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L'école doit mettre à profit "le temps de cerveau disponible" des élèves (EducaVox)
- Loys
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Quelle bonne idée a eu Michel Guillou ! Quand on pense à tous ces enseignants qui perpétuent une pédagogie de l'inattention !Pour une pédagogie de l’attention
Contresens... La télévision n'a pas une dimension "essentiellement divertissante", mais fondamentalement commerciale, le divertissement n'étant qu'un moyen d'atteindre une fin publicitaire.« Or pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible. »
Rappelez-vous, c’est ainsi que s’exprimait Patrick Le Lay, alors PDG de TF1, en juillet 2004. Ces propos, qui semblaient polémiques à l’époque — Patrick Le Lay s’en est même excusé quelques jours plus tard — paraissent aujourd’hui bien fades et peu provocateurs. Tout le monde a aujourd’hui intégré peu ou prou la dimension essentiellement divertissante de la télévision, soumise, même sur le service public, à la seule loi de l’Audimat.
Et on voit très bien où veut en venir Michel Guillou.
Avec 2h16 par jour, en augmentation sur cinq ans (source : Médiamétrie ), elle est visionné autant qu'Internet. Les nouveaux écrans n'ont pas remplacé l'ancien, mais se sont ajoutés à lui. Donc elle ne vieillit pas si mal...Cette télévision vieillit bien mal. Elle n’est plus, chez les jeunes et les jeunes adultes, le premier écran.
Non, il s'est ajouté.Internet a pris la relève...
...via les ordinateurs, les tablettes ou les « smartphones », offrant la possibilité de consommer, d’accéder à des services, de jouer et de se divertir aussi, d’exercer sa citoyenneté numérique...
L'heureux néologisme que voilà....son droit à l’expression, d’accéder enfin à des savoirs encyclopédiques infobèses.
C'est vrai que le savoir encyclopédique dans un CDI, c'est vraiment borné.D’un espace essentiellement limité, borné, clos, sur les médias traditionnels, on est vite passé sur Internet et les réseaux à un espace informationnel illimité et souvent illisible voire indéchiffrable.
Ah bon... Le divertissement change de support mais le principe reste le même, me semble-t-il. On pourrait même qu'avec les réseaux sociaux on atteint une forme d'aboutissement commercial.Les préoccupations mercantiles de Patrick Le Lay, qui visaient à divertir et donc rendre disponible le cerveau du téléspectateur, afin de disposer, au moment des espaces publicitaires, de la complète attention de ce dernier, paraissent aujourd’hui, neuf ans plus tard, bien dépassées.
Voilà...Le citoyen numérique, par ailleurs fort préoccupé par ses problèmes personnels, familiaux, professionnels, est aujourd’hui pourtant au centre de l’intérêt — la cible ? — des marchands du temple Internet, qui cherchent à obtenir de lui du temps, de l’attention, de la disponibilité.
Je ne vois pas la différence : quand on parle de l'internaute, on parle bien évidemment de son attention, pas de sa personne physique.Vous connaissez la sentence fameuse qui fait de l’internaute le produit quand il ne sait pas exactement quel service on lui offre (voir cet article, par exemple). De fait, et c’est une théorie complète appelée économie de l’attention qui nous l’apprend, c’est moins l’internaute soi-même le produit que l’attention, denrée rare s’il en est — rappelez-vous, ce qui est rare est cher ! —, qu’il peut rendre disponible, en temps comme en concentration, au moment où on le lui demande.
Quel génie de la pédagogie, ce Michel Guillou : l'école doit suivre les pas de Patrick Le Lay !« Rien n’est plus difficile que d’obtenir cette disponibilité. C’est là que se trouve le changement permanent. »
C’est ce qu’ajoutait Patrick Le Lay après les premiers propos cités plus haut.
Et cet enjeu de la nécessité du changement permanent, pour s’adapter à ce monde numérique, est devenu aussi celui de l’école, confrontée comme d’habitude, mais toujours avec un peu de retard, aux mêmes problèmes que les médias.
Tout dans la finesse, avec Michel Guillou. A vrai dire, les jeunes ne sont jamais les mêmes, par définition. Il suffit d'enseigner pour s'en rendre compte, et c'est peut-être ce qui manque à certains techno-pédagogues inspirés et visionnaires.« Ne dirait-on pas que les jeunes, nos enfants, les élèves, ne sont plus vraiment les mêmes ? » demandais-je encore récemment, de manière ironique bien sûr.
Notez la comparaison qui fait des élèves des Obélix du numérique, conçu comme une potion magique. Notez aussi que les élèves sont déjà des "citoyens" par la vertu du numérique.Même s’il s’agit de préoccupations plus pédagogiques qu’économiques, l’école a aussi nécessité à s’adapter à ces élèves, jeunes citoyens tombés tout petits dans la marmite du numérique.
On comprend mal la transition qui semble si évidente entre "préoccupations pédagogiques" et "économiques". L'école se définit pas les buts qu'elle s'assigne : "s'adapter aux élèves" signifie de renoncer à ses buts. Par exemple, la lecture des œuvres littéraires demande une concentration profonde : faut-il renoncer à faire accéder les élèves à notre patrimoine littéraire sous prétexte que les élèves ne sont plus capables de fournir cette concentration ? L'école n'est-elle pas le dernier rempart contre cet effondrement précisément de l'attention ? "Économie de l'attention" est peut-être à comprendre autrement...
La question pourrait se poser autrement : plutôt que d'accepter comme un état de fait - qui serait un progrès technologique et humain - une "faible disponibilité" et une "attention réduite" ne faut-il pas questionner la place des écrans dans la vie des enfants ?Une nouvelle question pourrait être alors posée : comment adapter la pédagogie à la faible disponibilité et à l’attention réduite et si rare de ces élèves-là, saturés d’information et de connaissances, objets d’une permanente sollicitation sociale, confrontés trop souvent en classe à un ennui profond ?
Les élèves ayant plié devant l'écran, l'école doit à son tour le faire. Radieuse perspective.D’aucuns prétendront que l’école, du haut de sa magnificence, n’a pas à s’adapter et que les élèves doivent se plier à sa loi.
Tous ces enseignants qui enseignent comme des "maîtres" font plus de mal que de bien... Admiez la distribution de bons points par cette personnalité qualifiée qu'est Michel Guillou, consultant du numérique à l'école.Pourtant, partout, se lèvent des voix intelligentes et concernées, qui pour dénoncer l’inutilité voire la nocivité du cours magistral...
Bref, les nouvelles technologies à la rescousse des (pas si) nouvelles pédagogies....qui pour promouvoir — enfin ? — une pédagogie de l’éveil, de l’expérience et de l’activité, qui encore pour proposer d’inverser la classe.
Dans un but mercantile recherchant l'absence d'esprit critique et la dépendance...Ne convient-il pas pour l’école et ses maîtres, comme les médias ont trouvé nécessaire de le faire...
Des propos bien vagues : voilà qui manque singulièrement de concret....de s’accorder sur des références communes, de trouver des repères, de personnaliser et différencier les démarches d’apprentissage ?
Ben voyons.Si, dans ce monde numérique, il est possible d’être soi-même média, ne faut-il pas s’interroger sur la possibilité offerte à chacun, maître comme élève, eh oui !, de devenir aussi soi-même médiateur de la connaissance donc enseignant ?
Rien de plus facile que de réguler les usages numériques des élèves, en effet.Le maître ne doit-il pas alors s’imposer comme le régulateur pertinent d’une désintermédiation débridée et anarchique ?
La théorie de l'évolution s'applique aussi à l'enseignant.De traditionnel instructeur et simple transmetteur de savoirs, savoir-faire et savoir-être, et de connaissances, le maître ne doit-il pas aussi évoluer, comme je l’ai déjà proposé dans ce billet, en super-médiateur, en catalyseur, en exhausteur, en augmenteur de savoirs ?
J'aimerais bien savoir quelle est ma différence entre un transmetteur et un médiateur. Et ce qu'entend Michel Guillou par ces néologismes qu'il semble particulièrement affectionner : "exhausteur", "augmenteur de savoirs".
On aimerait bien comprendre en quoi les jeunes seraient différents des adultes qui se sont approprié le numérique. Et si le "multi tasking" (quelle élégante expression pour désigner l'activité de l'esprit humain) est si efficace, pourquoi les élèves éprouvent beaucoup plus de difficultés à acquérir des savoirs fondamentaux, comme savoir lire ou s'exprimer à l'écrit.« Le temps de cerveau disponible est plus vaste chez les jeunes. Le “multi-tasking” est possible » disait Didier Quillot, président du directoire chez Lagardère en novembre 2007.
Devinez.Faut-il s’en inquiéter ou s’en réjouir ? D’après vous ?
En tout cas je remercie chaleureusement Michel Guillou : jamais je n'aurais cru lire un jour sous la plume d'un pédagogue revendiqué un éloge du cynisme de Patrick Le Lay.
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