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"Remettre en perspective les TIC en éducation avec Jacques Ellul" (Bruno Devauchelle)
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Outre Jacques Ellul, la lecture des ouvrages de son contemporain Jean Chesneaux (De la modernité et Modernité-Monde) vaut le détour.Jacques Ellul écrit: Tout bien pesé, l'informatique est bien un gadget, dont l'utilité vraie est infiniment moindre que le bluff du discours technologique ne le laisse entendre. Mais qui peut parfaitement, en n'étant qu'un gadget, bouleverser le monde et l'homme, dans la direction du non-sens.
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Jacques Ellul écrit: Des spécialistes critiques dans une revue (Terminal, octobre 1983) ont pu dire : "L'informatique est un domaine où l'erreur est la règle, où les erreurs de programme occupent l'essentiel du temps des programmeurs." Par conséquent il faut crier "non", à la face des pontifes très sérieux qui annoncent que "l'ordinateur est infaillible" ! Quand on pense que des centaines de très grandes entreprises, dont dépend la vie concrète des gens (banque, police), sont à la merci de cette fragilité et de cette vulnérabilité, on est très anxieux de ce qui peut survenir.
En particulier, j'ai trouvé confirmation [...] d'un article que j'avais lu dans La Recherche, exposant un cas dont personne ne parle jamais : une explosion nucléaire , de moyenne puissance, et à très haute altitude (500 km) ne ferait aucun dégât matériel, aucune victime, ne serait pas humainement discernable, développerait une "impulsion électromagnétique" (I.E.M.). Cette explosion pourrait produire une panne électrique à l'échelle du continent, détruirait tous les réseaux de transmission (téléphone, radio, tout ce qui est électronique) et ferait sauter tous les composants des ordinateurs, les circuits et les câbles. Le pays, ou le continent, serait totalement réduit à l'impuissance (y compris militaire). Plus besoin de guerre pour conquérir ! Particulièrement important quand on sait que tout dans l'armée est maintenant informatisé. [...]
Pour terminer, nous nous livrerons à quelques réflexions plus générales. La première, c'est que tout cet ensemble, macro, mini, micro-informatique, conduit à une société plus vulnérable. Extension des risques vers le grand public et la vie quotidienne, vulnérabilité de tout le commerce financier, vulnérabilité à une grève d'un tout petit nombre de personnes, risque de contrôle social accru et nivellement des comportements. "Pour être acceptables par les machines électroniques, par les calculateurs numériques, les modèles de comportement humain doivent être réductionnistes. Les schémas d'analyse, les données sur les hommes et les choses doivent entrer dans des classes simples, facilement exprimables, facilement comparables" (J.-P. Chamoux, Menaces sur l'ordinateur, Le Seuil, 1986). C'est la contrepartie dont on ne parle jamais, de la fameuse "convivialité" (!) de l'ordinateur , tellement discret, tellement naturel !
En réalité, le gain d'efficacité se paie d'une part en risque d'asservissement, d'autre part en vulnérabilité déjà actuelle. Mais passons à un autre ordre de réflexions, apparemment plus sophistiquées ! J. Neyrinck (Le Huitième Jour de la Création, Introduction à l'entropologie, Presses polytechniques et universitaires romandes, 1986) a fait remarquer que l'informatique remplit toutes les conditions d'un culte initiatique. Elle a par ailleurs toutes les qualités. Elle est propre. Elle consomme peu d'énergie. Elle traite d'une substance immatérielle – l'information – dont on a de plus en plus besoin dans notre société. Et, pour le public, elle est infiniment mystérieuse, et correspond à une "vieille hantise de l'humanité", la construction de l'automate qui imiterait l'homme parfaitement... Et Neyrinck, ayant constaté cette motivation essentielle de la passion pour l'ordinateur, pose quand même la question : "A quoi ça sert vraiment, en définitive ?" Est-ce que la vie de l'individu a été améliorée ? Est-ce que la diffusion de l'ordinateur personnel ou domestique rencontre un véritable besoin ? Ou bien est-ce une solution, fabrication massive de microprocesseurs très bon marché, qui cherche encore quel problème il y a à résoudre ! La robotique soulage-t-elle vraiment les travailleurs de tâches répétitives ? En principe, oui ! En pratique, non ! [...] Et après avoir rappelé la marche inévitable vers la centralisation, il conclut que le danger le plus grave de l'informatique est de nature idéologique : moins elle est compréhensible, plus elle donne lieu à des gloses démesurées. [...]
Je conclurai ces réflexions générales par trois citations qui sont intéressantes dans la mesure où elles n'émanent pas d'adversaires de l'informatisation, au contraire !
Tout d'abord, je reprends le terme essentiel de Neyrinck : l'invention de l'inutile. Par rapport à la gigantesque organisation économique, aux milliards engagés, à la mobilisation politique et idéologique, à la prolifération de l'appareillage, aux discours enflammés sur la société de demain, etc... il s'agit de quoi ? De créer et diffuser des informations sont 9 999 sur 10 000 sont totalement inutiles. Neyrinck qualifie cette révolution technique d'invention de l'inutile. Cette révolution technique ne s'accomplit sous l'impulsion ni d'une nécessité immédiate ni d'un besoin explicite, mais de processus automatique de croissance technicienne dans le vécu, et de l'idéologie qualifiée par Neyrinck d'illusion technique, venant combler les attentes insatisfaites par les promesses de la société d'abondance. Faute d'abondance de nourriture, on aura la surabondance de la nourriture creuse de l'information.
Le second texte est de B. Lussato, l'apôtre du "Petit Chaudron" (la micro-informatique) en qui il voit tous les saluts possibles. "Et pourtant je suis inquiet devant le développement vertigineux de l'informatique (...) J'ignore si ce développement sera bénéfique ou maléfique. Et je vois bien le risque d'une croissance sans contrôle (...) plus les communications se répandront, et plus les gens voudront communiquer. Et plus ils voudront communiquer, plus on mettra en place des systèmes pour qu'ils communiquent. Et moins ils pourront se passer de la communication. Il y aura accoutumance, comme pour une drogue. La télématique associe la communication et l'informatique : ce mariage produit un effet multiplicateur dont l'effet nous échappe."
Enfin, le troisième texte est issu d'une revue de télématique (Terminal, 1984) : "Demain, Monsieur Tout-le-Monde, équipé de sa carte à mémoire, pourra l'alimenter sur son distributeur C.C.P., la brancher sur sa télé pour recevoir "Info-Mairie", puis sur son téléphone pour appeler sa tante à New York, puis à nouveau sur sa télé pour recevoir les pages météo d'Antiope, et si les prévisions son bonnes pour le week-end, il pourra avec elle réserver et payer sa place de train... A la maison, il pourra consulter le journal télématique, aider ses enfants à programmer leurs jeux électroniques. Il en profitera, s'il reste du temps, pour se brancher sur son terminal, sa carte lui servant d'identifieur, pour faire quelques heures de travail à domicile (...) Que seront l'univers et la psychologie de gens qui travailleront, communiqueront, consommeront, se distrairont et s'éduqueront de la naissance à la mort par le moyen d'un écran ?"[/b]
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Dans le Système technicien (1977), Ellul montre bien que l'informatique constitue une étape importante dans la constitution du système technicien puisque cette technique a pour spécificité de relier et d'unifier l'ensemble ou presque des autres techniques.Jacques Ellul écrit: Tout bien pesé, l'informatique est bien un gadget, dont l'utilité vraie est infiniment moindre que le bluff du discours technologique ne le laisse entendre. Mais qui peut parfaitement, en n'étant qu'un gadget, bouleverser le monde et l'homme, dans la direction du non-sens.
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- Loys
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La notion d'invention de l'inutile porte à réflexion.
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