L'école doit mettre à profit "le temps de cerveau disponible" des élèves (EducaVox)

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17 Avr 2013 12:00 #5222 par Loys
A lire sur "EducaVox" du 17/04/13 : "Pour une pédagogie de l’attention" de l'inénarrable Michel Guillou


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17 Avr 2013 14:01 #5229 par Loys

Pour une pédagogie de l’attention

Quelle bonne idée a eu Michel Guillou ! Quand on pense à tous ces enseignants qui perpétuent une pédagogie de l'inattention ! :cheers:

« Or pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible. »

Rappelez-vous, c’est ainsi que s’exprimait Patrick Le Lay, alors PDG de TF1, en juillet 2004. Ces propos, qui semblaient polémiques à l’époque — Patrick Le Lay s’en est même excusé quelques jours plus tard — paraissent aujourd’hui bien fades et peu provocateurs. Tout le monde a aujourd’hui intégré peu ou prou la dimension essentiellement divertissante de la télévision, soumise, même sur le service public, à la seule loi de l’Audimat.

Contresens... :roll: La télévision n'a pas une dimension "essentiellement divertissante", mais fondamentalement commerciale, le divertissement n'étant qu'un moyen d'atteindre une fin publicitaire.

Et on voit très bien où veut en venir Michel Guillou. :devil:

Cette télévision vieillit bien mal. Elle n’est plus, chez les jeunes et les jeunes adultes, le premier écran.

Avec 2h16 par jour, en augmentation sur cinq ans (source : Médiamétrie ), elle est visionné autant qu'Internet. Les nouveaux écrans n'ont pas remplacé l'ancien, mais se sont ajoutés à lui. Donc elle ne vieillit pas si mal...

Internet a pris la relève...

Non, il s'est ajouté.

...via les ordinateurs, les tablettes ou les « smartphones », offrant la possibilité de consommer, d’accéder à des services, de jouer et de se divertir aussi, d’exercer sa citoyenneté numérique...

:transpi:

...son droit à l’expression, d’accéder enfin à des savoirs encyclopédiques infobèses.

L'heureux néologisme que voilà.

D’un espace essentiellement limité, borné, clos, sur les médias traditionnels, on est vite passé sur Internet et les réseaux à un espace informationnel illimité et souvent illisible voire indéchiffrable.

C'est vrai que le savoir encyclopédique dans un CDI, c'est vraiment borné.

Les préoccupations mercantiles de Patrick Le Lay, qui visaient à divertir et donc rendre disponible le cerveau du téléspectateur, afin de disposer, au moment des espaces publicitaires, de la complète attention de ce dernier, paraissent aujourd’hui, neuf ans plus tard, bien dépassées.

Ah bon... Le divertissement change de support mais le principe reste le même, me semble-t-il. On pourrait même qu'avec les réseaux sociaux on atteint une forme d'aboutissement commercial.

Le citoyen numérique, par ailleurs fort préoccupé par ses problèmes personnels, familiaux, professionnels, est aujourd’hui pourtant au centre de l’intérêt — la cible ? — des marchands du temple Internet, qui cherchent à obtenir de lui du temps, de l’attention, de la disponibilité.

Voilà...

Vous connaissez la sentence fameuse qui fait de l’internaute le produit quand il ne sait pas exactement quel service on lui offre (voir cet article, par exemple). De fait, et c’est une théorie complète appelée économie de l’attention qui nous l’apprend, c’est moins l’internaute soi-même le produit que l’attention, denrée rare s’il en est — rappelez-vous, ce qui est rare est cher ! —, qu’il peut rendre disponible, en temps comme en concentration, au moment où on le lui demande.

Je ne vois pas la différence : quand on parle de l'internaute, on parle bien évidemment de son attention, pas de sa personne physique. :scratch:

« Rien n’est plus difficile que d’obtenir cette disponibilité. C’est là que se trouve le changement permanent. »

C’est ce qu’ajoutait Patrick Le Lay après les premiers propos cités plus haut.

Et cet enjeu de la nécessité du changement permanent, pour s’adapter à ce monde numérique, est devenu aussi celui de l’école, confrontée comme d’habitude, mais toujours avec un peu de retard, aux mêmes problèmes que les médias.

Quel génie de la pédagogie, ce Michel Guillou : l'école doit suivre les pas de Patrick Le Lay ! :cheers:

« Ne dirait-on pas que les jeunes, nos enfants, les élèves, ne sont plus vraiment les mêmes ? » demandais-je encore récemment, de manière ironique bien sûr.

Tout dans la finesse, avec Michel Guillou. A vrai dire, les jeunes ne sont jamais les mêmes, par définition. Il suffit d'enseigner pour s'en rendre compte, et c'est peut-être ce qui manque à certains techno-pédagogues inspirés et visionnaires.

Même s’il s’agit de préoccupations plus pédagogiques qu’économiques, l’école a aussi nécessité à s’adapter à ces élèves, jeunes citoyens tombés tout petits dans la marmite du numérique.

Notez la comparaison qui fait des élèves des Obélix du numérique, conçu comme une potion magique. Notez aussi que les élèves sont déjà des "citoyens" par la vertu du numérique.

On comprend mal la transition qui semble si évidente entre "préoccupations pédagogiques" et "économiques". L'école se définit pas les buts qu'elle s'assigne : "s'adapter aux élèves" signifie de renoncer à ses buts. Par exemple, la lecture des œuvres littéraires demande une concentration profonde : faut-il renoncer à faire accéder les élèves à notre patrimoine littéraire sous prétexte que les élèves ne sont plus capables de fournir cette concentration ? L'école n'est-elle pas le dernier rempart contre cet effondrement précisément de l'attention ? "Économie de l'attention" est peut-être à comprendre autrement... :devil:

Une nouvelle question pourrait être alors posée : comment adapter la pédagogie à la faible disponibilité et à l’attention réduite et si rare de ces élèves-là, saturés d’information et de connaissances, objets d’une permanente sollicitation sociale, confrontés trop souvent en classe à un ennui profond ?

La question pourrait se poser autrement : plutôt que d'accepter comme un état de fait - qui serait un progrès technologique et humain - une "faible disponibilité" et une "attention réduite" ne faut-il pas questionner la place des écrans dans la vie des enfants ?

D’aucuns prétendront que l’école, du haut de sa magnificence, n’a pas à s’adapter et que les élèves doivent se plier à sa loi.

Les élèves ayant plié devant l'écran, l'école doit à son tour le faire. Radieuse perspective. :santa:

Pourtant, partout, se lèvent des voix intelligentes et concernées, qui pour dénoncer l’inutilité voire la nocivité du cours magistral...

Tous ces enseignants qui enseignent comme des "maîtres" font plus de mal que de bien... Admiez la distribution de bons points par cette personnalité qualifiée qu'est Michel Guillou, consultant du numérique à l'école.

...qui pour promouvoir — enfin ? — une pédagogie de l’éveil, de l’expérience et de l’activité, qui encore pour proposer d’inverser la classe.

Bref, les nouvelles technologies à la rescousse des (pas si) nouvelles pédagogies.

Ne convient-il pas pour l’école et ses maîtres, comme les médias ont trouvé nécessaire de le faire...

Dans un but mercantile recherchant l'absence d'esprit critique et la dépendance...

...de s’accorder sur des références communes, de trouver des repères, de personnaliser et différencier les démarches d’apprentissage ?

Des propos bien vagues : voilà qui manque singulièrement de concret.

Si, dans ce monde numérique, il est possible d’être soi-même média, ne faut-il pas s’interroger sur la possibilité offerte à chacun, maître comme élève, eh oui !, de devenir aussi soi-même médiateur de la connaissance donc enseignant ?

Ben voyons.

Le maître ne doit-il pas alors s’imposer comme le régulateur pertinent d’une désintermédiation débridée et anarchique ?

Rien de plus facile que de réguler les usages numériques des élèves, en effet. :mrgreen:

De traditionnel instructeur et simple transmetteur de savoirs, savoir-faire et savoir-être, et de connaissances, le maître ne doit-il pas aussi évoluer, comme je l’ai déjà proposé dans ce billet, en super-médiateur, en catalyseur, en exhausteur, en augmenteur de savoirs ?

La théorie de l'évolution s'applique aussi à l'enseignant. :doc:

J'aimerais bien savoir quelle est ma différence entre un transmetteur et un médiateur. Et ce qu'entend Michel Guillou par ces néologismes qu'il semble particulièrement affectionner : "exhausteur", "augmenteur de savoirs". :scratch:

« Le temps de cerveau disponible est plus vaste chez les jeunes. Le “multi-tasking” est possible » disait Didier Quillot, président du directoire chez Lagardère en novembre 2007.

On aimerait bien comprendre en quoi les jeunes seraient différents des adultes qui se sont approprié le numérique. Et si le "multi tasking" (quelle élégante expression pour désigner l'activité de l'esprit humain) est si efficace, pourquoi les élèves éprouvent beaucoup plus de difficultés à acquérir des savoirs fondamentaux, comme savoir lire ou s'exprimer à l'écrit.

Faut-il s’en inquiéter ou s’en réjouir ? D’après vous ?

Devinez.

En tout cas je remercie chaleureusement Michel Guillou : jamais je n'aurais cru lire un jour sous la plume d'un pédagogue revendiqué un éloge du cynisme de Patrick Le Lay.

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