeu est de taille : changer complètement les vieilles méthodes de pilotage vertical...
Quel révolutionnaire visionnaire, ce M. Guillou. Le Copernic des TIC....acquérir des compétences d’animateur de communauté en ligne, impulser l’innovation pédagogique, modifier profondément les méthodes d’évaluation.
Ben voyons. La déconnexion de la réalité joue des tours à M. Guillou.Pour tous et pour les enseignants en particulier, il s’agit de même de comprendre que le maître n’est plus le seul possesseur du savoir...
Voire en dessous.... que sa posture frontale a vécu, que sa place est maintenant aux côtés de l’élève...
Un grand progrès social, donc....pendant et hors le temps scolaire
Rare grâce aux écrans... qu'il faudrait donc multiplier à l'école....que l’attention de l’élève est devenue une denrée rare qu’il faut préserver.
M. Guillou regarde trop, de films de science-fiction.Il s’agit aussi de comprendre que la reproduction, génération après génération, des actes et postures d’enseignement traditionnels n’a plus cours...
On peut très bien enseigner sans numérique à l'époque du numérique.... que l’obligation d’innover et le changement sont consubstantiels d’une pédagogie moderne, en adéquation avec son temps.
Voilà le nouveau mérite professionnel, vu par M. Guillou, qui jamais dans sa tribune, n'évoque les difficultés concrètes des élèves, comme le quasi-illettrisme de certains d'entre eux en fin de scolarité obligatoire .Enfin, et ce n’est pas le plus simple, il convient de répondre à ces enjeux formidables en valorisant l’engagement dans la formation, tant pour l’encadrement pédagogique que pour les professeurs, de la manière qui conviendra au ministre.
A la schlag, on vous dit. En parlant de mon expérience, M. Guillou parlait de "saloperie réactionnaire".Mais, là encore, l’incitation doit être très forte. Il n’est pas possible de laisser de côté des personnels de l’administration, des inspecteurs, des professeurs réactionnaires ou simplement peu enthousiastes.
Sans savoir où, mais peu importe.De même — j’ai déjà évoqué cet aspect dans ce billet — il paraît possible de labelliser les écoles, collèges ou lycées vertueux et de modéliser et encourager ainsi les bonnes pratiques.
L’engagement de l’institution scolaire doit ainsi être complet et ne peut souffrir un quelconque retard. Avançons !
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